Le procès de Silivri, où sont jugés 205 membres présumés du KCK, se poursuit jusqu’au 13 juillet. Déclenchée en 2009, avec l’arrestation de plusieurs dizaines de maires et d’élus BDP, la série d’arrestations, trois ans plus tard, n’en finit plus. Chaque semaine, il y a de nouvelles descentes de police, arrestations, mises en examen. Plus de 8.000 ont été arrêtées depuis le début de l’enquête, environ 2.000 seraient actuellement détenus.

Tout a commencé après la victoire électorale du BDP aux municipales de 2009, et donc l’échec de l’AKP qui espérait conquérir les grandes villes du Kurdistan. La suite fut une longue série de mises sous les verrous: des maires, des fonctionnaires municipaux, des membres d’associations, des journalistes, des syndicalistes, etc. L’assimilation du mouvement politique kurde au terrorisme ne date pas d’hier en Turquie. Mais l’arrestation de deux figures du monde intellectuel, Ragip Zarakolu et Büsra Ersanli respectés au-delà du mouvement kurde a soulevé une vague de réprobation nationale et internationale que n’avaient pas réussi à susciter les milliers d’autres détenus avant eux.

Juridiquement, l’affaire KCK tombe sous le coup de la loi antiterroriste, modifiée et élargie en 2006. Les tribunaux compétents pour les juger sont des juridictions d’exception. Ces cours spéciales ont succédé aux Cour de sûreté de l’Etat héritées de la dictature militaire. Limitant les droits de la défense, sérieusement critiquées par les institutions européennes, leur légitimité est remise en question. Un vif débat a vu le jour, au sein même du parti au pouvoir, l’AKP. Le premier ministre, qui s’était prononcé pour une réforme de ces cours, a été, une fois n’est pas coutume, désavoué par une partie des députés de l’AKP, souhaitant, eux, leur maintien. Dans la nuit de dimanche à lundi, quelques heures avant l’ouverture du procès KCK, l’AKP faisait voter au Parlement une loi pour les abolir. Tout en précisant que la réforme ne concernerait pas les procès en cours et qu’elles seraient remplacées par des cours criminelles régionales.