Ce jeudi matin, la police turque a effectué une descente dans plusieurs domiciles de la ville de Karliova, dans la province de Bingol (est de la Turquie). Le maire de la ville, du parti kurde BDP (Peace and Democracy Party) a été placé en détention, tout comme un membre du conseil municipal et un dirigeant local du parti. Ces arrestations portent à 31 le nombre de maires BDP actuellement incarcérés. Des mandats d’arrêts ont également été lancés contre deux autres maires. Près de 7000 membres actifs du BDP sont aujourd’hui en prison dans le cadre de l’affaire KCK (Kurdistan Communities Union – accusée d’être la branche urbaine du PKK) lancée en avril 2009, sans compter les milliers d’autres sympathisants qui ont été arrêtés pour ‘terrorisme’ ou ‘soutien à une organisation terroriste’.

Un tribunal d’Istanbul a accepté hier un acte d’accusation épais de 2400 pages dans le procès en cours contre la KCK (Kurdistan Communities Union) à l’encontre de 193 personnes. Le procureur spécialement habilité a rédigé l’acte d’accusation contre les 193 suspects, dont 147 sont incarcérés dans l’attente d’un verdict. Un tribunal spécial d’Istanbul a ensuite accepté la mise en examen, qui inclurait des sections exposant en détail les origines, la structure et les actions présumées du PKK, la définition de la KCK, ses réunions,… D’après certaines sources sur place, les premières audiences devraient se tenir début juillet. Quelques 51 suspects sont accusés dans cet acte ‘d’être à la tête d’une organisation terroriste’. Il cite également des rapports présumés avec ROJ-TV (considérée comme la ‘porte-parole du PKK), avec des militants du PKK dans des centres urbains, de prétendus efforts de propagande, la formation de militants pour les cellules urbaines de l’organisation et ses camps dans les montagnes,… Un total de 142 personnes sont accusées d’être ‘membres d’une organisation terroriste’ dans l’acte d’accusation. La KCK est suspectée d’être la branche urbaine du PKK par les autorités turques, qui mènent une vaste vague de répression à son encontre depuis plusieurs mois.

Un tribunal d’Istanbul a ordonné ce lundi la fermeture pour un mois du quotidien Ozgür Gündem déclarant que ce dernier fait ‘l’apologie d’une organisation terroriste’. La police a effectué une descente dans les bureaux de la rédaction le 24 mars au soir, et y a notamment saisi les épreuves du journal d’hier. L’Ozgür Gündem suit de près et rapporte entre autres de nombreuses informations concernant le PKK et ses activités. Onze de ses journalistes sont actuellement détenus, accusés d’entretenir des liens avec la KCK (Kurdistan Communities Union), aile urbaine présumée du PKK. Le quotidien est l’une des seules sources d’informations pour le mouvement et la population kurde. Il avait été relancé l’an dernier 17 ans après avoir été obligé de cesser son activité suite à l’assassinat de 76 de ses employés et les innombrables procès en raison de sa couverture de la question kurde.

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Durant toute la semaine dernière, des milliers de soldats et de policiers appuyés par l’aviation ont mené une opération visant les guérilleros du PKK aux abords du Mont Cudi, dans le sud-est du pays. Celle-ci a pris fin dans la soirée de vendredi. Outre les six policiers tués entre mardi et jeudi, les autorités ont annoncé que vendredi matin, un policier avait été tué et trois autres blessés durant un affrontement. Aucun bilan n’a été transmis du côté du PKK alors que les autorités turques ont quant à elles annoncé la mort d’au moins six guérilleros. Cette offensive était la plus vaste conduite contre le PKK depuis le début de l’année.

Par ailleurs, vendredi, cinq guérilleros présumés ont été tués dans la province de Siirt, dans le sud-est de la Turquie. Les autorités ont déclenché une opération après avoir reçu une information selon laquelle un groupe de guérilleros se cachait dans une zone forestière de la province. Les forces spéciales de la gendarmerie et de la police ont été déployées dans la forêt où se trouvaient effectivement un groupe de guérilleros, qui a immédiatement répliqué à leur attaque. Cinq d’entre eux sont décédé sur place.

Soldat de l'armée turque

Soldat de l’armée turque

Toujours dans le sud-est mais samedi, quinze femmes membres du PKK ont été tuées par les forces de sécurité. Les affrontements se sont produits dans une zone rurale de la province de Bitlis.

Depuis mardi, des milliers de soldats et de policiers participent à une vaste opération contre les guérilleros du PKK aux abords du Mont Cudi, dans la province de Sirnak, dans le sud-est du pays. Nous vous annoncions hier la mort de quatre d’entre eux, mais les autorités ont communiqué ce jeudi le décès de six membres des forces de sécurité, ainsi qu’une dizaine de blessés. Elles ont également annoncé la mort d’au moins six guérilleros. Plusieurs hauts responsables militaires se sont rendus dans la région ce jeudi, alors que l’opération devrait se poursuivre au moins jusque ce soir. Celle-ci fait suite à un regain d’activité des guérilleros suite à l’arrivée d’un climat plus clément dans la région montagneuse proche de la frontière avec la Syrie.

Véhicules des forces de sécurité turques

Véhicules des forces de sécurité turques

Le peuple kurde continuer depuis dimanche à célébrer la fête du Newroz, jour de la renaissance et de la résistance, à travers le pays en dépit de l’interdiction des autorités de tout rassemblement kurde pour le célébrer en dehors du 21 mars. Dimanche, de violentes affrontements ont opposé les manifestants et les forces de sécurité à Istanbul et à Diyarbakir lorsque celles-ci ont tenté d’interdire aux centaines de milliers de personnes de se rassembler. Hier, de nouveaux heurts ont éclaté dans les provinces de Mersin, de Batman, de Sirnak, de Van et de Hakkari. A Batman, un député indépendant a été hospitalisé après que le bus dans lequel il se trouvait ait été touché par une grenade lacrymogène lancée par un policier. Dans la province de Mersin, les manifestants ont fait face, avec des grenades artisanales, aux forces de l’ordre qui voulaient les empêcher de se réunir. Les autorités y ont envoyé des renforts ainsi qu’un hélicoptère pour soutenir les forces de sécurité. Dans le district de Yüksekova (Hakkari), les autorités ont accusé les manifestants d’utiliser des armes à longue portée et d’avoir blessé deux policiers au cours des affrontements qui les opposaient. Elles ont d’ailleurs déclenché une vaste opération pour retrouver les manifestants.

Affrontements pour le Newroz

Affrontements pour le Newroz

Par ailleurs, quatre membres des forces spéciales de la police turque ont été tués au cours d’un affrontement avec les guérilleros du PKK dans une zone montagneuse du sud-est du pays. Des hélicoptères ont largué des soldats après avoir repéré un groupe de militants, et ces derniers ont lancé l’assaut. Les guérilleros ont immédiatement répliqué, tuant quatre soldats. D’après certaines sources, trois autres soldats auraient également été blessés. Des renforts militaires ont été envoyés dans la région.

Depuis avril 2009 et le début des opérations gouvernementales dans l’affaire KCK (Kurdistan Communities Union), accusée d’être une branche du PKK, plus de 10.000 personnes ont été arrêtées. Dans quinze jours, le procès de 193 d’entre elles, parmi lesquelles 147 sont actuellement toujours incarcérées, doit commencer. Le procureur d’Istanbul aux pouvoirs spéciaux Adnan Cimen a déposé son acte d’accusation. Celui-ci, épais de 2500 pages, doit être validé d’ici quinze jours par la cour d’assise avant le début du procès. Cimen a notamment requis 7,5 à 15 ans de prison à l’encontre d’un éditeur défenseur des droits de l’homme et d’origine arménienne pour ‘soutien à une organisation terroriste’. La constitutionnaliste Büsra Ersanli, accusée d’être ‘la responsable d’une organisation terroriste’ encourt de 15 à 22,5 ans de prison. En moyenne, chaque accusé dans ce procès risque 22 ans et cinq mois de prison.

Le ministère public a requis jusqu’à cinq années de prison à l’encontre de deux étudiants qui sont accusés d’avoir perturbé ‘violemment’ le discours du ministre Egemen Bagis à l’université Ege de Izmir en décembre 2011. Des oeufs avaient été lancé, et des slogans tels que ‘AKP, hors de notre campus’ avaient été scandés. Les deux étudiants de vingt ans avaient été immédiatement interpellés par les forces de l’ordre et placé en détention préventive avant d’être relâché. Leur procès s’est ouvert aujourd’hui. Le ministère public a requis cinq ans de prison à l’encontre de E.C. pour ‘blessure intentionnelle’ (un oeuf aurait atteint le ministre à la joue) et deux ans de prison à l’encontre de A.D. pour avoir scandé des slogans contre le parti au pouvoir.

Le 18 mars est pour les Kurdes la fête de Newroz, le jour de la renaissance et de la résistance. Les autorités turques avaient interdit deux jours plus tôt toutes les célébrations organisées par le principal parti kurde BDP, afin d’affaiblir la participation géante. Quelques 130 rassemblements ont été organisés à travers le pays, entre le 18 et 25 mars, pour accueillir la plus grande célébration du Newroz de tous les temps. Défiant les menaces et les interdictions des autorités, des centaines de milliers de personnes ont réussi vers midi à arriver sur la place de Newroz, à Diyarbakir, chef-lieu du Kurdistan de Turquie, franchissant toutes les barricades dressées par la police, suite à de violents affrontements.

Des centaines de milliers de personnes sont également descendues dans les rues de Diyarbakir et d’Istanbul où des affrontements ont été éclatés dans plusieurs quartiers entre les manifestants et les policiers qui sont intervenus violemment, faisant usage à de gaz lacrymogènes et de canons à eau. Les tentatives des dizaines de milliers pour rejoindre la place de Kazlicesme où devait avoir lieu la célébration ont été violemment attaquées par des policiers. Un responsable du parti kurde est décédé après avoir été touché par une grenade lacrymogène lancée par la police à Kazlicesme. Plusieurs autres personnes ont été blessées dont deux grièvement et une députée BDP suite à la violence de la police, procédant également à des arrestations massives.

La foule des manifestants kurdes à Dyarbakir

La foule des manifestants kurdes à Dyarbakir

Les forces de sécurité turques ont capturé, le 11 mars dernier, cinq spécialistes en cryptage informatique du PKK au cours d’une opération à une dizaine de kilomètre de la frontière turco-irakienne. C’est la première fois que des unités spéciales de la police traversent la frontière pour y procéder à des actions dans le nord de l’Irak. Celles-ci ont pisté les cinq hommes durant plus de six mois avant de les arrêter dans une cave dimanche dernier, au cours d’une opération où elles étaient assistées par des UAV (Unmanned Aerial Vehicule). D’après leurs premiers rapports, les hommes ont riposté à l’attaque avant de se rendre. Ils sont accusés par les autorités d’avoir, en tant qu’experts en cryptage informatique, relayé des messages codés du PKK entre les monts Kandil dans le nord de l’Irak et les militants des cellules urbaines de l’organisation en Turquie. Les autorités les accusent également d’être impliqués dans deux incidents distincts dans lesquels ils auraient transmis des ordres cryptés depuis les monts Kandil pour organiser des raids de guérilleros dans le sud-est de la Turquie.