De nouvelles manifestations de l’opposition avaient lieu mercredi au Honduras pour protester contre la réélection du président de droite Juan Orlando Hernandez, alors que les Etats-Unis ont estimé ne voir « rien » qui permettrait de remettre en cause le résultat officiel mais contesté du scrutin. L’opposition, qui conteste ce résultat et demande une nouvelle élection, a appelé ses partisans à descendre dans la rue. Quelque 3.000 personnes ont manifesté devant le siège du haut commandement des forces armées dans la capitale pour protester contre les assassinats, les agressions physiques, les persécutions commises selon l’opposition par les forces de sécurité depuis l’élection présidentielle du 26 novembre (voir notre dernier article sur le sujet[->]). Des manifestants portaient des croix de bois sur lesquelles étaient inscrits des noms des 12 personnes tués par les forces de l’ordre dans la répression des manifestations.

Manifestation au Honduras

Manifestation au Honduras

Le Honduras reste perturbé par l’instabilité politique à la suite du vote du 26 novembre (voir notre article). Des manifestations de masse dénoncent la fraude électorale dont aurait bénéficié le président de la droite extrême Juan Orlando Hernandez. La semaine dernière, les deux principaux partis d’opposition ont présenté des demandes formelles d’annulation des résultats de l’élection.

Vendredi, 27 manifestants ont été blessées lors d’affrontements avec les forces de sécurité honduriennes. Les manifestants ont mis le feu à des pneus, bloquant les principales artères de la capitale, Tegucigalpa, et la deuxième ville de San Pedro Sula. Les policiers et les militaires ont tiré des gaz lacrymogènes. Des manifestants ont lancé des pierres et incendié un véhicule militaire. Au moins cinq des blessés dans la ville de Villanueva, dans le nord du pays, près de San Pedro Sula, ont été blessés par balles.

Affrontements au Honduras

Affrontements au Honduras

Près de deux semaines après l’élection présidentielle à tour unique, le Honduras n’a toujours pas de président. D’après les chiffres publiés lundi par le Tribunal suprême électoral (TSE), le sortant, Juan Orlando Hernández (droite), est arrivé en tête du scrutin avec 52 000 voix d’avance sur son challenger de gauche Salvador Nasralla. Lequel refuse de reconnaître le résultat, invoquant des fraudes, et demande un recomptage intégral des bulletins, requête qu’appuient les observateurs internationaux mandatés par l’Union européenne et l’Organisation des Etats américains (OEA).

En 2009, le président de gauche Manuel Zelaya, surnommé «Mel», était renversé par un coup d’Etat préparé par l’armée et les milieux d’affaires. Le prétexte du putsch était un projet de réforme constitutionnelle qui aurait permis à Mel de briguer un deuxième mandat consécutif, mais le grief principal était le rapprochement du président avec Hugo Chávez. Les concerts de casseroles et les défilés de rue favorables au candidat de gauche se sont poursuivis depuis l’instauration du couvre-feu, le 1er décembre (voir notre précédent article). Il est ainsi interdit de sortir de chez soi entre 22 heures et 5 heures du matin, sauf dans les zones touristiques, peu nombreuses. Certaines manifestations ont donné lieu à des affrontements avec la police. Les organes de défense des droits de l’homme évoquent entre 11 et 14 morts lors de cette répression.

Manifestation de l’opposition vendredi à Tegucigalpa, la capitale du Honduras

Manifestation de l'opposition vendredi à Tegucigalpa, la capitale du Honduras

Au Honduras, après que le système de décompte des bulletins de vote soit tombé en panne, Hernández, président actuel et chef des forces armées a déclaré que son score avait rejoint et dépassé celui de Salvador Nasralla, candidat de l’opposition de gauche. Celle-ci ayant dénoncé la fraude, Hernández a décrété un couvre-feu et une suspension des droits constitutionnels de 10 jours. On rapporte au moins 7 personnes tuées et 20 blessées par les militaires qui tiraient sur toute personne circulant dans les rues, et il y aurait plusieurs dizaines d’arrestations à Tegucigalpa. A la différence de ce qui se passe au Venezuela l’Organisation des Etats Américains (OEA) s’est abstenue de toute intervention et la presse internationale de toute dénonciation.

Manifestation de l’opposition au Honduras

Manifestation de l'opposition au Honduras

Au moins douze personnes ont été blessées aujourd’hui dans un affrontement entre des agents de sécurité privés et les étudiants de l’Université nationale autonome du Honduras (UNAH) à Tegucigalpa qui refusent de quitter les lieux de l’institution et exigeant la démission du recteur. Les vigiles avaient été appelés par les autorités pour déloger les étudiants et mettre fin à l’occupation des bâtiments du campus. Les étudiants masqués ont caillassé les vigiles qui ont usés de matraques et de chaînes.

Les affrontements à l’UNAH

Les affrontements à l'UNAH

Des lycéens qui protestaient contre la fermeture temporaire de plusieurs écoles ont brûlé des pneus et bloqué pendant plus de deux heures la circulation à hauteurs des cabines de péage de l’axe menant de San Pedro Sula à Puerto Cortes. Un contingent de police anti-émeute les en a expulsé avec des gaz lacrymogènes. Plus d’une centaine d’étudiants, pour la plupart des mineurs, ont été arrêtés par des policiers. Les vitres d’une voiture de patrouille ont été brisées.

Affrontements à San Pedro Sula

Affrontements à San Pedro Sula

La militante écologiste et indigène hondurienne Berta Caceres, dirigeante du Conseil civique des organisations populaires et indigènes du Honduras (COPINH), a été assassinée jeudi dans sa ville natale de La Esperanza, à environ 200 km au nord-ouest de Tegucigalpa. Deux hommes encagoulés sont entrés par l’arrière de la maison où elle dormait. Elle s’est levée en entendant du bruit et a tenté de résister aux deux hommes. Ces derniers lui ont alors fracturé un bras et une jambe avant de tirer sur elle à huit reprises au moins. Berta Caceres avait été menacée par l’armée, la police et les paramilitaires quand elle avait pris la défense du Gualcarque, un fleuve du département de Santa Barbara (nord-ouest), où une entreprise chinoise voulait construire un barrage hydroélectrique menaçant de priver d’eau des centaines d’habitants. Des milliers de personnes ont assisté samedi aux cris de « Justice ! Justice ! », à l’enterrement.

Berta Caceres

Berta Caceres

Les travailleurs du Service national autonome des Égouts et Aqueducs (SANAA) ont défilé ce mercredi à Comayagüela pour le respect de leurs droits. Ils ont empruntés la Première Avenue puis ont barré des rues en brûlant des pneus, provoquant l’intervention de la police. Les travailleurs du SANAA sont restés plusieurs mois impayés. Les arriérés de salaires et d’indemnités se sont accumulés en raison du déficit économique du SANAA. Ce n’ est pas la première fois que les travailleurs exercent ce type de pression.

Incidents à Comayagüela

Incidents à Comayagüela

A l´aube du 28 juin 2009, 300 militaires envahirent le palais présidentiel et expulsèrent du Honduras le président élu Manuel Zelaya. Ce coup d´État de l´oligarchie, appuyé par les États-Unis, avait pour but de stopper quelques réformes portant sur la terre et les salaires, mais aussi d´exclure le pays des accords de l´ALBA.

En 2012, le Honduras peut se prévaloir d’une longue liste d´assassinats impunis de paysans en lutte, de syndicalistes, d´opposants politiques, d´activistes sociaux, et de journalistes (avec 23 journalistes assassinés depuis le putsch, le Honduras est devenu l’endroit le plus dangereux sur terre pour les journalistes). Son peuple est aussi devenu le peuple le plus pauvre d’Amérique latine avec un taux global de pauvreté de 67,8%. La pauvreté a été réduite de 17% entre 1990 et 2010 en Amérique latine, ce qui est dû en partie aux politiques sociales mises en place par des gouvernements réformistes-progressistes. Le nombre de ménages pauvres n´a récemment augmenté qu´au Mexique et au Honduras.

Près d’un an et demi après le sanglant coup d’Etat contre le président réformiste Manuel Zelaya Rosales, le Honduras s’est installé dans la « routine » de la dictature réactionnaire terroriste, sous un président « démocratiquement élu » (dans des élections boycottées par 65% de la population).

En 2010, trois journalistes ont été tués avec motif confirmé au Honduras, ce qui place ce pays au troisième rang parmi toutes les nations dans le monde en ce qui concerne la quantité de journalistes tués avec un motif confirmé, derrière seulement le Pakistan (6) et l’Irak (4). Avant le coup d’État il y a eu deux meurtres à motivation confirmée au Honduras… en 17 ans! Ces meurtres ne sont qu’une des formes d’attaque des putschistes contre la presse. On recense en tout plus de 300 attaques depuis le coup, allant de l’intimidation de journaliste à la fermeture de médias.

A Tégucigalpa, le 7 novembre, deux personnes ont été arrêtées et plusieurs blessées par la police lors d’une manifestation contre le cardinal Oscar Andrés Rodríguez Maradiaga, pilier du régime putschiste, dans le quartier Oscar A. Flores. La police a attaqué violemment un groupe de personnes qui était ressemblé pour manifester contre la présence du visiteur. Ils ont reçu des coups de matraques et des bombes de gaz lacrymogène.

Cinq paysans de la communauté El Temblor, dans le bas Aguán, ont été tués par des tueurs à gage de l’oligarchie rurale. Les cinq paysans faisaient partie du Mouvement Paysan de l’Aguan. Une dizaine de personnes ont été blessées. La milice de Miguel Facussé, un gros propriétaire terrien, ont attaqué les paysans à coups de balles utilisant des armes de gros calibres. Le nombre de paysans assassinés jusqu’à aujourd’hui dans le bas Aguan, se monte à 17.