Malgré l’énorme déploiement des forces de sécurité gouvernementales ces derniers mois, les maoïstes poursuivent leurs actions et les intensifient dans le Bengale occidental. Depuis des années, les maoïstes mènent une lutte armée contre les propriétaires terriens et les sociétés minières, pour la défense des paysans sans-terre et des tribus dans les Etats indiens où la puissance publique (éducation, santé,…) est quasi inexistante. Sentant la menace grandissante, le gouvernement a depuis maintenant plus d’un an, mis en place un programme de contre-guérilla.

Sa première grande offensive dans le Bengale occidental (opération Lalgarh) fut un fiasco total, les maoïstes parvenant à récupérer toutes leurs bases et à harceler les forces ennemies durant tout le courant de l’action. A l’heure actuelle, les forces paramilitaires comptent plus de 2.500 hommes déployés dans la zone ainsi qu’une mobilisation d’un grand nombre d’officiers de la police locale, mais le gouvernement ne parvient pas à enrayer la guérilla. Ces derniers mois se sont multipliés les exécutions de policiers, d’informateurs ainsi que les attaques contre les infrastructures de l’Etat (ponts, commissariats,…) et des sociétés privées. Durant la seule journée du 18 décembre, les guérilleros ont attaqué une usine et ont mis le feu à 25 camions, à 12 motos et à 3 pétroliers. Il semble évident que jusqu’à présent, toutes les initiatives gouvernementales contre les naxalites se sont avérées inefficaces. Les autorités ne baissent pourtant pas les bras et ont annoncé la reprise de l’offensive anti-naxalite le 25 décembre dernier. Dans un rapport publié récemment, les maoïstes font état de la perte de 232 hommes dans leurs rangs entre juillet 2008 et septembre 2009.

Le gouvernement indien vient d’annoncer avoir affecté une flotte de dix hélicoptères MI-17 de l’Indian Air Force à la lutte contre les maoïstes. Après avoir annoncé sa décision d’augmenter le contingent des troupes anti-naxalites ainsi que l’attribution de primes plus importantes à ceux qui mènent la contre-guérilla, le gouvernement a donc décidé d’en augmenter l’arsenal. Ces hélicoptères auront pour mission de déposer les commandos dans les zones peu accessibles et d’en évacuer les blessés. Armés, ils auront également pour but de détruire les camps maoïstes des cinq états où les guérilleros sont les plus présents: Andhra Pradesh, Chhattisgarh, Jharkhand, Orissa et Maharashtra. Tous ces préparatifs se font dans le cadre de la reprise de l’opération ‘Green Hunt’ annoncée par le gouvernement pour le début de l’année. La photo ci-dessous montre un des 50 premiers MI-17 indien lors d’une exercice indo-US antiterroriste ‘Balance Iroquois 2003’. Depuis, l’Inde a encore acheté à la Russie 70 de ces engins.

Hélicoptère MI-17

Hélicoptère MI-17

Le CPI(M) – maoïste – et le CPI-ML – naxalbari – ont décidé ce 23 décembre d’unir leurs forces contre les offensives gouvernementales visant les maoïstes à travers le pays. A l’issue d’un meeting rassemblant les différents leaders, un document commun a été rendu public, exhortant le peuple à mettre en place une résistance militante face à la répression de l’Etat. Jusqu’à présent, les deux organisations avaient mené leur lutte armée de manière indépendante. Après plusieurs rounds de discussions, le besoin que les forces révolutionnaires devaient s’unir pour renforcer la guerre du peuple s’est fait ressentir. Malgré certaines divergences politiques, cette alliance semble être un premier pas vers une possible fusion face à la répression gouvernementale que subi le peuple indien.

Le gouvernement du Bengal occidental a approuvé ce jeudi la décision de mettre en place un conseil d’administration qui supervisera la sécurité et mettra en oeuvre de nouvelles mesures antiterroristes. Il sera dirigé par un député inspecteur général de police et engagera 480 policiers. Le gouvernement a également décidé d’augmenter les effectifs policiers et d’améliorer les infrastructures situées dans les districts où les maoïstes sont les plus actifs. 3224 postes seront créés dans divers départements et les 150 actuellement vacants seront complétés. Il leur sera également fourni plus de véhicules. Le gouvernement d’état a quant à lui décidé de fournir des armes plus performantes aux officiers de police déployés dans les zones ‘à risques’ et de leur accorder des primes financière accrue.

Une militante maoïste et un soldat du Groupe d’Opération Spécial (SOG, l’unité d’élite anti-naxal de l’Etat de l’Orissa)) ont été tués tôt jeudi matin dans le district de Koraput, en Orissa. Trois autres soldats du SOG ont également été aussi blessés. La fusillade a eu lieu lors d’une opération de ratissage à Koraput. La guérilla maoïste a par ailleurs endommagé une tour-relais de téléphonie mobile à Kiang la nuit de mercredi à jeudi.

Les violences continuent dans la zone de Lalgarh. Dans la soirée de lundi, des maoïstes ont pillé et mis le feu aux maisons de deux membres du PCI(M), le parti communiste réformiste associé au pouvoir. Selon la police, un grand groupe de militants et plusieurs maoïstes armés ont attaqué l’habitation de Amiyo Sengtupa, membre du comité du district dudit parti, pour ensuite s’attaquer à celle du leader local Avijit Singha. Sans les deux cas, les personnes présentes dans les maisons ont pris la fuite avant que le feu n’y soit bouté. Les forces de sécurité ont voulu se rendre sur place, mais les maoïstes avaient disposé des mines terrestres sur leur trajet. L’explosion de l’une d’entre elles a blessé quatre policiers. Un second contingent en provenance de Jhargram n’est pas parvenu jusqu’au lieu des attaques, préférant ne pas se risquer sur un chemin probablement également miné.

Comme nous l’annoncions le jour même, la police a abattu sept maoïstes le vendredi 11 décembre dans la région Sukma de Chhattisgarh. La police a aussi récupéré des armes, Tiffin bombs: (boîtes en aluminium dans lesquelles des millions d’Indiens transportent leur déjeuner NDLR), grenades et autres armes. Voici les images des actualités indiennes à ce sujet.

Le Forum Against War on People a organisé à Dehli la Marche contre la guerre contre le peuple (photos) afin de protester contre l’offensive militaire brutale de l’état indien sur les populations tribales de l’Inde centrale et orientale à travers l’Opération Green Hunt, menée par 100.000 militaires et paramilitaires. La marche a commencé à partir de RAM Lila Maidan à 11 h et atteint la rue du Parlement, où différents militants sociaux, intellectuels, représentants d’organisations populaires et militants des droits civils se sont adressés à l’assemblée. Des délégations du Punjab, Haryana, Uttar Pradesh, Bihar, Jharkhand, Orissa, Andhra Pradesh, Maharashtra, Tamil Nadu et du Kerala ont participé au rassemblement.

Le mouvement populaire de protestation contre les crimes de la contre-guérilla se heurte à mille difficultés dont voici un exemple. Les 12 et 13 décembre, plus d’une centaine d’activistes s’étaient rassemblés à Raipur pour participer à un meeting sur les violences sexuelles et la répression de l’Etat. A la fin du week-end, 39 d’entre eux décident de se rendre à Dantewada, afin d’étendre le soutien et la solidarité aux femmes adivasis de la région.

Après deux heures de route, ils subissent un premier contrôle de police. Les chauffeurs sont emmenés au poste pendant que les activistes sont interrogés. Sous prétexte de les questionner, les policiers mettent en garde les conducteurs quant aux risques de transporter des militants. Au bout de deux heures, trois des quatre véhicules peuvent enfin repartir (un des chauffeurs se voit interdit de reprendre la route sous prétexte qu’il ne dispose pas des papiers adéquats). Après vingt minutes de route, ils sont à nouveau arrêtés. Sous la pression des forces de sécurité, les chauffeurs refusent d’aller plus loin. Les 39 militants embarquent dans deux bus et subissent de nouveaux contrôles d’identité sur le trajet. Au troisième d’entre eux, les policiers déclarent aux passagers et aux conducteurs qu’ils ne pourront reprendre la route que s’ils débarquent les activistes. Les 39 sont emmenés au poste de police, où après de longues heures, on leur dit qu’on les a forcé à débarquer ‘pour leur propre protection’ et que s’ils le souhaitent vraiment, ils leur fourniront des véhicules privés pour se rendre à Dantewada.

Soupçonneux, les militants décident de reprendre un autre bus, pour se rendre d’abord à Jagdalpur afin de dénoncer la situation, avant de reprendre leur voyage. Mais, prévenus par la police, les chauffeurs refusent qu’ils embarquent. Pendant ce temps, les militants ont pu contacter des membres de leurs collectifs ainsi que les médias, qui commencent à affluer. Finalement, les 39 militants déclarent forfait et rentrent à Raipur. Le trajet de retour ne sera pas de tout repos, entre les différents contrôles d’identité, un sabotage d’un pneu du bus et les slogans intimidants. Cette expédition manquée ne peut entraîner qu’un seul constat: l’état cache tous ses crimes ignobles commis dans la région, allant jusqu’à empêcher des équipes indépendantes d’aller soutenir les populations martyrisées, pour cacher l’usage de la violence, sexuelle ou autre, comme méthode de répression.

Manifestation contre l’opération Green Hunt

Manifestation contre l’opération Green Hunt

Manifestation contre l'opération Green Hunt
Manifestation contre l'opération Green Hunt

Les forces de sécurité engagées dans la lutte anti-naxalite ont découvert un dépôt de la guérilla lors d’une opération menée ce dimanche dans le district de Sundargarh. Elles y ont trouvé dix charges explosives ainsi qu’une grande quantité de détonateurs. Cette opération était menée conjointement par les forces d’actions spéciales et la police locale suite à l’exécution par les maoïstes jeudi dernier d’un informateur de la police dans un village de la région.

Jaquette du Cahier 5

Sommaire

-1. L’insurrection ‘naxalite’ en Inde aujourd’hui
-2. L’opération ‘Green Hunt’, opération type de contre-guérilla
-3. Les Adivasis, peuples aborigènes d’Inde
-4. Quelques prisonniers célèbres
-5. La torture en Inde
-6. Un témoignage
-7. Sur le mouvement naxalite ‘historique’ (1967-69)

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