La Gauche prolétarienne (GP) est née de la convergence des militants libertaires du « Mouvement du 22-Mars » et de militants issus de l’Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes. « Spontanéiste », elle appelle à dépasser les organisations ouvrières existantes pour construire un authentique parti communiste à partir des luttes des peuples. Les militants de la GP interviennent dans de nombreux mouvements sociaux en France (grèves ouvrières, occupation de maison pour les mal-logés, lutte des immigrés, etc.). La GP édite un journal, La Cause du peuple, et joue un rôle central dans la refondation du Secours Rouge en France.
La GP montre une grande combattivité, n’hésitant pas à affronter les fascistes, la police ou les vigiles. Cependant, la direction de la GP veille à ce que la violence ne dépasse jamais un niveau « symbolique »: même sa « branche armée », la Nouvelle Résistance Populaire (NRP), ne vise pas la construction d’un rapport de force, mais plutôt à diffuser une violence révolutionnaire diffuse dans l’ensemble des luttes
Le 17 juin 1969, 200 militants prennent d’assaut l’usine Renault de Flins, ce qui termine en bagarre générale avec les contremaitres, les vigiles et avec les militants PCF/CGT qui veulent expulser de l’usine ces « provocateurs ». Officiellement interdite en mai 1970, la GP continue de se développer et dispose de « Comité de lutte » à l’intérieur des usines Renault (au Mans, à Billancourt et à Flins) Citroën (à Choisy), Peugeot (à Sochaux), Vitho (à Saint-Ouen), Girosteel (au Bourget), et autres. Les affrontements sont nombreux. Les ouvriers militants sont licenciés, les ouvriers sympathisants sont fouillés au corps tous les jours, à l’entrée de l’usine, pour qu’ils ne rentrent pas de tracts.
Lorsque le « Comité de lutte Renault » décide, le 25 février 1972, de distribuer des tracts qui appelaient à une manifestation au métro Charonne (pour commémorer le massacre de février 1962) à la sortie de l’usine de Billancourt, il sait que des échauffourées sont possibles.
Une dizaine de « maos » participent à cette distribution de tracts. Parmi eux, Pierre Overney, fils d’ouvriers agricoles, jeune ouvrier de chez Renault licencié peu avant pour à ses activités militantes dans le « Comité de lutte ».
A l’arrivée du groupe devant les portes de l’usine, Jean-Antoine Tramoni, vigile de Renault (un ancien des parachutistes tortionnaires du général Massu lors de la guerre d’Algérie) s’approche des militants prêt au pugilat. Mais Tramoni a un pistolet à la main: à trois mètres de Pierre Overney, Tramoni, suivi d’autres vigiles, et qui n’est pas physiquement menacé, abat de sang-froid le jeune ouvrier d’une balle en plein cœur.
Les manifestations qui suivent tournent à l’émeute et dans la nuit du mardi 1er au 2 mars 1972, des véhicules sont incendiés au dépôt de Renault de Caen. Le samedi 4 mars 1972, jour de ses obsèques, 200. 000 personnes défilent à travers Paris jusqu’au cimetière du Père-Lachaise, dans un cortège de sept kilomètres. D’autres manifestations ont lieu en province, par exemple à Nantes à laquelle participent un bon nombre des jeunes ouvriers de l’agglomération.
Les funérailles de Pierre Overney
Le mot d’ordre est à la vengeance, mais la direction de la GP est déjà sur la voie de la trahison et de la liquidation. Ne pouvant pas ne pas réagir, elle fait enlever le 8 mars 1972, par son groupe de choc la NRP (Nouvelle Résistance populaire), Robert Nogrette, chef-adjoint chargé des relations sociales à Billancourt… et le libère unilatéralement deux jours plus tard. Un an plus tard, la Gauche Prolétarienne s’autodissout et ses dirigeants, en majorité des intellectuels de bonne famille, rejoignent le giron de la bourgeoisie et feront de belles carrières.
De nombreux militants refusent cette dissolution. Certains continuent à publier La Cause du peuple jusqu’en 1976, puis fondent le collectif « Offensive et autonomie » puis « Autonomie prolétaire » (c’est une caractéristique de l’autonomie française d’être issu de l’expérience mao spontex). D »autres rejoignent l’OCML Voie Prolétarienne, d’autres encore fondent deux organisations armée: les Brigades internationales et les Noyaux Armés Pour l’Autonomie Populaire (NAPAP). Le 23 mars 1977, Jean-Antoine Tramoni, l’assassin de Pierre Overney, est exécuté par les NAPAP. Certains membres de la mouvance des NAPAP participeront à la fondation d’Action Directe. Le 17 novembre 1986, le directeur de la Régie Renault Georges Besse est abattu par le « commando Pierre Overney » d’Action directe.