L’élection présidentielle du 12 décembre 2019 n’a guère desserré l’étau sécuritaire sur la population algérienne. En dépit des appels au dialogue du président contesté Abdelmadjid Tebboune, les autorités algériennes ont arrêté des dizaines de militants qui ont participé à des manifestations pacifiques. D’impressionnants dispositifs policiers quadrillent les rues, des barrages filtrent les entrées de la ville chaque jour de manifestation, les têtes d’affiche du Hirak sont arrêtées, souvent avant même les manifestations. Début janvier cependant, 76 manifestants incarcérés ont été libérées attendant de comparaître devant les tribunaux algériens. Mais si des personnes ont parfois été acquittées, la plupart restent en liberté provisoire, en attente de leur jugement. Il s’agit surtout des personnes qui étaient poursuivies pour port du drapeau amazigh. 35 personnes incarcérées sont des détenus d’opinion antérieurs au Hirak (l’une d’entre elles est morte en prison en juin dernier, après y avoir contracté une infection lors de conditions de détention désastreuses), et une centaine de détenus du Hirak sont toujours derrière les verrous. Le décompte est très difficile en raison du flux continu des arrestations et des extraordinaires disparités du traitement juridique des affaires dans le pays.

Plusieurs procès et rendus de verdicts, attendus en février, seront éclairants sur les dispositions du pouvoir à l’égard du mouvement. Mercredi 5 février, la justice décidera du sort de 33 manifestants d’Aïn Temouchent (à 80 km à l’ouest d’Oran) arrêtés le 13 décembre, au lendemain du scrutin présidentiel. Le procès de 20 des 76 manifestants remis en liberté se tiendra, lui, dimanche prochain, le 9 février. Si des personnes ont été acquittées, plusieurs lourdes condamnations ont récemment été prononcées. Le journaliste de la webradio Sarbacane Abdelkrim Zeghileche a ainsi écopé, le 21 janvier, de six mois ferme de prison, pour avoir émis sans autorisation et pour offense au chef de l’État. Il doit également être jugé pour « attroupement non armé », mercredi 5 février. Le syndicaliste et défenseur des droits humains Kaddour Chouicha purge, lui, une année de prison. Il attend son procès en appel. Et le sort de plusieurs personnalités du mouvement, poursuivies pour atteinte à l’intégrité nationale, inquiète. Ceux, en particulier, de l’activiste Samir Benlarbi, du journaliste Fodil Boumala, de l’ancien secrétaire général du parti d’opposition Front des forces socialistes Karim Tabbou, voire du président du Rassemblement actions jeunesse, Abdelwahab Fersaoui. Autant de figures incarcérées depuis septembre ou octobre 2019.

Manifestation du Hirak, le 20 décembre à Alger