Le 27 février 1973, quelques 200 activistes Sioux Oglala armés, appartenant à l’American Indian Movement (AIM), occupèrent le hameau de Wounded Knee, sur la réserve de Pine, prirent onze otages, demandèrent une enquête sur la corruption de l’administration de cette réserve, l’une des plus pauvres des États-Unis, et une enquête sur la violation des traités signés lors des guerres indiennes.
Les otages furent relâchés grâce à la médiation de deux sénateurs du Dakota du Sud, tandis que le blocus de Wounded Knee était organisé avec des moyens considérables : des centaines de policiers et 2.000 agents du FBI furent envoyés sur place ; des chars cernèrent le village et des hélicoptères armés survolèrent le territoire occupé.

Un des blindés encerclant les occupants de Wounded Knee

Un des blindés encerclant les occupants de Wounded Knee


Occupants de Wounded Knee: la classe américaine

Occupants de Wounded Knee: la classe américaine

Le choix de Wounded Knee était hautement symbolique. En 1868, les Sioux avaient signé un traité avec les États-Unis qui leur concédait une réserve assez vaste. Mais ce traité n’avait jamais été vraiment respecté, surtout après la découverte, en 1874 de gisements d’or dans la région. Les Sioux s’étaient alors donnés un leader spirituel qui prophétisait la réapparition des morts indiens et le départ des conquérants blancs. Ses disciples de Wovoka pratiquaient avec ferveur la ghost dance (danse des esprits), ce qui inquiéta les autorités qui commencèrent la répression. Bien le chef Sitting Bull n’était pas un adepte de Wovoka, il fut assassiné par un policier.
Quatre cents Sioux s’enfuirent et trouvent refuge dans le campement du chef Big Foot, dans une autre réserve. Le 7e de cavalerie intervient et entreprend de le désarmer à Wounded Knee, le clan de Big Foot. Un coup de feu part, une fusillade générale s’ensuit où les Sioux, encerclés par les soldats, sont massacrés. C’est alors que les canons bombardent le village des femmes et des enfants. 300 à 350 Amérindiens périrent ce 29 décembre 1890. Ce massacre marqua la fin des guerres indiennes et l’ouverture définitive de l’Ouest aux colons euro-américains.

Fosse commune des victimes du massacre de 1890 à Wounded Knee

Fosse commune des victimes du massacre de 1890 à Wounded Knee

Dans le contexte du mouvement de défense des droits civiques, la montée du red power, dont l’AIM représentait l’aile la plus radicale, faisait sortir les Indiens de l’oubli. L’occupation de Wounded Knee s’inscrivait dans une série d’actions militantes comme l’occupation de l’île d’Alcatraz (1969), du mont Rushmore (1970) ou du Bureau des affaires indiennes à Washington (1972).
Le 11 mars 1973, après que de nombreuses personnes aient convergé en direction de Wounded Knee, apportant avec elles des vivres en grandes quantités, l’indépendance du territoire fut déclarée. Des cantines communautaires, un service de santé et un hôpital furent aménagés au sein du territoire assiégé. Les occupants de Wounded Knee faisaient preuve d’une extrême détermination. Des fusillades sporadiques pendant les 70 jours de sièges firent deux morts parmi les militants, un blessé grave parmi les policiers et plusieurs blessés légers.

Occupant de Wounded Knee (à l'arrière plan, l'église jouxtant le cimetière de 1890)

Occupant de Wounded Knee (à l’arrière plan, l’église jouxtant le cimetière de 1890)

Finalement les occupants reçurent un ultimatum : ils devaient évacuer Wounded Knee après avoir déposé les armes. Le gouvernement s’engageait à examiner leurs revendications : enquête sur la violation des traités, sur la mauvaise gestion et la corruption du Conseil tribal, amélioration des conditions de vie dans la réserve de Pine Ridge. Le 8 mai, les militants se rendent, et disparaissent à la barbe des autorités pendant la nuit.
Mais si l’occupation de Wounded Knee apparaît comme l’une des manifestations les plus spectaculaires de l’action militante amérindienne au cours des années 1970, les conditions de vie à Pine Ridge n’en furent guère modifiées, l’enquête sur la corruption de l’administration fut abandonnée, et les représentants de la Maison-Blanche ne rencontrèrent pas les leaders indiens pour renégocier le traité de 1868.

Par contre, au cours des mois et des années qui suivirent, les militants de l’AIM devinrent la cible de la répression policière sur le mode de la répression contre les Black Panthers. Certains purent s’enfuir, d’autres furent emprisonnés, et en deux ans sept membres ou sympathisants de l’AIM furent assassinés.
C’est dans le cadre de cette répression que le dirigeant de l’AIM Leonard Peltier est arrêté puis condamné pour l’assassinat, le 25 juin 1975, de deux agents du FBI enquêtant sur un vol dans la réserve de Pine Ridge. Au procès, ses avocats se sont vu imposer des restrictions dans leur argumentation et n’ont pas été autorisés à présenter des témoins. Plus de 140.000 pages du dossier Peltier sont toujours inaccessibles aux avocats, classées par le FBI et la CIA pour des raisons de « sécurité nationale »…

Leonard Peltier, emprisonné depuis 1976

Leonard Peltier, emprisonné depuis 1976