1. La « Conspiration des poudres »

Au XVIe siècle, Couronne anglaise a pris ses distances avec l’Eglise catholique, réprimant la partie de sa population restée fidèle à Rome: tortures, exils, brimades, procès… A la mort d’Elisabeth 1ère, en 1603, le catholicisme est marginalisé dans le royaume. Guy Fawkes est un natif de York converti au catholicisme. Il quitta la Grande-Bretagne pour le continent, où il a combattu aux côtés de l’armée catholique espagnole contre les protestants néerlandais. Il est resté en Espagne pour solliciter en vain l’appui d’une rébellion catholique en Angleterre.

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Rentré en Angleterre, il participe à une conspiration visant à assassiner Jacques 1er pour de restaurer une monarchie catholique. Les comploteurs ont obtenu l’accès à une crypte sous la Chambre des Lords, dans le palais de Westminster, et ont confié à Fawkes la responsabilité des 650 kg de poudre à canon, stockés là depuis mars 1605, en vue de la faire exploser lorsque le Parlement réuni serait au complet.. Mais un complice dénonce la conspiration à un Lord catholique: les autorités fouillent les sous-sols aux premières heures du 5 novembre 1605, et trouvent Fawkes qui s’apprêtait à mettre à feu à ses 36 barils de poudres. Au cours des jours suivants, il a été interrogé et torturé, et finalement, il a finalement donné le nom de ses complices (tous déjà connus). Immédiatement avant sa pendaison, le 31 janvier 1606, Fawkes échappa des mains du bourreau [violet]et[/violet] sauta de l’échafaud, et se brisa le cou.

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Au Royaume-Uni, le soir du 5 novembre est fêté sous le nom de Guy Fawkes Night (également Bonfire Night ou Fireworks Night) par des feux de joie et des tirs de feux d’artifice. Traditionnellement, les enfants font une effigie de Guy Fawkes nommée le Guy, qui peut également représenter un personnage célèbre ou les malheurs de l’année. Ils la promènent de porte à porte pour demander « a penny for the Guy », et le soir on la brûle sur le feu de joie en chantant cette comptine:

Remember, remember, the fifth of November, /
Gunpowder Treason and Plot, /
I see no reason why the gunpowder treason /
should ever be forgot.

Souvenez-vous, souvenez-vous du cinq novembre, /
Poudre à canon, trahison et conspiration, /
Je ne vois aucune raison pour que la trahison des poudres /
Soit jamais oubliée.

2. V comme Vendetta – la bande dessinée

V pour Vendetta (V for Vendetta) est une bande dessinée britannique réalisée de 1982 à 1990 pour les magazines Doctor Who Weekly et Warrior. Publiée en 1988-89 chez Quality Comics et DC Comics (Zenda pour l’édition française, 6 tomes parus en 1989-90), plusieurs fois rééditée, la série a connu un grand succès et de nombreux prix dont celui de meilleur album étranger à Angoulême en 1990.
Le scénario est signé Alan Moore et les remarquables dessins David Lloyd (ainsi que Tony Weare qui a illustré une partie des chapitres Valérie, Vacances et Vincent).
Le succès de V pour Vendetta vaudra à Alan Moore d’être engagé en 1983 par DC Comics pour travailler sur The Saga of the Swamp Thing, ce qu’il fait avec succès avant d’écrire en 1986 le magistral Watchmen (dessiné par Dave Gibbons), qui sera aussi primé et adapté au cinéma.

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V comme Vendetta était une réponse au thatchérisme au début des années 1980. Le monde de V comme Vendetta est issus d’une guerre nucléaire qui a, dans les années 1980, dévasté l’Europe, l’Afrique et les USA. Le Royaume-Uni est épargné par les bombardements mais pas par le chaos et les inondations issues des dérèglements climatiques. Dans cette Angleterre post-apocalyptique, remarquablement rendue par un dessin et une palette de couleurs oppressants, un parti fasciste installe son pouvoir après avoir procédé à une épuration ethnique, politique et sociale.
En 1997, au moment où le parti semble avoir la situation sous contrôle, un anarchiste commence une campagne pour ébranler tous les symboles du pouvoir. Cet anarchiste qui se fait appeler « V » porte un masque de Guy Fawkes. On apprendra qu’il a été utilisé comme cobaye dans un camp, qu’il s’en est évadé en le détruisant, et qu’il se venge non seulement en assassinant les anciens responsables du camp, mais aussi en préparant la fin du régime. V sauve de la police Evey, une jeune fille qui risquait d’être violée par des policiers puis exécutée pour prostitution. V en fait sa disciple.

C’est David Lloyd qui eut l’idée de réutiliser la vieille tradition du Fifth of November. Il écrivit dans une lettre à Alan Moore : « Je me demandais… Et si on en faisait un Guy Fawkes revenu d’entre les morts, avec le masque de papier mâché, le chapeau conique et la cape ? Il serait vraiment étrange, pour le coup. »

3. V comme Vendetta – le film

V pour Vendetta est un film américano-germano-britannique, réalisé par James McTeigue, sorti en 2006, et adapté par les Wachowski de laz bande dessinée d’Alan Moore et David Lloyd. La distribution se compose notamment de l’acteur australien Hugo Weaving dans le rôle de V, de l’actrice américaine Natalie Portman dans le rôle d’Evey Hammond et des acteurs britanniques John Hurt, Stephen Rea et Stephen Fry.


V pour Vendetta – Rencontre V et Evey par sun3en1

La sortie du film était initialement prévue le 4 novembre 2005, la veille du 400e anniversaire de la Guy Fawkes Night, mais a été retardée jusqu’au 17 mars 2006. Alan Moore, mécontent des adaptations cinématographiques, a refusé de voir le film et a pris ses distances vis-à-vis de la production. Les scénaristes ont supprimé de nombreuses allusions anarchistes et des références aux drogues présentes dans l’histoire originale et ont aussi modifié le message politique. Le combat d’un l’anarchiste implacable contre un régime fasciste est remplacé dans le film par un combattant de la liberté romantique, soucieux de ne pas faire de victimes innocentes, et luttant contre le totalitarisme (toute la dimension raciste a disparu). En outre, Moore a tenté de maintenir une ambiguïté morale, et non à dépeindre les fascistes comme des caricatures, mais comme des humains réalistes, alors que V est un homme implacable, prêt à tout pour se venger de ses bourreaux et détruire le régime. Le film fait tourner la relation de V à Evey en romance. Bref, alors que la bande dessinée est un chef d’oeuvre singulier, complexe et dérangeant, le film est d’une grande platitude consensuelle.

ATTENTION, DOUBLE SPOILER: Alors que la bande dessinée se termine par un attentat dans lequel V se fait exploser avec tous les caciques du régime, le film se termine par la chute du régime par une manifestation de masse pacifique, les milliers de manifestants portant tous le masque de Guy Fawkes.

4. Les masque des Anonymous, des Indignés, des « Occupy »

L’utilisation du terme Anonymous, dans le sens d’identité partagée, a commencé sur 4chan, ce forum anonyme anglophone, constitué d’un réseau d’imageboards né en octobre 2003. La mention « Anonymous » est attribuée aux visiteurs qui publient des commentaires sans identification, et certains utilisateurs ont considéré, par plaisanterie, qu’Anonymous était une personne réelle. Avec la popularité grandissante des imageboards, l’idée qu’Anonymous soit un collectif d’individus non nommés est devenue un mème.
Le 25 novembre 2006, plusieurs mentions de la communauté Anonymous sont faites dans le manifeste Rules of the Internet édité sur 4chan.
La notoriété du nom a réellement débuté en 2008 avec le Projet Chanology (une série d’attaques informatique visant l’église de scientologie). Certains médias ont voulu y voir un groupe structuré alors que n’importe qui peut se revendiquer « Anonymous ». Le reste de l’histoire est bien connu.

Dès décembre 2006 – juste après la sortie du film, apparaît le même « Epic fail Guy » (EFG) qui sera à 4chan ce que « Régis » sera aux Nuls. Jouant sur le double sens de Guy (le prénom de Guy Fawkes et le « guy » pour « type », « mec »), Epic Fail Guy incarne celui qui endure un échec mémorable.

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Le premier logo d’Anonymous représente une silhouette avec un point d’interrogation en guise de visage (image proche d’un autre mème), mais le masque de Guy Fawkes va s’imposer, en référence au héros du film avec le contrepoint ironique de l’Epic Fail Guy. Cette dimension ironique disparaitra avec le succès du mouvement Anonymous, les masques de Guy Fawkes fleurissant dans les manifestations. Ils seront repris par les mouvements « Occupy »/ »Indignés » qui, à l’image des Anonymous, se veulent mouvement de masses (« nous sommes légions » – référence à l’Evangile de Marc), anonyme, critique et active, mais sans organisation ni leadership.

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