Khiam est un village situé au sud du Liban, près de la ville de Nabatieh, à une distance d’environ 100 kilomètres de Beyrouth. Pendant le mandat français sur le Liban et la Syrie (qui ne faisaient qu’un jusqu’à ce que les Français les divisent), après la défaite de l’empire Ottoman dans la première guerre mondiale, les Français y construisirent un fort. Le fort de Khiam, situé sur un promontoire qui domine le Sud-Liban, est transformé en une base de l’armée libanaise, avant d’être occupé par les Israéliens lors de l’invasion du Liban de 1982. Ces derniers le transforment en une prison clandestine et un centre de torture sous le commandement des officiers de l’Armée du Liban Sud.
Une des premières photos de la prison de Khiam
Le plan de la prison
L’ALS, était une milice fasciste libanaise à qui Israël avait confié la garde d’une bande de terre libanaise longeant la frontière avec la Palestine. L’ALS était armée, financée et encadrée par Israël. De 1985 à 2000, plusieurs milliers de prisonniers libanais et réfugiés palestiniens ont été détenus dans la prison sans jugement et certains d’entre eux y ont trouvé la mort. Des mineurs, âgés de 12 à 16 ans, y ont été enfermés.
Khiam était une zone de non-droit absolu : torture systématique, conditions inhumaines de détention, isolement total, privation de lumière, pas de visite, pas d’avocat, pas de juge, pas de correspondance… Si pour certains le séjour était court, car il fallait intimider, la plupart des détenus l’ont été pour de longues périodes, souvent plus de dix ans… et sans aucun jugement. Un ordre militaire, resté secret, suffisait.
L’isolement était tel qu’une détenue, sortie en 1992, n’était au courant ni de la guerre du Golfe (1991) ni de la fin de la guerre civile au Liban (1990). La cellule d’isolement des femmes mesurait 1,80 m de long sur 80 cm de large. Soha Bechara avait passé dix ans à Khiam. Cette jeune militante communiste, devenue un symbole de la résistance dans son pays, avait tenté d’assassiner le général Antoine Lahad, chef de l’ALS, le 7 novembre 1988 d’abattre Antoine Lahad, ce général dévoyé qui dirigeait l’ALS. Elle a été détenue dix ans, dont six ans à l’isolement, dans une cellule d’isolement mesurant 1,80 m de long sur 80 cm de large, avec d’incessants interrogatoires sous la torture : « L’électricité, les tuyaux, l’eau… des décharges électriques durant quatre heures d’affilée. On ne peut que crier dans ces moments-là ». Un jour, ils ont amené sa mère pour qu’elle assiste aux tortures de la fille.
Le couloir des cellules
Caisson d’acier où un prisonnier pouvait être enfermé plusieurs jours durant
Libération de Souha Bechara
Pendant des années, Israël a nié l’existence de la prison, ne reconnaissant qu’un centre de l’ALS pour gérer les arrestations. Ce n’est qu’à partir de 1995 que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a obtenu un droit de visite. Les associations de défense des droits de l’homme ont toujours considéré Israël comme responsable de l’existence et du fonctionnement de cette prison. Les témoignages d’anciens détenus attestent de la présences d’officiers et de fonctionnaires israéliens, et les officiers des services de renseignements israéliens y passaient tous les jours relever les résultats des interrogatoires des membres de la résistance. Israël avait créé un nouvel instrument de répression que les États-Unis, vingt ans après, allaient reprendre : la délocalisation et la sous-traitance de la torture pour contourner ses propres lois et obligations internationales.
En mai 2000, avec le départ précipité de l’armée israélienne a entraîné la débacle des collaborateurs de l’ALS qui ont pris la fuite vers Israël. La population s’est précipité vers la prison et a libéré les 145 derniers prisonniers.
Khiam était devenu un musée. Une dizaine d’anciens détenus animaient les visites guidées. Ils faisaient visiter les cellules, montraient les inscriptions gravées sur les murs… Le tour se terminait par une petite exposition d’objets fabriqués en secret par les prisonniers. La nuit du 19 au 20 juillet 2006, lors de la «guerre de 34 jours» entre Israël et la résistance au Sud-Liban, un bombardement israélien a totalement rasé le musée. Israël, qui passe son temps à invoquer la mémoire, sait s’employer à détruire celle des autres.
La prison devenue musée, après le bombardement israélien