Lorsque Berlin-Ouest était enclavé dans la RDA, elle n’était reliée à la RFA par un simple corridor routier et ferroviaire. Sa situation particulière et ses conséquences (loyers bon marché, exemption de service militaire) en fit un point de ralliement de la jeunesse rebelle allemande. C’est à Berlin que fut créé, en 1972, le Mouvement du 2 Juin, une organisation de guérilla urbaine anarchiste qui resta essentiellement berlinoise. Son nom faisait référence à l’assassinat d’un manifestant étudiant par un policier.
Le symbole du Mouvement du 2 Juin, qui est aussi celui de la Conférence Tricontinentale de 1966
Peter Lorenz était le candidat à la mairie de Berlin-Ouest de l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (CDU). Deux jours avant les élection, le 27 février 1975, il est enlevé par le Mouvement du 2 Juin qui exige la libération de plusieurs prisonniers. Cinq autres prisonniers et prisonnières sont libérés :
Gabriele Kröcher-Tiedemann, née le 18 mai 1951 à Ziegendorf, elle avait connue la vie des communautés à Berlin et s’y était politisée. Passée à la clandestinité, elle est arrêtée en 1973 après avoir tiré sur un policier qui voulait l’arrêter pour l’avoir surpris en train de voler des plaques d’immatriculation dans un parking. Elle est condamnée à huit ans de prison.
Verena Beker, née en 1952 à Berlin, s’engage à 19 ans dans le Mouvement du 2 Juin. Quelques mois plus tard, le 21 juillet 1972, elle est arrêtée, pour son implication dans une attaque à la bombe contre le Yacht Club des officiers britanniques à Berlin. Elle est condamnée en 1974 à six ans de prison.
Ingrid Siepmann, née en 1944 à Marienberg, s’installe à Berlin-Ouest avec son mari et son fils en 1966 et s’engage politiquement après la tentive d’assassinat du leader étudiant Rudi Dutschke en avril 1968. En 1969, elle rejoint la RAF. Elle participe à un hold up de banque en 1974, elle est condamnée à 13 ans de prison.
Rolf Pohle, né à Berlin en 1954, est membre actif de l’opposition extra-parlementaire (APO) à Munich. Il s’occupe particulièrement du travail anti-répression après la tentative d’assassinat de Rudi Dutschke est condamné en 1969 à 15 mois de prison pour la participation aux émeutes de Pâques 1968. En 1974, il est condamné à six ans et demi de prison pour appartenance à la RAF, ce qu’il a toujours nié.
Rolf Heissler, né le 3 Juin 1948 à Bayreuth, a épousé Brigitte Mohnhaupt et a été un membre des Tupamaros de Munich. Avec Brigitte Mohnhaupt, il est entré dans la RAF et a été arrêté le 13 avril 1971 pour un hold-up. En 1972, il est condamné à six ans de prison.
Le négociateur fut le pasteur Heinrich Albertz, qui avait été un résistant au régime nazi (arrêté plusieurs fois et finalement enrôlé de force). Membre du parti social-démocrate à Berlin-Ouest jusqu’à devenir gouverneur de la ville dans les années ’60, et était redevenu pasteur. Albertz avait accepté de se porter garant de l’échange et d’accompagner les prisonniers au Yémen du Sud, qui a accepté de les accueillir. En 1967, la partie sud du Yémen s’était libérée, après une longue lutte dirigées par des forces communistes, du colonialisme britannique. En 1967, les Britanniques s’en vont et la République Démocratique Populaire du Yémen est fondée. Le 3 mars les prisonniers sont libérés et le lendemain, le mouvement du 2 Juin relâche Peter Lorenz.
A la télévision allemande, le jour des libérations
Les prisonniers libérés embarquent à Francfort dans un Boeing pour le Yemen
Les cinq prisonniers libérés connaîtront des destins différents :
– Le 20 décembre 1975, Gabriele Kröcher-Tiedemann participera avec Ilich Ramírez Sánchez « Carlos » au raid au siège de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole à Vienne. Durant cette opération, elle abat un policier autrichien et un garde de sécurité irakien qui essayait de la maîtriser. En novembre 1977, elle a réintégré le Mouvement du 2 Juin qui enlève un milliardaire autrichien, Walter Palmers, et obtient 2 millions de dollars en échange de sa liberté. En décembre 1977, elle est arrêtée avec Christian Möller suite à une fusillade à la frontière suisse où deux douaniers sont blessés. Gabriele Kröcher-Tiedemann passe les dix ans dans une prison suisse. En 1987, elle est extradée vers l’Allemagne, où elle est emprisonnées pour le raid de l’OPEP. Libérée en 1991, gravement malade, elle est opérée cinq fois en 1992 et décède d’un cancer, en 1995, à l’âge de 44 ans.
– Verena Becker réapparaît le 3 mai 1977 lorsqu’avec Günter Sonnenberg, un autre membre de la RAF, ils tirent et blessent deux policiers lors d’un contrôle à Bonn. Günter Sonnenberg est touché dans le dos et à la tête et Verena Becker à la jambe. Elle est condamnée à la prison à vie, et sera graciée après douze ans de prison, après avoir semble-t-il collaboré avec la justice sans dénoncer personne. En avril 2008, le procureur général lance une nouvelle poursuite contre Verena Becker pour l’exécution par la RAF en 1977 du Procureur fédéral en chef Siegfried Buback. Elle est emprisonnée mais bientôt remise en liberté.
– Ingrid Siepmann rejoint un camp de formation du Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP). Elle est également impliquée dans l’enlèvement de Walter Palmers. En 1981, elle est l’un des militante les plus recherchées de la République fédérale. Elle est tuée en 1982 lors de l’invasion du Liban par Israël, alors qu’elle y combattait dans une brigade féminine palestinienne.
– Après sa libération, Rolf Pohle s’est rendu en Grèce où il a été arrêté en 1976. Extradé en Allemagne, il y reste jusqu’à 1982. Il est retourné en suite en Grèce où il a enseigné l’allemand jusqu’à sa mort, d’un cancer, en 2004. Il a toujours nié avoir eu des relations profondes avec la RAF.
– En octobre 1976, Rolf Heissler est rentré clandestinement en Allemagne et a réintégré la RAF. Le 1er novembre 1978, avec une autre membre de la RAF, Adelheid Schulz, il est impliqué dans une fusillade à la frontière néerlandaise. Deux douaniers sont tués. Lorsque les policiers allemands le repèrent le 9 juin 1979 à Francfort, ils ne tentent pas de l’arrêter mais lui lui mettent directement une balle dans la tête. Grièvement blessé, il survivra cependant et sera condamné à la prison à vie. Il sera libéré après 22 ans de prison. De nouvelles poursuites seront entamées contre lui pour la mort de Hans Martin Schleyer, mais elles seront abandonnées faute de preuve.
Début des années ’80, les militants du Mouvement du 2 Juin annonçait sa dissolution dans la RAF.
Lire le programme du Mouvement du 2 Juin
Lire le communiqué de dissolution du Mouvement du 2 Juin