Le projet de loi relatif au renseignement adopté en Conseil des ministres le 19 mars légalise des procédés d’investigation jusqu’à présent occultes: sonoriser des espaces privés, capter des images, accéder en temps réel aux données de connexion Internet ou installer des dispositifs de recueil des communications couvrant de larges périmètres de l’espace public, suivant la technique du chalutier jetant son filet pour faire le tri ensuite. Justifié par la lutte contre le terrorisme, le projet déborde de ce cadre puisque ces procédés pourront être mis en œuvre pour assurer « la prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ».
Tout le dispositif est placé entre les mains de l’exécutif évitant le contrôle par le juge judiciaire. La vérification du respect des critères, particulièrement flous, de mise en œuvre de ces procédés, est confiée à une commission qui fonctionne selon une logique inversée : pour les autoriser, un seul membre de la commission suffit, sauf en cas d’urgence, où l’on s’en passe. Mais pour recommander d’y renoncer, la majorité absolue des membres de la commission doit se prononcer, l’exécutif demeurant en dernier ressort libre d’autoriser la mesure. Et si la commission ne dit mot, elle consent. Ce n’est qu’a posteriori, et seulement si le filtre de la commission est passé, que des recours juridictionnels pourront être formés, exclusivement devant le Conseil d’Etat. Secret défense oblige, ils seront instruits sans respect du contradictoire. Ils resteront illusoires puisque par définition, le plaignant doit être dans l’ignorance des mesures de surveillance qui le concernent.
Enfin, aucune limite n’est fixée pour déterminer à quel moment et selon quels critères le régime du renseignement relevant d’une police administrative d’exception doit laisser place à une enquête judiciaire de droit commun, avec les garanties qu’elle comporte pour ceux qui en font l’objet.