Le Chant des marais a pour titre original Moorsoldatenlied (Chant des soldats du marécage), ou Börgermoorlied (chant de Börgermoor). Le camp de Börgermoor, officiellement l’Emslandlager, était un camp de concentration nazi situé dans le Pays de l’Ems en Basse-Saxe. Ouvert dès le début de la répression politique en 1933, il fait office de camp de travail et est rattaché au camp principal de Papenburg. Les détenus du camp étaient pour la plupart des communistes, détenus à la suite des lois spéciales promulguées le lendemain de l’incendie du Reichstag. Le titre de la chanson évoque les travaux forcés à l’aide d’outils rudimentaires.

Le camp de Börgermoor

Les SA, puis SS qui reprirent la gestion du camp, exigeaient des prisonniers qu’ils chantent pour se rendre au travail. Le Moorsoldatenlied est né en août 1933 de la tradition concentrationnaire de faire chanter les détenus, et de la volonté de ceux-ci de rendre compte de leur condition, mais aussi de leur conviction de voir le régime nazi abattu. Ses auteurs, trois déportés communistes, l’apprirent à d’autres internés qui l’interprétèrent un jour devant les quelques 1000 prisonniers du camp, qui en reprirent le refrain… Le chant fut immédiatement interdit. Mais, au gré des transferts vers d’autres camps, des libérations d’internés allemands il se répandit dans tout le monde concentrationnaire. Les paroles de cette chanson ont été écrites par Johann Esser et Wolfgang Langhoff, la mélodie a été composée par Rudi Goguel.

Rudolf Oskar Goguel, né le 21 avril 1908 à Strasbourg. Employé dans le service publicité d’un fabricant de machines de Düsseldorf, il entre au parti communiste et à l’opposition syndicale révolutionnaire en 1930. Il est licencié en 1932 à cause de son engagement politique. Il est arrêté à l’arrivée au pouvoir des nazis et immédiatement déporté dans le camp de Börgermoor. Libéré en 1934, il entre dans la résistance clandestine communiste. Le 27 septembre 1934, il est arrêté pour la deuxième fois et condamné à dix ans de prison pour haute trahison. Il purge sa peine de 1934 à 1944 dans divers pénitenciers. A la fin de sa peine, le 27 septembre 1944, il est à nouveau déporté au camp de Neuengamme. Ce camp fut évacué début mai 1945 devant l’arrivée des forces alliées. Les déportés furent embarqués sur des bateaux dans la Baie de Lübeck. Goguel était à bord du bateau-prison Cap Arcona coulé par l’aviation britannique. Plusieurs milliers de déportés mourront noyés, Goguel est un des survivants. Après la guerre, Goguel milite pour le Parti communiste en Allemagne du sud. En 1949, il est candidat à l’élection du Bundestag pour le KPD, en 1952 il travaille à Berlin-est à l’Institut allemand pour l’Histoire contemporaine puis à l’Université Humboldt. Il meurt le 6 octobre 1976 à l’âge de 68 ans.

Rudolf

Johann Esser est né le 10 avril 1896 à Wickrath. Il a grandi dans un orphelinat et travaillé comme ouvrier textile. Après la Première Guerre mondiale qu’il a fait comme fantassin, il a travaillé comme mineur en basse Rhénanie. Membre du syndicat et du Parti communiste, il commence à écrire des poèmes et des récits sur le monde du travail. En 1933, il est enfermé par les nazis pour trahison au camp de Börgermoor. Dans les années suivantes, il a vécu avec sa famille, à cause des arrestations répétées et l’incapacité de trouver un emploi, une grande détresse économique. C’est vraisemblablement pour échapper aux persécution qu’il publiera des poèmes patriotiques. Après la guerre mondiale, il reprend son activité syndicale en Allemagne de l’ouest mais rompt avec le Parti communiste. Esser prend prend sa retraite en1960e et continue à publier des poèmes dans les journaux. Il meurt en 1971 à Moers.

Johann Esser

Wolfgang Langhoff est né le 6 octobre 1901 à Berlin. De 1915 à 1917 il travailla comme marin. Puis après la Première Guerre mondiale il trouva des emplois de figurant au théâtre de Königsberg où il eut rapidement des petits rôles. À partir de 1923 il était acteur à Hambourg, Wiesbaden et Düsseldorf. Membre du parti communiste, acteur dans une compagnie de théâtre militant, il est arrêté par la Gestapo le 28 février 1933 et déporté en juillet à Börgermoor. Il sera libéré le 31 mars 1934. Il s’exila en Suisse le 28 juin 1934, et trouva un emploi à l’Opéra de Zürich. Il publia Die Moorsoldaten, un des premiers livres sur les camps de concentration nazis. Après la guerre, il rentre à Berlin Est en 1945. Il prend la direction du Deutsches Theater à Berlin de 1946 à 1963.

Wolfgang Langhoff

tandis que le chant il se répandait en Allemagne, d’un camp de concentration à l’autre,
quelques déportés libérés à l’issue de leur condamnation, choisirent de s’exiler et le firent connaître en Angleterre ; c’est là qu’en 1936, le compositeur Hanns Eisler, collaborateur musical de Bertolt Brecht, en fit une adaptation pour le chanteur Ernst Busch. Celui-ci rejoignit en 1937 les Brigades internationales en Espagne, de sorte que le Moorsoldatenlied, chanté par les volontaires allemands des Brigades, acquit rapidement une grande notoriété.

Wohin auch das Auge blickt.
Moor und Heide nur ringsum.
Vogelsang uns nicht erquickt,
Eichen stehn kahl und krumm.
Wir sind die Moorsoldaten und ziehen mit dem Spaten ins Moor!

Hier in dieser öden Heide
ist das Lager aufgebaut,
wo wir fern von jeder Freude
hinter Stacheldraht verstaut.
Wir sind die Moorsoldaten und ziehen mit dem Spaten ins Moor!

Morgens ziehen die Kolonnen
in das Moor zur Arbeit hin,
graben bei dem Brand der Sonne,
doch zur Heimat steht der Sinn.
Wir sind die Moorsoldaten und ziehen mit dem Spaten ins Moor!

Heimwärts, heimwärts! Jeder sehnet
sich nach Eltern, Weib und Kind.
Manche Brust ein Seufzer dehnet,
weil wir hier gefangen sind.
Wir sind die Moorsoldaten und ziehen mit dem Spaten ins Moor!

Auf und nieder geh´n die Posten,
keiner, keiner kann hindurch,
Flucht wird nur das Leben kosten,
vierfach ist umzäunt die Burg.
Wir sind die Moorsoldaten und ziehen mit dem Spaten ins Moor!

Doch für uns gibt es kein Klagen,
ewig kann´s nicht Winter sein.
Einmal werden froh wir sagen: Heimat,
Du bist wieder mein!
Dann ziehn die Moorsoldaten nicht mehr mit dem Spaten in´s Moor!
Dann ziehn die Moorsoldaten nicht mehr mit dem Spaten in´s Moor!

Pierre commémorative sur le site du camp de Börgermoor, portant la première strophe du

La version française (qui connait quelques variantes, est davantage une adaptation qu’une traduction). Voici la plus fréquente :

Loin dans l’infini s’étendent
Les grands prés marécageux,
Pas un seul oiseau ne chante
Dans les arbres secs et creux.
Ô terre de détresse
Où nous devons sans cesse
Piocher, piocher.

Dans ce camp morne et sauvage
Entouré de fils de fer,
Il nous semble vivre en cage
Au milieu d’un grand désert.
Ô terre de détresse
Où nous devons sans cesse
Piocher, piocher.

Bruits de pas et bruits des armes
Sentinelles jour et nuit
Et du sang, des cris, des larmes,
La mort pour celui qui fuit.
Ô terre de détresse
Où nous devons sans cesse
Piocher, piocher.

Mais un jour dans notre vie,
Le printemps refleurira,
Liberté, liberté chérie
Je dirai :« Tu es à moi ! »
Ô terre d’allégresse
Où nous pourrons sans cesse,
Aimer, aimer.

Le camp de Börgermoor
Rudolf
Johann Esser
Wolfgang Langhoff
Pierre commémorative sur le site du camp de Börgermoor, portant la première strophe du

Patrice Lumumba a d’abord travaillé comme employé de bureau d’une société minière, où il découvre le pillage colonial des ressources congolaises, puis comme journaliste. Autodidacte, exception faite pour un an de formation professionnelle à l’Ecole postale de Kinshasa (alors Léopoldville), grand lecteur, il crée en 1955 l’Association du personnel indigène de la colonie et se lie à la fraction de la bourgeoisie belge qui veut faire évoluer le Congo belge, en développant un enseignement public. Il croit alors à une évolution pacifique du système colonial. En 1956, quelques mesures de libéralisation (autorisation des syndicats et partis politiques dans la colonie) l’encouragent en ce sens.

Patrice Lumumba

En 1958, l’image méprisante et paternaliste fait aux Congolais à l’Exposition universelle de Bruxelles le heurte. Il se rapproche des milieux anti-colonialistes et, dès son retour au Congo, il crée le Mouvement National Congolais (MNC). Il participe à la Conférence panafricaine des Peuples, à Accra où il prononce un discours marquant : « Malgré les frontières qui nous séparent, malgré nos différences ethniques, nous avons la même conscience, la même âme qui baigne jour et nuit dans l’angoisse, les mêmes soucis de faire de ce continent africain un continent libre, heureux, dégagé de toute domination colonialiste. Nous sommes particulièrement heureux de constater que cette conférence s’est fixé comme objectif: la lutte contre tous les facteurs internes et externes qui constituent un obstacle à l’émancipation de nos pays respectifs et à la réunification de l’Afrique. Parmi ces facteurs, on trouve notamment, le colonialisme, l’impérialisme, le tribalisme et le séparatisme religieux qui, tous, constituent une entrave sérieuse à l’éclosion d’une société africaine harmonieuse et fraternelle. »

De retour au Congo, il organise une réunion pour rendre compte de cette conférence et il y revendique l’indépendance devant plus de 10.000 personnes. En octobre 1959, le MNC et d’autres partis indépendantistes organisent une réunion à Stanleyville (Kisangani). Les autorités belges tentent de s’emparer de Lumumba, ce qui provoque une émeute qui fait une trentaine de morts. Lumumba est arrêté quelques jours plus tard, jugé et condamné à 6 mois de prison.
En janvier 1960, une table ronde est organisée à Bruxelles réunissant les principaux représentants de l’opinion congolaise a lieu à Bruxelles, et Lumumba est libéré pour y participer. Confronté à un front uni des représentants congolais, le gouvernement accorde, à la surprise de ceux-ci dans la plus totale improvisation l’indépendance qui est fixée au 30 juin 1960.

Lumumba à Bruxelles en 1960

Aux élections de mai 1960, le MNC remporte le plus de voix. Lumumba est nommé premier ministre, la présidence revenant au dirigeant des Bakongos, majoritaires dans la région de Léopoldville (Kinshasa), Joseph Kasavubu.
Le 30 juin, lors de la cérémonie d’accession à l’indépendance du pays, Baudouin prononce le discours paternaliste de circonstance et au lieu de lui répondre sur le mode de la gratitude pour « l’oeuvre civilisatrice », Lumumba prononce un discours réquisitoire : « Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres. Nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou de nous loger décemment, ni d’élever nos enfants comme des êtres chers. Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres.
(…) Qui oubliera, enfin, les fusillades où périrent tant de nos frères, ou les cachots où furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient plus se soumettre au régime d’une justice d’oppression et d’exploitation ! »

Son discours a un profond écho dans les population congolaises, des mutineries éclatent chez les soldats et des émeutes visent les biens des colons et les colons eux-mêmes. Et tandis que Lumumba décrète l’expulsion des officiers belges de l’armée congolaise, la Belgique envoie, avec l’approbation et la logistique de l’OTAN, 11.000 militaires « pour rétablir l’ordre au Congo ». Les milieux coloniaux, s’appuyant sur l’intervention belge, encouragent la sécession de la riche province du Katanga, fief de l’Union Minière. Le dirigeant local, Tshombé, reçoit l’assistance des sociétés coloniales, des militaires et des barbouzes belges. L’URSS et les pays du tiers-monde dénoncent l’intervention belge et la sécession katangaise, et soutiennent le gouvernement Lumumba.

Lumumba le 1er stepembre 1960 à Stanleyville

Le 4 septembre 1960, Kasavubu, sous la pression des occidentaux, révoque Lumumba. Mais le conseil des ministres et le Parlement votent une motion de maintien de Lumumba et celui-ci révoque Kasavubu pour haute-trahison.
Entre-temps, l’ONU vote l’intervention de troupes internationales d’interposition : c’est la naissance des « Casques Bleus ». Mais devant la passivité de l’ONU, Lumumba a fait appel aux Soviétiques pour affronter la sécession du Katanga. Craignant une influence communiste, le CIA tente une première fois d’assassiner Lumumba et surtout appuie (voire organise) un coup d’État qui met le colonel Mobutu au pouvoir.

Mobutu assigne à résidence Lumumba. Le 27 novembre, Lumumba s’échappe avec sa famille mais il est arrêté à Lodi, ramené à Léopoldville où il est détenu dans un camp militaire. Le 17 janvier 1961, à l’instigation de responsables coloniaux et militaires belges, Lumumba et deux de ses partisans, Maurice Mpolo et Joseph Okito, sont conduits par avion au Katanga et livrés aux autorités locales. Lumumba, Mpolo et Okito seront conduits dans une petite maison d’Elisabethville (Lubumbashi), où ils seront torturés par des responsables katangais, dont Tshombé en personne, mais aussi des policiers et des officiers belges. C’est sous le commandement d’un officier belge que Lumumba et ses camarades sont abattus. Les barbouzes belges vont ensuite dissoudre les corps dans l’acide.

Lumumba prisonnier

Plusieurs des partisans de Lumumba seront exécutés dans les jours qui vont suivre, avec la participation de militaires ou mercenaires belges. L’assassinat de Lumumba déclenche une insurrection qui se transforme en guerre populaire sous la direction d’un ancien ministre de Lumumba, Pierre Mulele, proche de la Chine populaire. Les maquis de Mulele contrôleront près de 70 % du Congo avant d’être écrasés par l’armée de Mobutu, soutenue par la Belgique et les USA. Mulele, qui a quitté un moment le maquis pour rencontrer des lumumbistes au Congo-Brazzaville, se voit ordonné par le gouvernement de rentrer au Congo où Mobutu a promis l’amnistie. Mais Mobutu le fait torturer à mort: on lui arrache les yeux, les oreilles, le nez, les parties génitales, puis on l’ampute de ses membres un à un.

Le discours de Patrice Lumumba à la cérémonie d’indépendance :

Patrice Lumumba
Lumumba à Bruxelles en 1960
Lumumba le 1er stepembre 1960 à Stanleyville
Lumumba prisonnier

La Pinkerton National Detective Agency est une agence américaine privée de détectives créée par Allan Pinkerton en 1850 qui fait régner la loi, faute de police, au Far West. Dès 1877, elle se met au service du patronat pour briser le mouvement syndical naissant dans tout le pays. Ses agents sont payés pour infiltrer les syndicats et les usines, pour briser les piquets de grève, pour faire entrer de force les jaunes dans les usines en grève, etc. Les Pinkertons jouèrent un rôle de provocateur en 1886 dans le massacre de Haymarket, à Chicago, qui est à l’origine de la journée de grève internationale du 1er mai (voir ici l’épisode du feuilleton consacré à cet épisode).

Les Pinkertons escortent des briseurs de grève à Buchtel (1884)

Pinkerton s’illustra lamentablement en 1892, dans la deuxième plus grande bataille de l’histoire du syndicalisme aux États-Unis (après celle de Blair Mountain) : la grève de Homestead. Cette lutte opposait la Amalgamated Association of Iron and Steel Workers (AA) à la Carnegie Steel Company.
L’AA, forte de 25.000 membres, était à l’époque l’organisation syndicale la plus puissante du mouvement ouvrier américain. Au cours des années 1880, l’AA s’implique dans les aciéries de Homestead. Le directeur de l’une d’elle, l’usine Carnegie Steel, Henry Clay Frick, s’était donné pour but de briser le syndicat.
Le 1er juillet 1889, l’échec des négociations d’une nouvelle convention collective entraîne une grève de l’AA. Les grévistes s’emparent de la ville et le 10 juillet, avec l’aide de milliers d’habitants, repoussent des briseurs de grèves engagés par la compagnie.
La convention collective négociée suite à cette grève prit fin le 30 juin 1892. L’industrie de l’acier se portant bien, l’AA demande une augmentation de salaire pour ses membres. A l’inverse, Frick propose une baisse de salaire ainsi que la coupure de postes prévus par la convention précédente.
Frick avait préparé la lutte : il avait accumulé des stocks de marchandises. Dès janvier, il avait fait construire autour de l’usine une clôture surmontée de barbelés. Des tours de gardes avec des phares étaient construites près de chaque bâtiments. En avril, il charge l’agence Pinkerton d’assurer la sécurité des installations.
Le 29 juin, Frick lock-oute toute l’usine.
Dans l’assemblée générale tenue le lendemain 3000 ouvriers sur 3500 votent la grève (alors que seuls 800 étaient affiliés à l’AA). Tandis que la compagnie publie des annonces pour trouver des briseurs de grève dans les journaux, jusqu’à Boston, Saint-Louis et même en Europe, les grévistes décident de garder l’usine fermée. Il s’emparent de plusieurs embarcations afin de patrouiller sur la rivière Monongahela qui longe les installations. Ils établissent des piquets de grève et effectuent des tours de garde 24 heures sur 24. Les ferry et trains sont surveillés pour prévenir l’arrivée de jaunes. Les étrangers sont interrogés sur leur présence en ville et ceux qui n’étaient pas attendus sont escortés hors des limites de la ville.
Le 4 juillet, Frick demande formellement l’intervention du shérif, qui ordonne en vain aux lockoutés de laisser entrer les briseurs de grève dans l’usine.
La nuit du 5 juillet, à 22h30, 300 Pinkertons armés de Winchester, recrutés par Frick avec l’aval du shérif, remontent la rivière dans deux embarcations pour chasser les grévistes de l’usine. L’AA est mise au courant. Une petite flotte d’embarcations de grévistes descend la rivière à la rencontre des agents. Ils tirent quelques coups au hasards vers les embarcations des agents, puis alertent les autres. Les grévistes font hurler la sirène de l’usine à 2h30. Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants accourent sur les lieux.
Les agents, voulant bénéficier du couvert de l’obscurité, tentent de mettre pied à terre aux environs de 4 heures du matin. Des coups de feu sont échangés. Les deux premiers blessés sont le chef des Pinkerton et un travailleur. À ce moment, les Pinkertons ouvrent le feu sur la foule, tuant deux personnes et en blessant 11 autres. La foule riposte, tue également 2 personnes et en blesse 12. Les grévistes se cachent derrière des installations et les agents percent des trous à travers les côtés des embarcations afin de pouvoir tirer sur tout ce qui peut les approcher. Les grévistes se mettent à construire un rempart plus haut sur la rive à l’aide de poutres d’acier. Les Pinkertons rembarquèrent mais, attaqués de tous côtés, ils durent se rendre. La foule furieuse les roua de coups, les ramena en ville et ils quittèrent la ville ignominieusement, par train spécial, le lendemain.

Un des postes de tir des grévistes


Les Pinkertons après leur reddition

Les grévistes gardant le contrôle des environs, l’Etat finit par s’en mêler : le gouverneur (qui avait été élu avec l’appui de Carnegie) dépêcha la milice : 6000 hommes équipés des armes les plus récentes. Les principaux responsables de la grève furent accusés de meurtre. 160 autres grévistes furent jugés pour divers crimes. Tous furent acquittés par des jurys compréhensifs.
Cependant, les miliciens avaient permis l’entrée des jaunes dans l’usine. Ils y arrivaient souvent dans des wagons blindés en ignorant pour la plupart leur destination. L’usine produisait de l’acier tandis que les grévistes épuisaient leurs ressources. Après quatre mois, ils acceptèrent de retourner au travail et les meneurs furent mis sur liste noire… L’AA ne se remis jamais de cette défaite, le nombre de ses affiliés passa en un an de 25.000 à 8.000.
Au cours de la grève, Alexander Berkman, un jeune anarchiste de New York décida en accord avec quelques anarchistes, dont sa compagne Emma Goldman, de se rendre à Pittsburgh pour abattre Henry Clay Frick. Il réussit à pénétrer dans son bureau mais il ne fit que le blesser. Berkman fut capturé, emprisonné et finalement jugé pour tentative de meurtre. Il passa quatorze ans au pénitencier de l’Etat.

Alexander Berkman tire sur Henry Clay Frick

La débacle des Pinkertons à Homestead n’empêcha pas l’agence de rester le fer de lance des luttes anti-syndicales. C’est ainsi que l’été 1917 à Butte, dans le Montana, ils brisent la grève des mineurs de l’Anaconda Copper Company. Il est probable que le commando qui enleva et assassinat (en le pendant à un pont) le dirigeant de la grève, Frank Little, était composé de Pinkertons. C’est d’ailleurs pour ne pas collaborer aux campagnes anti-grèves que Dashiell Hammett démissionna de l’agence Pinkerton. Aujourd’hui, l’agence Pinkerton emploie 48 000 détectives. Elle a été rachetée en 2003 par la multinationale suédoise de la sécurité : le groupe Securitas AB (320.000 salariés).

Les Pinkertons escortent des briseurs de grève à Buchtel (1884)
Un des postes de tir des grévistes
Les Pinkertons après leur reddition
Alexander Berkman tire sur Henry Clay Frick

Début 1912, la police enregistre ses premiers succès contre la bande à Bonnot. Le 30 mars 1912, Soudy est arrêté, le 4 avril, Carouy, le 7 avril Callemin, et le 24 avril Monier. Ce même 24 avril, Louis Jouin, sous-chef de la Sûreté qui est chargé de l’affaire, perquisitionne au domicile d’un anarchiste. Il tombe sur Bonnot qui le tue à coup de revolver puis parvient à s’enfuir. Mais le 27 avril, Bonnot est repéré et encerclé dans un pavillon de Choisy-le-Roi. Bonnot se barricade et fait le coup de feu, un long siège commence, mené en personne par le préfet de police, Louis Lépine. De plus en plus de troupes diverses arrivent, jusqu’à un régiment de Zouaves avec sa mitrailleuse Hotchkiss dernier cri. Finalement, la police décide de faire sauter la maison : progressant à l’abri d’un charrette de paille, un militaire dépose et fait exploser une charge de dynamite. L’assaut est donné. Bonnot, blessé dans l’explosion, parvient encore à les accueillir à coup de revolver avant d’être mortellement blessé.

Le siège de Choisy-le-Roi


Explosion de dynamite contre le refuge de Bonnot, retranché au premier étage

Les deux derniers membres du groupe, Valet et Garnier, sont localisé le 14 mai 1912 dans un pavillon de Nogent-sur-Marne. Un nouveau siège commence, pratiquement identique à celui de Choisy. Pendant plus de 9 heures, Valet et Garnier tiennent en respect une petite armée. Du haut du viaduc, André Kling, le directeur du Laboratoire municipal de chimie, jette des paquets explosifs de mélinite, en vain. Finalement, un régiment de dragons parvient à faire sauter la villa. La police, ayant donné l’assaut, achève les deux anarchistes.
À la suite de ces sièges, le préfet Lépine institue le 26 mai 1912 une Commission Spéciale, qu’il préside, chargée de «proposer tout moyen propre à réduire les bandits ou les fous dangereux». Lépine était du genre innovateur (il a fondé le concours Lépine primant les inventions): il avait mis en place la permanence dans les commissariats, crée la brigade fluviale ainsi que les brigades cyclistes, fait installer 500 avertisseurs téléphoniques, instauré les passages piétons, les sens uniques et les sens giratoires, encouragé les premiers développements de la police scientifique.

Louis Lépine

La commission fut composée d’un membre de l’Institut Pasteur, d’un membre de l’Académie de médecine, du fameux André Kling, directeur du laboratoire municipal de la ville de Paris, d’un officier de la section technique du génie, et du chef du laboratoire municipal. La Commission propose de doter les forces d’une brigade spéciale de la Police Judiciaire d’une arme chimique contenant un gaz lacrymogène dénué de propriétés « asphyxiantes ou délétères » ce sera l’origine de la la « Brigade des gaz ».

La commission bénéficia des recherches militaires. Le Comité et de la Direction de l’artillerie avait créé en novembre 1905 une commission secrète pour l’étude de « gaz ne tombant pas sous le coup de la convention de La Haye, c’est à dire ni asphyxiants, ni délétères, de gaz simplement puants mais qui devaient sentir tellement mauvais que toute position devrait devenir intenable ». Parmi toutes les substances sélectionnées, une trentaine furent essayées, et parmi celles recommandée, l’éther bromacétique connu depuis 1850 pour ses propriétés irritantes. Une Commission d’étude du Génie expérimenta à partir de 1909 des dispositifs de diffusion de gaz susceptibles de rendre intenable une position fortifiée et d’en chasser ses occupants. Deux types de grenades et un pistolet lance-grenades furent étudiés.

La commission instaurée par Lépine adopta l’éther bromacétique. La préfecture de police organisa à partir de septembre 1913 des tests et des exercices, puis sa Brigade des gaz (qui exista jusqu’en 1939) l’utilisa avec succès pour neutraliser les individus barricadés. Devant le succès de cet équipement, l’Établissement central du matériel du Génie décida le 8 juillet 1913 que l’armée française adopterait des grenades suffocantes (le terme lacrymogène n’apparait qu’en 1915) sur le modèle en usage à la police. Le corps était toujours en laiton étamé intérieurement et la projection de l’éther bromacétique était assuré soit par une légère charge de poudre soit par un détonateur. Elle utilisa ces gaz en août 14 en Alsace contre l’armée allemande, sans grand succès, faute d’atteindre des concentrations efficaces.

Grenade suffocante française, adoptée par l’établissement central du matériel du génie, le 8 juillet 1913

Si l’usage militaire des gaz lacrymogènes fut réduit (à la différence des gaz asphyxiants), leur usage policier se généralisa à travers le monde à partir des années 1920. Ce n’est cependant qu’à partir des années 1930 que les gaz lacrymogènes commenceront à être utilisés pour disperser les manifestations.

1934: La police de Minneapolis use de gaz lacrymogène contre les grévistes des transports

Le siège de Choisy-le-Roi
Explosion de dynamite contre le refuge de Bonnot, retranché au premier étage
Louis Lépine
Grenade suffocante française, adoptée par l'établissement central du matériel du génie, le 8 juillet 1913
1934: La police de Minneapolis use de gaz lacrymogène contre les grévistes des transports

C’est sur base des recherches décrite dans l’épisode précédent de notre feuilleton que fut rédigé le manuel d’interrogatoire KUBARK. Parfois très détaillé, parfois très allusif. C’est ainsi que la torture visant à amollir et stresser le sujet n’est évoqué qu’incidemment, par exemple au détour d’instruction sur l’installation électrique requise. La CIA n’a jamais hésité à recourir à la torture, et avait même un cours de torture à Fort Bragg. Mais sous la torture la victime a tendance à raconter n’importe quoi pour faire stopper la souffrance. KUBARK vise à ce que le sujet donne volontairement toutes les informations espérées, et mêmes celles dont l’interrogateur ne soupçonnait pas l’existence.

Au sommaire du manuel KUBARK

Pour provoquer le syndrome DDD, c’est la peur de la torture, la menace permanente d’être à nouveau torturé qui opère. Un procédé privilégié est d’obliger le prisonnier à rester dans des positions douloureuses. La détermination morale à résister et son désir de s’effondrer afin que la douleur cesse, enferme le sujet dans un combat autodestructeur. La douleur auto-infligée permet d’éviter le mécanisme par lequel le sujet entre en confrontation directe avec son tortionnaire, lui opposant sa résistance. On enlève au torturé la possibilité de se confronter à une volonté adverse. C’est un technique que l’on a vu employer à une grande échelle à Abou Ghraib.

Le sous-officier Charles Graner, de la police militaire, considéré comme le responsable des sévices à Abou Ghraib, affirmait avoir obéir aux ordres qui lui demandaient d’

KUBARK a fondé la torture psychologique contemporaine en détaillant ses treize éléments de base : 1) l’isolement ; 2) la débilitation psychologique ; 3) la désorientation spatiale ; 4) la désorientation temporelle ; 5) la désorientation sensorielle ; 6) la privation sensorielle ; 7) le désespoir provoqué ; 8) l’assaut sensoriel (par exemple par sur-stimulation, comme dans le cas de la torture par le son) ; 9) les menaces (dont les simulacres d’exécution) ; 10) les traitements bestiaux (où le sujet est ramené au rang d’animal) ; 11) les humiliations sexuelles et les viols ; 12) les profanations (forcer les victimes à assister ou à accomplir des dégradations de ce qu’elles considèrent comme sacré) ; 13) la manipulation pharmacologique. Ces éléments permettent l’application de trois principes.

Premier principe : la désorientation ou la confusion, bouleverser les attentes et les réactions conditionnées de la personne interrogée. Elle est habituée à un monde qui fait sens, prévisible et s’y ancre pour préserver son identité et sa capacité de résistance. Dans l’espace clos de la détention, l’entreprise de déstabilisation passe d’abord par une perturbation systématique des régularités temporelles : horloges trafiquées, qui avancent puis retardent, horaires irréguliers, nuits à géométrie variable… La texture même du réel est attaquée, les rythmes habituels sont détraqués pour plonger le sujet dans un état de désorientation.
Cette stratégie de dissolution des cadres se prolonge aussi dans la sphère sociales. La cible est privée de ses repères logiques et sémantiques ordinaires : la bombarder de questions absurdes et incohérentes, lui faire des demandes contradictoires et farfelues, prendre un ton de voix qui dément la teneur des propos tenus… Le sujet va s’ingénier à donner du sens à une situation devenue mentalement insupportable. Il s’épuisera dans une tâche d’interprétation sans fin.

Deuxième principe : celle du rétrécissement du monde. La mise à l’isolement commence par la confiscation de tous les effets personnels (les symboles de la vie passée peuvent être une source de force morale). Le sentiment de cette séparation doit être intensifié, par tous les moyens, de sorte que le prisonnier en vienne à se persuader qu’il est coupé de toutes forces amies capables de le soutenir. Mais on ne veut pas seulement le couper du monde. On lui en recrée aussi un autre à la place. À mesure que l’ambiance et les repères du monde extérieur se font plus lointains, leur importance pour la personne interrogée se réduit. Ce monde est alors remplacé par la salle d’interrogatoire, ses deux occupants et leur relation. Le sujet se fonde de plus en plus sur les valeurs du monde de l’interrogatoire, plutôt que sur celles du monde extérieur.
Priver le sujet de monde ne signifie pas seulement le couper de son univers familier et de ses proches, mais aussi de tout horizon de conscience plus vaste, géographique et historique, affectif et politique. Fabriquer des individus esseulés ou recroquevillés dans de petits mondes aux préoccupations à la fois vitales et mesquines ; faire s’enfermer mentalement les sujets dans des univers à quelques personnages, dont les micro-drames éclipsent ceux du monde.

Ulrike Meinhof subit une programme voisin de KUBARK: isolement total, anesthésies de force, une cellule insonorisée et sans fenêtre, lumière artificielle s’allume de telle manière à briser le cycle du sommeil.

Troisième principe : l’autoprédation, qui correspond au procédé, déjà évoqué, de l’autodouleur. Il faut que le sujet se fasse le bourreau de soi-même, et les effets en seront démultiplié par la culpabilisation: On lui demandera au sujet, sur un ton plein de sollicitude : « Mais pourquoi donc te fais-tu ça ? »

Lorsque les Américains entendirent tester in vivo, en 1971, au Vietnam, l’efficacité de KUBARK sur un résistant communiste, Nguyen Van Tai, qui avait résisté aux tortures physiques les plus extrêmes. ils lui firent construire une cellule particulière et une chambre d’interrogatoire, toutes les deux complètement blanches, un espace totalement nu, hormis une table, une chaise, un trou percé pour les toilettes, avec des caméras de surveillance et des micros omniprésents pour pouvoir enregistrer tous ses faits et gestes.
Enfermé et torturé trois ans dans ce cube sans fenêtres, Tai parvint à tenir bon en organisant, de façon méthodique et obstinée, un rituel de petits contre-poisons quotidiens. Il se réveillait automatiquement tous les jours à 6 heures du matin, récitait alors en silence les paroles de l’hymne nord-vietnamien, effectuait des exercices physiques, composait des poèmes et des chansons dans sa tête, et saluait une étoile qu’il avait grattée sur son mur pour représenter le drapeau nord-vietnamien.
Entretenir le souvenir de la conscience du monde était indispensable pour ne pas se laisser enfermer, mentalement aussi, dans le cube blanc que les interrogateurs avaient assigné à son existence. Il répétait cette routine toute la journée, puis à 10 heures, tous les soirs, il se mettait au lit. On peut interpréter les rituels de cette discipline personnelle comme autant de techniques de contre-conditionnement, mises en œuvre par le sujet lui-même, en réponse au conditionnement externe que l’on essayait de lui faire subir.

Nguyen Van Tai, qui a survécu à la guerre et a pu décrire son expérience dans les mains de la CIA

Pour en savoir plus:

Éditions ZONE
Paru le 7 juillet 2012
192, pages, 16 euros
ISBN : 2-355-22045-X

Le sous-officier Charles Graner, de la police militaire, considéré comme le responsable des sévices à Abou Ghraib, affirmait avoir obéir aux ordres qui lui demandaient d'
Ulrike Meinhof subit une programme voisin de KUBARK: isolement total, anesthésies de force, une cellule insonorisée et sans fenêtre, lumière artificielle s’allume de telle manière à briser le cycle du sommeil.
Nguyen Van Tai, qui a survécu à la guerre et a pu décrire son expérience dans les mains de la CIA
Le manuel d’interrogatoire de la CIA – Seconde partie

En 1954, les autorités de Washington furent choqués quand des soldats américains faits prisonniers lors de la guerre de Corée déclarèrent vouloir rester en zone communiste, reniant publiquement les USA. Pour les Américains, la dénonciation de la guerre impérialiste par ces soldats ne pouvait être sincère. Les communistes pouvaient donc « laver les cerveaux », modeler les personnalités et les consciences. Les USA ne pouvaient continuer à se laisser distancer dans ce nouveau domaine de la course aux armement: la Brain Warfare, la guerre du cerveau était lancée.
Il allait aboutir au « Kubark Counterintelligence Interrogation » (KUBARK est le nom de code que la CIA s’était donné pendant la guerre froide), un manuel exposant la manière de briser la volonté d’un prisonnier. Rédigé en 1963, il fut déclassifié 1997 (en partie seulement, la CIA censurant de nombreux passages) suite à une démarche de journalistes invoquant la loi sur la liberté de l’information.

En 1954, 31 prisonniers de guerre US firent le choix de rester en zone communiste; certains y fondèrent un famille, d’autres rentrèrent ultérieurement aux USA

La CIA ne partait pas de zéro. En 1950, avec le programme Bluebird, elle avait administré des milliers de doses de LSD, une substance qui venait d’être découverte à des cobayes. Le programme fut rebaptisé Artichoke puis MK-Ultra. La CIA tua plusieurs de ses cobaye, en rendit fou ou handicapé de nombreux autres, mais dû finalement admettre que le LSD n’était pas l’outil adéquat pour « retourner » un prisonnier ou lui faire révéler ses secrets.
En avril 1956, deux professeurs de médecine de l’université Cornell, Harold Wolff et Lawrence Hinkle, remirent à la CIA un rapport sur les « méthodes de contrôle communistes ». Selon eux, la clé des méthodes communistes étaient un héritage des techniques tsaristes. L’isolement, combiné avec le stress des interrogatoires, plongeait les prisonniers dans le syndrome « DDD », pour Debility, Dependency and Dread: faiblesse (physique et psychique), dépendance et détresse. Des sujets affectés du syndrome DDD sont désespérément dépendants de leurs geôliers pour la satisfaction de leurs besoins de base, ils éprouvent des réactions de peur et d’anxiété intenses. Selon le rapport, les communistes n’appliquaient ces techniques que de manière routinière et empirique. Il était possible de faire mieux en les refondant sur une base scientifique.

Air du temps: dans The Manchurian Candidate (roman de 1959, film de 1962), les communistes lavent le cerveaux de prisonniers de guerre américains pour en faire leurs créatures.

En 1955, la CIA avait créé une fondation écran, la Society for the Investigation of Human Ecology, qui injecta dans les universités des millions de dollars pour financer les recherches. Le docteur Donald Hebb, de l’université McGill, étudia les effets de l’isolement radical. Après quelques heures passées à porter un casque isolant sur les oreilles, confinés dans une sorte de caisson fermé, les yeux obstrués, le corps recouvert de mousse, les sujets éprouvaient des difficultés de concentration, des troubles des facultés cognitives, des hallucinations visuelles, l’impression d’être détachés de leur corps – l’identité même du sujet avait commencé à se désintégrer.

Expérience de privation sensorielle

Ces expériences furent reprises et radicalisées par le docteur Ewen Cameron, directeur de l’Allan Memorial Institute of Psychiatry à Montréal. En 1957, son étude sur les « effets de la répétition de signaux verbaux sur le comportement humain » fut financée par la Society for the Investigation of Human Ecology et intégré au projet MK-Ultra. Cameron testa pendant des années sur des patients non consentants sa méthode visant à effacer leur personnalité. Les individus étaient plongés dans des comas artificiels, soumis à des séances d’électrochocs à répétition, enfermés pendant des jours dans des boîtes de privation sensorielle et exposés à des messages audio diffusés en boucle du type « Ma mère me hait ». Les cobaye de Cameron ont souffert toute leur vie des effets de ses expériences.

Donald Ewen Cameron, ancien président de l’American Psychiatric Association, de la Canadian Psychiatric Association et de la World Psychiatric Association – qui fit pour la CIA des expériences cruelles sur ses patients à leur insu

L’essentiel pour la CIA était la preuve que l’isolement radical et la privation sensorielle désorientaient et affaiblissaient les sujets, provoquaient une régression psychique rendant réceptif à la suggestion. Et à ce stade, les techniques de l’entretien psychiatrique étaient les plus efficaces pour prendre le relais. En résumé: il fallait provoquer le déséquilibre psychiatrique, en réduisant le sujet à un noeud d’angoisses, de stress et de dépendance, puis le « rééquilibrer » dans le sens voulu. Répondre aux questions de l’interrogateur apportant le soulagement.

(à suivre)

En 1954, 31 prisonniers de guerre US firent le choix de rester en zone communiste; certains y fondèrent un famille, d'autres rentrèrent ultérieurement aux USA
Air du temps: dans The Manchurian Candidate (roman de 1959, film de 1962), les communistes lavent le cerveaux de prisonniers de guerre américains pour en faire leurs créatures.
Expérience de privation sensorielle
Donald Ewen Cameron, ancien président de l'American Psychiatric Association, de la Canadian Psychiatric Association et de la World Psychiatric Association - qui fit pour la CIA des expériences cruelles sur ses patients à leur insu

01/01/2000

Le boycott

Charles Cunningham Boycott (1832-1897) est un britannique du XIXe siècle qui fut d’abord capitaine dans l’armée puis propriétaire terrien en Irlande, sur l’île d’Achill puis à Lough Mask dans le comté de Mayo. Durant l’été 1879, à l’appel de Charles Stewart Parnell, dirigeant de la ligue agraire, les fermiers se coordonnèrent afin d’obtenir de Charles Boycott, leur riche propriétaire terrien qui les traitait mal, de meilleures conditions de travail. Charles Boycott subit un blocus de leur part qui alla jusqu’à sacrifier une récolte, les mercenaires moissonneurs, protégés par l’armée britannique, étant arrivés trop tard. Cette action entraîna sa ruine. Le mot « boycott » se répandit en Angleterre par voie de presse et celui de « boycottage » apparaît en France dès 1881 où il redeviendra simplement « boycott ».

Le capitaine e.r. Charles Cunningham Boycott

Le boycott a existé avant que le nom lui soit donné. Pendant la Révolution américaine, à la fin du XVIIIe siècle, le boycott des marchandises anglaises, et notamment le thé, était un moyen utilisé par les colons pour faire pression sur la métropole. Les premiers anti-esclavagistes anglais lancèrent en 1790 un boycott du sucre provenant des Antilles car produit par des esclaves. Parmi les boycott célèbres, il y a celui lancé en Inde en 1930, par le Mahatma Gandhi sur les impôts liés au sel, contre l’Empire britannique et celui des bus de Montgomery en 1955 à l’appel de Martin Luther King pour obtenir la fin de la discrimination raciale. Le premier grand boycott politique international fut celui de l’Afrique du Sud pour mettre fin à l’apartheid, à partir des années 1970.

Le phénomène du boycott augmente du fait des nouvelles facilités de communication et parce qu’il constitue un mode de protestation adapté à quelques tendances actuelles : individualiste mais solidaire, non-violent et sans risque. Les « consom’acteurs » utilisent leur pouvoir d’achat comme une sorte de droit de vote pour compenser leur impuissance en tant qu’électeurs face au pouvoir des multinationales (le slogan du boycott contre Kraft était: « Vote with your dollars »). Le développement du mouvement altermondialiste en France et ailleurs a été s’accompagnant d’une multiplication des boycotts, à commencer par celui de Danone déclenché suite de l’annonce de son plan social, en mars 2001. Le groupe restructurait sa branche biscuits: six fermetures d’usines, dont deux en France, et 1816 suppressions d’emplois, dont 570 dans l’Hexagone. Choquée par cette vague de licenciements de la part d’une entreprise en bonne santé, une partie des salariés a lancé un appel au boycott des produits Danone. Paradoxalement, l’image de Danone comme entreprise plutôt sociale a servi de levier à ce mouvement. Cet appel fut très vite relayé, avec la création de sites Internet, et a eu un impact visible sur les résultats du groupe: sur les neuf premiers mois de l’année, la croissance des ventes dans le pôle biscuits n’a été que de 0,4%, contre 6,4% sur la même période en 2000.

Un boycott est d’autant plus efficace que l’entreprise a de grands frais fixes, et qu’une baisse d’à peine 5 % de la demande pourrait par exemple faire baisser son bénéfice de plus de moitié. L’appel au boycott peut donc avoir un énorme impact, voire mettre une entreprise fragile en difficulté. Le législateur a déjà mis en place dans certains pays des lois anti-boycott. C’est ainsi qu’en France, le boycott peut être considéré en France comme une discrimination envers une personne physique s’il est effectué « en fonction de l’origine, du sexe, de la situation de famille, de l’apparence physique, du patronyme, de l’état de santé, du handicap, des caractéristiques génétiques, des mœurs, de l’orientation ou identité sexuelle, de l’âge, des opinions politiques, des activités syndicales, de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée des membres ou de certains membres de ces personnes morales ».

Depuis juillet 2005, la société civile palestinienne appelle aux boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) contre Israël. Des organisations pro-israéliennes ont poursuivi en justice des membres français de BDS. Ces organisations firent jouer leurs relais politiques: en février 2010, la Ministre Alliot-Marie, alors Garde des Sceaux, demandait par une circulaire aux Parquets d’engager des poursuites contre les personnes appelant ou participant à des actions de boycott des produits israéliens, ces actions étant assimilées à de la discrimination antisémite et de la haine raciale. Plusieurs poursuites ont été engagées, mais débouchèrent sur des fiasco juridiques. Le 20 novembre 2014, la Cour de cassation a rejeté les pourvois des différentes officines pro-israéliennes en France contre une militante de BDS. Cela cloture une saga juridique (cet arrêt fait suite à un arrêt de la Cour d’appel de Paris en 2012, faisant lui-même suite à un premier jugement de 2011, tous en faveur de BDS).

Le capitaine e.r. Charles Cunningham Boycott
Le boycott
Le boycott
Le boycott
Le boycott

01/01/2000

La prison de Khiam

Khiam est un village situé au sud du Liban, près de la ville de Nabatieh, à une distance d’environ 100 kilomètres de Beyrouth. Pendant le mandat français sur le Liban et la Syrie (qui ne faisaient qu’un jusqu’à ce que les Français les divisent), après la défaite de l’empire Ottoman dans la première guerre mondiale, les Français y construisirent un fort. Le fort de Khiam, situé sur un promontoire qui domine le Sud-Liban, est transformé en une base de l’armée libanaise, avant d’être occupé par les Israéliens lors de l’invasion du Liban de 1982. Ces derniers le transforment en une prison clandestine et un centre de torture sous le commandement des officiers de l’Armée du Liban Sud.

Une des premières photos de la prison de Khiam


Le plan de la prison

L’ALS, était une milice fasciste libanaise à qui Israël avait confié la garde d’une bande de terre libanaise longeant la frontière avec la Palestine. L’ALS était armée, financée et encadrée par Israël. De 1985 à 2000, plusieurs milliers de prisonniers libanais et réfugiés palestiniens ont été détenus dans la prison sans jugement et certains d’entre eux y ont trouvé la mort. Des mineurs, âgés de 12 à 16 ans, y ont été enfermés.
Khiam était une zone de non-droit absolu : torture systématique, conditions inhumaines de détention, isolement total, privation de lumière, pas de visite, pas d’avocat, pas de juge, pas de correspondance… Si pour certains le séjour était court, car il fallait intimider, la plupart des détenus l’ont été pour de longues périodes, souvent plus de dix ans… et sans aucun jugement. Un ordre militaire, resté secret, suffisait.
L’isolement était tel qu’une détenue, sortie en 1992, n’était au courant ni de la guerre du Golfe (1991) ni de la fin de la guerre civile au Liban (1990). La cellule d’isolement des femmes mesurait 1,80 m de long sur 80 cm de large. Soha Bechara avait passé dix ans à Khiam. Cette jeune militante communiste, devenue un symbole de la résistance dans son pays, avait tenté d’assassiner le général Antoine Lahad, chef de l’ALS, le 7 novembre 1988 d’abattre Antoine Lahad, ce général dévoyé qui dirigeait l’ALS. Elle a été détenue dix ans, dont six ans à l’isolement, dans une cellule d’isolement mesurant 1,80 m de long sur 80 cm de large, avec d’incessants interrogatoires sous la torture : « L’électricité, les tuyaux, l’eau… des décharges électriques durant quatre heures d’affilée. On ne peut que crier dans ces moments-là ». Un jour, ils ont amené sa mère pour qu’elle assiste aux tortures de la fille.

Le couloir des cellules


Caisson d’acier où un prisonnier pouvait être enfermé plusieurs jours durant


Libération de Souha Bechara

Pendant des années, Israël a nié l’existence de la prison, ne reconnaissant qu’un centre de l’ALS pour gérer les arrestations. Ce n’est qu’à partir de 1995 que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a obtenu un droit de visite. Les associations de défense des droits de l’homme ont toujours considéré Israël comme responsable de l’existence et du fonctionnement de cette prison. Les témoignages d’anciens détenus attestent de la présences d’officiers et de fonctionnaires israéliens, et les officiers des services de renseignements israéliens y passaient tous les jours relever les résultats des interrogatoires des membres de la résistance. Israël avait créé un nouvel instrument de répression que les États-Unis, vingt ans après, allaient reprendre : la délocalisation et la sous-traitance de la torture pour contourner ses propres lois et obligations internationales.

En mai 2000, avec le départ précipité de l’armée israélienne a entraîné la débacle des collaborateurs de l’ALS qui ont pris la fuite vers Israël. La population s’est précipité vers la prison et a libéré les 145 derniers prisonniers.
Khiam était devenu un musée. Une dizaine d’anciens détenus animaient les visites guidées. Ils faisaient visiter les cellules, montraient les inscriptions gravées sur les murs… Le tour se terminait par une petite exposition d’objets fabriqués en secret par les prisonniers. La nuit du 19 au 20 juillet 2006, lors de la «guerre de 34 jours» entre Israël et la résistance au Sud-Liban, un bombardement israélien a totalement rasé le musée. Israël, qui passe son temps à invoquer la mémoire, sait s’employer à détruire celle des autres.

La prison devenue musée, après le bombardement israélien

Une des premières photos de la prison de Khiam
Le plan de la prison
Le couloir des cellules
Libération de Souha Bechara
La prison devenue musée, après le bombardement israélien

Netchaïev naquit en 1847 dans une famille ouvrière de la province russe. Autodidacte, il devint instituteur en 1868 à Saint-Pétersbourg, où il fréquentait les milieux anarchistes. Recherché, il se réfugie à Genève en mars 1869; il y rencontre Bakounine, avec qui il se lie puis se brouille, et rédige son célèbre Catéchisme révolutionnaire (lire ce Catéchisme).

Netchaïev

En 1869, Netchaïev retourne clandestinement à Moscou où il fonde (grâce à un mandat de Bakounine) une organisation révolutionnaire conspirative, extrêmement centralisée: la « Vengeance du Peuple » (Narodnaya Rasprava). Peu après, il organise l’assassinat de l’étudiant Ivanov qui voulait quitter l’organisation. Netchaïev l’accusera de trahison. L’étau de la police se resserre très vite contre Netchaïev qui se réfugie à Londres, puis à Paris; et enfin à Zurich. Le procès de ses complices dans l’assassinat d’Ivanov, à Saint-Pétersbourg, eu un grand retentissement.
Netchaïev est arrêté à Zurich en 1872. Le gouvernement russe demanda son extradition comme un criminel de droit commun. A cause de l’assassinat d’Ivanov, l’opinion était défavorable à Netchaïev. Ceux qui tentèrent d’empêcher l’extradition sur base du fait que Netchaïev était un politique et non un droit commun reçurent une fin de non recevoir des principales organisations d’émigrés politiques qui déclarèrent ne pas vouloir défendre un tel assassin.
Un groupe d’étudiants révolutionnaires voulut tenter de le libérer de force sur le trajet de la prison à la gare, mais ils n’étaient pas assez nombreux au moment prévu. Un tentative d’évasion aurait quand même eu lieu mais les policiers suisses auraient aussitôt rattrapé Netchaïev. Deux révolutionnaires étaient dans le train, guettant l’occasion, mais ils ne purent rien faire.
En Russie, Netchaïev fut jugé comme droit commun et condamné à vingt ans de travaux forcés. Mais au lieu d’être déporté en Sibérie comme droit commun, il fut enfermé au ravelin Alexis, élément de fortification de la forteresse Pierre-et-Paul, situé sur une île de la Neva, qui servait de prison d’État depuis le début du XVIIIe siècle. Cette détention fut gardée secrète: personne ne savait où Netchaïev avait disparu.

La forteresse Pïerre-et-Paul

Le ravelin Alexis était entièrement isolé du reste de la forteresse, il recevait les prisonniers politiques ou les hérétiques les plus redoutés. Le régime y était d’une sévérité impitoyable, sans lumière, sans air, l’isolement perpétuel. Les prisonniers étaient épuisés par les privations, l’humidité ou le froid glacial, ils souffraient du scorbut, de plaies infectées aux poignets et aux chevilles en raison des fers qui les enchaînaient. Ceux qui résistaient étaient battus et se voyaient passer la camisole de force (Netchaïev la porte sept jours d’affilée).

Le ravelin Alexis

Des hommes y avaient passé des dizaines d’années et plusieurs d’entre eux craquèrent, se suicidant, perdant la raison, ou abandonnant le combat révolutionnaire comme Dostoïevski. Dans son roman dirigé contre les révolutionnaires, Les Possédés, Dostoïevski s’inspira de l’assassinat d’Ivanov et Netchaïev y apparait sous le nom de Verkhovensky. C’est au ravelin Alexis que Bakounine, qui y passa trois ans, avait craqué et écrit sa supplique au tsar où il mettait son engagement révolutionnaire sur le compte d’un « manque de maturité intellectuelle ». Quand Netchaïev fut invité à écrire une semblable supplique, il écrivit à l’inverse un texte plein de détermination et de dignité. Un général de gendarmerie vint alors en cellule lui expliquer ce qu’on attendait de lui: Netchaïev l’envoya au diable, et quand le général le menaça du fouet, Netchaïev répliquera par une telle gifle que le général en aura la lèvre fendue.
Quand Netchaïev arriva au ravelin Alexis, il ne s’y trouvait qu’un seul autre prisonnier, Mikaïl Beideman, un officier soupçonné d’avoir voulu assassiner le tsar. Arrêté et enfermé sans jugement, il avait passé vingt ans dans le ravelin et était devenu fou. Un autre prisonnier arriva, Mirski, mais c’était un révolutionnaire qui avait craqué et qui informait la police pour adoucir ses conditions de détention. Privé de tout contact, Netchaïev commença à « travailler » ses geôliers qui avaient pourtant ordre de ne pas lui parler. Jour après jour, après avoir observé le caractère de chacun des gendarmes, il commença à miner leur discipline, discréditer leurs supérieurs. Après deux ans de travail de sape, il s’était attaché la complicité plus ou moins prononcée de quarante gendarmes! Ceux-ci passèrent ses messages à l’organisation « La Volonté du Peuple » avec un plan d’évasion. Ce plan extraordinairement détaillé, qui avait pu être mis au point grâce aux information des gendarmes qui sympathisaient avec Netchaïev, ne put être exécuté car l’organisation dut concentrer ses moyens à une tentative d’assassinat du tsar.

La cellule de Dostoïevsky au ravelin Alexis

C’est le mouton Mirski qui comprit que Netchaïev avait construit un réseau de complices parmi ses gardiens. Il les dénonça. Dix-huit sous-officiers de gendarmerie et 35 gendarmes composant la garde du ravelin Alexis furent jugés en 1882. Deux furent condamnés aux travaux forcés, tous les autres déportés en Sibérie avec interdiction de prononcer jusqu’au nom de Netchaïev. Netchaïev mourut le 21 novembre 1882 dans un isolement si complet qu’aucun des vingt membres de la « Volonté du Peuple » enfermés en mars 1882 dans le ravelin n’avait perçu le moindre signe de sa présence.

Netchaïev
La forteresse Pïerre-et-Paul
Le ravelin Alexis
La cellule de Dostoïevsky au ravelin Alexis

Le 31 mai 1974 à la Grugahalle de Essen, a lieu un immense concert de solidarité avec le peuple chilien suite au coup d’Etat du général Pinochet le 11 septembre 1973. Le concert est donné par quelques artistes allemands et par les plus célèbres musiciens du Chili qui avaient échappés aux militaires.

Le groupe Quilapayun, très populaire avec son mélange d’instruments traditionnels andins et ses chansons engagées, avait été nommé en 1972 « ambassadeur culturel » du Chili par Salvador Allende. Fin août 73, le groupe était en tournée en France et devait rentrer à Santiago le 24 septembre 73. Il restera 15 ans en exil en France. La situation du groupe Inti Illimani, emblématique de la nouvelle chanson chilienne, était identique: également en tournée européenne au moment du coup d’Etat, il restera 15 ans en exil en Italie. Quant à Isabel Parra, elle avait échappé aux militaires lors du coup d’Etat en se réfugiant à l’ambassade du Venezuela, sous cette protection, elle avait pu quitter le Chili en 1974.

La Grugahalle de Essen


En introduction au concert, passe la voix enregistrée de Victor Jara, interprétant Herminda de la Victoria. Victor Jara était un chanteur communiste d’une immense popularité au Chili et ses chansons avaient rythmé le mouvement de l’Unité Populaire et du président Salvador Allende. Il avait été arrêté par les militaires lors du coup d’État, emprisonné et torturé au stade de Santiago avec de nombreuses autres victimes de la répression. Il y écrit le poème Estadio de Chile qui dénonce le fascisme, et qui est resté inachevé: Víctor Jara est isolé des autres prisonniers: les militaires lui coupent les doigts à la hache et finissent par l’assassiner le 15 septembre.


Suit alors Quilapayun qui interpète trois chanson de Victor Jara: Plegaria a un labrador, Que lindas son las obreras et Con el alma llena de banderas.


Succèdent:
– deux autres chansons de Jara, Lo unico que tengo interprètée par Isabel Parra, et Te recuerdo Amanda par Patricio Castillo (du groupe Quilapayun).
Donde esta la patria, par Isabel Parra et Patricio Castillo
Marsch der mumien III, et Des volkes fesseln, par Floh de Cologne
Ya parte el galgo terrible (sur un poème de Pablo Neruda), Chile herido, El aparecido (une chanson de Victor Jara), La segunda independencia, par Inti-Illimani.
– Dieser chilenische sommer war süss, par Dieter Süverkrüp
– Station Chile, par Franz Josef Degenhardt
– Wir sind fünftausend (une chanson de Victor Jara), par Reinhold Ohngemach
– Allende lebt, par Dietrich Kittner

En final Inti-Illimani et Quilapayun reprennent ensemble El pueblo unido jamas serà vencido, puis tous les artistes reprennent le Venceremos, qui fut l’hymne de l’Unité Populaire d’Allende, et sont relayé par la foule assistant au concert qui scande sa solidarité.

Ecouter ici le concert

La Grugahalle de Essen
Konzert für Chile – Essen 1974
Konzert für Chile – Essen 1974
Konzert für Chile – Essen 1974
Konzert für Chile – Essen 1974