Actualité de la répression et
de la résistance à la répression

Rubin Carter est né à Paterson dans le New Jersey, au milieu d’une famille de sept enfants. Il fut enfermé dans un centre pour délinquants juvéniles peu après son quatorzième anniversaire, s’en évada en 1954 et s’engagea dans l’armée à l’âge de 17 ans. Il eu plusieurs problèmes disciplinaire dans l’armée (insubordination et absences illégales) qui le renvoya en mai 1956. A son retour, Carter fit dix mois supplémentaires de détention pour son évasion de la maison de correction et fut condamné pour des agressions.

Pendant son incarcération, Rubin Carter pratiqua la boxe et devint professionnel à sa libération en septembre 1961. Son style agressif et la puissance de ses coups – qui lui permirent de terminer beaucoup de ses combats par KO dès les premiers rounds – lui firent gagner le surnom de « Hurricane » – l’Ouragan-. Il prit part à six combats en 1963 (quatre victoires pour deux défaites) et, le 20 décembre, à la surprise générale, il mit deux fois au tapis l’ancien et futur champion du monde Emile Griffith au premier round, par KO technique. Cette victoire permit à Carter d’atteindre la troisième place des prétendants au titre des poids moyens.

Carter remporta deux combats de plus en 1964, avant de rencontrer Joey Giardello à Philadelphie pour un championnat du monde le 14 décembre. La décision des juges récompensa Giardello. 14 des 18 journalistes sportifs présents s’accordaient pourtant à dire que Carter avait mieux boxé. Carter resta digne dans la défaite et ne protesta pas contre la décision des juges. Il combattit neuf fois en 1965, mais perdit quatre de ces combats.

Le 17 juin 1966, à environ 2 h 30 du matin, deux hommes noirs entrèrent dans un bar à Paterson et tirèrent, tuant le patron, une cliente et un client, et blessant un troisième client. Un petit délinquant, Alfred Bello, qui se trouvait près du Lafayette pour commettre un cambriolage appela un opérateur téléphonique pour avertir la police. Deux voisins virent deux hommes noirs monter dans une voiture blanche en quittant le bar. La couleur de la voiture de Carter était blanche. La police l’arrêta et amena Carter et l’autre occupant, John Artis, sur la scène du crime environ trente minutes après l’incident. La police ne prit pas d’empreintes digitales sur le lieu du crime et n’avait pas l’équipement pour effectuer un test à la paraffine sur Carter et Artis. Aucun des témoins oculaires n’identifia Carter ou Artis comme l’un des tireurs. Mais la police trouva près de la voiture un pistolet et une cartouche de fusil de chasse du calibre utilisé lors de la fusillade.
Dans l’après-midi, les deux hommes passèrent avec succès l’épreuve du détecteur de mensonge et furent libérés.

Plusieurs mois plus tard, Bello révéla à la police qu’il avait un complice lors de sa tentative de cambriolage, Arthur Bradley. Après un interrogatoire supplémentaire, Bello et Bradley identifièrent Carter comme l’un des deux Noirs qu’ils avaient vus armés sortir du bar la nuit des meurtres. Bello identifia aussi Artis en tant que deuxième homme. En se fondant sur ces témoignages concordants, Carter et Artis furent arrêtés, inculpés et finalement condamnés par un jury 100% blanc.

C’est la valeur de ces témoignes qui est au coeur de la polémique. Survenus tard, provoqué par la police pour certains, ces témoignages ne cessèrent de varier. Il apparu ensuite que les témoins avaient passé un accord avec la police et que cet accord avait été délibérément caché au jury. En prison, Carter écrivit son autobiographie Le 16e Round , publiée en 1974. Il continua à clamer son innocence et gagna un soutien populaire grandissant: Mohamed Ali prit position pour lui, ainsi que Bob Dylan qui écrivit en ’75 une de ses plus puissantes chansons en son honneur: Hurricane.

En novembre 1985, après 20 ans de détention, plusieurs procès et des années de procédure, la Cour de District des États-Unis déclara que Carter et Artis n’avaient pas reçu de procès équitable, que l’accusation était « fondée sur le racisme plutôt que sur la raison et sur la dissimulation plutôt que sur la transparence. » et fit libérer Carter. Le 26 février 1988, Rubin Carter bénéficia d’un non-lieu et parti vivre au Canada. Il dirigea l’Association de Défense des Condamnés à Tort et travailla ensuite comme conférencier. Il est mort l’année passé, à 76 ans, à Toronto, d’un cancer.

Rubin « Hurricane » Carter
Rubin « Hurricane » Carter
Rubin « Hurricane » Carter
Rubin « Hurricane » Carter

Le leader de l’Indonésie indépendante est Sukarno, dont le nationalisme unitaire, vantant la tolérance religieuse, a un caractère anti-impérialiste. Dans un État constitué de six grandes religions, 300 dialectes, 17.000 îles et 100 millions d’habitants, Sukarno se posait comme l’arbitre entre les forces sociales et politiques antagonistes. Sa politique du front national consiste en une direction par le Parti national indonésien d’un mouvement unitaire avec d’un côté les groupements religieux conservateurs, de l’autre les communistes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Parti communiste indonésien, le PKI, voulait constituer un « front populaire national » en vue de fonder une nation indépendante de l’impérialisme, démocratique et sociale qui constituerait une étape vers le socialisme. Ce qui était pour Sukarno un but était pour le PKI une étape. Le PKI avait obtenu 16% des voix aux élections de 1955 mais il ne cessa de progresser et, en 1965, le PKI comptait 3,5 millions d’adhérents. Ses organisations de masse rassemblaient plus de 20 millions de sympathisants, soit un cinquième de la population indonésienne en 1965. C’était le troisième parti communiste du monde.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Puissant chez les travailleurs du pétrole, du caoutchouc ainsi que chez les petits paysans de Java et Sumatra, le PKI visait une réforme agraire pour les paysans (ce qui lui valait l’hostilité des propriétaires fonciers dirigeants les communautés musulmanes) et la nationalisation des ressources nationales. Après la victoire de Mao en Chine et le développement de la lutte de libération au Vietnam, la montée du communisme indonésien inquiétait l’impérialisme américain, craignant tant une radicalisation anti-impérialiste de Sukarno qu’une révolution communiste. Dans un premier temps, les Etats-unis vont apporter un soutien à tous les opposants de Sukarno en finançant le Parti socialiste (PSI), très anti-communiste, et le parti islamiste Masyumi. En 1958, une rébellion armée à Sumatra, riche en pétrole, sans base populaire, appuyé par les États-Unis et par les partis socialiste et islamiste est défait en quelques mois par l’armée indonésienne. Les Etats-Unis changent de stratégie et se tournent vers les militaires indonésiens en encourageant la faction anti-Sukarno et pro-impérialiste, conduite par le général Suharto, lui-même formé par les Etats-unis, face à la faction dominante « centriste », dirigé par Yani.

Les Etats-Unis contribuent à former les officiers indonésiens à la guerre « contre-insurrectionnelle » qui, eux-mêmes formeront les embryons de milices qui seront au cœur de la terreur de 1965. Car l’essentiel des massacres reviendra aux milices des partis religieux Nahdaltul Ulama (avec sa branche de jeunesse ANSOR) et Muhammadiyah, deux organisations islamistes de masse, ancrés dans les communautés rurales, appelant à un djihad anti-communiste. Les sympathisants communistes étaient souvent eux-mêmes musulmans. L’antagonisme de 1965 s’est structuré entre santri, musulmans fondamentalistes, proches des propriétaires terriens, colonne vertébrale des milices ; et abangan, forme religieuse syncrétique de l’islam, tolérante, ancrée dans les masses rurales sympathisantes du PKI.

Le prétexte au massacre survient le 30 septembre 1965 : un coup de force d’officiers qui proclame un gouvernement révolutionnaire après avoir exécuté six membres de la faction « centriste » de l’armée, dont le général Yani. Le général Suharto prend le contrôle de Djakarta, au nom du maintien du régime de Sukarno. En attribuant le putsch aux communistes, il déclenche le massacre. Ce sera à peu près le même schéma partout : encouragements venant des militaires, intervention et soutien logistique là où le PKI est puissant . L’intervention des para commandos, proches de Suharto, permettra le massacre sans risque des communistes. Venant de Jakarta “pacifié”, ils inaugurent le 19 octobre à Semarang un scénario qui se répétera le 21 à Magelang, le 22 à Solo, le 23 à Wonosobo : démonstration de force puis, sous leur protection, déclenchement de la chasse aux communistes par les milices ; on tue, on brûle sièges d’organisations comme demeures particulières; les survivants, qui fuient vers les campagnes, y sont pourchassés par les milices locales. C’est ainsi que, vers la mi-novembre, le secrétaire-général du PKI, Aidit, est capturé près de Solo, puis “confessé” et sommairement exécuté.

Le massacre s’étend à Java-Est : c’est dans cette province, la plus peuplée d’Indonésie, que les morts vont être les plus nombreux; c’est là qu’on décrit des rivières rouges de sang, et ces corps échoués que, chaque matin, le riverain rejette dans le courant. Puis la frénésie d’assassinats se porte sur Bali. La phase la plus aiguë dure un bon mois; à Java, à partir de la mi-novembre; dans certaines zones, jusqu’au tiers des hommes adultes ont semble-t-il été tué.




Entre 500.000 et trois millions de communistes, de sympathisants communistes, de personnes suspectées de l’être, ou d’appartenir à des groupes sociaux jugés favorables aux communistes (athées, descendants de l’immigration chinoise ou indienne, etc.) sont assassinés par balle, baïonnette ou décapitation. Un autre million de communistes et de sympathisants furent emprisonnées ou astreintes à des travaux forcés dans les plantations, les mines et les chantiers de construction, cependant que leurs femmes furent violées puis contraintes par milliers à la prostitution, ce que reconnaît le rapport de 2012 de la Commission indonésienne des droits de l’Homme.

Pour les USA, le succès de la liquidation du mouvement révolutionnaire en Indonésienne fut une source d’inspiration pour l’opération Phoenix au Viet-Nam et les coups d’Etat latino-américains, et au mois d’octobre 1965 la presse occidentale jubile: « The West’s best new for years in Asia » », la meilleure nouvelle d’Asie pour le camp occidental depuis des années selon le Times Magasine.

Après le massacre, Suharto évince Sukarno et se fait élire président de la République en 1967. Dans ses 32 années de règne, les répressions sanglantes furent sa marque de fabrique, comme à Timor oriental et en Papouasie occidentale (300.000 morts). Suharto, comme Pinochet au Chili, fut prompt à mettre en place les recettes néo-libérales : austérité budgétaire, suppression des aides sociales (remplacées par la charité islamique), privatisations et fiscalité attractive pour les entreprises. Malgré la manne pétrolière et trois décennies de croissance économique, l’Indonésie compte encore 120 millions de pauvres, la moitié de la population vivant avec moins de 2 $ par jour, selon les chiffres de la Banque mondiale, 200 millions vivant avec moins de 4 $ par jour.

En 1982, un film hollywoodien, L’année de tous les dangers, prit les événements de 1965 comme toile de fonds. En 2012, un remarquable documentaire, The Act of Killing, met en scène les anciens génocidaires, comblés d »honneurs par le régime, et n’hésitant pas à se vanter de leurs crimes:

Le massacre des communistes indonésiens
Le massacre des communistes indonésiens
Le massacre des communistes indonésiens
Le massacre des communistes indonésiens
Le massacre des communistes indonésiens
Le massacre des communistes indonésiens
Le massacre des communistes indonésiens

L’île de Poulo Condor (désormais Côn Sơn), fait partie de l’archipel de Côn Đảo, situé à 230 km au sud-est de Hô-Chi-Minh-Ville dans la mer de Chine méridionale. Son nom dérive du malais « Pu Lao Kundur » qui signifie « l’île aux courges ». Repaire de pirates chinois, redécouverte par Marco Polo en 1294, les Français tentent de s’y installer une première fois en 1686, puis les Anglais en 1702. En 1783, le traité de Versailles attribue l’archipel à la France. L’île était un lieu de bannissement utilisé par le pouvoir annamite avant la colonisation française, les Français y installeront un de leurs bagnes coloniaux, destinés à interner les opposants à la colonisation, où à éloigner de France révolutionnaires et délinquants.

Le premier convoi de prisonniers indochinois arrive à Poulo-Condor en 1862 et inaugure une longue tradition qui se perpétuera au siècle suivant. Les conditions de vie au Bagne de Poulo-Condor étaient particulièrement rudes. Certains prisonniers y étaient enfermés dans des « cages à tigre », ce qui les a rendu paraplégiques, ayant perdu l’usage des membres inférieurs après des années en position accroupie, sans pouvoir se lever et utiliser leurs jambes. En 1898, un rapport fait état d’un taux de mortalité de 70%. Plusieurs insurrections jalonnent l’histoire du bagne au début du XXe siècle, les autorités réagissant par le transfert de 400 détenus indochinois… vers la Guyane. Sous le régime colonial français, les forçats indochinois ont servi de main d’œuvre d’esclaves répartis dans d’autres colonies françaises, comme la Nouvelle-Calédonie ce qu’avait dénoncé Hồ Chí Minh (alors proscrit) dans son Procès de la colonisation française» publié en France en 1925.


Des milliers de révolutionnaires et de résistants à la colonisation ont été détenus à Poulo Condor, comme Pham Van Dong, (qui deviendra le premier Président du Vietnam réunifié), Lê Duân (qui sera dirigeant du parti communiste des années ’60-70), Lê Duc Tho (futur négociateur des Accords de Genève) Tho et l’épouse du général Giáp (morte en prison en 1941). Nombreux sont ceux qui y trouvèrent la mort, victimes des mauvais traitements ou exécutés comme la célèbre Vo Thi Sau, fusillée le 23 janvier 1952, à l’âge de 19 ans, pour l’exécution de deux compatriotes collaborateurs, ou Lê Hông Phong, qui dirigeait du parti communiste indochinois dans les années ’30, mort à Poulo-Condor en 1942. Au total, 20.000 bagnards sont mort à Poulo-Condor.

La fin de la colonisation ne va pas signer la fermeture du pénitencier qui reprendra du service lors de la guerre du Vietnam. En 1955, il a été transformé en « centre de rééducation » par le régime du Sud Vietnam pour enfermer les opposants. Le budget 1973 du Sud Vietnam était prévu pour financer la détention de 400.000 prisonniers! 10.000 personnes étaient enfermées à Poulo-Condor. Les opposants sortaient des centres de torture de la police pour être enfermés dans des « cages à tigres », affamés et battus jusqu’à ce qu’ils signent une déclaration anti-communiste. Un récit de Nguyen Duc Thuan, Indomptable, raconte la résistance des prisonniers refusant le reniement.

Le bagne fit l’objet d’un reportage dans le magazine américain Life. Un journaliste accompagnait une petite délégation du Sénat américain, venue inspecter le bagne suite à une demande d’aide financière du Sud Vietnam pour sa politique pénitentiaire. La délégation, se doutant de la présence des fameux cachots, avait réussi à s’écarter de la visite guidée pour pénétrer un bâtiment où étaient enfermés 500 opposants politiques, affamés et assoiffés, couverts de blessures et parfois mutilés. La publication de ce reportage en 1970, repris dans le monde entier (en France dans Paris-Match) eu un impact notable sur l’opinion publique, car 12 conseillers américains étaient affectés en permanence à Poulo-Condor. Le bagne est aujourd’hui un musée.


Le bagne de Poulo-Condor
Le bagne de Poulo-Condor
Le bagne de Poulo-Condor
Le bagne de Poulo-Condor
Le bagne de Poulo-Condor
Le bagne de Poulo-Condor
Le bagne de Poulo-Condor

Louis Auguste Blanqui naît dans les Alpes-Maritimes le 8 février 1805. Il monte à Paris à l’âge de treize ans pour étudié à l’école où enseignait son frère aîné. Il s’engagea très vite dans le républicanisme révolutionnaire opposé au pouvoir monarchique. A dix-sept ans, il milite contre le procès des quatre sergents de la Rochelle, condamnés à mort pour avoir adhéré à la société secrète révolutionnaire de la Charbonnerie. Blanqui est lui-même « carbonaro » depuis 1824. En 1827, il est blessé par trois fois lors des manifestations d’étudiants.

En 1830, il est membre de l’association républicaine connue sous le nom de « Conspiration La Fayette », qui joue un grand rôle dans la préparation de la Révolution de 1830, à laquelle Blanqui participe activement. Après la révolution, il adhère à la « Société des amis du peuple ». En janvier 1831, alors qu’il est étudiant en droit, au nom du « Comité des Écoles », il rédige une proclamation menaçante et à la suite de manifestations, il est emprisonné pendant trois semaines. Il est de nouveau arrêté et inculpé de complot contre la sûreté de l’État. Après un nouveau séjour en prison, il reprend ses activités révolutionnaires à la « Société des familles », que continue en 1837 la « Société des saisons ». Il devait désormais passer une grande partie de sa vie -36 ans au total!- en prison, et on l’appela: L’Enfermé.

Le 6 mars 1836, il est arrêté, fait huit mois de prison, puis est placé en liberté surveillée à Pontoise. Le 12 mai 1839, de retour à Paris, il participe avec Barbès à l’insurrection qui s’empare du Palais de justice, échoue à prendre la Préfecture de police, et occupe un instant l’Hôtel de ville. On comptera 50 tués et 190 blessés. Après l’échec de l’insurrection, il reste caché cinq mois, mais il est arrêté le 14 octobre. Le 14 janvier 1840, il est condamné à mort. Sa peine étant commuée en prison perpétuelle, il est enfermé au Mont-Saint-Michel. En 1844, son état de santé lui vaut d’être transféré à la prison-hôpital de Tours, où il reste jusqu’en avril 1847.

Une fois libéré, il s’associe à toutes les manifestations parisiennes de mars à mai pendant la Révolution de 1848. Le recours à la violence de la Société républicaine centrale, qu’il a fondée pour exiger un gouvernement populaire, le met en conflit avec la droite républicaine. Arrêté après le 26 mai 1848, il est enfermé à Vincennes et répond à une campagne de calomnie par un texte fameux : Réponse du citoyen Auguste Blanqui. La Haute Cour de justice de Bourges le condamne à dix ans de prison, et envoyé à Doullens. En octobre 1850, il est incarcéré à Belle-Île-en-Mer ; en décembre 1857, à Corte ; puis, en 1859, déporté à Mascara, en Algérie, jusqu’au 16 août 1859. Dès sa libération il reprend sa lutte contre l’Empire. Le 14 juin 1861, il est arrêté, condamné à quatre ans de prison, et enfermé à Sainte-Pélagie. Il s’évade en août 1865, et continue sa campagne de propagande contre le gouvernement depuis son exil en Belgique, jusqu’à ce que l’amnistie générale de 1869 lui permette de revenir en France.

C’est au cours de ces années qu’un parti blanquiste naît et s’organise en sections. Blanqui rédige alors son Instruction pour une prise d’arme (1866) doctrine militaire révolutionnaire étudiant les conditions, tactiques et mesures nécessaires à une insurrection victorieuse. Les blanquistes initient deux insurrections: le 12 janvier, lors des funérailles de Victor Noir (journaliste tué par le prince Pierre Bonaparte, cousin de Napoléon III) et le 14 août, lorsqu’un groupe d’insurgés tente de s’emparer d’un dépôt d’armes.

Son action se poursuit jusqu’à la chute de Napoléon III et après la proclamation de la Troisième République, le 4 septembre 1870. Blanqui crée alors un club et un journal, La patrie en danger, qui soutient la résistance de Gambetta. Blanqui fait partie du groupe insurrectionnel qui occupe l’Hôtel de ville le 31 octobre 1870. Le 9 mars, il est condamné à mort par contumace. Thiers, chef du gouvernement, conscient de l’influence de Blanqui sur le peuple parisien, le fait arrêter le 17 mars 1871 alors que, malade, il se repose chez un ami médecin dans le Lot. Il emmené à Morlaix où il est emprisonné au château du Taureau. Lors de la Commune de Paris, Blanqui, emprisonné loin de la ville, est élu dans de nombreux quartiers. Conscient de l’importance, Thiers refuse de le libérer en échange de 74 prisonniers de la Commune, dont un archevêque.

Une majorité de Communards se reconnaissaient en Blanqui. Blanqui incarne cette phase de transition où le prolétariat français s’affranchissait progressivement des tribuns et des théoriciens représentant la petite-bourgeoisie révolutionnaire républicaine – au mieux babouviste. Les ouvriers français étaient encore étroitement liés aux milieux des petits producteurs indépendants d’où ils étaient issus pour la plupart et qui, malgré l’essor de l’industrie, constituaient encore la majorité de la population laborieuse. Les théories marxistes, incarnant les intérêts de classe purement prolétariens, étaient alors marginales en France. Dans ce cadre et dans ces limites, Blanqui était hautement apprécié par Marx considéré par lui « comme la tête et le cœur du parti prolétaire en France »; Marx pensait que Blanqui était le dirigeant qui a fait défaut à la Commune.

Blanqui est un vrai socialiste, favorable à la collectivisation des moyens de production, comme l’indique son texte Qui fait la soupe doit la boire (Sa principale publication, Critique sociale, est posthume), mais il se soucie davantage de la révolution que du devenir de la société après elle. Il ne décrit pas la société socialiste à venir et diffère en cela des socialistes utopiques comme Proudhon ou Fourrier. S’il reconnait dans les ouvriers parisiens la principale force capable d’établir la République égalitaire, Blanqui diffère des marxistes en ne se repose pas sur un parti de classe mais sur une organisation clandestine révolutionnaires, déclenchant l’insurrection lorsque les conditions sont réunies (préparatifs militaires de la société secrète et dispositions subjectives du peuple à l’insurrection). Blanqui n’est donc pas non plus un anarchiste: son organisation de révolutionnaires déclenche et dirige la révolution, établit le nouveau régime qui remet ensuite seulement le pouvoir au peuple.

Ramené à Paris après l’écrasement de la Commune, Blanqui est jugé le 15 février 1872, et condamné avec d’autres Communards, à la déportation, peine commuée en détention perpétuelle, eu égard à son état de santé. Il est interné à Clairvaux. En 1877, il est transféré au château d’If. Le 20 avril 1879, il est élu député de Bordeaux, mais son élection est invalidée. Bénéficiant d’une amnistie générale, Blanqui est libéré le 11. Il parcourt alors la France et fonde en 1880 un journal, Ni Dieu ni maître, qu’il dirige jusqu’à sa mort. Après avoir prononcé un discours au cours d’un meeting révolutionnaire, il meurt d’une crise d’apoplexie le 1er janvier 1881. Ses obsèques au cimetière du Père-Lachaise sont suivies par 100.000 personnes.

Deux textes de Blanqui:

Qui fait la soupe doit la manger (1834)
Qui fait la soupe doit la manger (1834)

Auguste Blanqui, « L’Enfermé »
Auguste Blanqui, « L’Enfermé »
Auguste Blanqui, « L’Enfermé »
Auguste Blanqui, « L’Enfermé »
Auguste Blanqui, « L’Enfermé »
Auguste Blanqui, « L’Enfermé »

« – Qui est encore membre du Comité central? Où sont les postes d’émissions? Où sont les imprimeries? Parle! Parle! Parle!
Maintenant je peux compter les coups plus tranquillement, la seule douleur que je sente, c’est la morsure de mes dents sur mes lèvres.

– Déchaussez-le

C’est vrai, la plante des pieds est encore sensible, je le sens maintenant.
(…)


– Parle! Parle!

Je passe ma langue sur mes gencives et j’essaie de compter les dents cassées. Je ne peux pas achever mon calcul. (…)

C’est maintenant seulement un rêve, un cauchemar fiévreux, les coups tombent, après on me lave à l’eau et encore des coups et encore: « Parle! Parle! Parle! » et encore des coups, je n’arrive pas à mourir. Mère, père, pourquoi m’avez-vous fait si fort?»
(Ecrit sous la potence, pp 30-32)

« Un beau jour, aujourd’hui sera du passé, on parlera de la grande époque et des héros anonymes, qui créé fait l’histoire. Je voudrais que tout le monde sache qu’il n’y a pas de héros anonymes. Ils étaient des gens, ayant des noms, des figures, des désirs et des espoirs, et la douleur du dernier d’entre les derniers n’était pas moindre que celle du premier dont le nom demeurera. Je voudrais que tous ceux-là vous soient toujours proches comme des gens que vous auriez connus, comme des membres de votre familles, comme vous-même. » (Ecrit sous la potence, pp 81-82)

Julius Fučík nait dans une famille ouvrière, son père travaillant dans la métallurgie. En 1913, la famille Fučík déménage de Prague à Plzeň où Julius étudie au lycée public fait du théâtre amateur et s’intéresse à la littérature.

En 1920 il commence des études à Prague et rejoint les rangs du Parti tchécoslovaque social démocrate des travailleurs, avant de se retrouver dans ses courants de gauche. En mai 1921, ce courant fonde le Parti Communiste Tchécoslovaque (PCT). Fučík écrit pour le journal communiste local de Plzeň et, après avoir fini ses études, Fučík travaille comme éditeur au journal littéraire Kmen et s’engage dans le mouvement d’avant-garde artistique Devětsil. Il devient responsable pour le travail culturel au sein du PCT. En 1929, il rejoint le magazine littéraire Tvorba et écrit pour le quotidien communiste Rudé Právo. Il fait de la propagande pour des grèves en Bohême il sera arrêté à plusieurs reprises par la police politique tchécoslovaque.

En 1930 et 1934, il visite l’Union soviétique et en avait dressé un portrait enthousiaste dans plusierus reportages et un livre: Au Pays où demain est déjà hier (V zemi, kde zítra již znamená včera) (1932). il devint le correspondant du Rude Pravo à Moscou et épouse, en 1938, Fučík épouse Augusta Kodeřičová, plus tard connu sous le nom de Gusta Fučíková.

À la suite des Accords de Munich, le gouvernement à Prague dissout le PCT en septembre 1938 qui continue ses activités dans la clandestinité. Après l’invasion nazie en mars 1938, Fučík continue de publier dans des journaux, surtout sur des sujets historiques et littéraires, mais il travaille surtout pour le PCT clandestin, assume la publication du Rudé Právo, et en devient, début 1941, membre du Comité central.

Le 24 avril 1942, il est arrêté avec six autres membres du Parti à Prague par la Gestapo, probablement par coïncidence, durant une descente de police. Fučík fut d’abord détenu à la prison de Pankrác à Prague où il fut interrogé et torturé. À cette époque il écrivit son Reportage écrit sous la potence (Reportáž psaná na oprátce, connu en France et en Belgique sous le titre Ecrit sous la potence), avec un crayon et du feuilles de papier à cigarette qu’un gardien lui fournit secrètement. Lui et un autre gardien conservèrent par la suite les documents, les 167 pages manuscrites, pendant la guerre.

Julius Fučík fut lui emmené à Berlin-Plötzensee, et pendu le 25 août 1943 en même temps que 186 autres personnes ce jour-là. C’est au camp de concentration de Ravensbrück que Gusta Fučíková appris l’exécution de son mari. Rescapée des camps, elle reçu la visite du gardien qui avait sauvé le manuscrit d’Ecrit sous la potence.

Le reportage traite de la période de l’arrestation et de la détention, de la résistance et de la trahison, des bourreaux et des victimes, parfois avec ironie, toujours avec une immense humanité, un grand esprit d’observation, un courage lucide, plein de confiance dans la cause communiste. L’essentiel de ces pages fut publié après la guerre sous forme d’un petit livre dont le succès fut énorme. Il s’agit de l’ouvrage en langue tchèque le plus traduit de par le monde (88 langues pour 300 éditions) et le plus publié au 20e siècle ; rien qu’en Tchécoslovaquie, il y eut 38 éditions.

L’impact de l’exemple et du livre de Julius Fučík explique le déchaînement réactionnaire contre sa mémoire : il aurait été un traître qui informait la Gestapo, il aurait été un lâche qui n’aurait pas obéi à une consigne de suicide au moment de l’arrestation, il ne serait pas mort car les nazis l’auraient protégé et emmené avec eux en Amérique latine après 1945, tout le récit n’aurait été qu’une invention de la propagande communiste et le livre lui même serait un faux, etc.

A Berlin, dans un de Pankow se dresse un mémorial à Julius Fučík. Composé de quatre colonnes, on peut voir sur l’une, son portrait, et sur une autre, en allemand, en russe et en tchèque, les dernières lignes qu’Écrit sous la potence adresse aux hommes : « Je vous ai aimé. Soyez vigilant »

« Écrit sous la potence »
« Écrit sous la potence »
« Écrit sous la potence »
« Écrit sous la potence »

28/07/2005

« Le Mur »

Né dans une famille pauvre d’origine kurde, Yilmaz Güney débute par de petits rôles dans le cinéma. Il commence à écrire comme scénariste et nouvelliste, ce qui lui vaut 18 mois de prison en 1961 pour « propagande communiste ». À sa sortie, il joue dans une quarantaine de films où ses rôles d’antihéros victimes d’injustices le rendent très populaire. À partir de 1966, il se lance dans la réalisation, il enchaîne des films qui sont à la fois engagés et très populaires. En 1974 il est condamnés à deux ans de prison pour avoir hébergé des révolutionnaires. Libéré peu après grâce à une amnistie générale, il tourne immédiatement un nouveau film mais une nouvelle fois arrêté et est condamné à 15 ans de prison pour « complicité » dans un attentat.

En prison, Guney écrit trois romans, des scénario et réalise à partir de sa cellule trois films: Sürü (Le troupeau) en 1978, Düşman (L’Ennemi) en 1979, et Yol (La permission) en 1982. Ce film racontant l’histoire de cinq prisonniers en permission, remporte un immense succès international ainsi que la Palme d’or à Cannes. Peu après, Güney s’évade de prison et se réfugie en France où il termine son existence dans la clandestinité en raison d’une demande d’extradition de la Turquie. En 1983, déchu de sa nationalité par le gouvernement turc, il signe sa dernière œuvre Duvar, Le Mur.

Le Mur décrit la vie dans un pénitencier à Ankara à l’automne 1981, un an après le coup d’Etat du 12 septembre 1980 du général Evren. Quand on lui a demandé pourquoi son nouveau film parlerait d’une prison, Güney a répondu: « c’est le sujet le mieux approprié à la situation actuelle de la Turquie. » Güney a tourné son film en 1983, en exil, avec des bouts de ficelles et une foule de volontaires, dans une vieille abbaye dans un petit village au nord de la France. Devant la caméra, une centaine d’enfants kurdes (certains venus de Berlin) et avec entre 100 et 200 figurants adultes, généralement des travailleurs d’ateliers de confection ou d’usines de la région parisienne. Une centaine de techniciens amateurs ont collaboré à ce film.

Ce n’est qu’indirectement que le film est politique, mais il l’est puissamment: les personnages suivis sont des condamnés de droit commun, généralement des enfants. Militarisation, règne des petits chefs, sadisme des gardiens, sévices sexuels, délation, gangs, passages à tabac, mutineries réprimées par l’armée et mises en scène macabres, le tableau est terrible et sonne terriblement juste: Yilmaz Güney qui a été enfermé 12 ans dans les prisons turques, sait de quoi il parle.

Güney parvient encore à faire ressortir la bonté humaine, avec la figure du vieux gardien, « tonton Ali », qui tente de protéger « ses enfants », et qui est joué par le seul acteur professionnel du film: Tuncel Kurtiz, le plus important acteur de sa génération (40 ans de carrière, plus de 70 films dont Le troupeau), et qui est décédé l’année passée.

Le Mur est le dernier film de Yilmaz Güney, mort en septembre 1984 en exil. Güney: « Je n’ai pas voulu construire la copie conforme d’une prison donnée en Turquie. Il s’agissait plutôt d’une synthèse de toutes les prisons que j’ai connues. Il en a été de même de l’histoire. Bien que l’axe central en soit la révolte des enfants du dortoir 4 à la prison ouverte d’Ankara en 1976, les histoires individuelles parallèles proviennent de témoignages ou d’observations accumulées lors de mes séjours dans différents pénitenciers. (…) Cela a parfois été dur, voire douloureux, en tout cas sans complaisance. C’était la seule façon de rendre la réalité la plus sincère possible. (…) A nous de dire les réalités de la Turquie, pour faire en sorte qu’elles puissent enfin changer ; à eux d’interdire et d’emprisonner pour que rien ne change. Mais pour combien de temps encore ?… »

Quelques extraits:

« Le Mur »
« Le Mur »

Auguste Vaillant nait à Mézières, dans les Ardennes française en 1861. Il connaît une enfance misérable, émaillées de petites condamnations pour avoir pris le train sans billet ou pour avoir mangé dans un restaurant sans payer. Il exerce divers pauvres petites emplois et commence à fréquenter le milieu anarchiste. Il milite aux Indépendants de Montmartre, se marie et vit dans le dénuement avec sa femme et leur fille. Il tente de se faire agriculteur en Argentine mais en revient aussi pauvre que parti, trois ans plus tard.

Les attentats anarchistes se multiplient alors en France, qui visent la bourgeoisie, les juges et les parlementaires. Auguste Vaillant décide de passer à l’action, notamment pour venger l’exécution de Ravachol. Le 9 décembre 1893, vers 16 heures, il lance une bombe dans l’hémicycle de la Chambre des députés au Palais Bourbon. Un article du Figaro décrit la scène :

« La bombe a été lancée de la seconde tribune publique située à la droite du président de la Chambre, au deuxième étage, et a éclaté à la hauteur de la galerie du dessous, emportant dans un immense tourbillon tout ce qu’elle rencontrait devant elle. Plusieurs députés ont été renversés ; l’abbé Lemire est projeté sur le sol, il est atteint par un projectile derrière la tête et reçoit une blessure profonde. D’autres députés sont blessés : MM. de Lanjuinais, Leffet, le baron Gérard, Sazenove de Pradine, de Montalembert, Charpentier, de Tréveneue. On les entoure, on les emporte dans les bureaux pour leur donner les premiers soins. M. Ch. Dupuy, au fauteuil, a eu le cuir chevelu déchiré par un clou. »

Une cinquantaine de personnes sont blessées par les clous dont Vailland avait farci sa bombe, parmi lesquelles neuf députés, le président de la chambre, un sénateur deux officiers, un huissiers, un journaliste et un sous-préfet. Arrêté avec vingt autres personnes, Vaillant avoue dans la nuit qu’il est l’auteur de l’attentat. Au procès, Vaillant dira aux jurés :

« Messieurs, dans quelques minutes vous allez me frapper, mais en recevant votre verdict, j’aurai la satisfaction d’avoir blessé la société actuelle, cette société maudite où l’on peut voir un homme dépenser inutilement de quoi nourrir des milliers de familles, société infâme qui permet à quelques individus d’accaparer la richesse sociale (…) Las de mener cette vie de souffrance et de lâcheté, j’ai porté cette bombe chez ceux qui sont les premiers responsables des souffrances sociales »

Le parlement adopte en panique une série de lois appelées les « lois scélérates » qui créent de nouveaux délits, dont l’apologie de faits ou apologie de crime, et interdisent toute propagande anarchiste. Auguste Vaillant est condamné à mort. Le président Sadi Carnot refuse d’accorder sa grâce à Vaillant qui est guillotiné le 5 février 1894. Il avait 33 ans. Sarah Bernhardt, qui avait sympathisé avec lui, assiste à l’exécution:

« La foule s’était peu à peu amassée, mais restait en groupe compact. Les rues étaient barrées. De temps en temps, un homme indifférent et pressé écartait la foule, présentait une carte à un officier de paix, et disparaissait sous le porche de la prison. C’était un journaliste. J’en comptai plus de dix. Puis, tout à coup, les gardes de Paris, doublés pour la circonstance, car on craignait un coup de main des anarchistes, se rangèrent le long du triste piédestal.
Sur un signal, les sabres furent mis au clair et la porte de la prison s’ouvrit. Vaillant parut, pâle, énergique et brave. Il cria d’une voix mâle et assurée : « Vive l’anarchie ! » Pas un cri ne répondit au sien. Il fut saisi, renversé sur la planche. Le couperet tomba avec un bruit ouaté. Le corps bascula. En une seconde l’échafaud fut démoli, la place balayée, les rues débarrées ; et la foule se rua sur la place, regardant par terre, cherchant une goutte de sang introuvable, humant, le nez en l’air, l’odeur du drame qui venait de se dérouler. « 

Ainsi mourut Auguste Vaillant, la seule personne, selon la plaisanterie anarchiste, a être entré à la Chambre des députés avec des intentions honnêtes. Les représailles anarchistes suivront: pour venger Vaillant, Émile Henry lance le 12 février 1894 une bombe au Terminus, un café chic gare Saint-Lazare et Geronimo Caserio blesse mortellement le président Sadi Carnot à Lyon le 24 juin 1894. La complainte de Vaillant de F. Xan-Neuf et de Charles Spencer sera longtemps chantée dans les milieux anarchistes.

L’exécution de Vaillant
L’exécution de Vaillant
L’exécution de Vaillant
L’exécution de Vaillant

Quinze ans après la fin de la guerre, les néo-fascistes du Mouvement Social Italien participent au gouvernement (en coalition avec les monarchistes et la Démocratie Chrétienne) et décident d’organiser leur sixième congrès le 2 juillet 1960 à Gênes. C’est une provocation: la ville de Gênes est la médaille d’or de la Résistance, les contre-manifestants se déchaînent et le Congrès doit être annulé. Les fascistes multiplient les attentats contre les locaux du PCI tandis que des manifestation antifascistes ont lieu dans tout le pays. Le 5 juillet, à Licata, dans le sud de la Sicile, la police tue un manifestant et en blesse quatre autres.

En réaction aux événements de Gênes et de Licata, une grève générale et une manifestation de masses sont organisées le 7 juillet à Reggio Emilia. 20.000 travailleurs défilent, 600 d’entre eux vont ensuite assister au meeting du syndicat CGIL à la Sala Verdi et 300 autres se rassemblent devant le monument aux morts pour chanter des chansons de lutte, malgré l’interdiction de rassemblements dans les lieux publics. Des centaines de policiers anti-émeutes interviennent et tirent à hauteur d’homme à balles de guerre.

Cinq manifestants, touts membres du PCI, dont un ancien partisan, sont tués: Lauro Farioli, Ovidio Franchi, Emilio Reverberi, Marino Serri, Afro Tondelli. Vingt autres manifestants sont blessés. Toute la région sera choquée par l’événement et le cortège funéraire sera immense. Après cet incident, le gouvernement DC-MSI Tambroni démissionne mais personne ne sera condamné pour ce massacre.

Les déceptions de l’après-guerre pour les partisans et la volonté du PCI de « ne pas envenimer les choses » (Le service d’ordre du PCI avait établi des barrages pour empêcher les militants et les anciens partisans de venir armé au cortège) ont créé en réaction une tendance de masse à la radicalisation, hors du contrôle du PCI . Si, quelques années plus tard, Les Brigades rouges pourront compter sur base sociale assez large à Reggio Emilia, c’est en bonne partie en raison de l’expérience qu’avait la ville de la répression de l’état et de la complicité passive du PCI.

La chanson Fausto Amodei Pour les morts de Reggio Emilia perpétuera la mémoire du massacre et deviendra extrêmement populaire. Fausto Amodei est un auteur-compositeur-interprète né à Turin en 1934. En 1958, il est parmi les fondateurs du groupe des Cantacronache, premier vrai mouvement pour une chanson populaire et politique en Italie. Sa chanson, qui fait le lien avec la lutte partisane par plusieurs références bien connues à l’époque, connaîtra un grand nombre d’interprétations et servira de base à plusieurs autres chansons. Avec des paroles adaptées, elle sera chantée par les supporters de l’AC Milan et, après la mort de Carlo Guilliani, à Gênes, une nouvelle version circulera intitulée Per i morti di Reggio Emilia, e non solo (Pour les morts de Reggio Emilia et pas seulement).

Voici le texte original et sa traduction:

Compagno cittadino fratello partigiano

teniamoci per mano in questi giorni tristi

Di nuovo a reggio Emilia di nuovo la` in Sicilia

son morti dei compagni per mano dei fascisti

Di nuovo come un tempo sopra l’Italia intera

Fischia il vento infuria la bufera

A diciannove anni e` morto Ovidio Franchi

per quelli che son stanchi o sono ancora incerti

Lauro Farioli e` morto per riparare al torto

di chi si gia` scordato di Duccio Galimberti

Son morti sui vent’anni per il nostro domani

Son morti come vecchi partigiani

Marino Serri e` morto e` morto Afro Tondelli

ma gli occhi dei fratelli si son tenuti asciutti

Compagni sia ben chiaro che questo sangue amaro

versato a Reggio Emilia e` sangue di noi tutti

Sangue del nostro sangue nervi dei nostri nervi

Come fu quello dei Fratelli Cervi

Il solo vero amico che abbiamo al fianco adesso

e` sempre quello stesso che fu con noi in montagna

Ed il nemico attuale e` sempre ancora eguale

a quel che combattemmo sui nostri monti e in Spagna

Uguale la canzone che abbiamo da cantare

Scarpe rotte eppur bisogna andare

Compagno Ovidio Franchi, compagno Afro Tondelli

e voi Marino Serri, Reverberi e Farioli

Dovremo tutti quanti aver d’ora in avanti

voialtri al nostro fianco per non sentirci soli

Morti di Reggio Emilia uscite dalla fossa

fuori a cantar con noi Bandiera Rossa!

Camarades citoyens, frères partisans

Tenons-nous par la main en ces jours tristes

De nouveau à Reggio Emilia, de nouveau là-bas en Sicile

Des camarades sont morts, tués par des fascistes.

De nouveau comme autrefois, sur l’Italie tout entière

le vent hurle et la tempête fait rage.

Ovidio Franchi est mort à dix-neuf ans

Pour ceux qui se sont lassés où sont encore indécis

Lauro Farioli est mort pour réparer la faute

de ceux qui ont déjà oublié Ducio Galimberti

[résistant fusillé par les nazis en 1944]

Ils sont morts à vingt ans pour notre avenir

Ils sont morts comme de vieux partisans

Marino Serri est mort, et mort est Afro Tondelli

Mais les yeux des frères restent secs

Camarades, que ce soit bien clair, ce sang si amer

versé à Reggio Emilia c’est notre sang à tous

Sans de notre sang, nerfs de nos nerfs

Comme l’étaient ceux des frères Cervi

[une célèbre famille de cinq frères tous partisans]

L’ennemi actuel, c’est toujours et encore le même

C’est celui que nous combattions dans nos montagnes et en Espagne.

C’est toujours la même chanson que nous devons chanter

Les chaussures déchirées, il faut pourtant avancer

[ce dernier vers est d’un célèbre chant partisan: Fischia el vento]

Camarade Ovidio Franchi, camarade Afro Tondelli

Et vous Marino Serri, Reverberi et Farili

Nous devrons tous ensemble dorénavant

vous voir à nos côtés pour ne pas nous sentir seuls

Morts de Reggio Emilia! Sortez de la tombe!

Sortez avec nous pour chanter Bandiera Rossa.

« Per i morti di Reggio Emilia »
« Per i morti di Reggio Emilia »
« Per i morti di Reggio Emilia »

Lille, 29 septembre

Rassemblement sur la grande place de Lille à l’initiative de Solidarité Georges Lille.

Lannemezan, 30 septembre

Plusieurs délégations de comités de soutien à la libération de Georges Ibrahim Abdallah se sont rassemblées devant la prison de Lannemezan pendant l’audience qui statuait sur la dernière demande de libération.

Loos, 30 septembre

Au pied des terrils jumeaux de Loos-en-Gohelle (près de Lens) surplombant la rocade minière, à l’initiative du Collectif « Bassin minier » pour la Libération de Georges Ibrahim Abdallah.

Paris, 18 octobre

A l’initiative de Convergence Palestine et avec le collectif anti-impérialiste Coup pour coup et d’Action Antifasciste Paris-banlieue, rassemblement place de la République et réalisation d’une fresque.

Beyrouth (Liban), 22 octobre

Rassemblement avec prise de parole de l’écrivain palestinien Khaleb Barakat, coordinateur de la campagne pour la libération d’Ahmad Saadat

Bordeaux, 24 octobre

Un concert de solidarité à l’Athénée libertaire : GUYOM TOUT SEUL, m. , et LORAN.

Pau, 24 octobre

Trois militants de Libertat s’enchainent aux grilles de la Préfecture des Pyrénées Atlantiques (ils sont arrêtés et amenés au commissariat).

Lyon, 24 octobre

A l’initiative d’un Collectif lyonnais/Sud-Est de soutien à Georges Abdallah, rassemblement et table de presse devant le Palais de Justice de Lyon.

Perpignan, 24 octobre

Rassemblement devant le tribunal Place Arago. A l’initiative de la CNT 66, CNT-SO 66, Comité BDS 66, AFPS, LDH 66.

Rennes, 24 octobre

Rassemblement place du Parlement. A l’initiative de l’AFPS, Breizhistance, collectif BDS Rennes, PCF-Rennes, SLB, UJFP.

Toulouse, 24 octobre

Meeting du collectif anti-impérialiste Coup Pour Coup 31. Les deux intervenants de cette soirée, Khaled Barakat, écrivain palestinien, coordinateur de la campagne pour la libération d’Ahmad Saadat et Charlotte Kates, membre de Samidoun, organisation de défense des prisonniers palestiniens.

Bruxelles (Belgique), 24 octobre

A l’initiative du Secours Rouge de Belgique, rassemblement devant la résidence de l’ambassadeur de France, 52 boulevard du Régent. Un co-voiturage est organisé par le Collectif « Bassin minier » pour la Libération de Georges Ibrahim Abdallah et Solidarité Georges Lille.

Zürich (Suisse), 24 octobre

Accrochage de banderoles par les Revolutionäre Jugend Zürich, Revolutionärer Aufbau et le Rote Hilfe Schweiz (Secours Rouge de Suisse)

Hambourg (Allemagne), 24 octobre

Meeting à l’initiative du Netzwerk Freiheit für alle Politisches Gefangenen (Secours Rouge International) et du Palästina Arbeitskreis à l’Internationales Zentrum B5. Avec un orateur palestinien.

Tunis (Tunisie), 24 octobre

Rassemblement devant l’ambassade de France avenue centrale Habib Bourguiba, à l’appel du Comité Tunisien de Solidarité avec Georges Abdallah.

Nantes, 25 octobre

Rassemblement place de la Petite Hollande. A l’initiative du Comité Libérez Georges.

Orléans, 25 octobre

Rassemblement place du Martroi. A l’initiative des JC Orléans.

Lannemezan, 25 octobre

Manifestation de 300 personnes à partir de la gare de Lannemezan jusqu’à la prison. Des covoiturages avaient été organisés à partir de Toulouse, Paris, Marseille et Bordeaux.


A Lannemezan : Libérons Georges Abdallah ! von coup-pour-coup

Milan (Italie), 25 octobre

Rassemblement Piazza Cadorna à l’initiative de Fronte Palestina et de l’Assemblea di lotta uniti contro la repression (avec la participation du Collettivo contro la repressione per un Soccorso Rosso Internazionale).

Gaza (Palestine), 25 octobre

Meeting organisé par le Front Populaire de Libération de la Palestine pour la libération de Georges et d’Ahmad Sa’adat.

Bordeaux, 5 novembre

Rassemblement place Pey Berland à l’appel du comité Libérons Georges 33.

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Lille, 5 novembre

Rassemblement Place de Buisses à l’initiative de Solidarité Georges Lille.

Beyrouth, 5 novembre

Rassemblement devant l’ambassade de France, avec sit-in, tractage et peintures au pochoir sur l’enceinte de l’ambassade.

Awkar (Liban), 8 novembre

Rassemblement devant l’ambassade des États-Unis à l’appel de la Campagne internationale.

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Des dizaines d’étudiants à l’Université de Bir Zeit à Ramallah se sont opposés à la visite du Consul français à l’Université le mercredi 19 novembre et ont appelé à la libération de Georges Abdallah.

Journées d’action (automne 2014)
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