Tôt dans la journée de lundi, trois manifestants ont été tués et plusieurs blessés. Des images diffusées de Myitkyina (centre) sur les réseaux sociaux ont montré des contestataires inanimés et couverts de sang, l’un d’entre eux gisant face contre terre, une partie du crâne arrachée. Fonctionnaires, agriculteurs et salariés du privé étaient descendus en nombre lundi dans les rues, en réponse à l’appel des principaux syndicats à intensifier la grève générale. Des usines de textile, un secteur en plein essor avant le coup d’Etat du 1er février, des magasins et les banques sont restés fermés. La junte a pour sa part mis en garde les fonctionnaires : ceux qui n’auront pas repris le travail à partir de lundi seront licenciés.

Dans la nuit de lundi à mardi, des centaines de contestataires, dont de nombreuses Birmanes sorties célébrer la Journée internationale des droits des femmes. Ces rassemblements épars ont eu lieu dans le pays, écourtés à l’aide de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes. Les manifestantes ont été acculées pendant des heures dans le quartier de Sanchaung à Rangoun. Les forces de sécurité ont fouillé les appartements à la recherche de manifestants et des détonations ont été régulièrement entendues. Quiconque sera surpris en train de cacher des protestataires sera puni, avaient averti les médias d’Etat. 60 civils ont péri depuis le putsch. Plus de 1800 personnes auraient en outre été arrêtées ces dernières semaines.

La police birmane a ouvert le feu sur des manifestants dimanche à Rangoun et dans plusieurs autres villes du pays, faisant au moins onze morts en cette journée la plus sanglante depuis le début du mouvement de contestation contre le coup d’Etat. Dans plusieurs quartiers de l’ancienne capitale Rangoun, la police renforcée par des éléments de l’armée a tiré à balles réelles après avoir échoué à disperser la foule avec des grenades assourdissantes, du gaz lacrymogène et des tirs de sommation. Plusieurs blessés ont été évacués à dos d’homme, laissant des traînées ensanglantées sur le pavé. Un homme est décédé à l’hôpital après avoir reçu une balle dans la poitrine. La police a aussi ouvert le feu contre ses partisans à Dawei, une ville du sud du pays, tuant trois manifestants et en blessant plusieurs autres. Deux personnes ont aussi perdu la vie à Mandalay, la deuxième ville du pays.

Ce dimanche avaient lieu en Birmanie les funérailles d’une épicière de 20 ans tuée par les forces de l’ordre avec un très jeune manifestant. Samedi, les tensions se sont rapidement intensifiées à Mandalay (centre) entre la police et des protestataires anti-junte dont des ouvriers en grève d’un chantier naval. Lors des affrontements, les policiers ont tiré à belles réelles, tuant donc deux personnes et en blessant 30 autres. Les arrestations de responsables politiques, d’activistes ou de grévistes se poursuivent. Près de 570 personnes ont été interpellées depuis le 1er février, et seules une quarantaine relâchées. Les connexions internet ont été coupées pour la septième nuit consécutive, avant d’être restaurées dans la matinée. Près de trois semaines après le putsch du 1er février, la mobilisation ne faiblit pas des grandes villes aux villages reculés du pays. Les appels à la désobéissance civile se poursuivent avec des médecins, enseignants, contrôleurs aériens ou cheminots toujours en grève.

La loi martiale a été décrétée lundi dans plusieurs villes de Birmanie, les généraux faisant planer pour la première fois la menace de représailles contre les manifestants, descendus par centaines de milliers dans les rues contre le coup d’État. La Birmanie a vécu près de 50 ans sous le joug de l’armée depuis son indépendance en 1948. Le putsch du 1er février, avec le renversement du gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi et l’arrestation de cette dernière, a mis fin à une brève parenthèse du pouvoir militaire. Les manifestations et les rassemblements de plus de cinq personnes sont interdits et un couvre-feu est instauré de 20H00 à 04H00, heure locale. La police a fait usage de canons à eau et de balles en caoutchouc à Naypyidaw, la capitale, contre des manifestants. Des manifestations se sont tenues dans d’autres villes.

 

Vendredi 1er mars, le président du syndicat de l’hôtel Tharabar Gate ainsi que 5 responsables du syndicat ont été condamnés à un mois de prison pour avoir mener une manifestation organisée le 13 décembre (voir notre article). Ils ont été arrêtés à la fin de l’audience et emprisonnés.

Dés 2015, date de la création du syndicat de l’hôtel Tharabar Gate, les membres ont dû faire face à un management agressive. Une première tentative de licenciement de Ko Nay Myo Win, président du syndicat fût empêché grâce à une action collective. Depuis, les syndicats des autres hôtels de la région se sont regroupés pour former un syndicat unique. En août dernier, la direction a de nouveau licencié le président du syndicat, ainsi que 11 autres travailleurs, dont deux membres du conseil exécutif et 7 membres actifs du syndicat. Ces licenciements ont menée à des actions des travailleurs syndiqués, des familles et de soutiens.

La police arrête des manifestants de l'hôtel Tharabar Gate (archive)

Le mardi 11 décembre, sur l’ordre des autorités locales, une centaine de personnes, dont des policiers ont détruit le camp de solidarité tenu depuis le 12 octobre par les membres du syndicat de l’hôtel Tharabar Gate, des membres des familles des travailleurs et des sympathisants. Le 13 décembre, une marche syndicale s’est organisée à la suite de cette destruction mais a très vite été dispersée par la police arrêtant 13 personnes dont 7 membres du syndicat.

Le campement avait été établi suite à des manifestations publiques organisées par les syndicats des hôtels de la région de Bagan pour protester contre les licenciements de membres et leaders syndicaux par la direction de l’hôtel Tharabar Gate. Malgré les réunions de conciliation entre les représentants des gouvernements locaux et nationaux et la direction de l’hôtel, ces derniers refusent toujours de réintégrer les syndicalistes.

Après plusieurs mois de lutte acharnée ayant culminé il y a une dizaine de jours par des violences physiques faites aux grévistes (voir notre article), l’usine de vêtement Fu Yuen, dont la direction est d’origine chinoise, a accepté de réintégrer les trente grévistes qu’elle avait renvoyés le 20 août sans préavis et sous prétexte qu’ils gênaient la production et ne respectaient pas les règles de l’entreprise. Une grande marche rassemblant gréviste et activistes avait eu lieu lundi au parc Mahabandula demandant l’aide du gouvernement. L’entreprise de vêtements à ouvert en 2014 dans la zone industrielle Seikkan à Dagon et emploie 1.400 personnes.

Une victoire pour les travailleurs (essentiellement des travailleuses) de l'usine Fu Yuen

La police anti-émeute birmane est intervenue dans une usine chinoise de vêtements, hier lundi, après que des travailleurs protestataires aient été attaqués par des bandes de nervis au service de la direction de l’usine. Des douzaines de travailleurs ont été blessés. Les travailleurs, en grande majorité des travailleuses, ont commencé il y a deux mois à tenir un piquet devant l’usine chinoise Fu Yuen Garment Co Ltd à Yangon, pour dénoncer les conditions de travail déplorables et les mauvais traitements subis dans l’entreprise. La Birmanie est en train de devenir le dernier centre asiatique de vêtements à bas prix.

Affrontements devant la Fu Yuen Garment Co Ltd à Yangon

La police a réprimé à coups de matraque une marche étudiante et a procédé à plus de 120 interpellations, mardi 10 mars. Les policiers anti-émeute sont entrés dans un monastère bouddhiste où une partie des manifestants contre la réforme de l’éducation avait trouvé refuge, à Letpadan, dans le centre du pays. La tension était montée d’un cran lorsque les quelque cent cinquante opposants bloqués par la police depuis une semaine ont tenté mardi matin de briser le cordon qui les encerclait. Les étudiants estiment que les autorités n’ont pas respecté un accord conclu entre les deux parties, qui devait permettre la poursuite de la marche vers Rangoun.

Les étudiants jugent antidémocratique la réforme de l’éducation et réclament des changements, dont la décentralisation du système éducatif, la possibilité de créer des syndicats et un enseignement dans les langues des nombreuses minorités ethniques du pays.

Birmanie: Répression d’une manifestation étudiante

Une femme a été tuée lundi en Birmanie lors d’une manifestation contre une mine de cuivre chinoise controversée. La police a ouvert le feu quand les populations locales ont tenté d’empêcher les employés chinois de la compagnie d’ériger des clôtures près de la mine située dans la ville de Monywa, dans le nord-ouest du pays.

Lors des affrontements, certains manifestants auraient utilisé des frondes pour bombarder les ouvriers et auraient également brièvement détenu dix membres du personnel. Les villageois s’opposent à cette mine qui aurait été construite sur leurs terres par une entreprise chinoise associée à une groupe liée à l’armée birmane et ils dénoncent les risques environnementaux du projet. D’après les médias d’Etat, neuf manifestants et 11 policiers ont également été blessés pendant les affrontements.

Birmanie: Une manifestante tuée lors d’une protestation contre un chantier minier