Trois militants kurdes ont été tués hier mardi lors d’affrontements avec les forces de l’ordre, deux jours après le triomphe du parti du président Erdogan aux élections législatives. Deux jeunes Kurdes sont morts dans la province d’Hakkari, près de la frontière irakienne, lors d’une opération de la police pour démanteler des barricades, selon des services de sécurité. Un autre jeune de 22 ans a été tué dans la ville de Silvan, dont trois quartiers ont été soumis depuis l’aube à un strict couvre-feu. En outre, l’état-major de l’armée turque a annoncé mardi avoir bombardé la veille des positions du PKK en Turquie et dans le nord de l’Irak.

La ville de Silvan

La ville de Silvan

La police turque a fait usage de grenades lacrymogènes, de balles en caoutchouc et de canons à eau mardi 1er septembre pour disperser, dans le centre d’Istanbul, une manifestation contre l’offensive anti-kurdes menée par le gouvernement. Le rassemblement, auquel participaient environ 500 personnes, avait débuté paisiblement au début de la célèbre rue Istiklal dans la partie européenne de la ville. La police est intervenue au milieu de cette rue lorsque les manifestants ont commencé à scander des slogans hostiles au gouvernement du président Erdogan et qu’ils ont protesté contre l’offensive qu’il a lancé contre les militants kurdes. Les manifestants tentaient de former une chaîne humaine jusqu’à la place Taksim.

La police a dirigé ses jets de canons à eau vers le milieu de l’avenue, dans cette zone commerciale très fréquentée, et a lancé des grenades lacrymogènes alors que les manifestants tentaient de se mettre à l’abri. Un photographe turc qui collabore avec l’AFP a été brièvement arrêté et, selon les médias, un cameraman de l’agence de presse officielle Anatolie a été blessé. Au total, 14 personnes ont été arrêtées lors de cette intervention policière.

La manifestation à Istanbul

La manifestation à Istanbul

De brefs affrontements ont opposé dimanche police et jeunes manifestants kurdes dans la ville de Diyarbakir au soir des législatives qui ont redonné la majorité absolue au parti du président Erdogan. Les incidents ont débuté près du siège du HDP, dont les derniers résultats indiquent qu’il pourrait obtenir un score national inférieur aux 10% requis pour être représenté au Parlement. Plusieurs dizaines de jeunes ont improvisé une barricade de pneus enflammés et de nombreux coups de feu tirés en l’air par des manifestants. « Si le HDP reste sous les 10%, ce sera la guerre (…) ils nous ont volé nos voix », a lancé l’un d’eux à la presse. La police antiémeute est alors intervenue avec des canons à eau et des gaz lacrymogènes pour disperser la foule dans les rues environnantes, où la tension était toujours vive.

Affrontements à Diyarbakir

Affrontements à Diyarbakir

Le bureau de presse des Forces de Défense du Peuple et des Femmes Libres du Kurdistan (HPG et YJA-Star les guérillas du PKK) a publié le bilan des actions du PKK pour le mois d’octobre. Ce mois, malgré la trêve unilatéralement respectée par la guérilla depuis le 10 octobre, a été particulièrement intense. Notons que la trêve du PKK ne sous-entend pas qu’ils aient baissés les armes : la guérilla protège les territoires sous son contrôle et se défend dés qu’elle est attaquée.

L’état turc a procédé à 26 opérations terrestres, 94 frappes aériennes par jets, 17 frappes aériennes par hélicoptères Cobra, 331 attaques d’artillerie lourde (mortier, obusier et tank), 53 opérations aériennes, 89 vols de reconnaissance et 7 opérations terrestres sans résultats.

La liste des actions opérées par la guérilla : un total de 116 actions et représailles incluant 20 sabotages, 17 éxécutions, 8 raids, infiltrations et encerclements, 9 contrôles routiers, 25 confrontations avec l’armée turque, 57 actions et frappes diverses et 23 actions aux résultats invérifiés.

Tout cela a coûté cher à la Turquie, voici les pertes : 315 soldats tués dans les affrontements, 4 policiers abattus, 15 membres des Opérations Spéciales, 12 officiers tués, 107 soldats blessés, 1 policier blessé, 11 bases militaires détruites, 5 blindés détruits, 17 véhicules militaires non-blindés incendiés, 4 hélicoptères endommagés et 6 véhicules lourds endommagés, dont un tank. Une douzaine d’armes diverses ont également été saisies par les guérilleros.

Enfin, selon les HPG, 53 guérilleros ont été tués, 3 autres sont morts sur le front du Mont Shengal en combattant l’Etat Islamique, deux guérilleros ont été faits prisonniers par la Turquie.

Drapeau du PKK.

Drapeau du PKK.

Le Mont Shengal, montagne sacrée des Yézidis au Nord-Est de l’Irak est le théâtre d’affrontements entre les diverses forces kurdes et les islamistes depuis l’année dernière. Suite au sauvetage par le PKK des 40.000 Yézidis persécutés par l’Etat Islamique en août 2014, le mont est contrôlé à l’ouest par les forces kurdes progressistes (PKK, PYD, YPS,…), au sud par l’Etat Islamique et à l’est par les Peshmergas, l’armée régulière de la province autonome du Kurdistan irakien, souvent considérée comme la branche armée du PDK.

Les forces kurdes progressistes sont nombreuses, trois d’entre elles ont annoncé ce jeudi la création d’un commandement conjoint, il s’agit des Unités de Protection du Shengal (milices yézidies du PKK), des Unités de Protection des Femmes du Shengal (YPJ-Shengal), et des Forces de Protection du Shengal (HPS). Lors d’une conférence de presse, les porte-paroles ont souligné l’importance de la libération du Mont Shengal pour la libération du Kurdistan et du Moyen-Orient. Elles ont appelé les trois grands partis kurdes, le PKK, le PDK et le PUK à soutenir ce commandement conjoint.

Comme en témoigne cette carte, de nombreux groupes combattent pour la libération du Shengal. Les forces du PKK et du PYD, et leurs guérillas, les HPG, les YJA-Star les YPG, les YPJ, les YPS,… sont alliées.

Carte du conflit au Mont Shengal, 25 octobre

Carte du conflit au Mont Shengal, 25 octobre

Cinq combattants étrangers (2 Espagnols, 2 Américains et un 1 Canadien) combattaient au Rojava aux cotés des YPG, dans la brigade internationale intégrée, les ‘Lions du Rojava’. Il y a deux semaines, ils ont prit la décision de sortir de Syrie, pour ce faire ils ont décidé de passer par la province du kurdistan autonome irakien (KRG). Les 5 se dirigeaient vers Erbil pour y prendre un avion, mais ils ont d’abord été arrêtés le 23 octobre à Dahuk et maintenus en résidence surveillée par la police kurdo-irakienne jusqu’au 25 octobre, date à laquelle on leur a rendu leurs passeports et où ils ont pu poursuivre leur route, c’est en tout cas ce qu’ils pensaient avant de disparaître. Le 26 octobre, l’ambassade espagnole à Bagdad a confirmé que les 5 étaient détenus en régime d’isolement par les autorités kurdes à Erbil.

Du coté du Mont Shengal, où les HPG et les YPS repoussent l’Etat Islamique, les Peshmergas du Gouvernement Régional Kurde (KRG) ont fermé la route du Rojava, qui permettaient aux guérillas d’envoyer du matériel et des combattants. Des manifestations ont eu lieu à Kersê et à Serdeşt pour protester contre la décision du KRG.

Carte du conflit au Mont Shengal, 25 octobre

Carte du conflit au Mont Shengal, 25 octobre

L’état turc a mis ses menaces à éxécution. Il y a quelques mois, la Turquie s’était inquiétée de l’extension des positions contrôlées par le PYD (Parti de Union Démocratique, proche du PKK) et ses branches armées, les YPG et les YPJ. La ville de Tal Abyad -rebaptisée Girê Spi- contrôlée depuis le mois de juin par les Kurdes, a à présent été intégrée dans « l’administration autonome » du Rojava. Si les cantons de Kobané et de Ciziré sont unifiés depuis plusieurs mois, le canton d’Efrin -également sous contrôle kurde- est séparé du reste du Rojava d’une bande de territoire de 100 kilomètres longeant la frontière turque. Cette bandelette est le territoire manquant aux Kurdes pour revendiquer l’autonomie, ce que l’état turc cherche à tous prix à éviter en déclarant la bande ‘zone tampon’. Cette bande est à l’heure actuelle sous le contrôle morcelé de l’Etat Islamique et du front Al-Nusra.

Il y a quelques jours, les YPG ont tenté de traverser l’Euphrate, en direction de la ‘zone tampon’ et de la ville de Jarabulus. Les bateaux des YPG ont immédiatement été visés par des tirs turcs. Des tirs de représailles turcs ont également frappé les YPG à Kobané et à Tal Abyad. Jarabulus est la première ville à l’ouest de l’Euphrate et est sous contrôle de l’Etat Islamique. C’est également la dernière ville à la frontière syrio-turque a être sous contrôle de l’Etat Islamique. Lorsque l’EI perdra cette ville, elle sera coupée de son plus puissant allié.

La vidéo suivante aurait été filmé sur place, on y voit un bus de l’AKP, le parti au pouvoir en Turquie, circuler sans trop de problèmes.

Carte du conflit.

Carte du conflit.

Depuis l’attentat de Suruç, la guérilla du TKPML, le Tikko enchaîne les actions armées contre l’état turc et ses forces armées, notamment aux cotés des HPG, la guérilla du PKK. Hier soir, l’armée turque a attaqué le village de Mercan Şahverdi (région de Pulur/Ovacık, province du Dersim/Tunceli). Trois combattants de Tikko ont été tués lors des affrontements. L’opération militaire a commencé vers 23h et s’est terminée vers 3h du matin, elle était soutenue par l’aviation militaire turque. Quatre villageois ont également été arrêtés.

Guérilleros du TKP/ML - TIKKO

Guérilleros du TKP/ML – TIKKO

Notre dossier ‘Notes sur le Kurdistan’ vient d’être mis à jour. Deux diagrammes ont été ajoutés, ils présentent la composition de la nouvelle alliance ‘Syrian Democratic Forces’ qui regroupe 13 groupes armés au Rojava et dans le nord de la Syrie. Le second diagramme donne une idée de la composition politique de l’Armée Syrienne Libre (FSA). Les notes concernant les SDF et la FSA ont également été ajoutées.

Les informations concernant les BOG (Forces Unies de Libération) ainsi que le IFB (Front International de Liberation) ont également été complétées.

Voir notre dossier ‘Notes sur la géographie et les organisations politiques au Kurdistan’.

Drapeau du PKK.

Drapeau du PKK.

Il y a quelques semaines, le réseau social Instagram -détenu par Facebook- avait supprimé une série de photos du photographe canadien Joey L. Celui ci avait voyagé en Syrie pour photographier ceux qui combattent l’État Islamique, et avait posté ses clichés en juin dernier sur le réseau social. Instagram à finalement supprimé les clichés, non pas pour leur contenu graphique, mais parce qu’ils représentaient des combattantes du PKK, et faisaient donc, selon Instagram, l’apologie du terrorisme. Aux côtés de celles du PKK figuraient d’autres combattantes, des YPJ cette fois, qui n’ont pas été censurées car les YPJ ne figurent pas dans la liste des organisations terroristes américaines. Le photographe a depuis reposté l’une des photos censurées, cette fois ci imprimée et dans ses mains.

Pour voir les photos, voyez le site de Joey L.

Joey L. et sa photo censurée.

Joey L. et sa photo censurée.