Depuis 2015, les citoyens turcs peuvent contacter la présidence de la République via la plateforme CIMER ( Cumhurbaskanligi lletisim Merkezi / Centre de communication de la présidence ). En 2024, écrivains, journalistes, militants, opposants, majoritairement kurdes, se sont retrouvés face à la justice sous le chef d’accusations de « propagande terroriste » à la suite d’un signalement sur la plateforme officielle. Il permet aux citoyens turcs de donner leurs opinions, faire des suggestions ou écrire des plaintes à la présidence de la République turque via une plateforme en ligne ou par téléphone. Toutes les demandes doivent être adressées et certaines peuvent mener à l’ouverture d’enquêtes. En 2024, plus de 4,5 millions de demandes ont été déposées. Présenté comme un exemple de démocratie participative, le CIMER permet de relever les problèmes mais le CIMER est aussi devenu un outil au service de la répression orchestrée par les autorités turques. Écrivains, journalistes, médecins, ou encore professeurs d’université, y sont souvent signalés pour des motifs politiques. 

Le lundi 3 février, l’actrice Melisa Sözen, qui incarnait une combattante kurde dans la série française « Le bureau des légendes » a été entendue plus de sept ans après les faits, par la police turque pour « propagande terroriste et soutien au PKK » à la demande du procureur général d’Istanbul qui a ouvert une enquête. Dans la série, elle portait l’uniforme d’une combattante kurde des Unités de défense de la femme (YPJ). L’interpellation de l’actrice s’inscrit dans la vague d’arrestation et de procès menée depuis des années par le pouvoir en place contre des journalistes, des avocats, des personnalités politiques ou des personnalités du monde culturel.

Depuis le 21 décembre 2024, Facebook, réseau social de META, censure les publications faisant état des attaques commises par la Turquie au Kurdistan. La page de « Kurdistan au féminin », page publiée en français, est victime des algorithmes, ces derniers suppriment systématiquement leurs publications.

Voici quelques publications censurées par Facebook:

34 personnes ont été arrêtées par les autorités turques, des personnalités politiques, des journalistes et des militants, accusés d’appartenance à une organisation « terroriste ». Une opération policière lancée le 21 janvier dans le cadre d’une enquête sur le Parti communiste marxiste-léniniste (MLKP). Parmi les personnes arrêtées figurent Hatice Deniz Aktaş, coprésidente du Parti socialiste des opprimés (ESP), Berfin Polat, coprésidente de la Fédération des clubs de jeunesse socialistes (SGDF) et Züleyha Müldür, correspondante de l’agence de presse Etkin (ETHA). Les autorités turques ont mené des raids simultanés dans 35 localités d’Istanbul et 13 autres à Ankara, ciblant des membres de l’ESP, de la SGDF et du Conseil des femmes socialistes (SKM). La police a aussi effectué une descente dans la Fondation pour la recherche scientifique, éducative, esthétique, culturelle et artistique (BEKSAV) à Istanbul, du matériel audio a été saisi dans un studio utilisé par Grup Vardiya, un collectif musical de gauche. Ces arrestations sont considérées comme faisant partie d’une répression plus large contre la dissidence. Des milliers de responsables politiques, d’activistes et de journalistes ont été arrêtés ces dernières années en Turquie.

Michel Brandt, ancien député du parti Die Linke, a été condamné à une amende de 900 euros par le tribunal régional de Karlsruhe, lors de son procès en appel qui s’est terminé  jeudi. Le bureau du procureur avait accusé Brandt d’avoir posté des photos sur les réseaux sociaux ou les drapeaux du KCK et du PKK étaient visibles à l’arrière-plan. Ces photos avaient été prises lors des rassemblements en 2019.

Les procédures contre Brandt se déroulent depuis des années. Il a fait appel d’une sanction par le bureau du procureur pour 14 000 euros émise en 2021, et s’est tourné vers le tribunal de district. Avec un acquittement partiel, l’amende a été réduite à 4 700 euros en 2022. Brandt a ensuite fait appel de cette décision. Lors de la première audience au tribunal régional en janvier 2023, le juge a suggéré que la procédure soit abandonnée, mais le bureau du procureur avait rejeté la demande.

La justice turque a bloqué l’accès à 7 sites d’information ayant une ligne éditoriale socialiste. La censure frappe la Gazete Patika, ETHA, Union de lutte, Kızıl Bayrak, Özgür Gündem, le journal Umut et le journal Yeni Demokrasi. Cette décision du 8 janvier, prise par le 10e juge pénal de paix d’Ankara, évoque « la protection de la sécurité nationale et de l’ordre public ». Il y a quelques jours, sur les réseaux sociaux, les comptes X des journaux kurdes: MA, JINNEWS et Yeni Yaşam ont également été bloqués par la justice turque.

Amir Reisiyan, l’avocat de la prisonnière politique kurde Pakhshan Azizi, a annoncé que la Cour suprême iranienne avait confirmé la condamnation à mort de sa cliente. Dans une déclaration sur son compte de médias sociaux, l’avocat a indiqué que les documents soumis à la Cour pour la défense de Pakhshan Azizi ont également été rejetés.
Le 23 juillet, accusée d’être membre du Parti pour une vie libre au Kurdistan (PJAK), elle sera condamnée à la peine de mort par pendaison pour « rébellion armée contre le système » (voir notre article). Son dossier a ensuite été transmis à la Cour suprême.
Début août 2024, Aziz Azizi (le père de Pakhshan), Parshang Azizi (sa sœur) et Hossein Abbasi (son beau-frère) ont été condamnés dans une affaire commune avec Pakhshan Azizi. Chacun d’entre eux a été condamné par la branche 26 du tribunal révolutionnaire de Téhéran à un an de prison pour avoir « aidé un criminel à se soustraire à son procès et à sa condamnation ». Le 26 septembre, la cour d’appel a confirmé ces décisions. Aziz Azizi, Parshang Azizi et Hossein Abbasi avaient été arrêtés en même temps que Pakhshan Azizi, puis libérés sous caution.

Le 19 décembre, une audience s’est tenue dans le cadre de la procédure à l’encontre de Sharifeh Mohammadi. Cette audience fait suite à l’annulation de sa condamnation annoncée le 12 octobre 2024. Lors de l’audience, faite en partie en ligne, Sharifeh Mohammadi a dû se défendre contre les accusations portées contre elle.  Le 22 décembre, elle et Pakshan Azizi, une autre prisonnière politique kurde, ont été autorisée à rencontrer leur famille lors d’une visite d’une heure. Le 31 décembre, Sharifeh Mohammadi, souffrant d’une infection au pied non soignée et qui se propageait, a finalement pu être transféré pour un traitement médical externe.

Ce Samedi 28 décembre, une délégation du parti turc pro-kurde DEM (Parti de l’égalité des peuples et de la démocratie) s’est entretenue avec le fondateur du PKK, Abdullah Öcalan. Ce dernier est emprisonné à vie sur une île au large d’Istanbul. Il s’agit de la première visite de ce parti, le prédécesseur du DEM, le parti HDP, a rencontré Öcalan pour la dernière fois en avril 2015. Un déplacement autorisé par le gouvernement turc après la demande du DEM de pouvoir rendre visite à Öcalan, âgé de 75 ans.

Le principal changement de ces derniers jours est qu’après avoir repoussé, en lui infligeant des lourdes pertes, l’ANS dans ses tentatives de passer à l’Est de l’Euphrate, les Forces Démocratiques Syriennes sont passées à leur tour à l’offensive. Elles ont établi de nouvelles têtes de pont sur la rive Ouest, et repris plusieurs localités perdues il y a deux semaines (sur la photo – deux combattants des SDF sur un char pris à l’ANS). Il semblerait que les forces turques soient intervenues aujourd’hui directement sur le terrain, pour aider leurs supplétifs en difficulté. Les bombardements turcs par avions, drones et artillerie, meurtriers, ne cessent pas tandis que les USA tentent toujours de négocier un cessez-le-feu et ont augmenté leurs effectifs sur place. Les puissances occidentales et la Turquie ont ouvert des négociations avec le nouveau pouvoir islamiste de Damas.