Nous vous annoncions ce matin qu’une énorme opération antiterroriste avait lieu en Turquie. Nous avons à présent plus d’informations : l’identité de la militante du DHKP-C abattue, il s’agit de Günay Özarslan. La police a interdit aux avocats l’accès au lieu du meurtre ainsi qu’à l’autopsie avec l’objectif apparent d’obscurcir les circonstances du meurtre. Les perquisitions visaient principalement le DHKP-C, le PKK, YDG-H et le HDP. L’annonce du gouvernement de perquisitionner également dans les milieux islamistes serait donc surtout un effet d’annonce visant à minimiser la collaboration entre la Turquie et l’Etat Islamique.

L’opération était supportée par 5000 policiers, 2000 unités anti-émeutes, les brigades anti-terroristes et des hélicoptères, répartis dans 26 cantons différents. Il y a eu des centaines d’arrestations. Cette opération fait suite à la fin de la trève entre le PKK et l’état turc, et à l’avancée énorme des YPG/YPJ en Syrie. Récemment, de nombreux bombardements et vols de drones ont eu lieu dans tout le Kurdistan turc, trois policiers tortionnaires ont également été abattus par les mouvements kurdes en réponse au massacre de Suruç.

Günay Özarslan, membre du DHKP-C

Günay Özarslan, membre du DHKP-C

L’état turc a lancé une très vaste opération anti-terroriste à travers le pays, visant majoritairement le PKK. Selon la communication du gouvernement, les centaines de perquisitions visent indistinctement l’extrême-gauche turque et kurde, et l’Etat Islamique, dont les relations avec la Turquie se sont bien refroidies depuis plusieurs jours.

297 personnes ont été arrêtées à travers le pays, impossible de savoir la proportion de révolutionnaires par rapport à celle des islamistes. Un guérillero du DHKP-C a été abattu alors qu’il résistait à son arrestation avec une arme (Correction : c’était en fait une militante du DHKP-C, apparemment désarmée). A Kızıltepe, 15 militants kurdes ont été arrêtés et sont en attente de transfert vers Mardin. Dans les provinces d’Izmir et de Bursa, 16 militants kurdes ont été arrêtés. Des membres du HDP (front large de gauche radicale regroupant de nombreuses branches légales d’organisations clandestines) ont également été arrêtés, ainsi que des journalistes.

5000 policiers ordinaires soutiennent l’opération de la police anti-émeute qui visait 140 adresses à Istanbul et de nombreuses villes du Kurdistan turc.

Quelques images de l'opération.

Quelques images de l’opération.

Un policier a été tué et un autre grièvement blessé par balles jeudi par des hommes masqués dans la grande ville à majorité kurde de Diyarbakir. Un groupe de plusieurs hommes armés a ouvert le feu sur les deux policiers, qui avaient été appelés dans le quartier de Sehitlik, un bastion du PKK. Grièvement atteints, les deux policiers ont été transportés dans un hôpital de la ville, où l’un d’eux est rapidement mort de ses blessures. Les forces de l’ordre ont quadrillé le quartier pour tenter de retrouver les auteurs de l’attaque qui est certainement une riposte au massacre de Suruç.

La police bouclant le lieu de l'embuscade à Diyarbakir.

La police bouclant le lieu de l’embuscade à Diyarbakir.

Cette attaque survient alors que les manifestations ne faiblissent pas, en Turquie et à l’étranger, qui dénoncent la complicité du président Erdogan avec les jihadistes. L’éditorialiste vedette du quotidien turc Milliyet, Kadri Gürsel a été licencié par le journal pour un tweet publié mercredi 22 juillet qui dénonçait l’hypocrisie des responsables internationaux qui ont adressé leurs condoléances au président Erdogan après l’attentat. « Il est honteux que des responsables étrangers appellent la personne qui est la principale responsable du terrorisme de l’Etat islamique en Turquie pour lui présenter des condoléances après l’attentat de Suruç ».

Manifestation de protestation et de solidarité après l’attentat de Suruç, Paris, ce samedi 25 juillet 2015, 14H00 gare de l’Est.

A Istanbul, les milices du MLKP et du TKP/ML ont attaqué ensemble une salle de mariage et de réunion appartenant à des djihadistes dans le quartier de Gazi, à Istanbul. La salle et été mitraillée et incendiée au cocktail Molotov. Les miliciens révolutionnaires ont échangé des coups de feu avec la police.
Un groupe de guérilleros du TIKKO a mitraillé une caserne de gendarmerie dans le district de Hozat, dans la province de Tunceli, hier mercredi à 13h30. Les militaires ont riposté et deux hélicoptères de combat ont été dépêchés sur les lieux, mais les guérilleros avaient disparu dans les forêts avoisinantes. Enfin, un militant de l’EI a été abattu mardi soir dans le district de Sultangazi par l’YDG-H.

Les milices du MLKP et du TKP/ML en action hier à Gazi

Les milices du MLKP et du TKP/ML en action hier à Gazi

A Bruxelles, 250 personnes, dont une délégation de notre Secours Rouge, se sont rassemblées devant l’ambassade de Turquie rue Montoyer pour rendre hommage aux victimes du massacre de Suruç et dénoncer la collusion entre l’AKP et l’Etat islamique. Des délégations de plusieurs organisations de la gauche révolutionnaire turque étaient présentes. Le communiqué du SRI a été lu à cette occasion.

Lire le communiqué du SRI sur l’attentat de Suruç

Le rassemblement à Bruxelles

Le rassemblement à Bruxelles

Le PKK a revendiqué aujourd’hui mercredi l’exécution de deux policiers turcs en représailles à l’attentat de Suruç. Ces policiers collaboraient avec l’Etat Islamique à Ceylanpinar. Les deux policiers ont été abattus d’une balle dans la tête dans un immeuble de la ville de Ceylanpinar, à la frontière avec la Syrie.

Barrage policier à Ceylanpinar

Barrage policier à Ceylanpinar

D’autre part, le massacre continue à susciter manifestations et rassemblements de protestation. Des affrontements ont eu lieu entre manifestants et policiers à Istanbul.

Affrontements à Istanbul

Affrontements à Istanbul

Une explosion a eu lieu au Centre Culturel Amara de Suruç (ville turque frontalière de Kobané), où étaient rassemblés les membres de la Fédération des Associations de Jeunesse Socialistes (SGDF), qui s’apprêtaient à passer la frontière vers Kobané aujourd’hui pour aider à la reconstruction de la ville. Il n’y a aucun chiffre exact mais il y a très probablement de nombreux morts. A Kobané même, les islamistes ont tenté une attaque à la voiture piégée près de l’école Mihemed Dirra. Les combattants YPG/YPJ ont rapidement repéré et neutralisé l’engin.

De nombreux jeunes kurdes ont été tués à Suruç.

De nombreux jeunes kurdes ont été tués à Suruç.

EDIT
Le dernier bilan officiel fait état d’au moins 31 morts. Une centaine de personnes ont été blessées. L’attaque visait un groupe de 300 jeunes qui s’apprêtaient à se rendre dans la ville kurde syrienne de Kobane, où un autre attentat meurtrier a eu lieu quasi simultanément. Les 300 volontaires, réunis sous la bannière de la Fédération des associations de jeunes socialistes, venaient d’arriver d’Istanbul en bus et s’apprêtaient à passer à Kobane pour participer à la reconstruction de la ville. Au moment de l’explosion, ils étaient attablés pour un petit-déjeuner accompagné d’une conférence de presse dans le jardin du Centre culturel de la ville de Suruç. La thèse d’un ou d’une kamikaze est désormais confirmée. Quelques instants après l’explosion de Suruç, un kamikaze a fait exploser un véhicule piégé à un point de contrôle dans le sud de Kobane. Une manifestation de protestation a eu lieu ce lundi à 15h devant l’ambassade de Turquie à Bruxelles, avec une délégation de notre Secours rouge.

Rassemblement cet après-midi devant l'ambassade de Turquie

Rassemblement cet après-midi devant l’ambassade de Turquie

Prochaine manifestation de protestation et de solidarité: mercredi 14 H devant l’ambassade de Turquie, rue Montoyer, métro Trône.

Une lutte importante est en cours en Turquie dans la région de Karadeniz (Mer Noire) contre le projet de construction d’une route de 2600 km qui doit traverser les terres agricoles et les pâturages: le Projet Yeşil Yol. La population occupe les terres, bloque les chantiers et attaque les entreprises qui sont protégées par les commandos de la gendarmerie. Des affrontements ont opposés villageois et gendarmes. La résistance populaire est soutenue dans tout le pays, des manifestations ont eu lieu à Izmir et 10.000 personnes ont défilé à Istanbul.

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Une villageoise lors d'un blocage du chantier

Une villageoise lors d’un blocage du chantier

Suite à de multiples agressions de la part des troupes turques et à la construction du barrages dans le Nord-Kurdistan, le KCK (Union des Communautés Kurdes, organisation qui regroupe le PKK et ses organisations sœurs en Turquie, Syrie, Irak et Iran) a officiellement mis fin à la trêve qui avait été déclarée par Abdulah Öcalan « Apo » en 2013. « Toutes nos sources, y compris nos guérillas sont mobilisées […] les barrages et les engins de construction seront les cibles principales de nos forces de guérillas » a déclaré dans ce communiqué le KCK, ce dimanche. La Turquie utilise le cessez-le-feu pour construire de nombreuses installations dans le Nord-Kurdistan, surtout des barrages et des avant-postes. Le nombre de barrages construit est disproportionné par rapport à la production énergétique possible dans la région.

Suite à l’annonce du KCK, les bombardements et les vols de drônes au-dessus du Nord-Kurdistan ont augmenté, un policier turc a été blessé à la jambe après l’arrestation de deux membres du ‘Mouvement de la Jeunesse Patriotique Révolutionnaire’ (YDG-H, organisation de jeunesse du PKK), trois engins de construction ont été incendiés par des partisans armés, une manifestation de solidarité avec Öcalan a tourné à l’émeute, les manifestants érigeant des barricades et lançant des cocktails molotov… Des sources turques déclarent également que trois soldats turcs ont été tués, mais l’information ne peut pas être vérifiée actuellement.

Affrontements entre la police et une organisation de jeunesse kurde.

Affrontements entre la police et une organisation de jeunesse kurde.

Le KDP (Parti Démocrate Kurde, parti libéral au pouvoir dans le Kurdistan autonome irakien) a tenté d’empêcher le passage de 11 corps à travers le checkpoint de Sêmalka, de combattants des YPG/YPJ qui sont tombés aux fronts de Kobané et de Hasaké. Les funérailles doivent avoir lieu dans la partie turque du Kurdistan, le cortège funèbre passait donc de la Syrie à l’Irak et se dirige à présent vers la frontière turco-irakienne. Finalement, devant les milliers de manifestants réunis, le KDP a autorisé le passage du cortège.

Les relations entre le KDP et les factions du PKK ne sont pas toujours bonnes. L’année dernière, le KDP avait réprimé des militants du PCDK (parti frère du PKK et du PYD en Irak) à travers des perquisitions et des arrestations. Le KDP vient également d’annoncer qu’aucune milice n’aurait le droit d’opérer dans la région du Sinjar (en Irak) si elle n’est pas sous le commandement du Ministère des Peshmergas (les Peshmergas sont l’armée officielle du Kurdistan irakien, et donc la branche armée du KDP).

L’accord fait au début de la guerre entre le KDP et le PYD prévoyait de ne pas disputer la souveraineté politique des régions conquises par les Kurdes en Syrie jusqu’à la tenue d’élections, après la guerre. Mais vu l’énorme ancrage populaire et l’implication massive de la population dans les milices YPG/YPJ, cet accord n’est dans les faits pas respecté. Les drapeaux des YPG/YPJ sont accrochés aux sommets des villages libérés plutôt que le drapeau officiel du Kurdistan. De son coté, lors des tensions qui avaient eu lien au printemps 2014, le KDP avait remplacé le drapeau kurde du checkpoint de Sêmalka par son propre drapeau, tout en creusant une nouvelle frontière entre les parties syrienne et irakienne du Kurdistan et en ouvrant le feu sur des manifestants des Jeunesses Révolutionnaires.

La frontière entre le Rojava et le KRG, délimitée par le Tigre.

La frontière entre le Rojava et le KRG, délimitée par le Tigre.

Ce matin à 8 heures, un détachement militaire qui avait pris part à une opération de ratissage dans les forêts de la zone frontalière d’Erzurum, a ouvert le feu sur un minibus civil, tuant un villageois et en blessant gravement deux autres. L’incident s’est passé dans le village de Gundik (Koyunlu) du district de Göle, dans la province d’Ardahan. Après le tir, les militaires se sont approchés du minibus, mais ont quitté les lieux peu de temps après, sans fournir assistance aux villageois qu’ils avaient blessés.

L'arrivée des blessés à l'hôpital

L’arrivée des blessés à l’hôpital