Contrôles aléatoires des bagages avec des fouilles éventuelles par les agents de sécurité, possibilité pour ceux-ci de circuler à bord des trains sans leur uniforme, fouille (« palpation ») des passagers : le projet de loi relatif à la lutte «contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports» d’un député PS veut donner des bases juridiques étendues aux services de sécurité de la SNCF et de la RATP en transposant le régime des services chargés de contrôler la sécurité dans les stades.

La proposition de loi, qui sera débattue le 17 décembre au parlement, a été chaudement soutenue par le premier ministre Valls. Ce projet de loi avait été déposé début octobre, soit avant les attentats du 13 novembre. Sa dimension sécuritaire faisait suite à l’attentat avorté dans le Thalys du 21 août, et à la réunion dans la foulée des ministres européens des Transports ou de l’Intérieur. Le texte ne reprend pas l’installation des portiques de sécurité dans les gares françaises desservies par le Thalys mais le Premier ministre a confirmé, ce mardi matin, leur installation – a priori d’ici au 20 décembre – et ajouté que le même dispositif doit être mis en place dans les autres gares desservies par le Thalys en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne.

Patrouille de vigiles de la SNCF

Patrouille de vigiles de la SNCF

Depuis mercredi soir, 46 ouvriers dont la mission est de charger et décharger les camions sont en grève devant le gigantesque entrepôt de la multinationale du transport Geodis Calberson. Jour et nuit, ils bloquent les accès au site situé sur le port. Les salariés grévistes réclament une revalorisation de leurs salaires, de meilleures conditions de travail et une prime exceptionnelle de 600 euros. 100 % des agents de quais de chargement sont en grève. Certains sont là depuis des dizaines d’années et sont payés 30 euros au-dessus du Smic et travaillent dans des conditions lamentables.

Les grévistes viennent de recevoir par huissier une assignation en référé devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour jeudi 26 novembre. Dans son recours en référé, la direction a fait valoir que 15.000 colis sont bloqués dans l’entrepôt et que que des sous-traitants auraient été contraints de dormir dans leur camion. «Le site étant totalement bloqué, les salariés non grévistes sont empêchés de travailler puisqu’aucun colis ne peut entrer ou sortir du site. C’est une atteinte à la liberté du travail», argue l’avocate parisienne de la compagnie, qui réclame au tribunal d’ordonner «l’expulsion et si besoin l’assistance de la force publique».

Piquet de grève à Geodis Calberson

Piquet de grève à Geodis Calberson

Organisé en marge de la COP21, le rassemblement avait été interdit par les autorités dans le cadre de l’état d’urgence. La manifestation s’était toutefois tenue et avait donné lieu à des échauffourées. Plus de 300 personnes avaient alors été placées en garde à vue dimanche puis relâchées lundi (voir notre article).

Dans la première affaire, jugée en comparution immédiate, le prévenu de 28 ans a été condamné à trois mois de prison ferme pour avoir jeté une bouteille en verre en direction d’un policier, le blessant légèrement à la lèvre, sur la place de la République. Il a avoué avoir jeté une canette métallique, sans viser personne. Son avocate avait fait valoir que le prévenu, qui avait bu et qui tranchait avec ses vêtements clairs et son encombrant sac à dos au milieu de personnes cagoulées et vêtues de noir, n’était « pas là pour casser ». Dans l’autre affaire, c’est une jeune femme de 25 ans que le tribunal a condamnée à une amende de 1.000 euros pour avoir refusé de laisser prendre ses empreintes digitales. Le jeune homme comme la jeune femme ont aussi été reconnus coupables de ne pas avoir obéi à l’ordre de dispersion de la police, qu’ils avaient dit ne pas avoir entendu.

Une des 300 arrestations place de la République

Une des 300 arrestations place de la République

En fin de matinée, une chaîne humaine s’est mise en place entre République et Nation, réunissant des milliers de personnes. A l’origine, une manifestation devait se tenir sur ce tracé, mais elle a été annulée à la suite des attentats du 13 novembre. Une partie de la foule s’est dispersée vers 12 h 30, tandis que des actions continuaient place de la République. Peu avant 14 heures un cortège a tenté d’emprunter l’avenue de la République, derrière une banderole de plusieurs organisations anarchistes. Après un face-à-face tendu d’une vingtaine de minutes avec les CRS, les manifestants ont entrepris de faire le tour de la place, se heurtant à chaque artère à une haie de policiers. Parmi les slogans, «Police partout, justice nulle part», «Etat d’urgence, on s’en fout, on ne veut pas d’Etat du tout», «Police nationale, police du Capital» ou encore «Flics, porcs, assassins». Aux lancers de projectiles divers, les CRS ont répliqué par des charges et des tirs de grenades lacrymogènes, qui ont noyé la place de la République pendant près d’une heure.

Pendant ce temps, un gros millier de personnes continuait à scander des slogans pour la défense du climat, avant de s’extirper progressivement des lieux. Peu après 15 heures, les fourgonnettes de la police ont commencé à investir la place de la République pour évacuer les manifestants encore présents. Tandis qu’un groupe d’une cinquantaine de personnes, cernées contre un mur par les CRS, scandait «Plus chaud, plus chaud le climat !», la foule réunie tout autour entonnait des «Libérez nos camarades». Le face-à-face s’est longtemps poursuivi, jusqu’à l’interpellation au compte-gouttes peu après 16 heures. Les personnes arrêtées étaient ensuite placées dans un bus de la police. Avant 17 heures, la préfecture de police de Paris parlait d’une centaine d’interpellations.

Incidents place de la République ce dimanche

Incidents place de la République ce dimanche



EDIT 23H00
: Le ministère annonce maintenant de 289 interpellations et 174 gardes à vue.
EDIT 1er décembre: Le bilan final est de 317 gardes à vue

Hier, vendredi matin, une nouvelle perquisition a eu lieu dans un squat de Pré-Saint-Gervais, en Seine-Saint-Denis. Une énième opération contre les milieux anarchistes et écologistes à deux jours de ce qui aurait dû être une mobilisation historique contre la COP21, si elle n’avait pas été interdite en vertu de l’état d’urgence. Les 34 occupants ont été braqués et plaqués au sol pendant 20 minutes avant d’être fouillés, aucun d’entre-eux n’a toutefois été arrêté. Une source policière a commenté la brutalité de la perquisition en défendant que « Ce ne sont pas de gentils petits écolos baba-cool ». La police française poursuit donc ces opérations contre ce qu’elle appelle « le Black Bloc ».

Vu la densité de l’information sur la répression de l’anti-COP21, vous pouvez consulter les nouvelles en direct sur le fil-info de Paris-Luttes.info

Perquisition dans un squat de Seine-Saint-Denis.

Perquisition dans un squat de Seine-Saint-Denis.

La France a annoncé le 24 novembre au Conseil de l’Europe qu’elle faisait usage de l’article 15 de cette convention, qui porte sur les « dérogations en cas d’état d’urgence », une possibilité ouverte en « cas de guerre ou d’autre danger public menaçant la vie de la nation ». Cette procédure est la conséquence de l’état d’urgence proclamé après les attentats du 13 novembre, qui donne à la police de nouveaux pouvoirs, sans passer préalablement par un juge. La déclaration de dérogation n’enlève aucune compétence à la Cour européenne des droits de l’homme pour juger d’éventuelles atteintes aux droits fondamentaux. Simplement, la cour jugera avec plus de « souplesse », par exemple au cas d’une personne ayant été visée par une perquisition administrative, dans le cadre de l’état d’urgence, et qui voudrait en contester le bien-fondé devant la CEDH.

L’article 15 ne permet pas de déroger à certaines des garanties fondamentales inaliénables de la convention (pas de torture, etc.). La possibilité de déroger à la convention européenne des droits de l’homme a rarement été utilisée par le passé. La France n’y a eu recours qu’une seule fois, de février à juin 1985, pour la Nouvelle-Calédonie. Le Royaume-Uni a également fait usage de cette procédure pour l’Irlande du Nord, entre fin 1988 et début 2001.

État d'urgence en France

État d’urgence en France

À quelques jours de l’ouverture de la COP21, plusieurs personnes ont déposé un référé-liberté contre l’arrêté préfectoral interdisant jusqu’au 30 novembre les manifestations. Ce recours a été rejeté jeudi 26 novembre et la répression ne s’est pas fait attendre et une des personnes ayant déposé le recours s’est vue convoquée au tribunal. Après avoir été pris en filature toute la matinée par les policiers, qui ont fini par descendre chez lui (où il n’était pas), il a reçu la visite des policiers à son domicile. Il a également été convoqué au commissariat commissariat de Vanves. Plus tôt ce matin un squat avait été perquisitionné, les ordinateurs avaient été emportés et certaines personnes assignées à résidence.

État d'urgence en France

État d’urgence en France

Après 6 semaines de détention provisoire à Fleury-Mérogis, Lucile passait en procès ce mercredi 25 novembre au tribunal de Bobigny où elle a été condamnée à 3 mois de prison ferme avec un maintien en détention. Une forte présence policière répondait à une forte mobilisation solidaire: la salle d’audience est comble, une cinquantaine de personnes étaient venues soutenir Lucile. Cette anarchiste est poursuivie pour s’être refusé à un contrôle d’identité, pour avoir énoncé quelques vérités désobligeantes sur les policiers, et pour avoir refusé de se soumettre à un relevé d’empreintes. La garde à vue sera éprouvante: insultes et coups.

Un incident s’est passé suite au réquisitoire lors d’une suspension d’audience. Une échauffourée a opposé l’assistance solidaire aux policiers devant la salle du tribunal. Les policiers ont fait usage de tonfa, on plaqué des personnes au sol et menacé » d’autre de tasers allumés. Avant le verdict, le juge fait entouré l’assistance par la police. Le cordon policier poussera les manifestants jusqu’au métro, à 400 m du tribunal.

Lire une lettre de Lucile

Le palais de justice de Bobigny

Le palais de justice de Bobigny

Déclenchée suite aux attentats islamistes du 13 novembre, l’état d’urgence a déjà servi à réprimer à plusieurs reprises des progressistes. A l’expulsion d’un squat par le RAID à Lille, l’annulation des mobilisations contre la COP21 et aux arrestations de manifestants qui avaient participé à un rassemblement interdit par les mesures d’exception, succède une nouvelle « opération anti-terroriste » contre une ferme bio du Périgord. Sur ordre du préfet du département, dix gendarmes se sont introduits ce mardi à 10h dans la ferme, à la recherche de « personnes, armes ou objets susceptibles d’être liés à des activités à caractère terroriste », en lien avec les attaques du 13 novembre. Au bout de 2h40 de recherches, l’un des gendarmes interroge les deux propriétaires « le G8, les sommets européens, les manifestations pour l’environnement, ça ne vous dit rien ? » avant de parler d’une action en particulier, le blocage du péage de Mussidan contre l’aéroport de Notre Dame des Landes, il y a deux ans. Ordinateurs et téléphones ont été raccordés à une machine qui en a copié le contenu. Les gendarmes sont finalement repartis bredouille à 10h du matin.

Le lendemain, plusieurs domiciles de militants anarchistes de Périgueux ont également été perquisitionnés, les données informatiques saisies et les lieux photographiés.

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Deux ans d’emprisonnement ont été requis mardi contre huit anciens salariés de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord pour la séquestration durant 30 heures en 2014 de deux cadres. Poursuivis devant le tribunal correctionnel d’Amiens pour «séquestration et violences en réunion», le procureur a requis contre chacun d’entre eux une peine de deux ans d’emprisonnement: un an «ferme aménageable» et un an de sursis. Entre le 6 et le 7 janvier 2014, le directeur des ressources humaines ainsi que le directeur de la production de cette entreprise de 1.143 salariés, fermée quelques jours après, avaient été retenus dans les locaux de l’usine de pneumatiques que plusieurs dizaines de salariés avaient occupée avant de les laisser partir, sans violence.

Parmi les nombreux témoins qui se succédaient à la barre, une inspectrice du travail est venue expliquer le «management pathogène» de la direction de Goodyear. Le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) a comptabilisé 14 suicides en moins de deux ans. Le procès s’est déroulé sans plaignant: Goodyear avait en effet retiré sa plainte en application de l’accord de fin de conflit signé avec les syndicats fin janvier 2014, tout comme les deux cadres concernés, qui se sont désistés après avoir déposé plainte à titre individuel dans un premier temps. Le jugement a été mis en délibéré au 12 janvier 2016.

Le DRH à sa libération

Le DRH à sa libération