Les affrontements qui ont secoué le Kazakhstan cette semaine ont fait au moins 164 morts et 5.800 personnes ont officiellement été arrêtées. Rien qu’à Almaty, la capitale économique où se sont déroulées les émeutes les plus violentes, 103 personnes ont été tuées. Les autorités avaient jusque-là fait état de 26 manifestants et 16 membres des forces de sécurité tués et plus de 2.000 personnes blessées. La contestation a débuté en province dimanche dernier après l’augmentation des prix du gaz, avant de gagner des grandes villes, notamment Almaty, où la police a tiré à balles réelles sur les manifestants prenant d’assaut des bâtiments officiels.Un calme relatif semblait être revenu à Almaty depuis quelques jours, les policiers tirant parfois des coups de feu en l’air pour empêcher les habitants d’approcher de la place centrale de la ville.

Les militaires russes ont commencé à y être déployés jeudi pour appuyer le pouvoir en place en protégeant les bâtiments stratégiques et en épaulant les forces de l’ordre, dans le cadre d’un contingent multinational de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), un groupe composé de Moscou et cinq pays alliés.

La fronde populaire se poursuit au Kazakhstan, où les autorités ont déclaré l’état d’urgence à l’ensemble du pays, aujourd’hui mercredi, alors que de violentes manifestations se poursuivent contre la hausse des prix du gaz. La police a tiré des grenades assourdissantes contre des protestataires à Almaty, la capitale économique du pays, tandis qu’un groupe de manifestants a réussi à pénétrer dans le bâtiment principal de l’administration. La police a fait état de plus de 200 arrestations. L’internet et les téléphones portables étaient bloqués. Pour tenter de calmer les esprits, Kassym-Jomart Tokaïev a accepté la démission du gouvernement dirigé par le Premier ministre. Le mouvement de colère avait débuté dimanche, après une hausse des prix du gaz naturel liquéfié (GNL), dans la ville de Janaozen, dans l’ouest de ce pays riche en ressources naturelles, avant de s’étendre à la grande ville régionale d’Aktau, sur les bords de la mer Caspienne avant de s’étendre dans tout le pays (voir notre article).

 

 

La police du Kazakhstan a utilisé mardi des grenades assourdissantes et du gaz lacrymogène pour disperser une manifestation contre la hausse des prix du gaz rassemblant plusieurs milliers de personnes à Almaty, capitale économique du pays. Whatsapp, Telegram et Signal étaient inaccessibles dans la soirée au Kazakhstan, où des protestations ont éclaté dans plusieurs villes depuis dimanche. Sur fond de colère après une hausse des prix du gaz naturel liquéfié (GNL), le mouvement de protestation a démarré dans la ville de Janaozen, dans l’ouest de ce pays riche en ressources naturelles, avant de s’étendre à la grande ville régionale d’Aktau sur les bords de la mer Caspienne. Janaozen a été par le passé le théâtre des troubles les plus meurtriers qui ont secoué le Kazakhstan depuis son indépendance de l’URSS en 1991. En 2011, au moins 14 ouvriers d’un site pétrolier ont été tués quand la police a réprimé une manifestation contre les conditions de travail et les salaires (voir notre article). Dans la soirée, les autorités ont annoncé concéder une réduction du prix du GNL en le fixant à 50 tenges (0,1 euro) le litre dans la région. Cette promesse n’a pas pour autant entraîné la dispersion des manifestants.

Le 20 mars, Erlan Baltabay, dirigeant du Syndicat indépendant des travailleurs du pétrole et de l’énergie au Kazakhstan, a été libéré de prison. Condamné à 7 ans de prison en juillet 2019 pour des raisons politiques, Erlan Baltabay avait été relâché en août de la même année, sa peine ayant été remplacée par une amende qu’il avait refusé de payer et fait appel à sa condamnation. En octobre 2019, il a été condamné à une nouvelle peine de prison de cinq mois et huit jours pour avoir refusé de payer l’amende (voir notre article). Il a purgé sa nouvelle peine de prison dans son intégralité, mais est toujours interdit de toute activité publique, y compris les activités syndicales, pour les sept prochaines années.

Erlan Baltabay

En juillet de cette année, Erlan Baltabay, un dirigeant du Syndicat indépendant des travailleurs du pétrole et de l’énergie au Kazakhstan, a été condamné à sept ans de prison pour des motifs politiques. Suite à une grande mobilisation syndicale internationale, il a été libéré de prison en août après avoir été gracié par le président et a pu rentrer chez lui dans sa famille. Sa peine de sept ans a été remplacée par une amende. Baltabay refuse de payer l’amende et exige le droit de faire appel de sa condamnation. Les autorités kazakhes l’ont à nouveau emprisonné et lui ont infligé une nouvelle peine de cinq mois. Les autorités du Kazakhstan répriment les syndicats indépendants en multipliant les procès pour des prétextes divers contre leurs dirigeants (voir nos articles ici ou ici).

Erlan Baltabay

 

Un tribunal du Kazakhstan a condamné Amin Eleusinov, un dirigeant syndical de la Oil Construction Company (OCC), à deux ans de prison. Le tribunal a prononcé la peine le 16 mai après avoir condamné Eleusinov pour détournement de fonds et pour avoir insulté et agressé un représentant de l’autorité de l’État. Eleusinov avait été arrêté en janvier après que des centaines de travailleurs de l’OCC aient été en grève de la faim pendant deux semaines pour protester contre l’interdiction de leur syndicat (voir notre article). La grève a été arrêtée après qu’un tribunal l’ait déclaré illégale.

Le militant syndical Nurbek Qushaqbaev, qui a été arrêté avec Eleusinov, avait été condamné à 2 ans et demi d’emprisonnement en avril, après qu’un tribunal l’ait déclaré coupable d’avoir déclenché une grève illégale.

Amin Eleusinov

Amin Eleusinov

Deux dirigeants syndicaux ont été arrêtés par la police le 20 janvier à Aktau (dans la région de Mangistau, au Kazakhstan), alors qu’ils participaient à une manifestation massive des travailleurs du pétrole. Nurbek Kushakbaev, vice-président de la Confédération des syndicats indépendants de la République du Kazakhstan (KNPRK), est accusé d’ «appels publics pour la continuation de la participation à la grève qui a causé un préjudice substantiel aux droits et intérêts légitimes des citoyens ou des organisations». Amin Yeleusinov, président du syndicat de la société pétrolière Oil Construction Company (branche du KNPRK), est, lui, accusé de détournement de fonds du syndicat. Il risque de 7 à 12 ans de prison.

KNPRK est convaincu que ces affaires criminelles ont été fabriquées pour arrêter la grève de la faim de masse des travailleurs de l’OCC. Depuis deux semaines, les grévistes s’opposent à la liquidation forcée de la KNPRK décidée par le tribunal économique interdistrict de la ville de Shymkent le 4 Janvier 2017.

Travailleurs en lutte du KNPRK

Travailleurs en lutte du KNPRK

Des rassemblements ont eu lieu dans les grandes villes du Kazakhstan, notamment à Astana (nord), Almaty (sud) et Karagandy (centre), pour protester contre un projet de réforme agraire qui permet notamment aux étrangers de louer des terres pour 25 ans plutôt que 10 précédemment.Les autorités avaient interdit ces manifestations. A Almaty, la principale ville du pays, une centaine de personnes est tout de même descendue dans les rues. Le procureur général adjoint a annoncé 40 arrestations samedi de personnes ayant organisé ou participé à ces manifestations interdites.

En avril, des manifestations avaient déjà été organisées contre cette réforme agraire, présentée comme importante par le gouvernement pour attirer les investissements étrangers. Les politiques agraires constituent un sujet très sensible dans cette ancienne république soviétique, où l’on se souvient des privatisations des années 1990 avec amertume et où la Chine voisine cherche à étendre ses intérêts agricoles.

Policiers kazakhs

Policiers kazakhs

Le 16 décembre, seize personnes ont péri dans la ville de Janaozen (ouest), épicentre des affrontements entre la police et des grévistes réclamant de meilleures conditions salariales et de travail. Le mouvement de contestation sociale et dénoncé des dizaines d’arrestations ainsi que le recours à la torture dans les prisons de Janaozen. Des membres des forces de sécurité kazakhes ont tiré à l’arme automatique sur des contestataires en fuite. Les incidents de Janaozen ont été suivis de manifestations de soutien aux grévistes dans la capitale régionale, Aktaou. Le ministère kazakh de l’Intérieur a indiqué jeudi que 18 « organisateurs et participants aux troubles » sont en détention – et que dix autres suspects avaient été arrêtés dans la localité voisine de Chetpe.