Ces derniers jours, les opérations militaires se limitent à des accrochages répétés et meurtriers entre les Forces Démocratiques Syriennes et l’ANS (supplétifs de la Turquie), les premières repoussant les tentatives répétées de la seconde de franchir l’Euphrate, notamment au barrage de Tichrine (photo). Il y surtout de nombreux bombardements turcs par avions, drones et artillerie sur tout le Rojava. Les USA tentent de négocier un cessez-le-feu.

Cependant les menaces se précisent :
– La Turquie et ses supplétifs de l’ANS préparent une offensive sur la ville de Kobané à partir de la frontière turque et à partir de l’enclave de Serekanie (occupée par l’ANS). Des engins de l’armée turque ont déjà démonté des segments du mur-frontière pour favoriser l’invasion.
– Le nouveau pouvoir islamiste de Damas s’est lui aussi montré menaçant. Leur dirigeant a déclaré que « la Syrie ne sera pas divisée et il n’y aura pas d’entités fédérales”, et que  “la région que contrôlent actuellement les FDS sera intégrée à la nouvelle administration du pays”.
– Il y a une recrudescence des activités de terrorisme et de guérilla des cellules clandestines du Daech.

Par ailleurs, les forces islamistes de Damas ont attaqué les forces du Front populaire de libération de la Palestine qui voulaient les empêcher de démanteler le centre du FPLP dans la ville de Qousaya.

Des négociations ont lieu dans tous les sens, mobilisant aussi bien les acteurs syriens que la Turquie ou les États-Unis. Il est impossible pour l’instant de savoir vers quoi tendent les accords définitifs – plusieurs fausses informations circulent. La Turquie continue à exprimer ses intentions hostiles envers le Nord-Est syrien autonome et démocratique. Ses supplétifs de l’ANS ont remporté une victoire dans la région de Manbij après 15 jours de combats (un cessez-le-feu a permis le retrait des FDS qui y résistaient encore) mais comptent aussi plusieurs échecs en tentant de progresser à l’ouest de l’Euphrate (avec plus de 200 tués et la perte de plus de 70 véhicules dont six tanks).

Dans les pourparlers entre le nouveau pouvoir islamiste de Damas et l’administration autonome du Nord-Est syrien, le premier exige le passage sous son contrôle de toutes les villes à majorité arabe et la seconde la reconnaissance de l’autonomie de la région.

Les combats entre les FDS et les proxys turcs de l’ANS continuent dans la région de Manbij – démentant ceux qui prétendent que les FDS ont évacué ou ont été chassées de la zone. Les forces de l’ANS sont bien dans la ville et dans toute la région, la situation est donc mauvaise, mais les forces des FDS (principalement celles du Conseil Militaire de Manbij et de la Brigade kurde) continuent à s’y battre dans la profondeur. Les membres de l’ANS ont posté des vidéos qui trahissent leur origine (plusieurs portent un patch avec le drapeau du Daech, cf. photo) et leurs méthodes (prisonniers abattus, membres des FDS blessés achevés dans l’hôpital de la ville voir la vidéo ici). L’ANS a tenté de forcer le passage de l’Euphrate sur le pont-barrage de Tichrine et sur le pont de Qereqozak, mais elle a été repoussée à chaque fois avec de lourdes pertes en véhicules et en hommes. L’aviation turque bombarde et les zones de combats et l’arrière – tuant de nombreux civils. Plus au sud, là où ce n’est pas l’ANS mais les forces d’al-Nosra et de ses alliés qui sont face aux SDF, aucun incident n’a été signalé.

Islamistes, militants kurdes, démocrates, Palestiniens membres d’organisations opposées aux intérêts du régime, communistes depuis 2011, plus de 136 000 Syriens ont été emprisonnés. Parmi eux, des milliers de femmes et d’enfants. Plus de 100 000 personnes ont péri dans ses prisons, de maladie, de malnutrition, de mauvais traitements, et sous la torture. Dans la prison de Hama ont émergés des prisonniers qui étaient détenu non seulement depuis les manifestations du printemps arabes, en 2011, mais aussi depuis le soulèvement de la ville organisé par les Frères musulans en 1982.

Le centre de détention de Saydnaya (photo), situé dans la banlieue de Damas était l’un des pire. Des milliers de familles s’y sont pressées à la chute du régime pour espérer sinon retrouver, du moins avoir des nouvelles de leurs proches disparus. Le jour même de la chute du régime, un groupe de détenus avait été emmené de Saydnaya vers une destination inconnue. Leurs dépouilles ont été retrouvées aujourd’hui dans une morgue secrète de l’hôpital Harsta, à Damas.

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L’effondrement du régime a eu lieu pendant la nuit, ce qui a donné lieu à des manifestations de joie dans tout le pays y compris au Rojava. Tout l’ouest du pays est maintenant aux mains des forces islamistes. L’aviation israélienne détruit méthodiquement les structures de conception, de production et de stockage d’armes abandonnées par le régime. L’armée israélienne a aussi occupé la zone tampon sur le plateau du Golan.

En ce qui concerne le Rojava, les lignes n’ont pas bougé depuis hier sauf en ce qui concerne l’offensive des proxy turcs de l’ANS contre Manbij – qui a pris une grande dimension. L’ANS attaque le saillant de Manbij de trois côtés et a infiltré des combattants et/ou activé des cellules clandestines dans la ville. Des combats meurtriers ont eu lieu dans Manbij même, alors que les FDS tiennent encore la ligne de front en avant de la ville. L’aviation turque pillone les forces SDF défendant la ligne de front et celles arrivant en renfort, ainsi que des institutions civiles (photo; le siège de l’administration autonome de Manbij en feu après un bombardement turc ce dimanche après-midi).

A l’ouest de la Syrie, les positions du régime s’effondrent sur tous les fronts. L’insurrection au sud-ouest atteint la banlieue de Damas, une autre vague insurrecitonnelle s’étent à partir du sud, de la région de Deraa, et la principale offensive, lancée par al-Nosra et ses alliés, continue à progresser dans la région de Homs. L’ANS (« armée nationale syrienne », force mercennaire au service de la Turquie) poursuit ses attaques sur les lignes des SDF défendant Manbij et Maskanah (deux flèches vertes du haut). Les combats sont durs et l’artillerie turque appuie l’ANS.

Les SDF ont assuré les positions conquises sur la rive ouest de l’Euphrate à Deir ez-Zor et au point de passage frontalier d’Al-Qaim (flèches beiges). Sur cette même rive, des forces islamistes se sont emparées de deux zones comportant chacune plusieurs villages (deux flèches vertes du bas). Enfin, les SDF ont pris sans combat dans toutes les enclaves que le régime gardait au Rojava: un quartier dans le centre de Hassaka et une zone au nord de la ville, un quartier au centre de Qamishli et l’aéroport de cette ville.

La résistance des forces du régime au nord d’Hama s’est effondrée hier et par la suite, la ville elle-même est tombée sans combat. Al-Nosra et ses alliés visent maintenant Homs (flèche vert du bas). Cela semble sentir le sapin pour le régime, impression confirmée par le retrait vers Damas de forces déployées dans l’est syrien. Pour le Rojava, il subsiste la menace de la Turquie et de l’ANS, particulièrement sur Manbij (flèche verte du haut). Erdogan a déclaré qu’il ne laisserait pas « le PKK » profiter de la crise, tandis que des dizaines de milliers de réfugiés affluent au Rojava, fuyant les zones occupées par l’ANS.

Les Forces Démocratiques Syriennes ont agrandi la zone qu’elles contrôlent au sud de Tabka et de Raqqa (double flèche ocre). C’est une zone désertique sillonnée par des groupes mobiles du Daech, qui a significativement augmenté son activité dans ce désert (zones grises). Le régime a évacué l’aéroport situé au sud de Deir-ez-Zor: les SDF ont traversé l’Euphrate et s’en sont emparé (troisième flèche ocre).

Mise à jour (21H): Les SDF continuent leur progression dans le Sud-Est. Elles sont dans tout Deir ez-Zor et contrôlent un point de passage avec l’Irak à  al-Qaim – ce qui pourrait être important. Le Sud-ouest de la Syrie entre en insurrection et des combats ont lieu à l’intérieur des zones militaires de Damas, laissant penser à des crises entre forces du régime.

Tandis qu’al-Nosra et ses alliés accentue au Sud la pression sur le régime en avançant (avec difficultés) sur le front de Hama, l’ANS amène de nombreux renforts, y compris des tanks, vers l’Est, vers les fronts de Manbij et de Maskanah tenus par les FDS. La ville de Manbij (100.000 habitants) et sa région constituent la plus importante partie du Rojava démocratique à l’Ouest de l’Euphrate. La zone de Maskanah, plus au sud, a été conquise par les FDS aux dépens du régime il y a trois jours (flèche beige sur la carte). Hier et avant-hier, plusieurs attaques de l’ANS ont été repoussées par les FDS sur ces deux fronts.

On redoute une grande offensive de l’ANS sur Manbij, tandis que des dizaines de milliers de réfugiés emprutent les corridors humanitaires pour rejoindre le Rojava démocratique. Et comme à chaque fois que la Turquie orchestre une attaque, tous ses moyens, ses alliés et ses proxys sont mis à contribution. Un commando du Daech a ainsi assassiné un responsable du Parti du Futur à Deir ez-Zor (le Parti du futur est un parti démocratique syrien, bien antérieur à la guerre civile, persécuté par le régime, et qui, au Rojava, a des élus à l’Assemblée populaire et participe à l’Administration autonome). Un drone turc a tué deux personnes à Derik et l’artillerie turque a bombardé les régions de Manbij et de Till Tamir.

Le bloc emmené par al-Nosra (coalition islamiste hétérogènes composée surtout de jihadistes et de Frères musulmans, mais aussi d’autres organisations) continue son offensive contre le régime en direction d’Hama. Il organise les zones conquises. Le bloc de l’ANS, pur proxy de la Turquie, continue de cibler les Kurdes. Des tensions existent entre les deux blocs. Ainsi, al-Nosra voulait remettre en service la centrale électrique d’Alep, mais les mercennaires de l’ANS, comme ils le font toujours, avaient pillé tout ce qui pouvait être emporté et saccagé le reste.

Les forces de l’ANS appuyée par l’artillerie turque se concentrent autour de la région de Manbij – des escarmouches ont déjà eu lieu avec les FDS, faisant plusieurs tués. L’ANS harcèle aussi les quartiers kurdes encerclés à Alep. Des milliers de réfugiés fuyant les forces islamistes ont quitté la zone de Sheba/Tall Rifaat pour se diriger par un froid polaire vers les régions du Rojava démocratique par un corridor humanitaire (photo).

Plus au Sud-Est, les FDS ont pris la dernière tête de pont tenue par le régime à l’Est de l’Euphrate, une large poche de sept localités à la hauteur de la ville de Deir ez-Zor. Cette zone étaient occupées par des milices iraniennes. L’aviation américaine bombarde ces milices, l’aviation russe bombarde al-Nosra, l’aviation israélienne bombarde le Hezbollah, et l’aviation turque bombarde les SDF…

L’offensive des deux grands blocs islamistes, celui rassemblé autour du Hayat Tahrir al-Sham (anciennement al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda), et celui des supplétifs de la Turquie rassemblés sous l’étiquette « Armée Nationale Syrienne », se prolonge. Le premier bloc priorise son offensive contre le régime, nettoie les territoires conquis et continue sa progression vers le sud. La vitesse de cette progression s’est ralentie, sans que l’on sache où le régime a pu établir de nouvelles lignes de défense où si l’offensive touche à ses limites pour des problèmes d’effectif ou de logistique.

Le deuxième bloc, en bon supplétif de la Turquie, a concentré ses efforts à combattre les Kurdes. La région de Shebah/Tall Rifaat a été attaquée par l’ANS qui s’est emparée des campagnes et des villages environnants la ville de Tall Rifat et les grands camps de réfugiés (des dizaines de milliers de Kurdes ayant fuit l’invasion turque du canton voisin d’Afrin en 2018). La carte ci-dessous ne l’indique pas, mais il reste des unités kurdes dans cette zone. Les islamistes ont aussi réussi à couper les corridors que les Kurdes avait pu établir hier entre leurs différentes zones à l’ouest de l’Euphrate. Des négociations sont en cours pour l’évacuation des civils des camps de réfugiés et de Tall Rifaat.

Ayant perdu du terrain à Sheba/Tall Rifaat, les Forces Démocratiques Syriennes en ont gagné sur la rive ouest de l’Euphrate, par une attaque venant de Tabka. La partie de la banlieue Nord-Est d’Alep qui a été occupée hier, par une progression à partir des quartiers kurdes de la ville dans la tentative d’établir un corridor vers l’Est, a également été conservée. Toute cette zone kurde d’Alep est néanmoins totalement isolée du reste du Rojava.

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