C’est ce matin que ce sont déroulées les funérailles de Mohamed Brahmi, dirigeant du Front Populaire abattu de quatorze balles devant son domicile il y a quelques jours. Plus de 15.000 personnes s’étaient rassemblées à Tunis pour assister à son enterrement aux côtés de Chokri Belaïd, un autre opposant de gauche assassiné en février dernier. A l’issue de la cérémonie, une grande partie de la foule s’est rendue devant le bâtiment de l’Assemblée nationale constituante pour réclamer la démission des élus. Les milliers de manifestants ont été accueillis par la police anti-émeute qui a tiré des gaz lacrymogènes pour les empêcher de se rassembler. Vers 16h, des renforts policiers ont été envoyés sur place. Après avoir été dispersés, les manifestants sont revenus en force, lançant des pierres aux forces de l’ordre pour répondre aux tirs de gaz. De nombreuses personnes ont été intoxiquées et un député a été violemment frappé par la police avant de s’évanouir et d’être évacué par les secours.

Manifestation devant l'assemblée nationale constituante

Moins de 6 mois après l’assassinat de Chokri Belaid, un deuxième dirigeant du Front Populaire, Mohamed Brahmi a été assassiné suivant le même mode opératoire, sortant de son domicile devant sa femme et ses enfants, de 11 balles tirées par deux motards. Ce dirigeant d’un parti nationaliste de gauche, le Courant Populaire, était député de Sidi Bouzid, la ville d’où avait commencé la révolution et où ont eu lieu ces derniers mois de nombreuses mobilisations populaires contre le gouvernement et contre le siège local du parti islamiste au pouvoir, Ennahdha.

Des manifestations ont eu lieu en réaction à cet assassinat. La police tunisienne a fait usage jeudi après-midi de gaz lacrymogènes pour disperser plusieurs centaines de manifestants qui ont occupé un local administratif à Sfax, la grande ville du littoral située à 250 km au sud de la capitale. Les protestataires ont lancé des pierres sur les forces de l’ordre.

assassinat de Mohamed Brahmi

Le tribunal de Ben Arous, dans la banlieue de Tunis, a condamné le rappeur Weld El 15 à deux ans de prison ferme. Weld El 15 avait déjà été condamné par contumace en mars dernier pour « Boulicia Kleb » (« Les policiers sont des chiens »), une chanson qui évoquait la corruption de la police. Il avait finalement décidé de se rendre il y a quelques jours pour comparaître de nouveau. A l’énoncé du verdict, des militants venus le soutenir ont protesté et les policiers ont commencé à tabasser tout le monde ; les protestataires, les journalistes et les avocats. Ils ont utilisé de la bombe lacrymogène dans le hall, dans la cour du palais de justice.

3 militantes européennes de Femen ont été condamnées à 4 mois et 1 jour de prison en Tunisie au motif de ‘atteinte à la pudeur et aux bonnes moeurs’. D’autres militantes ont manifesté leur solidarité à Bruxelles ce matin, Place du Luxembourg.

Des militantes de Femen Place du Luxembourg à Bruxelles

Sur le site tunisien de Fouchada de l’entreprise française SEA Latélec, productrice de câbles aéronautique, filiale du groupe Latécoère, lui-même sous-traitant de Airbus, pendant plusieurs années, les 450 salariées ont travaillé pour moins de 150 euros par mois, et sans représentation syndicale. En 2010, deux ouvrières ont créé une section locale de la puissante UGTT et réussissent à mobiliser une grande partie de leurs collègues. Plusieurs ouvrières sont suspendues ou licenciées, suite à des manifestations, les syndicalistes étant les premières visées et la direction se livre à un chantage à la délocalisation. Mais les salariées tiennent bon et la mobilisation s’étend dans la région, pilier industriel de la Tunisie, gagnant plusieurs usines textile.

Hier soir, on a tiré quatre balles sur la maison du camarde Mohamad Al Rajhi, responsable de Front Populaire à Nafta (sud de la Tunisie) et representant du Secours Rouge Arabe. Dans cette maison habite égalememnt son frère, Moez Al Rajhi, lui aussi membre du Front Populaire. Cette attaque est clairement une tentative d’intimidation de notre camarade pour son engagement politique, dans le cadre des campagnes de menaces et d’agressions des islamistes du mouvemement Ennahdha.

Tunisie: Intimidation contre le représentant du Secours Rouge Arabe

La région de Mdhilla a connu, mercredi 27 mars, des affrontements entre des manifestants et les forces de l’ordre. Ces incidents interviennent, suite à des protestations de jeunes chômeurs de la région réclamant le recrutement dans la Compagnie Phosphate Gafsa (CPG). Les affrontements se sont poursuivis pendant la nuit et les forces de l’ordre ont utilisé des grenades lacrymogènes mais aussi des chevrotine contre les manifestants qui ont attaqué le siège du parti Ennahdha, saccageant au passage mobilier et détruisant des documents. Des blessés et quelques arrestations sont à dénombrer du côté des manifestants.

Tunisie: La police tire à la chevrotine contre des manifestants

Depuis mercredi, les manifestations se sont multipliées à travers la Tunisie pour dénoncer l’assassinat de Chokri Bel Aid, et plus largement pour s’opposer au gouvernement au pouvoir depuis le renversement de Ben Ali. Tard hier soir, le ministère de l’Intérieur a publié un bilan humain partiel de ces trois jours, partiel car il ne dresse pas l’état des lieux des victimes civiles. Par contre, il mentionne le décès d’un policier, tandis que 39 autres ont été blessés. 375 personnes ont été arrêtées par les forces anti-émeutes. Enfin, il signale qu’une dizaine de postes de forces de l’ordre ont été attaqué entre mercredi et vendredi.

C’est cet après-midi que se sont déroulées les funérailles de Chokri Bel Aid, membre du Front Populaire assassiné mercredi à Tunis. En marge de celles-ci, le General Union of Tunisian Workers (UGTT) avait lancé un appel à la grève générale. Celle-ci s’est révélée être la grève la plus importante en Tunisie depuis celle du 14 janvier 2011, jour de la fuite de Ben Ali vers l’Arabie Saoudite. Les autorités avaient fait déployer les forces de sécurité en masse à travers la ville et celles-ci ont à nouveau fait preuve d’une extrême violence. De nombreux rassemblements se sont formés durant la journée dans divers quartiers de la ville et ont tous invariablement été réprimés. Des dizaines de milliers de personnes s’étaient jointes au cortège funèbre au cours duquel se sont élevés de nombreux slogans tels que ‘Avec notre sang, nous nous sacrifierons pour le martyr’ et ‘Le peuple veut une nouvelle révolution’. La police a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants qui tentaient d’incendier ses véhicules devant le cimetière. Dans le centre-ville, les policiers usant de bâtons et de gaz sont intervenus face à des dizaines de personnes qui scandaient des slogans anti-gouvernement. A Gafsa, qui avait déjà été le théâtre de manifestations hier, les forces anti-émeutes ont à nouveau fait usage de la force aujourd’hui pour disperser un rassemblement, notamment grâce à des tirs de gaz lacrymogènes. Le commissariat de la ville minière à été incendié au cours de la manifestation.

Policiers à Tunis