Les ambassades tunisiennes de Berne et de Paris ont été la cible d’attaques anonymes ces derniers jours. Cette nuit, plusieurs départs de feu ont été provoqués à l’ambassade du Tunisie à Berne. Le feu ne s’est cependant pas allumé. A Paris, le consulat a subi une petite explosion dans la nuit de dimanche à lundi, celle-ci ayant causé des dégâts minimes sur la devanture métallique du bâtiment. Dans les deux pays, une enquête a été ouverte pour trouver les responsables de ces actions.

Ambassade tunisienne à Paris

Ambassade tunisienne à Paris

Tunis est entrée hier dans le cercle des manifestations. Lundi, des unités anti-émeutes se sont déployées dans le centre ville, où étaient prévus plusieurs rassemblements estudiantins. Un étudiant affirme que dès le début du cortège, ils se sont retrouvés face à la police anti-émeute qui avait reçu l’ordre de les empêcher de passer. Ce qu’elle a fait à coups de matraques et de bombes lacrymogènes. Un étudiant a été blessé et huit autres ont été interpellés. Par ailleurs, après un week-end d’affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants dans le nord-ouest du pays, les manifestations ont repris de plus belle hier, et se poursuivent aujourd’hui. Sur place, plusieurs témoins annoncent que le nombre de tués dans la région dépasse les cinquante, citant les chiffres de l’hôpital de Kasserine. Ils parlent de tirs de snipers, de pillages et de vols de commerces et de domiciles par des effectifs de police en civil. Ils dénoncent des tirs de snipers postés sur les toits et des policiers tirant sur des cortèges funéraires. Dans toutes les villes du pays, la vague de protestation se poursuit, et avec elle la répression. De nombreux témoins, notamment à Kasserine et à Regueb parlent de ‘cadavres éventrés’ et de ‘cadavres à la cervelle éclatée’.

Après le décès de quatre manifestants hier, les manifestations se sont poursuivies durant la nuit et la journée d’aujourd’hui à Tala et à Kasserine, entrainant de nouveaux violents affrontements entre la population et la police. Le ministère de l’intérieur a annoncé que huit personnes étaient décédées ce week-end et plusieurs autres blessées. Mais d’autres sources sur place font état d’au moins vingt morts tués par balle dans la région. Et elles affirment que le bilan devrait s’alourdir vu le nombre de blessés graves qui affluent dans les hôpitaux. Des témoins ont également déclaré que les cortèges funéraires avaient aussi été la cible de tirs.

Depuis le 17 décembre, le peuple tunisien se révolte contre la précarité sociale et le chômage. Les étudiants et les diplômés chômeurs qui manifestent quotidiennement depuis lors ont été rejoints ce samedi par les syndicats. Mais les affrontements qui opposent les jeunes et les forces de l’ordre se sont également intensifiés. Vendredi, cinq manifestants et un agent de sécurité ont été blessés à Saïda dans une confrontation violente. Samedi, les policiers ont ouvert le feu sur la foule dans le centre de Tala, dans le centre-ouest du pays. Quatre hommes ont été tués et plusieurs personnes ont été blessées, dont six grièvement. A Kasserine, de violents affrontements se sont déroulés cette nuit. Un jeune garçon de douze ans aurait également été tué par balle, cette fois à Ennour. Tous les rassemblements sont encadrés par des centaines de policiers en civil et d’unités anti-émeute, celles-ci n’hésitant pas à faire usage de lacrymogènes et de leurs armes à feu. Hier, l’armée s’est déployée pour la première fois depuis le début du mouvement autour des bâtiments officiels.

Force de police en Tunisie

Force de police en Tunisie (archive)

Depuis le début de la semaine, le mouvement de protestation des étudiants et des diplômés chômeurs s’est étendu à travers toute la Tunisie. Partout, la police poursuit son action de répression. A Tala, dans l’ouest du pays, des arrestations musclées ont eu lieu dès mercredi soir. En plus des manifestations dans les rues, le mouvement a également pris énormément d’ampleur sur internet. Des milliers de groupes Facebook ont été créés pour dénoncer la politique gouvernementale. Des informations relatives aux émeutes et à la répression policière sont transmises via un compte Twitter.

Les autorités n’ont pas tardé à réagir. Ce jeudi, un rappeur et trois blogueurs ont été arrêtés par la police à leurs domiciles. Le rappeur Hamada Ben Amor, 22 ans, a été arrêté à 5h30 hier matin. Grâce à une de ses chansons, ils avait créé un espace privilégié d’expression contestataire pour des milliers de jeunes, et notamment sur internet. Hamadi Kaloutcha, militant et blogueur luttant contre la censure, a été interpellé vers 6h du matin par des policiers en civil qui ont saisi un ordinateur portable et une unité centrale. Les deux autres blogueurs arrêtés, Slim Amamou et El Aziz Amami, avaient été à l’origine du projet de manifestation contre la censure en mai dernier à Tunis. Arrêté la veille du rassemblement pendant plus de douze heures, Amamou avait été obligé de faire enregistrer une vidéo appelant à l’annulation de l’événement pour pouvoir être relâché. Ce matin, les familles respectives ont déclaré n’avoir aucun nouvelle des quatre hommes.

Un appel avait été lancé hier pour une large mobilisation à travers tous le pays en soutien aux mouvements de protestation contre le chômage et le coût de la vie. Dans plusieurs villes, des rassemblements et des marches pacifiques ont réunis principalement des étudiants et des diplômés chômeurs. A Thala, à 250 kilomètres de Tunis, des affrontements entre les manifestants et les policiers se sont déroulés après que les forces de l’ordre aient tiré des bombes lacrymogènes. A Sousse, à 100 kilomètre de Tunis, on rapporte que des heurts ont également éclaté entre les étudiants et la police. A Jbeniana, deux jeunes auraient été interpellés.

Ce vendredi 31 décembre, très tôt dans la matinée, tous les tribunaux de Tunisie ont été assiégés par la police. Les avocats étaient mobilisés pour porter un brassard rouge en signe de soutien au mouvement de protestation de sidi Bouzid qui ont éclaté le 18 décembre dernier et qui ont été violemment réprimés, entraînant trois morts par balles et de nombreux blessés. Les autorités ont empêché les avocats d’arriver aux sièges des tribunaux. Des centaines de policiers ont également été déployés à l’intérieur des tribunaux pour empêcher toute action de solidarité avec les habitants de Sidi Bouzid et tout port du brassard. Les procureurs ont observé les violences contre les avocats à l’intérieur des salles d’audiences et dans l’enceinte des palais de justice dans plusieurs villes du pays, sans réagir.

De nombreux avocats ont ainsi été agressés notamment dans les tribunaux de Gafsa, Jendouba, Mahdia, Monastir, Sousse, Sfax, Bizerte et surtout Tunis. Une demi-douzaine d’entre eux ont été frappés au point d’avoir des os brisés. L’un d’eux a été kidnappé et violemment frappé à la tête par des agents de police en civil alors qu’il s’approchait du palais de justice à Jendouba ; Il a été menacé de mort par les policiers qui lui ont dit qu’ils avaient pour instruction de le tuer ; l’avocat a été ensuite jeté dans un endroit désert à la sortie de la ville, son état de santé est inquiétant.

Tunisie: La police contre les avocats

La Tunisie est depuis le 19 décembre le théâtre de violents affrontements entre manifestants, souvent jeunes, et forces de l’ordre. Le mécontentement se concentre dans le centre-ouest du pays, dans la région de Sidi Bouzid.
Le mouvement s’est déclenché après la tentative de suicide d’un jeune diplômé de l’université, vendeur sans permis de fruits et légumes qui s’était fait confisquer sa marchandise par la police municipale. Désespéré, le jeune homme s’était aspergé d’essence pour s’immoler par feu. Il a survécu mais se trouve dans un état critique.

Cinq jours plus tard un autre jeune a mis fin à ses jours en s’électrocutant au contact de câbles électriques. Depuis, les manifestations se multiplient dans le pays pour dénoncer l’absence de perspectives offertes à la jeunesse, le coût de la vie et les inégalités croissantes. Trois voitures de police a été incendiées, des jets de pierres et des cocktails Molotov ont ciblé les locaux du parti au pouvoir et des administrations. Un jeune manifestant a été tué par balles, plusieurs autres blessés (parfois par les gros bras du parti au pouvoir, protégés par les policiers) et il y a eu de nombreuses arrestations.

Manifestation à Menzel Bouzayane

Manifestation à Menzel Bouzayane

La Chambre criminelle près de la Cour d’appel de Gafsa a renvoyé l’affaire du procès en appel de syndicalistes poursuivis à la suite du mouvement de protestation sociale dans la région minière de Gafsa au 3 février 2009, ‘afin de permettre la présence de l’un des prévenus empêché pour raisons de santé, suite à une maladie constatée antérieurement à son arrestation‘. Il s’agit de Bechir Laabidi, un des dirigeants condamnés à dix ans de prison, actuellement hospitalisé à Tunis pour cause de tuberculose.

Dans ce procès d’appel, les inculpés partent renforcés par le soutien de leur organisation, la puissante centrale syndicale Union Générale des Travailleurs Tunisien (UGTT), qui est revenu sur les sanctions qui ont gelé leurs statuts antérieurs de responsables régionaux. C’est en cette qualité qu’ils vont être jugés. Cette nouvelle donne va peser de tout son poids sur la suite du procès dans un système politique dont les rapports avec le syndicat ont souvent constitué le principal atout pour sa stabilité. Ce procès en appel fait suite à des condamnations de première instance allant jusqu’à dix ans de prison lors du procès du 11 décembre 2008 et qui a été entaché de graves irrégularités. Sur un total de 38 inculpés, le tribunal avait relaxé cinq prévenus et condamné deux autres par défaut, trente-trois des prévenus ont été jugés coupables ‘d’entente criminelle portant atteinte aux personnes et aux biens’ et ‘rébellion armée’, lors des violences ayant nécessité un déploiement de l’armée après la mort par balles le 6 juin d’un manifestant à Redeyef, près de Gafsa.

La Cour a refusé de donner suite aux demandes de mise en liberté présentées par certains avocats, 21 prévenus comparaissant en état d’arrestation. Des observateurs syndicalistes et avocats de France, d’Algérie et du Maroc étaient présents à l’ouverture du procès en appel mardi 13.