28/07/2005

ACAB

ACAB est l’acronyme de l’anglais « All cops [plus anciennement: « coppers »] are bastards » (« Tous les flics sont des salauds »). Il a pour origine une chansonnette répandues dans les milieux populaires cockney, qui a connu un grand nombre de versions, et qui a été notamment chantée par les grévistes à partir de l’entre-deux guerres:
I’ll sing you a song that won’t take long /
All coppers are bastards /
I’ll sing you another just like the other /
All coppers are bastards /
Third verse, same as the first /
All coppers are bastards

Plusieurs histoires courent à propos de cette chanson très populaire. On raconte qu’à Glasgow, un policier ayant entendu un gamin l’entonner, l’amène au poste pour lui montrer tous l’appareillage de la police scientifique avant de lui demander ce qu’il en pense: réponse « all coppers are clever bastards » (tous les flics sont des salauds futés »). Autre histoire: une homme surpris en train de la chanter a été arrêté et inculpé, primo, pour offense aux forces de l’ordre, secundo, pour divulgation de secret d’état.

ACAB Tattoo

L’acronyme ACAB a souvent été utilisé en tant que tatouage dans les prisons au Royaume-Uni à partir des années ’40. Il peut apparaitre comme tel ou sous la forme d’une série de quatre points. Ce tatouage se portait sur la première phalange de l’index, du majeur, de l’annulaire et de l’auriculaire, de telle sorte que les lettres ou les points apparaissent alignés le poing fermé. Cet endroit était choisi parce que particulièrement douloureux, donc la marque des durs à cuire. Aux Etats-Unis, il est repris par la culture très codifiée des bikers à partir des années ’60: seul un hells angel qui a eu maille à partir avec la justice peut porter un badge ou un patch ACAB. En 1980, The 4-Skins, groupe britannique de Oi a définitivement popularisé l’acronyme dans une chanson du même nom.

Il a été massivement utilisé lors de la grève des mineurs britanniques de 1984-1985 et a adopté par les supporters de football Ultras (sur des tatouages, T-shirts, tifos, casquettes ou écharpes).

ACAB Tifo

Pour échapper à la répression et/ou pour jouer sur un effet de connivence, il apparait sous des formes déguisées : comme « 1.3.1.2 » (référence à la position des lettres ACAB dans l’alphabet), et cela de différentes manières : cartes à jouer (As-3-As-2), dés, calcul (« 32 X 41 =1312 »), dessins de quatre mains dont les doigts forment ces chiffres, etc. Le 13 décembre est donc l’ « ACAB Day »… On rapporte qu’un jeune britannique a été trainé au tribunal pour avoir porté un vêtement marqué ACAB et qu’il a été condamné malgré la plaidoirie de son avocat qui, de manière moyennement convaincante, soutenait qu’ACAB signifiait « All Canadians Are Bastards »…
Dans le même esprit, il apparait parfois dans des tags, des stickers, des motifs de vêtements inclus dans un autre mot, mais signalé par une nuance graphique (majuscule, couleur…), par exemple « copACABana », ou avec un pseudo contenu (« Acht Cola Acht Bier »)

Tag ACAB

L’acronyme « ACAB » sera popularisé hors de Grande-Bretagne surtout après les émeutes anti-G8 de Gênes de 2001 où la police blessa 600 manifestant et en tuant un, Carlo Giuliani. Dans l’espace francophone, il remplace le traditionnel « Mort aux vaches » (lui-même symbolisé le plus souvent, en tatouage, par trois points en triangles).
Il a été détourné, le plus souvent en gardant un double sens implicite en « All Communists Are Beautiful » (banderole autonomes en Allemagne), « Anti Cuts Action Bristol » (campagne locale contre une taxe d’austérité), « All Colors are Beautiful » (dans le cadre de manifestation anti-raciste). A ne pas confondre, en Angleterre, avec l’argotique « A-cab » qui désigne un chauffeur de taxi originaire des Caraïbes ou du Moyen-Orient. L’acronyme et/ou l’expression ont été repris dans plusieurs chansons, comme titre d’un film italien de 2012 sur une brigade de policiers, dans une série de pochoirs de Banksy et dans divers memes internet (« All Cats Are Beautifull »).

ACAB Polizei

ACAB Tattoo
ACAB Tifo
Tag ACAB
ACAB Polizei

« Je suis ici pour accuser, non pour me défendre ! »
Karl Liebknecht à son procès (Berlin, 1916)

Lors d’un procès, une « défense de rupture » (appelée aussi « stratégie de rupture ») implique que l’accusé se fait accusateur, considère que le tribunal n’a pas la légitimité, prend l’opinion à témoin ou s’adresse à la société par dessus la tête du tribunal. La « défense de rupture » s’oppose à la « défense de connivence », qui est classiquement plaidée, et qui suppose une reconnaissance de la justesse et de la validité des lois, de la légitimité des tribunaux.

La défense de rutpure est aussi ancienne que le procès politique. C’était déjà la position adoptée par Socrate. Lors du débat sur la peine, les juges devaient, non pas déterminer leur propre sentence, mais choisir parmi les propositions des deux parties du procès. L’accusateur Mélétos demanda la mort. Socrate aurait pu proposer une peine qui pût être acceptée par les juges, par exemple une forte amende. Mais il déclara qu’avec ce qu’il avait fait pour la Cité, il méritait d’être hébergé et nourri à ses frais pour le reste de ses jours …

La mort de Socrate, par David

Le procès de rupture le plus célèbre fut celui de l’incendie du Reichstag, siège du parlement allemand à Berlin, qui brûla la nuit du 27 au 28 février 1933. Immédiatement exploité par les nazis, il est suivi par la proclamation d’état d’exception et des dizaines de milliers d’arrestations (principalement de communistes allemands), le nazi Hermann Göring (alors ministre de la justice de la Prusse), le présentant que le signal du début de l’insurrection communiste.
Le principal accusé Dimitrov, un des dirigeants de l’insurrection communiste bulgare de 1923 et condamné à mort par contumace, quitte la Bulgarie pour l’Union soviétique où il devient responsable de l’internationale Communiste. Le 9 mars 1933, il est arrêté en Allemagne alors qu’il voyageait clandestinement, sous le prétexte de complicité dans l’incendie du Reichstag. Devant la presse internationale, Dimitrov tient tête à Goebbels et à Göring à qui il fait perdre son calme en pleine audience, il accuse les nazis d’avoir eux-mêmes fait incendier le Reichstag, fait voler en éclat la thèse officielle et transforme le procès en tribune antinazie. Ce procès lui vaudra une renommée mondiale et dissuadera les nazis de faire d’autres grands procès publics contre des dirigeants communistes. Acquitté après une année d’incarcération, il est expulsé en URSS qui lui a conféré la citoyenneté soviétique.

Une première théorisation avait été faite par Marcel Willard, un avocat communiste, dans son livre La Défense accuse (Editions sociales, 1938, réédité en 1951). Lénine, rapporte-t-il, avait fixé cette ligne de conduite dès 1905, à tous les Bolcheviks traduits en justice : « Défendre sa cause et non sa personne, assurer soi-même sa défense politique, attaquer le régime accusateur, s’adresser aux masses par dessus la tête du juge… »

Dès son premier dossier que Jacques Vergès a géré en tant qu’avocat (celui de la société qui logeait les travailleurs imigreés), Vergès s’engage dans une « défense de rupture ». Vergès milite ensuite pour le FLN et défend leurs combattants. Il est notamment l’avocat de Djamila Bouhired, militante du FLN capturée par les paras français, torturée puis jugée pour attentat à la bombe durant la bataille d’Alger, notamment au Milk-Bar (cinq morts et 60 blessés). Cette défense lui vaut un an de suspension du barreau, en 1961.

Djamila Bouhired

Ce n’est qu’après l’avoir ainsi pratiquée que Jacques Vergès la théorisa, dans son fameux De la stratégie judiciaire (Éditions de Minuit, 1968, réédité en 1981) qui expose que « Le but de la défense n’est pas tant de faire acquitter l’accusé que de mettre en lumière ses idées ». Ce livre-culte inspira des générations d’avocats,
Selon lui (et en cela consiste son apport théorique par rapport à Marcel Willard), dans les situations de confrontations extrêmes, la stratégie de la rupture est en définitive la plus efficace pénalement. Alors que précédemment dans les procès politique, la défense de connivence sauvait les têtes et les procès de rupture gagnaient la cause. Vergès faisait remarquer que si ses clients, qui étaient devenu des symboles par leurs positions de rupture, par le fait qu’ils incarnaient leur cause, avaient été condamnés à mort (à commencer Djamila Bouhired), les autorités françaises n’avaient oser exécuter aucun d’entre eux (à la différence d’autres militants, défendus classiquement).

De la stratégie judiciaire

Le procès de rupture se distingue du procès de « présence offensive » ou d’autres tactiques de procès politiques. Le Secours Rouge International a publié en novembre 2010 une brochure sur ces différentes tactiques et stratégies intitulée : Le procès politique théorie et pratique, principes et tactiques.

Le procès politique : théorie et pratique, principes et tactiques

Le contenu de ce numéro

La mort de Socrate, par David
La défense « de rupture »
Djamila Bouhired
De la stratégie judiciaire

De 1933 à 1939, un million d’Allemands ont été appréhendés et 275.000 condamnés pour activité antifasciste à 600.000 années de prison ; il y avait en permanence entre 150 et 300.000 Allemands dans les camps de concentration — sans compter les Allemands détenus pour motifs racistes. En 1939 par exemple, il y avait 112.000 personnes en prison après une condamnation politique, 27.000 « politiques » en attente de jugement, et 160.000 autres enfermés sans jugement dans les camps de concentration. Avec la guerre, le nombre des détenus allaient augmenter encore : Résistants, familles de résistants, travailleurs déportés indisciplinés, otages, allaient rejoindre les camps de concentration.

La torture des prisonniers politiques à Buchenwald

Dans les camps de concentration et d’extermination, les SS employaient un grand nombre de détenus comme auxiliaires : chefs de chambrée, employés de bureau, chefs d’équipe dans les ateliers, personnel d’entretien, etc. Occuper une de ces places augmentait considérablement les chances d’échapper à la mort. C’est d’abord aux prisonniers allemands de droit commun que les SS confièrent ces postes, mais leurs vols et leurs trafics perturbaient l’ordre des camps. Les militants communistes noyautèrent peu à peu l’administration des camps. Ils parvinrent, grâce à une utilisation centralisée et rationnelle des possibilités ainsi offertes, à donner aux SS l’apparence d’une « bonne administration » tout en développant un vaste réseau de solidarité et de lutte. Partout où ils purent infiltrer l’appareil des camps, la condition des déportés s’améliora, tandis que les droits communs volaient la nourriture des détenus et que les organisations chauvines polonaises et ukrainiennes rivalisaient avec les SS dans la persécution des Juifs et des Russes.

Quelques un des 60.000 déportés tués à Buchenwald

Les communistes allemands constituèrent dans tous les camps une organisation clandestine, mais c’est à Buchenwald, près de Weimar, qu’elle fut la plus développée et la plus efficace. Buchenwald était l’un des plus grands camps de concentration sur le territoire de l’Allemagne. 239.000 personnes y ont été détenues à partir de 1937. 56.000 prisonniers de 18 nationalités y ont trouvé la mort.

Quelques un des 60.000 déportés tués à Buchenwald

Au printemps 1942, l’organisation clandestine avait pris le contrôle de presque toutes les fonctions « civiles » du camp. Elle sauva la vie de nombreux condamnés à mort. Un des procédés consistait à échanger l’identité du condamné avec celle d’un détenu ordinaire qui venait de mourir : on enlevait au détenu condamné le morceau de peau tatoué de son numéro et on lui retatouait le numéro du détenu décédé. Un autre procédé consistait à déclarer le condamné atteint du typhus et à l’affecter dans les locaux de quarantaine où les SS n’osaient pénétrer. L’organisation de Buchenwald réussit à monter le système médical équipé de matériel volé aux SS ; elle assurera la solidarité alimentaire envers les malades et les prisonniers de guerre soviétiques privés de nourriture, mit au point un service d’information alimenté par une radio clandestine.

Elle fut à l’origine de la création d’un Comité international (ILK) en aidant à la constitution d’une organisation clandestine par nationalité (onze organisations nationales furent finalement membres de l’ILK). Elle obtint de remarquable succès dans le sabotage la production de guerre dans les usines employant la main d’œuvre déportée. A Dora (qui dépendait de Buchenwald et où on produisait les fusées « V 2 »), 80% de la production étaient mis au rebut ; à l’usine Gustloff, la production chuta de 55.000 fusils à quelques milliers avec le début du travail concentrationnaire, et les trois quarts de la production fut par la suite renvoyés par la Wehrmacht comme inutilisables. Il était prévu de produire 10.000 pistolets par mois, mais la production resta « à l’essai » pendant deux ans, et dans l’intervalle, une quantité incroyable de matières premières et d’énergie avait été délibérément gaspillée.

L’organisation clandestine constitua une branche militaire, l’Organisation Militaire Internationale (IMO), dans la perspective d’une insurrection armée. Le service « armement », dirigé par Franz Bera, avait réunis et caché 91 fusils avec 2500 cartouches, une mitrailleuse avec 2000 cartouches, vingt armes de poing, 200 cocktails molotov, des grenades artisanales, des couteaux, des cisailles, etc. Certaines armes avaient été construite au camp à partir de pièces volées une à une dans les usines d’armement. Pour protéger le secret de toute cette activité, elle développa au plus haut point l’espionnage des autorités SS et liquida discrètement de nombreux mouchards.

Les armes de l’organisation clandestine de Buchenwald

Aux derniers jours du camp, l’organisation de Buchenwald parvint à empêcher le départ de 21.000 de détenus dans les « marches de la mort ». Le 11 avril 1945, à 11 heures du matin, les troupes américaines approchent (on entend le grondement de la canonnade) et les unités SS des casernes jouxtant le camp reçoivent l’ordre d’évacuation. Le massacre de tous les prisonniers restant est à craindre et, dans le même moment, la désorganisation de la garnison est à son comble. Le moment est choisi par l’IMO pour déclencher l’insurrection armée. Chaque groupe national reçoit ses instructions et ses armes. Les miradors et les bâtiments clés sont pris d’assaut.

Voici le témoignage de Pierre Durand, un des combattant français :
« Au pas de course, Henri Guilbert revient de l’état-major international. Le signal est donné : on passe à l’attaque ! Le colonel Manhès et Marcel Paul transmettent leurs directives : « Ordre est donné au commandant de la compagnie de choc de se rendre au Block 50 accompagné de dix hommes pour prendre livraison des armes destinées aux unités françaises. »  Dans une course effrénée, nous descendons les rues du camp pour aboutir rapidement au lieu indiqué. Un camarade allemand nous indique du doigt notre destination. Nous pénétrons dans une immense cave remplie de charbon. Deux détenus allemands, munis de pelles, avec une énergie rageuse, écartent le charbon et dégagent le mur du fond, Puis à l’aide de gros marteaux, sur toute la longueur du mur, font voler en éclats une mince cloison derrière laquelle nous découvrons un petit arsenal : fusils, revolvers, munitions, grenades. Rapidement nous sont remises les armes destinées aux forces françaises. Quelques minutes plus tard, nos quatre compagnies reçoivent leur contingent d’armes. Le colonel Manhès, Marcel Paul me transmettent les ordres. Notre unité rejoint rapidement le secteur indiqué et dix minutes plus tard les 120 hommes de la compagnie de choc, fusils et grenades en main, montent au pas de course à cette immense place d’appel… La compagnie de choc atteint son objectif : la porte, le Bunker, les locaux administratifs sont investis. Les SS surpris, en proie à la panique, décampent à toute vitesse.» 

L’insurrection de Buchenwald Boris Taslitzky

A 14H30, les 850 combattants de l’IMO ont libéré le camp dans un bref mais violent combat contre des SS démoralisés et rapidement débandés. 150 gardes SS avaient été capturés, 1.500 fusils, 180 lances-fusée antichar « Panzerfaust » et 20 mitrailleuses récupérés.
A 16H les premiers soldats américains entrent dans le camp. Le premier officier allié à pénétrer à Buchenwald témoigne : « Nous entrons dans le camp : aucune trace de combat ; il n’y a pratiquement aucune résistance des S.S. (…) Ça et là, dans le camps, nous apercevons certains hommes qui ont perdu déjà l’aspect de déportés politiques. Ils portent des grenades accrochées à la ceinture, des fusils, des Panzerfaust ; ils donnent l’impression de vouloir constituer une force révolutionnaire dans le camp. »

L’insurrection de Buchenwald

Une semaine plus tard, le 19 avril 1945, les déportés rassemblés sur la place d’appel prêtèrent le serment suivant:

« Nous, les détenus de Buchenwald, nous sommes venus aujourd’hui pour honorer les 51.000 prisonniers assassinés à Buchenwald et dans les Kommandos extérieurs par les brutes nazies et leurs complices. 51.000 des nôtres ont été fusil lés, pendus, écrasés, frappés à mort, étouffés, noyés, empoisonnés et tués par piqûres. 51.000 pères, frères, fils sont morts d’une mort pleine de souffrances, parce qu’ils ont lutté contre le régime des assassins fascistes. 51.000 mères, épouses et des centaines de milliers d’enfants accusent. Nous, qui sommes restés en vie et qui sommes des témoins de la brutalité nazie, avons gardé avec une rage impuissante la mort de nos camarades. Si quelque chose nous a aidés à survivre, c’était l’idée que le jour de la justice arriverait.
AUJOURD’HUI NOUS SOMMES LIBRES
Nous remercions les armées alliées, les Américains, les Anglais, les Soviétiques, et toutes les armées de libération qui luttent pour la paix et la vie du monde entier. Nous rendons hommage au grand ami des antifascistes de tous les pays, à l’organisateur et initiateur de la lutte pour un monde nouveau, que F.D. Roosevelt
[qui venait de mourir]. Honneur à son souvenir. Nous ; ceux de Buchenwald, Russes, Français, Polonais, Tchécoslovaques et Allemands, Espagnols, Italiens et Autrichiens, Belges et Hollandais, Luxembourgeois, Roumains, Yougoslaves et Hongrois, nous avons lutté en commun contre les SS, contre les criminels nazis, pour notre libération.
Une pensée nous anime
NOTRE CAUSE EST JUSTE, LA VICTOIRE SERA NOTRE.
Nous avons mené en beaucoup de langues la même lutte dure et impitoyable. Cette lutte exigeait beaucoup de victimes et elle n’est pas encore terminée. Les drapeaux flottent encore et les assassins de nos camarades sont encore en vie. Nos tortionnaires sadiques sont encore en liberté. C’est pour ça que nous jurons, sur ces lieux de crimes fascistes, devant le monde entier, que nous abandonnerons seulement la lutte quand le dernier des responsables sera condamné devant le tribunal de toutes les nations : L’écrasement définitif du nazisme est notre tâche.
NOTRE IDEAL EST LA CONSTRUCTION D’UN MONDE NOUVEAU DANS LA PAIX ET LA LIBERTE.
Nous le devons à nos camarades tués et à leurs familles. Levez vos mains et jurez pour démontrer que vous êtes prêts à la lutte. »

La torture des prisonniers politiques à Buchenwald
Quelques un des 60.000 déportés tués à Buchenwald
Quelques un des 60.000 déportés tués à Buchenwald
Les armes de l'organisation clandestine de Buchenwald
L'insurrection de Buchenwald

Le dimanche 7 septembre 1986, à 18 heures, le convoi du général 
Pinochet (huit véhicules au total) tombe dans une embuscade. Une vingtaine de guérilleros bloque le convoi et ouvre le feu au fusil d’assaut et au lance-roquette. La garde de Pinochet, surprise, réagit faiblement: cinq agents sont tués, certains détalent, quelques uns répliquent. Deux véhicules blindés sont détruits, mais la roquette qui touche la voiture de Pinochet fonctionne mal: le chauffeur peut dégager la Mercedes et repartir en sens inverse. Aucun des guérilleros ne fut blessé ; certains furent cependant capturés, torturés et assassinés plus tard, au Chili et même à l’étranger.


Cette action avait été menée par le Front patriotique Manuel-Rodriguez (FPMR), qui avait été fondé comme bras armé du Parti Communiste du Chili en janvier 1983. Il prendra sont autonomie ultérieurement et continuera la lutte armée alors que PC officiel misait sur une « transition démocratique ». Le FPMR a réalisé des opérations de grandes envergures (occupations de médias, enlèvements) qui culminèrent avec cette embuscade contre Pinochet, l’«Operación Siglo XX». La répression était naturellement terrible: la plupart des militants du FPMR furent arrêtés et torturés, ou tués (dont 12 abattus de sang froid en représailles à l’embuscade contre Pinochet dans ledit « massacre de Corpus Christi »).

Regroupés en 1987 dans la prison de Santiago, transformée pour l’occasion en «prison de haute sécurité», les militants du FPMR songent à s’évader. Seule solution: un tunnel qui devra passer sous la prison, profiter plus loin de la cavité existant entre le tunnel du métro et la chaussée, pour enfin terminer de l’autre côté de la rue, au pied de la station Mapocho, derrière un mur abrité du regard des gardes, mais situé à un pâté de maisons d’un des sièges de la police politique, la CNI.

Dans la galerie 7/8 de la prison, ils sont d’abord quatre à échafauder les plans. Premier casse-tête : que faire de la terre et des gravats ? Les prisonniers exploitent les combles entre le toit de zinc de la prison et le plafond des cellules: en étalant la terre, tous les gravats devraient tenir, mais il faudra travailler à plat ventre sous des tuiles de zinc qui, en été, dégagent une chaleur de plus de 50 °C… Pour camoufler l’ouverture, ils fabriquent une sorte de bloc de plâtre, avec de la chaux… et des oeufs, récupérés en cantinant. Dès lors, le creusement du tunnel peut commencer. Dans la cellule du rez-de-chaussée, l’entrée du tunnel est camouflée. Dans la cellule du premier étage, on évacue les gravats (l’équivalent de 10 camions!). Entre les deux, il y a encore un mini-tunnel par lequel on passe la terre préalablement entassée dans des jambes de pantalon transformées en sac.

Le « non » à Pinochet au référendum d’octobre 1988 déclenche de vastes discussions. Des élections sont prévues un an après: faut-il interrompre l’évasion et attendre un nouveau régime et une éventuelle amnistie? Les partis politiques décident que les prisonniers politiques arrêtés en vertu de la loi antiterroriste seront exclus de toute amnistie. La plupart des prisonniers du FPMR sont dans ce cas: décision est donc prise de continuer à creuser.

A la fourchette, à la cuillère, avec ce qui leur tombe sous la main, ils sont bientôt dix-neuf à travailler jour et nuit, tous du FPMR, selon une discipline militaire, au rythme des 3 x 8. 420 bouteilles en plastique sont récupérées pour le tuyau d’aération. Le tunnel est consolidé, électrifié. Il fait 60 cm de diamètre, mais comprend quelques ouvertures plus larges, éclairées, où l’on peut se retourner. Les frayeurs ne manquent pas : mini tremblement de terre, effondrement du tunnel, fouilles un peu corsées… Sous les combles, l’été, les hommes se déshydratent. Dans le tunnel, l’air est rare. Un jour, les détenus tombent sur des ossements, un charnier et… des pelles !
Le 14 décembre 1989, le démocrate chrétien Patricio Alwyn est élu président de la République. Il doit prendre ses fonctions en mars, mais annonce déjà que les prisonniers politiques accusés de «crimes de sang» ne seront pas amnistiés et que Pinochet reste commandant en chef des armées…

Ce samedi 27 janvier 1990, on injecte de la peinture verte à l’extrémité du tunnel: un contact extérieur vérifie sa position. Il manque encore quelques mètres. Le grand jour est donc reporté au lundi. A 21 heures, un premier groupe de 24 hommes, âgés d’une vingtaine d’années, est à plat ventre, dans l’ordre convenu, dans le tunnel de 60 mètres. Pas un de plus, question de sécurité. Les observations des camarades à l’extérieur ont montré que des officiers de la CNI ont l’habitude de faire un jogging certains soirs. Les détenus en fuite vont donc les imiter pour ne pas attirer l’attention des gardes postés sur le mirador.


Il est 22 h 30 ce 29 janvier lorsque retentit le signal tant attendu. «Salmon !». Un à un, les évadés s’extirpent du trou, se débarrassent de leurs habits souillés et commencent à courir, par petits groupes et à petites foulées. Au coin de la rue, un bus, un colectivo comme il y en a tant dans la capitale chilienne, les attend. Ils montent, regardent s’éloigner l’ombre de la prison. Pendant ce temps, dans la prison, la rumeur de l’évasion des 24 court les galeries. Un second groupe de prisonniers politiques profite de l’aubaine. Les détenus aux peines les plus lourdes partent en premier, sans avoir préparé leur fuite, sans savoir où aller. Certains ne connaissent même pas Santiago ! Quand l’alerte est donnée, vers 3 heures du matin, 49 détenus ont réussi à se faire la belle. Six seront repris.

Quinze ans après, la majorité des acteurs de cette spectaculaire évasion n’en a pas terminé avec la justice chilienne qui les considère encore comme des fugitifs. Certains vivent clandestinement au Chili, d’autres sont morts dans l’anonymat. D’autres encore connaissent un exil sans fin en France, en Suède, au Mexique, dans les pays qui les ont accueillis à l’époque comme réfugiés politiques, quelques uns ont réussi à faire classer leur cas par la justice.

Pour en savoir plus: « Les Evadés de Santiago » de Anne Proenza et Téo Saavedra – éditions du Seuil, Paris, 2010.

La grande évasion de Santiago
La grande évasion de Santiago
La grande évasion de Santiago
La grande évasion de Santiago
La grande évasion de Santiago
La grande évasion de Santiago

Auguste Vaillant nait à Mézières, dans les Ardennes française en 1861. Il connaît une enfance misérable, émaillées de petites condamnations pour avoir pris le train sans billet ou pour avoir mangé dans un restaurant sans payer. Il exerce divers pauvres petites emplois et commence à fréquenter le milieu anarchiste. Il milite aux Indépendants de Montmartre, se marie et vit dans le dénuement avec sa femme et leur fille. Il tente de se faire agriculteur en Argentine mais en revient aussi pauvre que parti, trois ans plus tard.

Les attentats anarchistes se multiplient alors en France, qui visent la bourgeoisie, les juges et les parlementaires. Auguste Vaillant décide de passer à l’action, notamment pour venger l’exécution de Ravachol. Le 9 décembre 1893, vers 16 heures, il lance une bombe dans l’hémicycle de la Chambre des députés au Palais Bourbon. Un article du Figaro décrit la scène :

« La bombe a été lancée de la seconde tribune publique située à la droite du président de la Chambre, au deuxième étage, et a éclaté à la hauteur de la galerie du dessous, emportant dans un immense tourbillon tout ce qu’elle rencontrait devant elle. Plusieurs députés ont été renversés ; l’abbé Lemire est projeté sur le sol, il est atteint par un projectile derrière la tête et reçoit une blessure profonde. D’autres députés sont blessés : MM. de Lanjuinais, Leffet, le baron Gérard, Sazenove de Pradine, de Montalembert, Charpentier, de Tréveneue. On les entoure, on les emporte dans les bureaux pour leur donner les premiers soins. M. Ch. Dupuy, au fauteuil, a eu le cuir chevelu déchiré par un clou. »

Une cinquantaine de personnes sont blessées par les clous dont Vailland avait farci sa bombe, parmi lesquelles neuf députés, le président de la chambre, un sénateur deux officiers, un huissiers, un journaliste et un sous-préfet. Arrêté avec vingt autres personnes, Vaillant avoue dans la nuit qu’il est l’auteur de l’attentat. Au procès, Vaillant dira aux jurés :

« Messieurs, dans quelques minutes vous allez me frapper, mais en recevant votre verdict, j’aurai la satisfaction d’avoir blessé la société actuelle, cette société maudite où l’on peut voir un homme dépenser inutilement de quoi nourrir des milliers de familles, société infâme qui permet à quelques individus d’accaparer la richesse sociale (…) Las de mener cette vie de souffrance et de lâcheté, j’ai porté cette bombe chez ceux qui sont les premiers responsables des souffrances sociales »

Le parlement adopte en panique une série de lois appelées les « lois scélérates » qui créent de nouveaux délits, dont l’apologie de faits ou apologie de crime, et interdisent toute propagande anarchiste. Auguste Vaillant est condamné à mort. Le président Sadi Carnot refuse d’accorder sa grâce à Vaillant qui est guillotiné le 5 février 1894. Il avait 33 ans. Sarah Bernhardt, qui avait sympathisé avec lui, assiste à l’exécution:

« La foule s’était peu à peu amassée, mais restait en groupe compact. Les rues étaient barrées. De temps en temps, un homme indifférent et pressé écartait la foule, présentait une carte à un officier de paix, et disparaissait sous le porche de la prison. C’était un journaliste. J’en comptai plus de dix. Puis, tout à coup, les gardes de Paris, doublés pour la circonstance, car on craignait un coup de main des anarchistes, se rangèrent le long du triste piédestal.
Sur un signal, les sabres furent mis au clair et la porte de la prison s’ouvrit. Vaillant parut, pâle, énergique et brave. Il cria d’une voix mâle et assurée : « Vive l’anarchie ! » Pas un cri ne répondit au sien. Il fut saisi, renversé sur la planche. Le couperet tomba avec un bruit ouaté. Le corps bascula. En une seconde l’échafaud fut démoli, la place balayée, les rues débarrées ; et la foule se rua sur la place, regardant par terre, cherchant une goutte de sang introuvable, humant, le nez en l’air, l’odeur du drame qui venait de se dérouler. « 

Ainsi mourut Auguste Vaillant, la seule personne, selon la plaisanterie anarchiste, a être entré à la Chambre des députés avec des intentions honnêtes. Les représailles anarchistes suivront: pour venger Vaillant, Émile Henry lance le 12 février 1894 une bombe au Terminus, un café chic gare Saint-Lazare et Geronimo Caserio blesse mortellement le président Sadi Carnot à Lyon le 24 juin 1894. La complainte de Vaillant de F. Xan-Neuf et de Charles Spencer sera longtemps chantée dans les milieux anarchistes.

L’exécution de Vaillant
L’exécution de Vaillant
L’exécution de Vaillant
L’exécution de Vaillant

Communiqué:

Cette nuit du 19 septembre 2003, des membres et des sympathisants du Secours Rouge/APAPC ont tiré des fusées marines de détresse contre le centre fermé de Steenokerzeel. Il s’agissait de signaler aux hommes, femmes et enfants qui y sont emprisonnés sans avoir commis aucun délit, et à fortiori, sans avoir jamais été jugés, qu’il se trouve, dans ce pays, des gens pour connaître leur détresse et pour vouloir y mettre un terme. Il s’agissait aussi d’attirer l’attention sur cette réalité honteuse et tragique de ces centres fermés que les gouvernements (tous partis et coalitions confondus) s’appliquent à camoufler. La réaction frénétique des forces de sécurité à la suite de notre action révèle la véritable nature de ces camps de concentration nouveau style que sont les centres fermés. Lutter pour la fermeture des centres fermés, c’est aussi et surtout lutter contre la politique migratoire propre au régime capitaliste.

Contradiction manifeste de la phase actuelle du capitalisme: tout en favorisant la généralisation des échanges et la circulation infinie (des capitaux, des biens, des services, de l’information, de la main d’oeuvre utile,…), le capitalisme mondialisé doit se protéger contre une partie des liaisons et des mouvements qu’il suscite. Comme souvent, cette contradiction génère de l’agitation sociale que l’Etat au service des intérêts capitalistes s’empresse de réprimer et criminaliser. Par son attitude prétendument réaliste à l’égard des sans-papiers, l’Etat ne fait que gérer le fruit de sa politique migratoire. En s’appuyant sur un discours démagogique associant l’immigration au chômage – comme si c’était les travailleurs immigrés qui avaient provoqué la fermeture des forges de Clabecq et comme si le travail des migrants n’était pas une source de richesse sociale – l’Etat refuse toute forme d’immigration légale et contraint par là les migrants à recourir aux procédures d’asile ou aux filières clandestines.

Cette politique est hypocrite en ce sens que l’exploitation du tiers-monde par l’impérialisme y provoque une telle misère que les politiques migratoires les plus intolérantes et les plus répressives ne freineront en rien l’afflux des migrants, mais les pousseront simplement davantage dans la clandestinité et la précarité. L’hypocrisie se poursuit lorsque les opérations policières de contrôles et de rafles sont menées au nom de la lutte contre les réseaux maffieux, les trafiquants d’êtres humains et les exploiteurs (de travail clandestin ou de logement insalubre), alors que c’est précisément l’épée de Damoclès de la répression qui fait le fonds de commerce de ces réseaux.

Nouvelle ‘armée de réserve’ du capital, ces travailleurs non-protégés, non syndiqués, exploitables au dernier degré, fait pression sur le prolétariat pour baisser les salaires et dégrader les conditions de travail. Les travailleurs étrangers servent régulièrement de cobayes pour l’expérimentation de nouvelles conditions de travail et comme matelas protecteurs ou boucs émissaires pour amortir les chocs sociaux et politiques qu’engendrent ces nouveaux rapports de production. Le travail des étrangers irréguliers n’est pas un phénomène aberrant ou marginal mais l’aboutissement logique d’un système de production qui privilégie toujours plus de flexibilité et de précarité de l’emploi. Au lieu de jouer le jeu de patronat et de l’Etat qui cherchent à diviser la classe ouvrière en stigmatisant les immigrés, il est donc de l’intérêt du prolétariat de se solidariser avec les travailleurs illégaux, de les aider à sortir de leur situation de non-droit et, à plus long terme, de combattre le système impérialiste seul responsable de toute cette ‘misère du monde’. La défense des étrangers ne relève pas de d’une attitude humaniste ou caritative mais participe pleinement à la lutte des classes et au combat contre le capitalisme.

Travailleurs de tous les pays, unissez-vous! Solidarité avec les sans-papiers! Fermons les centres fermés!

Le 3 août 1981, les 13.000 contrôleurs aériens affiliés au syndicat PATCO (la Professional Air Traffic Controllers Organization) entreprenaient une grève contre l’agence fédérale de l’aviation pour demander une réduction des heures de travail, le recrutement de nouveaux employés et des augmentations de salaire.

Manifestation des contrôleurs grévistes

Le jour même , le président Ronald Reagan passait à la télévision pour dénoncer les grévistes, évoquer un péril pour la « sécurité nationale » et lancer un ultimatum : où bien ils reprenaient le travail dans les 48 heures, où ils étaient licenciés et interdits de façon permanente de tout emploi fédéral. Reagan invoquait la Taft-Hartley de 1947. il s’agissait d’une législation anti-syndicale qui rendait illégaux les débrayages spontanés et obligatoire des préavis de grève de 60 jours, qui retirait le droit de grève aux fonctionnaires fédéraux, aux fonctionnaires d’états et aux fonctionnaires des collectivités locales, qui donnait le droit au gouvernement fédéral d’interdire une grève mettant en danger la sécurité nationale, et qui obligeait les responsables syndicaux à prêter serment de non-communisme (cette dernière disposition sera décrétée inconstitutionnelle en 1965).

Reagan, flanqué du ministre des transports, annonce le 5 août le licenciement des grévistes

Le 5 août, Reagan licenciait les 11.359 contrôleurs qui avaient défié l’ordre de retour au travail et les faisait remplacer en partie par des militaires. Commença alors une opération antisyndicale radicale, qui se termina par la création d’une liste noire et le licenciement permanent des travailleurs, la saisie des finances de la PATCO et la révocation de l’accréditation syndicale du syndicat. Des agents du FBI sont intervenus contre les piquets de grève. Des dirigeants de la PATCO furent arrêtés et emmenés en prison avec les fers aux pieds, entourés d’agents du FBI l’arme au poing. Quatre membres de la PATCO ont été emprisonnés par le gouvernement fédéral au printemps et à l’été 1983. Ron May, Gary Greene, Lee Grant et Dick Hoover avaient été ciblés pour leur militantisme lors de la grève. Accusés de délit majeur de grève contre le gouvernement, ils seront emprisonnés, frappés d’amende et privés de façon permanente de leurs droits civiques.

1983: Les syndicalistes Lee Grant, Ron May et Gary Greene devant un tribunal fédéral

Les attaques de Reagan contre les grévistes de la PATCO ont provoqué une opposition massive des travailleurs tant aux Etats-Unis qu’ailleurs dans le monde. Un mois après que Reagan eut congédié les grévistes de la PATCO, plus de 500 000 travailleurs ont convergé sur Washington, DC, lors d’une « journée de solidarité » — la plus grande manifestation jamais organisée aux Etats-Unis.

19 septembre 1981: Journée de solidarité avec les grévistes de PATCO


Mais les grandes centrales syndicales — l’AFL-CIO, les Travailleurs unis de l’automobile, les Teamsters, etc.— n’ont pas soutenu la PATCO. Suite à l’ultimatum de Reagan adressé aux grévistes de la PATCO, l’AFL-CIO a ordonné à ses affiliés (pilotes, machinistes et agents de bord) de franchir les piquets de grève pour se rendre au travail.
La défaite de la PATCO a été le signal d’une vague antisyndicale, de compressions salariales et de licenciement de masse menée par les grandes entreprises dans tous les secteurs de l’économie américaine. Le modèle était posé: Thatcher allait âtre la première à le suivre en Angleterre, les autres gouvernements européens suivant rapidement. La fin de la grève des contrôleurs aériens a marqué la fin des politiques du réformisme et des compromis de classe qui ont prédominé dans la période de l’après-guerre et le déclenchement de l’offensive néo-libérale qui se poursuit toujours aujourd’hui.

Manifestation des contrôleurs grévistes
Reagan, flanqué du ministre des transports, annonce le 5 août le licenciement des grévistes
1983: Les syndicalistes Lee Grant, Ron May et Gary Greene devant un tribunal fédéral
19 septembre 1981: Journée de solidarité avec les grévistes de PATCO
Reagan licencie 11.359 contrôleurs aériens

Le 26 juillet 1953, 166 jeunes révolutionnaires, mal préparés et mal armés, attaquent la caserne Moncada, à Santiago de Cuba, et la caserne Carlos Manuel de Gazons, à Bayamo. Cette date est le point de départ de la révolution cubaine, et devint le nom du mouvement révolutionnaire (Movimiento 26 Julio ou M 26-7) que Castro allait fonder après sa libération, qui conquit finalement le pouvoir en 1959.

L’attaque de la Moncada devait être le signal d’un soulèvement populaire contre le régime du général putschiste Batista, au pouvoir depuis mars 1952, qui atteignait des sommets de corruption et de cruauté. Elle avait été préparée par Fidel Castro, alors jeune avocat, et son second Abel Santamaría qui la veille avait dit aux rebelles « … soyez assurés de notre victoire, ayez foi en notre idéal; mais si le destin s’avère contraire pour nous, il nous faut rester courageux dans la déroute, car ce qui se sera passé ici se saura et mourir pour la patrie sera un exemple pour toute la jeunesse de Cuba ».

La caserne Moncada après l’assaut

Et l’attaque échoue. Plusieurs révolutionnaires sont tués, tandis que d’autres sont capturés. 75 révolutionnaires au total seront tués par les militaires ou les policiers de Batista. Abel Santamaría est torturé, on lui brûle les bras et on lui arrache un œil pour lui faire avouer le nom du dirigeant de l’insurrection. Des photos montrent que la grande partie des révolutionnaires tués ont été torturés et abattus après leur reddition et devant le scandale naissant, les rebelles arrêtés la nuit suivante, notamment Fidel Castro et son frère Raúl, échappent à l’exécution sommaire.

Révolutionnaires tués aux abords de la Moncada

Quelques révolutionnaires capturés après l’attaque, (Castro est le premier de la file)

En septembre 1953, les procès de l’attaque ont eu lieu. Fidel Castro, comme dirigeant principal est jugé séparément. Il est amené dans la salle de l’Hôpital Civil, où l’audience se tenait, après plus de deux mois d’isolement total. Il entend le procureur requérir 26 ans de prison, et se lance alors dans une « plaidoirie », en fait un discours politique, intitulé La Historia me absolvera, l’Histoire m’acquittera. Pendant trois heures, sans lire ses notes, il dénonce les crimes de la dictature et la misère du peuple cubain. Castro est alors un démocrate radical et progressiste – pas un communiste. Il cite de mémoire Jean de Salisbury, Saint Thomas d’Aquin, Martin Luther, Juan de Mariana, François Hotman, Johannes Althusius, Juan Poynet, Jean-Jacques Rousseaux et bien d’autres. Elevé par les Jésuites, il met l’accent sur Saint Thomas d’Aquin, selon lequel les tyrans devaient être démis par le peuple.
Loin de se limiter à dénoncer à la dictature, Castro expose le projet politique qui motivait l’assaut de la Moncada, et qui passait par 5 points prioritaires. La première loi remettait en vigueur la Constitution républicaine de 1940, suspendue par Batista. La deuxième était une loi de réforme agraire, qui donnait la propriété aux métayers qui occupaient jusqu’à une soixantaine d’hectares. La troisième octroyait aux travailleurs 30% des parts des grandes entreprises. La quatrième accordait aux récoltants 55% du revenu de la canne à sucre. Et la cinquième loi ordonnait la confiscation de tous les biens accaparés par les concessionnaires des gouvernements successifs.

Castro allait conclure avec ces mots restés célèbres: « Je terminerai ma plaidoirie d’une manière peu commune à certains magistrats en ne demandant pas la clémence de ce tribunal. Comment pourrais-je le faire alors que mes compagnons subissent en ce moment une ignominieuse captivité sur l’Île des Pins ? Je vous demande simplement la permission d’aller les rejoindre, puisqu’il est normal que des hommes de valeur soient emprisonnés ou assassinés dans une République dirigée par un voleur et un criminel. Condamnez-moi, cela n’a aucune importance. L’histoire m’acquittera. »

Castro lors de sa détention

Les prisonniers de la Moncada à leur libération en 1955 (Castro est au centre)

Castro est condamné à 15 ans de prison sur l’Île des Pins, et son frère à 13 ans de prison. En 1955, en raison de la pression de personnalités civiles, de l’opposition générale, et des Jésuites qui avaient participé à l’instruction de Castro, Batista décide de libérer tous les prisonniers politiques, y compris les attaquants de la Moncada. Les frères Castro partent en exil au Mexique, où se retrouvent les Cubains décidés à renverser le régime. Ils y rencontrent « Che » Guevara qui se joint à eux. Les membres du M 26-7 sont entraînés par Alberto Bayo, un ancien officier de la République espagnole exilé au Mexique, et le 26 décembre 1956, avec un armement de fortune, ils s’embarquent pour Cuba.

Le 28 janvier 1960, la caserne Moncada a été transformée en école.

Les révolutionnaires tués à la Moncada

La caserne Moncada après l'assaut
Quelques révolutionnaires capturés après l'attaque, (Castro est le premier de la file)
Castro lors de sa détention
Les prisonniers de la Moncada à leur libération en 1955 (Castro est au centre)
Les révolutionnaires tués à la Moncada

A la fin des années vingt, les charbonnages en Belgique représentaient le deuxième secteur industriel du pays, juste après la métallurgie. Avant la grande crise, le prix du charbon chuta et les stocks s’accumulèrent. Entre juillet 1930 et mars 1932, les revenus des mineurs diminuent de 29 %, alors que les loyers restent inchangés, et que le pain augmente. Aux réductions de salaire s’ajoutaient le chômage partiel et les licenciements. Le nombre de sans-emploi passe de 181.000 en décembre 1930 à 326.000 en 1932, sans compter 200.000 chômeurs non indemnisés!

Le 17 mai 1932, les patrons charbonniers borains annoncèrent une diminution de salaire de 5%. Le 30 mai, la grève démarra spontanément au charbonnage du Grand Trait et les autres fosses firent de même les jours suivants. Achille Delattre, secrétaire national (socialiste) de la Centrale des Mineurs, tempérait en demandant aux mineurs « de ne pas se laisser entraîner par des agitateurs ». Mais quand la baisse des salaires devint effective le 19 juin, 10.000 mineurs de Wasmes et de Hornu partent en grève. Dès le 1er juillet, tout le Borinage était à l’arrêt et on assista aux premières manifestations de femmes. Le 5 juillet, 35.000 manifestants défilent à Mons. Le 6 juillet, des grévistes partent à vélo vers le bassin du Centre pour y faire débrayer les charbonnages et les usines. Les métallurgistes et les travailleurs des transports se joignent au mouvement: plus de 150.000 ouvriers étaient en grève.

Dans un coron borain pendant la grève

Au cours des années vingt, les militants révolutionnaires exclus des syndicats pour leurs opinions politiques avaient formé la Centrale révolutionnaire des Mineurs (CMR), liée au Parti Communiste. Ils avaient pris la tête du mouvement alors que les chefs socialistes prêchaient le calme. La gendarmerie charge les cortèges de grévistes, sabre au clair. Des manifestants sont blessés et des barricades érigées.

Des mineurs incendient le château d’un directeur à Dampremy. Le gouverneur du Hainaut interdit les rassemblements de plus de cinq personnes. Le ministre de l’Intérieur décréte l’état de siège dans les régions minières et envoie 2.500 gendarmes, des militaires et même des automitrailleuses quadriller les corons. Le dimanche 10 juillet la gendarmerie dispersa une manifestation à Roux et tua un ouvrier, Louis Tayenne. La sûreté générale arrêta Julien Lahaut, secrétaire de la CMR ainsi qu’une série d’autres dirigeants du PCB, accusés de complot. Le Secours Rouge et d’autres organisations sont interdites.

La gendarmerie charge des grévistes à Charleroi


Souscription du Secours Rouge pour le monument funéraire de Louis Tayenne

A partir du mardi 12 juillet les gendarmes reprirent possession de la rue. Les manifestations de Gilly et de Châtelineau, les dernières dans le Hainaut, furent réprimées et les gendarmes pénétrèrent à cheval dans les Maisons du Peuple. Du 11 au 13 juillet près de 300 arrestations furent opérées. Le 14, au Congrès de la Centrale des mineurs socialistes, la base refusa l’accord proposé par la direction. Cela n’empêcha par les dirigeants socialistes d’appeler à la reprise du travail dès le lundi matin, présentant comme une victoire de vagues promesses patronales. Le 18 les verriers et les métallos reprirent le travail.

Seuls les mineurs du Hainaut continuaient la grève. Le 7 septembre, ils gagnent une hausse de 1% des salaires, la révision des bas salaires, et le ré-embauchage. Les mineurs, isolés et trahis, mettent fin à la grève à la mi-septembre. De nombreux ouvriers, ulcérés par les trahisons successives des socialistes, rejoignent un PCB qui, jusque là groupusculaire, allait dès lors prendre un caractère ouvrier de masse.

L’histoire de cette grève est le sujet d’un film muet, Misère au Borinage (1934, voir ici sur youtube), réalisé par Henri Storck et Joris Ivens. Ce documentaire social, réalisé dans une semi-clandestinité, est devenu aujourd’hui une référence cinématographique et historique incontournable. Moins connu est le documentaire Manifestation pour Tayenne – l’ouvrier abattu par la gendarmerie lors de ces grèves. Tourné en 16mm, en 1933 par Van Ommeslaeghe et Jean Fonteyne, qui avaient participé à la réalisation de Misère au Borinage. Manifestation pour Tayenne est le premier documentaire social de l’histoire du cinéma. Il montre la manifestation organisée par le Secours Rouge pour le premier anniversaire de la mort de Louis Tayenne, d’abord sur les lieu du drame et puis au cimetière.

L’appel à la manifestation Tayenne 1933 dans le journal du Secours rouge

9 juillet: notre SR fleurit le monument Tayenne au cimetière de Marchienne

Dans un coron borain pendant la grève
La gendarmerie charge des grévistes à Charleroi
Souscription du Secours Rouge pour le monument funéraire de Louis Tayenne
L'appel à la manifestation Tayenne 1933 dans le journal du Secours rouge