La peine de mort a été requise à l’encontre de cinq militants des droits de l’homme en Arabie saoudite. Parmi ces personnes figure Israa Al-Ghomgham, qui avait rassemblé des informations sur les manifestations de masse de la province orientale de Qatif qui, à partir de 2011, dans la foulée du printemps arabe, dénonçaient la discrimination antichiite de la monarchie absolue sunnite. Elle avait été arrêtée chez elle en décembre 2015 avec son mari. Elle pourrait être la première femme à être condamnée à la peine capitale pour son activité relative aux droits de l’homme. Elle est notamment accusée d’incitation à la contestation et d’avoir apporté un soutien moral à des émeutiers.

Une exécution en Arabie saoudite (archive)

Au cours d’un déplacement en Arabie Saoudite, la ministre française des armées a rencontré le prince héritier Mohammed ben Salmane, qui dirige également la politique de défense du royaume. À cette occasion, un nouvel accord bilatéral a été signé par la France et l’Arabie Saoudite, le 8 juillet. L’agence saoudienne officielle a évoqué de manière floue un texte portant sur la protection des données classées. Selon le ministère français des Armées, guère plus précis, cet accord concernerait « le statut juridique d’échanges d’informations, dans le domaine du renseignement notamment. »

La ministre française et le prince héritier

Onze militants des droits humains dont sept défenseurs des droits de la femme ont été arrêtés mardi en Arabie Saoudite, quelques semaines avant que le royaume n’autorise les femmes à conduire. La raison de ces arrestations n’est pas claire, mais des activistes ont expliqué qu’en septembre 2017, «la cour royale avait contacté d’importants militants… et les avait avertis qu’ils ne devaient pas s’exprimer dans les médias». Parmi les personnes détenues depuis le 15 mai figurent notamment Loujain al-Hathloul, Aziza al-Yousef et Eman al-Nafjan, trois militantes connues pour avoir combattu l’interdiction de conduire, qui doit être levée le 24 juin, et surtout la tutelle exercée par les hommes sur les femmes dans le plus grand pays du Moyen-Orient.

Sans nommer les détenus, les autorités les ont accusés d’entretenir des « contacts suspects avec des parties étrangères » et de saper « la sécurité et la stabilité » du royaume. Des médias progouvernementaux saoudiens les ont qualifiés de « traîtres ». Trois des militantes arrêtées ont été libérées, Aisha al-Mana qui, âgée de 70 ans, est en mauvaise santé, Hessa al-Sheikh et Madeha al-Ajroush sans que l’on sache les conditions de ces libétations.

Aisha al-Mana

Au cours de la semaine dernière, les autorités saoudiennes ont intensifié leur répression contre tout discours critique. Plus de 20 personnalités ont été arrêtées en une semaine. Et il ne s’agit pas de révolutionnaires mais des partisans des droits de l’homme et des droits sociaux, ou même de timides réformateurs comme une personnalité religieuse influente (14 millions d’abonnés sur les réseaux sociaux) qui prônait simplement un plus grand respect des droits humains au sein de la charia. Les autorités n’ont donné aucune information sur le lieu où se trouvent les personnes interpellées, ni sur leur nombre.

Forces de sécurité saoudiennes

En Arabie saoudite, les militants des droits humains disparaissent les uns après les autres, étant poursuivis en justice, incarcérés, réduits au silence par des manœuvres d’intimidation ou contraints à l’exil. Le 8 janvier, Essam Koshak, défenseur des droits humains, a été convoqué par le Département de police judiciaire à La Mecque et a été placé en détention. Il n’est pas été autorisé à prendre un avocat et est interrogé au sujet de son compte Twitter. Le même jour Ahmed al Mushaikhass, membre fondateur du Centre Adala pour les droits humains a été emprisonné au commissariat d’al Dammam, où il est toujours détenu. Il est depuis interrogé par le Bureau des enquêtes et des poursuites judiciaires (BIP).

Avant-hier, mardi 10 janvier, Abdulaziz al Shubaily, membre fondateur de l’Association saoudienne pour les droits civils et politiques (ACPRA), une organisation indépendante de défense des droits humains aujourd’hui dissoute, a comparu devant le Tribunal pénal spécial, qui s’occupe des affaires de terrorisme. Il a été condamné à une peine de huit ans d’emprisonnement en raison de son travail de défense des droits humains. Il était accusé, entre autres, d’avoir « été en contact avec des organisations étrangères » et d’avoir fourni des informations à Amnesty International pour deux rapports de l’organisation. Tous les autres membres de l’ACPRA ont été poursuivis en justice ou incarcérés.

Abdulaziz al Shubaily

Dans les Etats du Conseil de coopération du Golfe (l’Arabie saoudite, Bahreïn, le Koweït, Oman, le Qatar et les Emirats arabes unis) qui interdisent pour la plupart les partis politiques et les manifestations, de nombreux dissidents se sont tournés vers les plateformes des réseaux sociaux. Des centaines d’entre eux ont été emprisonnées à l’issue de procédure incluant parfois des tortures et de retrait de nationalité. Parmi eux figurent l’opposant bahreïni Nabil Rajab, accusé d’avoir «insulté» les autorités de Manama et de Ryad, et l’activiste saoudien Walid Abulkhair qui purge une peine de 15 ans de prison, ou l’avocat émirati Mohammed al-Roken, emprisonné depuis 2013 pour «complot».

Les gouvernements du CCG ont utilisé de la technologie de surveillance achetée à des entreprises occidentales et israéliennes pour suivre les activités en ligne de certains de leurs citoyens. A l’exception du Koweït, tous les gouvernements de cette région ont utilisé un logiciel intrusif qui permet à un gouvernement d’accéder aux emails, aux messages texte, à l’historique des appels (téléphoniques), aux listes de contacts, aux dossiers et, potentiellement, aux mots de passe de l’internaute surveillé.

Walid Abulkhai

Les explosions de violence se succèdent depuis plusieurs semaines sur des sites de Saudi Oger en Arabie saoudite, le géant du BTP détenu par l’ex-Premier ministre libanais Saad Hariri. Cause de cette grogne sociale exacerbée : les retards de paiement de salaires qui durent depuis plusieurs mois. Mardi, des salariés ont dégradé des voitures et des camions appartenant à l’entreprise sur un de ses plus grands chantiers, celui des logements de la garde nationale saoudienne à Riyad.

Plusieurs voitures renversées, d’autres ont eu leurs vitres brisées et des camions ont été brûlés… Ces émeutes, qui n’ont pas fait de blessés, témoignent d’une montée croissante de la frustration des employés face à l’enlisement d’une crise sociale dont ils ne voient pas la fin. En début d’année, ils étaient environ 38.000, mais plusieurs milliers ont été ensuite licenciés. Licenciés ou pas, la quasi-totalité continue de subir des retards de paiement qui varient entre quatre et huit mois, selon l’importance du projet géré par Saudi Oger. Ce défaut de paiement s’aggrave à d’autres répercussions: depuis que l’entreprise n’est plus en mesure de verser les salaires, les autorités saoudiennes empêchent de renouveler le permis de séjour (iqama) de ses travailleurs étrangers, ce qui entraîne notamment le gel de leurs comptes en banque.

Camions de la société incendiés par les ouvriers non payés

Condamné en novembre 2015 à la peine capitale en Arabie Saoudite (voir notre article), le poète palestinien Ashraf Fayad a vu sa peine pour « apostasite » commuée hier mardi en 8 ans de prison. Outre les 8 années d’emprisonnement, Ashraf Fayad devra recevoir à 800 coups de fouet, au rythme de 50 coups par séance. Ses avocats ont contesté le nouveau verdict et ont demandé sa libération.

Ashraf Fayad

Un tribunal saoudien a ordonné mardi l’exécution d’Ashraf Fayadh, 35 ans, membre de l’organisation d’art britannique-saoudienne Edge of Arabia. Il avait été en première instance condamné à quatre années de prison et 800 coups de fouet par le tribunal général d’Abha, en mai 2014. Mais après que son appel eut été rejeté, il a été rejugé le mois dernier. Le nouveau juge ne l’a même pas entendu, il a juste rendu le verdict: condamnation à mort. Il n’a pas été en mesure de se désigner un avocat parce que sa carte d’identité lui a été confisquée au moment de son arrestation.

Pour les sympathisants de Fayadh, il est puni par les ultra-conservateurs pour avoir publié une vidéo en ligne montrant la police religieuse d’Abha en train de fouetter un homme en public. La police religieuse a d’abord gardé Fayadh en détention en août 2013, après avoir reçu une plainte l’accusant d’avoir blasphémé, insulté l’Arabie saoudite et distribué un livre de ses poèmes contenant des « idées destructives contre Dieu ».

Ashraf Fayadh

Un jeune Saoudien chiiteAli al-Nimr, risque d’être exécuté pour avoir pris part, alors qu’il était mineur, à des manifestations inspirées du Printemps arabe. ne soit pas mis à mort. Les autorités saoudiennes n’annoncent pas à l’avance les exécutions, généralement pratiquées par décapitation au sabre. Mais des experts de l’ONU ont prévenu que le jeune homme pouvait être « exécuté à tout moment ». Le jeune condamné est le neveu d’un religieux chiite influent qui est également dans les couloirs de la mort.

Mardi, des experts de l’ONU en droits de l’Homme ont demandé aux autorités saoudiennes d’annuler l’exécution, en exprimant de sévères critiques sur le processus judiciaire ayant conduit à sa condamnation. Le jeune homme a apparemment été torturé et contraint de passer aux aveux, alors qu’il n’avait pu recourir à un avocat dans des conditions normales avant et pendant son procès. Deux autres personnes, également mineures et ayant elles aussi participé aux manifestations dans la ville de Qatif, et dont l’exécution serait imminente. Depuis le début de l’année, 133 personnes ont été exécutées dans le royaume ultra-conservateur, contre 87 sur l’ensemble de 2014.

Ali al-Nimr