Un tribunal de Bahreïn a a rendu son verdict mardi à l’encontre de 65 accusés, dont 62 prisonniers politiques, qui avaient protestés par un sit-in et une grève de la faim en 2021 contre leurs conditions de détention. 12 hommes ont été condamnés à trois ans de prison, un autre à un an et les 52 restants ont été acquitté. Les prisonniers n’ont pas eu le droit d’assister au procès ni d’accéder à un avocat. Le sit-in avait été provoqué par la mort d’un activiste, faute de soins médicaux adéquat. En août, des centaines de prisonniers – 121, d’après les autorités – avaient lancé une grève de la faim (voir notre article). Mi-septembre, ils ont suspendu leur mouvement après des engagements du gouvernement d’améliorer leur situation.

Une prison au Bahrein

C’est la grève de la faim la plus large et la plus longue dans l’histoire du royaume : 804 prisonniers politiques, incarcérés dans la prison de Jaw, ont entamé une grève de la faim depuis le 7 août. Ils réclament plus de temps hors de leurs cellules et l’accès à des soins médicaux adéquats. Détenus dans la prison de Jaw dans le sud-est du Bahreïn, les grévistes représentent près d’un tiers de la population carcérale. Ce n’est pas la première fois que la prison de Jaw connaît une rébellion de cet ordre. Des émeutes avaient éclaté – avant d’être violemment réprimées – en 2015 pour protester contre la surpopulation carcérale et les mauvaises conditions de vie. Plusieurs rassemblements de soutien, fait rare, ont eu lieu depuis pour appeler à leur libération et à la chute du monarque Hamed ben Issa al-Khalifa, intronisé en 2002. Des centaines de Bahreïniens ont ainsi scandé « La chute d’Hamad » à Jidhafs, le vendredi 18 août.

Siège de la Ve flotte américaine, le Bahreïn est secoué par des manifestations animées par la majorité chiite qui réclame un régime constitutionnel, ce que refuse le régime monarchique sunnite. La police a ouvert le feu mardi pour disperser des manifestants, faisant cinq morts. Cette opération, qui a fait également des dizaines de blessés et 286 prisonniers, a permis aux autorités de démanteler un sit-in observé depuis des mois dans un village chiite. Elle est survenue après une rencontre à Ryad dimanche entre le roi de Bahreïn et le président américain Donald Trump.

Répression au Bahrein

Répression au Bahrein

Suite au printemps arabe levé en février 2011, la monarchie bahreïnie, sunnite, à la tête d’un pays de 600 000 habitants à 70 % chiites, a durement réprimé les manifestations de cette communauté. Avec quelque 4.000 prisonniers politiques, le Bahreïn affiche le plus grand nombre de prisonniers par tête au Moyen-Orient.

La répression s’étend à ceux qui, sans forcément sympathiser avec les forces politiques chiites, dénoncent la torture et les emprisonnements de masse. C’est ainsi Nabil Rajab, directeur du Centre bahreïni pour les droits de l’homme, est actuellement emprisonné et jugé pour:
« insulte à un corps statutaire » – le ministère de l’intérieur – pour avoir dénoncé les pratiques de torture à l’encontre des détenus sur Twitter, en 2015.
« dissémination de fausses rumeurs en temps de guerre », pour avoir averti des risques encourus par la population du Yémen, où intervient une coalition de pays, dont le Bahreïn, emmenée par l’Arabie saoudite.
« atteinte au prestige de l’État » pour avoir critiqué, dans trois interviews télévisées, l’interdiction faite aux journalistes et aux ONG d’entrer dans le pays.
Nabil Rajab risque une condamnation de 18 années de prison.

Nabil Rajab

Nabil Rajab

Dans les Etats du Conseil de coopération du Golfe (l’Arabie saoudite, Bahreïn, le Koweït, Oman, le Qatar et les Emirats arabes unis) qui interdisent pour la plupart les partis politiques et les manifestations, de nombreux dissidents se sont tournés vers les plateformes des réseaux sociaux. Des centaines d’entre eux ont été emprisonnées à l’issue de procédure incluant parfois des tortures et de retrait de nationalité. Parmi eux figurent l’opposant bahreïni Nabil Rajab, accusé d’avoir «insulté» les autorités de Manama et de Ryad, et l’activiste saoudien Walid Abulkhair qui purge une peine de 15 ans de prison, ou l’avocat émirati Mohammed al-Roken, emprisonné depuis 2013 pour «complot».

Les gouvernements du CCG ont utilisé de la technologie de surveillance achetée à des entreprises occidentales et israéliennes pour suivre les activités en ligne de certains de leurs citoyens. A l’exception du Koweït, tous les gouvernements de cette région ont utilisé un logiciel intrusif qui permet à un gouvernement d’accéder aux emails, aux messages texte, à l’historique des appels (téléphoniques), aux listes de contacts, aux dossiers et, potentiellement, aux mots de passe de l’internaute surveillé.

Walid Abulkhai

Walid Abulkhai

Bahreïn a annoncé samedi avoir retiré leur nationalité à 72 citoyens qui « ont nui aux intérêts du royaume », théâtre depuis 2011 de troubles essentiellement animés par la majorité chiite qui réclame une monarchie constitutionnelle. Cette décision, qui a fait l’objet d’un décret, s’inscrit dans le cadre des mesures prises pour « préserver la sécurité et la stabilité et lutter contre les dangers et les menaces terroristes ».

A Bahreïn, la majorité chiite qui dénonce depuis maintenant plus de quatre ans la domination sans partage de la dynastie sunnite au pouvoir, a de nouveau manifesté ce mardi. Le rassemblement pacifique a débouché sur des affrontements avec la police. Cette fois, il a été déclenché par l’arrestation du célèbre militant des droits de l’Homme, Nabil Rajab. Nabil Rajab avait été condamné mardi 20 janvier à six mois de prison pour « atteinte aux institutions » pour des tweets jugés insultants envers les autorités du royaume. Nabil Rajab, qui avait été libéré un mois après son arrestation, le 1er octobre, pourra toutefois éviter la prison s’il paie une caution. « De nombreux Bahreïnis qui ont rejoint le terrorisme et l’EI [Etat islamique] viennent des institutions sécuritaires, et ces institutions ont été le premier incubateur idéologique », avait notamment écrit Nabil Rajab, qui avait déjà été détenu deux ans pour avoir participé à des manifestations non autorisées.

Nabil Rajab

Nabil Rajab

Les autorités bahreïnies ont procédé à l’arrestation de militantes accusées de préparer « un référendum hostile au régime » le jour des élections législatives prévues samedi et boycottées par l’opposition. Au total, 13 femmes ont été arrêtées, dont deux ont été ensuite relâchées, alors que les 11 autres ont été placées en garde à vue pour une semaine après avoir été « accusées par le ministère de l’Intérieur de préparer un référendum hostile au régime, le jour du scrutin législatif ». Les opposants, réclament depuis février 2011 des réformes incluant une véritable monarchie constitutionnelle qui réduirait les pouvoirs de la famille régnante.

Au moins 110 mineurs âgés de 16 à 18 ans sont incarcérés à Dry Dock, prison pour adultes située sur l’île d’al Muharraq, dans l’attente d’une enquête ou en instance de jugement. La plupart d’entre eux sont soupçonnés d’avoir participé à des « rassemblements illégaux » et à des émeutes, d’avoir brûlé des pneus ou lancé des cocktails Molotov sur les forces de police. Plusieurs ont été maltraités, se sont vus refuser tout contact avec leur famille pendant de longues périodes et ont été interrogés en l’absence de leurs avocats.

Au mois d’août, la loi relative aux mineurs a été modifiée, pour préciser que les parents de tout mineur de moins de 15 ans qui participe à une manifestation, un rassemblement public ou un sit-in, recevront un avertissement écrit du ministère de l’Intérieur ; le père du mineur pourra être condamné à une peine de prison et/ou à une amende en cas de récidive dans les six mois.

Samedi, les forces de répression de la monarchie du Bahrein ont attaqué à la matraque et au gaz lacrymogène un rassemblement pacifique de manifestants qui s’étaient réunis devant l’hôpital Salmaniya où se trouve le corps de Mahmoud al-Jaziri, un manifestant de 20 ans tué par la police. Les autorités refusent de rendre le corps à la famille, de peur que les funérailles se transforment en démonstration contre le régime.

Bahrein: Encore la répression