Plusieurs prisonniers politiques iraniens ont entamé une grève de la faim pour protester contre leur détention pendant l’épidémie de coronavirus qui a durement touché l’Iran. La grève de la faim fait suite aux revendications des familles des prisonniers politiques pour que le pouvoir judiciaire libère temporairement les prisonniers pour limiter la propagation de COVID-19. Au cours des deux dernières semaines, Téhéran a annoncé un plan de libération provisoire de plus de 50.000 prisonniers, puis de 85.000 (voir notre article). Or non seulement il reste de nombreux prisonniers politiques en Iran, mais ceux-ci suggèrent que des mesures ont été prises pour rendre certains types de détenus particulièrement vulnérables. Les prisons en Iran sont connues pour leur mauvaise hygiène, leur nourriture de mauvaise qualité, leur accès limité à l’eau et leur manque de ventilation. Dans l’ensemble, ces conditions contribuent fortement à la propagation de la maladie et aggravent également les conditions de santé préexistantes chez les détenus. Les détenus malades, quant à eux, sont systématiquement soumis au refus d’accès aux soins médicaux. Ceci est largement reconnu comme une tactique délibérée pour exercer une pression supplémentaire sur les prisonniers, en particulier les prisonniers politiques. Il n’est pas rare que cette tactique entraîne une invalidité permanente ou même la mort. Dans une récente lettre ouverte, plusieurs d’entre eux ont expliqué qu’ils avaient vu des codétenus tomber malades et mourir. D’autres auraient été transportés à l’hôpital et n’auraient jamais été revus.

Une prison en Iran

 

L’Iran a libéré temporairement environ 85 000 prisonniers, y compris une poignée de prisonniers politiques en réponse à l’épidémie de coronavirus. Le nombre de décès dus au coronavirus en Iran a atteint 988 et un total de 16 169 personnes ont été confirmées infectées à travers le pays. Un jour après que l’Iran a libéré 70.000 prisonniers, début mars, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme en Iran, Javaid Rehman, a déclaré qu’il avait demandé à Téhéran de libérer temporairement tous les prisonniers politiques de ses prisons surpeuplées et malades pour aider à endiguer la propagation du coronavirus. Seuls ceux qui purgeaient des peines de moins de cinq ans, une douzaine, ont été libérés, tandis que les prisonniers inculpés de peines plus lourdes et ceux liés à leur participation à des manifestations anti-gouvernementales restent en prison.

Une prison en Iran

Esmail Abdi, président du syndicat des enseignants en Iran, condamné en 2016 à six ans de prison pour « organisation et participation à des rassemblements illégaux », découlant de ses activités syndicales. Après une grève de la faim en 2017 (voir notre article), il avait été libéré provisoirement début 2018, mais renvoyé à la prison d’Evin le 20 janvier 2018. Il a été libéré provisoirement le mardi 17 mars.

Esmail Abdi

Selon Amnesty, au moins 304 personnes ont été tuées et des milliers d’autres blessées entre le 15 et le 18 novembre. Au moins 22 garçons, âgés de 12 à 17 ans, ont été tués lorsque les forces de sécurité ont tiré à balles réelles sur des manifestants désarmés et des passants lors de la répression des manifestations qui ont secoué le pays en novembre (voir notre article). Une fille d’entre 8 et 12 ans aurait également été tuée. La plupart des proches des enfants tués ont été soumis à des menaces et à du harcèlement de la part des autorités. Les familles ont également été forcées d’enterrer leurs enfants en présence de responsables sécuritaires, et n’ont pu faire pratiquer d’autopsies ou n’en ont jamais eu les résultats. Dans les 10 cas, la mort serait due à des blessures par balles à la tête ou au torse. 12 des 23 morts se sont produites le 16 novembre, 8 le 17 et 3 le 18 novembre. Les enfants ont été tués dans 13 villes de 6 provinces du pays. Le fait que la plupart des enfants ont été tués en deux jours est une preuve supplémentaire de l’ampleur de la répression par les forces de sécurité qui voulaient mater la contestation à tout prix. La contestation en Iran a éclaté le 15 novembre dès l’annonce d’une forte hausse du prix de l’essence, en pleine crise économique aggravée par les sanctions américaines, et a touché une centaine de villes. Les autorités avaient bloqué internet durant les manifestations.

Manbifestation en novembre 2019 en Iran

 

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Maryam Mohammadi, Esrine Derkaleh, Nahid Shaqaqi et Akram Nasirian ont chacune été condamnées à 4 ans et 2 mois de prison. Elles étaient accusées notamment de « diffusion de propagande contre l’État, enlèvement du voile et complot contre la sécurité nationale ». Maryam Mohammadi est une ancienne prisonnière politique des années 1980. Elle avait été emprisonnée à l’âge de 14 ans en 1981 et libérée en 1989. Nahid Shaqaqi avait été arrêtée en mai et détenue dans le quartier 209 du ministère du Renseignement pendant plusieurs semaines avant d’être libérée sous caution. Dans le même temps, la 36e chambre de la Cour de révision de Téhéran a prononcé une peine de 4 ans et 5 mois pour la militante civile Rezvaneh Ahmad Khanbeigi qui est emprisonnée depuis le 17 novembre dans le quartier 2A de la prison d’Evine. Par ailleurs, Zohreh Sayyadi a été arrêtée à son domicile dans le canton d’Andicheh, à Téhéran, le mardi 10 décembre 2019. Aucune information n’est disponible sur la raison de son arrestation ou des charges retenues contre elle.

les militantes féministes aujourd'hui emprisonnées

Le 25 novembre dernier, alors que l’Iran est frappé depuis une semaine par un mouvement de contestation après une hausse du prix de l’essence, un député de la ville de Mahshahr s’est écrié en pleine séance du parlement : « Voici la question du peuple monsieur Rohani : qu’avez-vous fait que l’ignoble shah n’a pas fait ? ». Il a violemment été pris à partie par d’autres députés, dont l’un n’hésite pas à lui saisir le cou et à l’étrangler. Peuplée de 120 000 habitants, la ville de Mahshahr, adossée au plus grand complexe pétrochimique du pays, a été le théâtre d’importantes manifestations. Elle est située dans la province du Khouzestan, qui renferme les principales réserves pétrolières du pays. Malgré ses immenses ressources, cette région abrite l’une des populations les plus pauvres d’Iran, notamment sa minorité arabe/sunnite victime de discrimination de la part du pouvoir persan/chiite. D’après le ministre iranien de l’Intérieur, Abdol Reza Rahmani Fazli, pas moins de 18 villes du Khouzestan ont été le théâtre d’émeutes contre le pouvoir iranien.

Le ministre a précisé que le principal axe reliant la ville de Mahshahr à Bandar Emam, le plus grand complexe pétrochimique du pays, avait été bloqué par les contestataires pendant trois jours, avant que les forces de sécurité ne reprennent le contrôle. Les pasdarans ont été massivement déployés sur place le lundi 18 novembre dernier, après l’échec des forces de sécurité régulières à déloger les contestataires. Les gardiens de la révolution, en pénétrant dans la ville de Shahrak Chamran, au nord de Mahshahr, ont tiré à balles réelles, et sans sommation, sur les manifestants qui bloquaient une intersection, faisant plusieurs victimes. Plusieurs dizaines (entre 40 et 100 manifestants) ont été abattus dans un marais par les gardiens de la révolution iraniens.  Un opposant à ouvert le feu sur les pasdarans, blessant l’un d’eux.

Défilé des pasdarans

Ce samedi 23 novembre, une manifestation se tiendra à 13h devant l’ambassade iranienne en soutien au soulèvement de la population en Iran (voir notre article). Depuis le début du soulèvement, près de 200 personnes ont été tuées et plus de 3000 blessées. Le rassemblement exprimera aussi sa solidarité avec les insurrections populaires du Chili, du Liban et d’ailleurs.

Rendez-vous à 13h, devant l’ambassade d’Iran, avenue Franklin Roosevelt 15, 1050 Bruxelles

Soulevement en Iran - Novembre 2019

L’Iran est touché depuis vendredi soir par une vague de mécontentement provoquée par l’annonce d’une réforme du mode de subvention de l’essence, censée bénéficier aux ménages les moins favorisés mais s’accompagnant d’une très forte hausse du prix à la pompe. Les forces de sécurité ont tiré à balles réelles sur les manifestants. Certaines sources parlent de dizaines de morts. Au moins 25 villes ont été touchées par les troubles, qui surviennent à quelques mois des législatives prévues pour février, dont Téhéran, Machhad (Nord-Est) et Ispahan (Centre), les trois premières agglomérations du pays. Le prix de l’essence, très subventionnée en Iran, doit augmenter de 50 %, passant de 10 000 à 15 000 rials (11 centimes d’euros) pour les 60 premiers litres achetés chaque mois, et de 300 % (à 30 000 rials) pour les litres suivants. Les autorités assurent que les recettes dégagées doivent bénéficier aux 60 millions d’Iraniens les moins favorisés, mais cette mesure a soulevé une levée de boucliers.

Selon les agences locales, près de 400 personnes ont été appréhendées depuis vendredi : 40 à Yazd (centre), 180 dans la province du Khouzestan (sud-ouest), et 150 dans la province d’Alborz, au nord-ouest de Téhéran. Selon l’agence Tasnim, proche des ultraconservateurs, les 150 personnes arrêtées en Alborz étaient des « meneurs » de la contestation. Le porte-parole de l’autorité judiciaire a fait état de l’arrestation de personnes ayant incendié des mosquées ou des banques, et d’« individus ayant fourni des films et des informations à des médias étrangers et à des ennemis » de la République islamique, autrement dit, des internautes ayant posté des vidéos des incidents. Un officier des gardiens de la révolution et deux membres du Bassidj, corps de volontaires islamistes, ont été tués dans les affrontements. Dès samedi soir internet était presque entièrement coupé en Iran. Fait plutôt rare, la télévision publique iranienne a diffusé dès samedi des images de jeunes gens masqués dans des rues jonchées de débris en train d’incendier des bâtiments publics.

Une station service incendiée à Ispahan

 

Esman Bakhshi a été libéré contre une lourde caution, de la prison d’Evin à Téhéran, capitale de l’Iran. Porte parole d’une série de grève, son engagement lui a valu une arrestation en novembre 2018. Le militant syndical et représentant des travailleurs de la canne à sucre dans le Sud Ouest de l’Iran a été transféré à la prison d’Evin après avoir été condamné à 14 ans de prison et 74 coups de fouet. Il est accusé de « répandre des mensonges », « d’insulte au Guide suprême » ou encore d’organiser des « rassemblement en vue de commettre des crimes contre la sécurité naitonale. » Il a actuellement fait appel de ce jugement et est en attente d’un nouveau verdict.

 

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Le militant syndical iranien Esman Bakshki sortant de prison à Téhéran.

 

 

Samedi 26 octobre, Sepideh Gholian (voir notre article), Sanaz Elahyari, Amir Hossein Mohammadi Fard, Amir Amirgholi (voir notre article) et Atefeh Rangriz, Marzieh Amiri ont été libérés. Sepideh Gholian et Atefeh Rangriz avaient dernièrement entamé une grève de la faim entre autre pour protester contre leurs conditions de détention et les actes de harcèlement constant, ainsi que ceux envers des membres de leur famille. Neda Naji, une autre détenue du 1er mai, est toujours en prison et devrait être jugée par la 28e chambre du «Tribunal révolutionnaire islamique» pour sa participation à Téhéran au 1er mai 2019.

Sepideh Gholian