Le 15 mars, plusieurs organisations avaient appelé à descendre dans la rue pour dénoncer la corruption du pouvoir actuel et exiger la vérité sur un scandale de détournement de fonds dans l’achat de matériel militaire, révélé par la presse en février (soupçons de surfacturation et de fausses factures portant sur plusieurs centaines de milliards de francs CFA, soit des centaines de millions d’euros, de 2011 à ,20199). Bien que le 13 mars, des mesures restreignant les libertés publiques ont été prises dans la lutte contre le Covid-19, les organisateurs de la manifestation n’ont reçu aucune notification d’interdiction. Tôt dans la matinée du dimanche 15 mars, les forces de l’ordre ont bloqué toutes les voies menant à la place de la Concertation, à Niamey, lieu du rassemblement. Quatre personnes ont été tuées à proximité d’un marché de la capitale qui a pris feu après l’intervention des forces de l’ordre et quinze personnes ont été arrêtées dont des acteurs de la société civile, toutes interpellées à leur domicile. Après quatre jours de garde à vue, six d’entre eux ont été placés sous mandat de dépôt pour «participation à une manifestation non autorisée». Une précédente manifestation contre la corruption avait été brutalement réprimée (voir notre article).

Militants arrêtés au Niger suite à la manifestaition du 15 mars 2020

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Le 26 février, le gouvernement a annoncé qu’un audit avait révélé des surfacturations ainsi que des livraisons non effectuées dans des achats d’équipements pour l’armée, qui combat depuis 2015 les jihadistes dans le sud-est et l’ouest du pays. Le gouvernement a annoncé avoir « décidé de faire rembourser les montants indûment perçus ». Il a aussi décidé de « transmettre aux tribunaux compétents les dossiers des fournisseurs qui refuseraient de s’exécuter » et « de prendre les sanctions administratives appropriées à l’endroit des agents publics incriminés ». Mais le gouvernement n’a pas évoqué de poursuites pénales pour les coupables. Il n’a pas non plus précisé les montants concernés, ni les personnalités mises en cause. D’après des journaux locaux, l’audit a porté sur le détournement de milliards de FCFA (de millions d’euros), impliquant des hommes d’affaires et des responsables gouvernementaux. Le scandale a d’autant plus choqué l’opinion qu’entre décembre 2019 et janvier 2020, près de 200 soldats nigériens ont été tués dans des attaques de Etat islamique.

Le syndicat des magistrats, les partis d’opposition et la société civile demande que le dossier soit traité par la justice, et c’est pour cette raison qu’une grande manifestation a eu lieu hier dimanche, à Niamey. Tôt matin, des forces de l’ordre avaient pris position. Plus tard des heurts ont éclaté entre les forces de l’ordre et les manifestants déterminés à se rendre au rassemblement. Les affrontements se sont surtout concentrés dans des quartiers populaires du centre ville et dans le secteur du Grand marché (poumon économique de Niamey) qui a été fermé et du marché Tagabati. Un manifestant a été tué et deux autres personnes ont été retrouvées mortes à l’intérieur du marché couvert de Tagabati, détruit dans un incendie lors des manifestations. Les commerçants accusent les policiers d’avoir provoqué l’incendie avec le tir de grenades. Au total dix manifestants dont les organisateurs, Moussa Tchangari, Nouhou Arzika et Moukaïla Halidou, ont été arrêtées. Ces trois figures de la société civile avaient maintenu le mot d’ordre de manifester malgré l’interdiction de toute manifestation de plus de 1.000 personnes dans le cadre de la prévention du coronavirus, dont aucun cas n’a encore été détecté au Niger. Samedi, un juge des référés saisi par les organisateurs a autorisé la manifestation, mais seulement à Maradi, la deuxième ville du pays.

L'incendie du marché de Tagabati à Niamey

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Depuis plusieurs mois, les étudiants de l’université Université Abdou Moumouni de Niamey ils réclament le paiement de leurs bourses et le respect des franchises universitaires. Derrière les flammes et des barricades, ils continuent d’occuper leur établissement et exigent la réhabilitation de cinq d’entre eux exclus en mars dernier. Les forces de l’ordre répriment les manifestations. Une quinzaine de personnes a été atteinte par des éclats de grenades lacrymogènes. Le gouvernement nigérien a décidé mercredi de la fermeture « jusqu’à nouvel ordre » du campus de l’université.

La gendarmerie sur le campus de Niamey

La gendarmerie sur le campus de Niamey

Des heurts ont éclaté dimanche après-midi à Niamey entre les forces de l’ordre et des manifestants qui voulaient braver l’interdiction par les autorités d’une manifestation contre la loi de finances 2018. La police nigérienne a arrêté 23 personnes dont quatre figures de la société civile, après la manifestation qui avait tourné en violences avec la police. La manifestation de dimanche avait été interdite « pour des raisons de sécurité » (sic) mais ses organisateurs ont passé outre. Dimanche soir, la police a ordonné la fermeture du groupe privé de radio-télévision Labari, lié à l’opposition.

Depuis octobre 2017 et la préparation du budget 2018, un collectif de la société civile et l’opposition politique organisent régulièrement des manifestations à Niamey et dans les grandes villes du pays pour demander l’abrogation de la loi de finances jugée antisociale. Les protestataires reprochent au gouvernement d’avoir créé de nouvelles taxes et de nouveaux impôts qui vont presser le peuple tout en accordant des cadeaux fiscaux d’une trentaine de millions d’euros aux compagnies de téléphonie.

Interpellation dimanche de membres de la société civile nigérienne à Niamey

Interpellation dimanche de membres de la société civile nigérienne à Niamey

Au Niger, le campus universitaire de Niamey est fermé jusqu’à nouvel ordre. Ainsi en a décidé le gouvernement nigérien ce lundi 10 avril à la suite de violentes échauffourées entre étudiants et forces de l’ordre. Tout est parti d’un mot d’ordre de l’Union des scolaires nigériens – USN – à ses militants de descendre dans les rues, tant à Niamey qu’à l’intérieur du pays. A Niamey, élèves et étudiants ont très vite occupé quelques carrefours aux environs de leurs établissements, en érigeant des barricades et en enflammant des pneus.

Les forces de l’ordre composées des trois corps de la police, de la gendarmerie et de la Garde nationale n’ont pas fait de quartier lors de leur intervention : sur le campus universitaire, où les échauffourées ont été très violentes, on dénombre plus de 20 blessés. Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a alors décidé de fermeture du campus universitaire de Niamey. Quelques instants seulement après cette décision, plusieurs dizaines de véhicules des forces de l’ordre ont pris d’assaut le campus universitaire, obligeant ainsi les étudiants à quitter les lieux.

Intervention policière à Niamey

Intervention policière à Niamey

Maïkoul Zodi avait représenté la société civile à la Commission électorale nationale indépendante (CENTI) lors de la Présidentielle de 2016. En mars, il démissionnait de l’institution dénonçant une violation de la loi électorale. Il a été arrêté hier mercredi par la Police judiciaire pour « concussion »: on lui reproche de percevoir indûment un salaire sans travailler. Or, Maïkoul Zodi, professeur de collège, avait sollicité auprès de son ministère une nouvelle affectation après sa démission de la CENTI, requête resté sans réponse…

Maïkoul Zodi est à la tête d’un collectif ayant mené plusieurs manifestations de rue contre le gouvernement, ces derniers mois. Sa dernière action remonte à la semaine passée. En effet, il fait partie du collectif de la société civile ayant déposé une « plainte contre X » pour réclamer une enquête judiciaire sur une affaire présumée de vente douteuse d’uranium (Uranium Gate). Son arrestation fait suite à celle, le 30 mars dernier, du journaliste et syndicaliste, Baba Alpha.

Maïkoul Zodi

Maïkoul Zodi

Une vingtaine de personnes ont été interpelées vendredi à Agadez dans le nord du Niger, lors d’une manifestation dénonçant la société française Areva, leader mondial du nucléaire. Les manifestants ont traversé Agadez et ont brûlé des pneus à certains endroits de la ville, ils dénoncent notamment le refus d’Areva de se soumettre à la nouvelle loi minière de 2006.

Areva et l’Etat nigérien sont depuis des mois en intenses discussions pour prolonger les contrats d’exploitation de deux mines d’uranium dans le nord du pays, la Somaïr et la Cominak, arrivés à échéance le 31 décembre 2013. Le bras de fer porte principalement sur les recettes de l’Etat nigérien, qui souhaite soumettre à une loi minière de 2006 les deux mines exploitées depuis le début des années 1970. Cette loi supprime des exonérations fiscales et relève le taux de redevance minière, mais Areva qui extrait de ces mines un tiers de son uranium, refuse son application.

Un dirigeant d’un syndicat d’enseignants, Ismaël Salifou, a été écroué vendredi à la prison civile de Niamey, après avoir accordé en janvier un entretien à la radio privée Anfani. M. Salifou avait été remis en liberté jeudi en même temps que les trois journalistes de la radio Anfani par le procureur après 24 heures de garde-à-vue à la police. Tous les quatre avaient été arrêtés mercredi à la suite d’un entretien accordé par le syndicaliste à la radio en janvier. Le procureur n’a retenu aucune charge contre les journalistes mais a demandé au syndicaliste, également libéré, de se présenter vendredi au parquet, d’où il a été placé sous mandat de dépôt. L’entretien portait sur un bras de fer opposant ce syndicat à un responsable de l’éducation de Zinder (centre du pays).