Samedi, à Tozeur, dans le sud tunisien, les manifestants s’étaient rassemblés pour réclamer le départ du gouverneur (préfet) et d’autres responsables de la région. Assez rapidement, les forces de l’ordre sont intervenues pour disperser la foule qui aurait tenu des propos portant atteinte au responsable. Elles ont effectué des tirs de sommation, blessant un manifestant qui a immédiatement été transporté à l’hôpital après avoir été atteint à la poitrine. Selon les médecins, son état serait stable.

A Tunis, une nouvelle manifestation a eu lieu dans le centre-ville. Une centaine de jeunes s’étaient rassemblées pour scander des slogans hostiles au gouvernement et protester notamment contre la nomination du nouveau ministre de l’Intérieur. Là aussi, les forces de l’ordre sont intervenues en masse par des jets de gaz lacrymogènes afin de disperser le rassemblement.

Plus de 100.000 personnes ont réclamé le départ du gouvernement de transition dirigé par Mohammed Ghannouchi au cours de la plus grande manifestation à Tunis depuis la chute de Ben Ali le 14 janvier. Vingt-et-un policiers ont été blessés et au moins trois commissariats incendiés ou saccagés lors des heurts vendredi avec des manifestants qui ont attaqué le ministère de l’Intérieur en plein centre de Tunis. Deux grands magasins et plusieurs voitures ont été endommagées. Mohamed Ghannouchi, dont les manifestants réclamaient le départ, a annoncé ce dimanche sa démission.

Les régimes arabes oscillent entre la répression sans frein (Lybie) et la tentative de calmer les mouvements populaires par des changements d’équipe gouvernementale, des concessions démocratiques, et des libération de prisonniers politiques.

Plusieurs milliers de manifestants ont marché vers la place de la Perle à Manama, capitale de Bahreïn, après la libération mercredi d’une centaine de prisonniers politiques. Au moins 300 prisonniers politiques resteraient en détention.

Les autorité égyptiennes avaient annoncé la libération à bref délai de 222 prisonniers, mais sans avancer de date. 108 libérations ont déjà eu lieu. Le Premier ministre reconnait 487 détenus politiques encore dans les prisons du pays, mais les groupes de défense des droits de l’homme affirment que des milliers d’Egyptiens ont été emprisonnés sans être inculpés aux termes des lois d’exception et que beaucoup d’entre eux peuvent être considérés comme des prisonniers politiques.

L’amnistie générale pour les prisonniers politiques est entrée en vigueur samedi en Tunisie. Elle bénéficie à tous ceux qui ont été emprisonnés ou qui ont été poursuivis pour des crimes suite à leurs activités politiques. Mercredi la libération conditionnelle avait déjà été accordée à 3.000 prisonniers.

Hier, plusieurs centaines de personnes s’étaient rassemblées devant la préfecture de Kef (nord-ouest du pays) pour réclamer le départ du commissaire Ghazouani. Elles l’accusent ‘d’abus de pouvoir dans l’exercice de ses fonctions’. Le rassemblement s’est transformé en un violent affrontement lorsque Ghazouani a giflé une manifestante. La foule a alors tenté de s’introduire dans le poste de police avant d’y mettre le feu. La police a réagi en tirant des coups de feu. Deux hommes sont décédés sur places et deux autres, gravement blessés, sont morts des suites de leurs blessures dans le courant de la nuit. Une autre personne a également été blessée. Selon une source syndicale, Ghazouani aurait été ‘placé en état d’arrestation’.

Par ailleurs, des centaines de personnes s’étaient également rassemblées devant le poste de police de Sidi Bouzid après la mort de deux hommes qui y étaient détenus suite au soulèvement populaire des dernières semaines.

Hier matin, plusieurs dizaines de personnes s’étaient rassemblées aux abords du ministère de l’intérieur de Tunis afin d’exiger le départ de tous les fonctionnaires issus de l’ancien parti au pouvoir toujours en poste. Le rassemblement a rapidement et violemment été dispersé par les forces anti-émeute à coups de matraque et de gaz lacrymogènes. Des témoins ont vu des policiers pourchasser des jeunes et les frapper sauvagement à l’aide de matraques alors qu’ils étaient déjà au sol. Plusieurs d’entre eux ont été interpellés et traînés sans ménagement dans des fourgons de police. Durant l’après-midi, les unités anti-émeutes sont à nouveau intervenues pour éloigner les quelques dizaines de personnes toujours présentes sur place.

Depuis dimanche, de nombreux manifestants ‘campaient’ devant les bureaux du premier ministre tunisien dans le centre de la capitale, sur la place de la Kasbah. Une vaste opération d’évacuation a été menée ce vendredi par les unités anti-émeutes. Celles-ci, composées de plus de 200 hommes, ont fait mouvement vers la Kasbah en tirant un grand nombre de grenades lacrymogènes. Sur l’esplanade, survolée par un hélicoptère, les policiers ont immédiatement démonté les tentes des manifestants. Cinq d’entre eux ont été blessés par les grenades lacrymogènes et les pierres, jetées par les protestataires et que la police rejetait ensuite vers eux. Un médecin du Samu a déclaré que tous saignaient, et que l’un d’entre eux avait été atteint à la tête par une grenade lacrymogène tirée presque à bout portant.

Dimanche, des milliers de manifestants ont fait le siège du palais de la Kasbah, où travaille le premier ministre. La foule brandissait des portraits des victimes de la répression du soulèvement populaire, exigeant que le nouveau gouvernement, actuellement dominé par les ministres de l’ancien régime, soit modifié. ‘Nous sommes venus pour faire tomber les derniers restes de la dictature’, ‘Ils ont volé nos richesses, ils ne voleront pas notre révolution’ scandaient les manifestants. Depuis hier soir, bravant le couvre-feu, des dizaines d’entre eux ‘campent’ devant le siège du gouvernement tunisien. Ce matin, de violents affrontements ont éclaté avec les policiers anti-émeutes qui tentaient d’exfiltrer des fonctionnaires du bâtiment. Les policiers ont tiré des grenades lacrymogènes pour disperser le groupe, qui lui a jeté des pierres et des bouteilles.

Siège du gouvernement à Tunis

Siège du gouvernement à Tunis

A 11 heures ce matin, quelques centaines de manifestants ont été rejoints dans le centre de Tunis par plusieurs milliers de personnes issues de différents cortèges. Devant le ministère de l’Intérieur, ils ont scandé les slogans, ‘Le ministère de l’Intérieur est un ministère de la terreur’, ‘Hommage aux sangs des martyrs’ et ‘Soulèvement continu, non à Ben Ali’, avant que ne se déploient les blindés de l’armée. La police et sa milice ont dispersé les manifestants avec des grenades lacrymogènes. Les unités anti-émeutes ont pourchassé les jeunes dans les escaliers d’immeubles et dans un centre commercial où ils se réfugiaient. Juste avant, la police était intervenue pour empêcher la jonction d’un groupe important de manifestants et l’essentiel du rassemblement devant le ministère. Certains manifestants ont répliqué en lançant des pierres, des chaises et des parasols en direction des forces de l’ordre. De source médicale, treize personnes ont encore été tuées par des tirs policiers hier soir. Dans le reste du pays, les mobilisations et les rassemblements se poursuivent. L’état d’urgence a été déclaré sur tout le territoire, et un couvre-feu a été décrété de 18h à 6h du matin. Le gouvernement a donné à l’armée et à la police l’autorisation de tirer sur tout ‘suspect’ refusant d’obéir aux ordres.

Manifestation réprimée à Tunis

Manifestation réprimée à Tunis

De violents affrontements ont opposés des manifestants et les forces de l’ordre cette nuit dans la grande banlieue de Tunis, malgré le couvre-feu imposé par les autorités. Selon les dernières déclarations de témoins locaux, huit personnes ont été tués par les policiers. Plusieurs bâtiments publics et véhicules ont été incendiés. Par ailleurs, un syndicat a annoncé qu’une personne avait été abattue et deux autres grièvement blessées par balles mercredi par les forces de l’ordre à Thala. A Sfax, où une grève générale avait été décrétée pour toute la journée, une personne a été tuée et quatre autres blessées par des tirs policiers. Deux autres personnes ont été abattues mercredi soir dans la ville de Douz. Une organisation internationale présente sur place a affirmé détenir une liste nominative de 66 personnes tuées depuis le début des protestations à la mi-décembre.

Manifestant tué en Tunisie

Manifestant tué en Tunisie