Des dizaines de militants CGT et antifascistes ont mené une spectaculaire opération, hier matin, à Lille. Ils ont entièrement paralysé le rond-point des Postes et les 12 rues et boulevards attenants pendant plusieurs heures, au moyen de dix barricades de pneus enflammés. La circulation a été bloquée jusque sur l’autoroute A25. Toute cette partie de la ville était couverte de fumée, le panache étant visible à plusieurs kilomètres à la ronde.

Peu après 8 h, les forces de différents services de police ont violemment chargé, usant de gaz lacrymogène et blessant plusieurs personnes. Neuf personnes sont interpellées, âgées de 15 à 45 ans. Ils sont poursuivis, selon les cas, pour refus de se disperser, entrave à la circulation, et dégradations. Les pompiers mettront ensuite une heure à éteindre les sinistres, refroidir et déblayer les carcasses de pneus

Dans l’après-midi, un cortège rassemblant environ 1.500 personnes, dont une centaine de syndicalistes belges, a défilé dans les rues de Lille. À l’issue de la manifestation, 450 personnes ont décidé de se rendre au commissariat pour réclamer la libération de neuf personnes interpellées dans la matinée. Vers 19 h 30, la police a chargé ces manifestants, usant une nouvelle fois de gaz lacrymogènes et arrêtant trois ou quatre personnes.

A Lille hier matin

A Lille hier matin

200 000 personnes ont manifesté en France, dont 55.000 à Paris contre la loi Travail. Le dispositif policier avait été particulièrement renforcé : plus de 2.500 membres des forces de l’ordre mobilisés dans la capitale ; des points de filtrage et des fouilles systématiques aux abords du cortège ; toutes les stations de métro le long du parcours entre Bastille et la place d’Italie temporairement fermées ; toutes les rues adjacentes bloquées ; les bancs et vitres des Abribus retirés…

En milieu de parcours, sur le boulevard de l’hôpital, quelques échauffourées ont éclaté entre les forces de l’ordre et des manifestants cagoulés qui ont tenté d’arracher des plaques protégeant un Abribus, tagué des murs, ou renversé une poubelle à verre avant de lancer des bouteilles sur les CRS… Ceux-ci ont répliqué avec grenades de désencerclement et gaz lacrymogènes. 41 personnes ont été interpellées. Du côté de la place de la République, 200 militants, qui souhaitaient rejoindre Bastille et ont refusé de se faire fouiller, ont été encerclés tout l’après-midi par la police, devant la Bourse du travail.

Après plus de quatre mois de contestation, le projet de loi poursuit son cheminement parlementaire, et le texte, profondément remanié par l’opposition, a été adopté ce mardi-même par un Sénat à majorité de droite. Il doit être de nouveau examiné par l’Assemblée nationale au début de juillet.

Incidents ce mardi à Paris

Incidents ce mardi à Paris

Trois militants de la Cellule antifasciste révolutionnaire d’Auvergne (CARA), ont été placés en garde à vue jeudi, suite aux dégradations commises au conseil départemental lors de la mobilisation contre la loi Travail. Ils ont été présentés, samedi matin, au parquet de Clermont-Ferrand. Tous les trois ont reçu une convocation devant le tribunal correctionnel. En attendant leur jugement, ils ont été placés sous contrôle judiciaire. Ils ont notamment interdiction de paraître dans un large périmètre du centre-ville de la capitale auvergnate.

Théo El Ghozzi, militant de la CARA vient de décider d’entamer une grève de la faim pour protester contre ce contrôle judiciaire. Comme il le signale lui-même dans son communiqué, « plus qu’une interdiction de manifester, c’est quasiment une assignation à résidence.  Je vis à Clermont-Ferrand, mais je ne peux pas y circuler. Impossible de faire des démarches administratives, de prendre les transports en commun sans faire des détours impossibles (je n’ai pas le permis), de travailler (je suis intérimaire, et je suis souvent de passage dans le centre ville pour me rendre au travail … De plus, je dois pointer une fois par semaine au commissariat de Clermont-Ferrand, je ne peux donc pas déménager vers une autre ville ! ». C’est pour revendiquer son droit à la liberté de circulation, de manifester et plus largement de vivre librement jusqu’au 13 décembre, qu’il commencera mardi prochain après-midi sa grève de la faim.

Le Conseil départemental après le passage de la manifestation contre la loi Travail

Le Conseil départemental après le passage de la manifestation contre la loi Travail

Patrice Matence, secrétaire de la CGT 46, a été auditionné hier au commissariat de Cahors pour des faits de «dégradations volontaires en réunion», le 19 mai dernier lors des mobilisations contre la loi Travail. L’enquête en cours fait suite aux plaintes déposées par la chambre de commerce et le PS, victime, lui aussi, de tags sur la vitrine de sa permanence. Hier, Patrice Matence était soutenu par son syndicat, mais aussi par la Confédération paysanne. Soit une cinquantaine de membres le temps de cette convocation. La troisième en quelques jours pour les mêmes faits. Avant la convocation de Patrice Matence, Jean-Louis, membre du collectif Nuit debout, et Francis, militant de la CGT, avaient été convoqués au commissariat.

Devant le commissariat de Cahors, hier.

Devant le commissariat de Cahors, hier.

C’est aujourd’hui que sera jugé Jean-Marc Rouillan, ancien membre d’Action Directe accusé « d’apologie du terrorisme » pour avoir déclaré dans une interview que quoique l’on pense des attaquants islamistes qui ont récemment perpétré des attentats en France, on ne pouvait pas les qualifier de « lâches » (voir notre précédent article).

Jean-Marc Rouillan

Jean-Marc Rouillan

EDIT (rapport d’audience)
Sur le fond, ses avocats ont plaidé la liberté d’expression, rappelant que ses propos ne pouvaient en aucun cas être qualifiés d’apologie du terrorisme. Au terme de six heures de débat, la procureure a requis un an de prison ferme. La décision sera rendue le 7 septembre.

La dixième journée de mobilisation contre la loi travail a rassemblé selon la CGT 200.000 manifestants dans toute la France. Une mobilisation importante mais en recul par rapport à la précédente journée de mobilisation le 14 juin. Ce jeudi, 113 interpellations ont eu lieu dans toute la France, dont beaucoup en amont des manifestations. Les autorités avaient pris les devants: plus de 2 000 policiers étaient mobilisés à Paris, la sécurité avait été drastiquement renforcée : opérations de pré-filtrage avec palpations, fouilles et même contrôles d’identité ont été effectués, les policiers empêchant l’accès aux manifestants munis de casques… Aucun réel affrontement n’a encore eu lieu entre manifestants et force de l’ordre, même si la tension était palpable.

C’est à Rennes qu’ont eu lieu les incidents les plus sérieux: tags et bris de vitrines, poubelles brûlées devant le commissariat – lors de la manifestation qui a rassemblé 3.000 personnes selon la CGT. Le cortège syndical a défilé de midi à 13h30, mais il a été précédé de quelques 300 jeunes dont certains encagoulés. Ceux-ci ont peint de nombreux tags. Puis une manifestation sauvage d’un millier de personnes a poursuivi, hors parcours déclaré, son défilé dans les rues, en début d’après-midi. De nombreuses agences bancaires, immobilières ou d’assurances ont été taguées et/ou brisées. Cette manifestation s’est rendue devant le commissariat central de la ville : ses grilles ont été repeintes en rouge et des poubelles déposées devant l’entrée ont été enflammées. Un véhicule du groupe Vinci, concessionnaire du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, a aussi été dégradé. Ses vitres ont été brisées et un début d’incendie a été éteint par un policier avec un extincteur. Les mots « zad partout » ont été tagués sur le véhicule. Aux dernières nouvelles, 150 manifestants étaient pris dans un kessel.

Tagage lors de la manifestation de Rennes

Tagage lors de la manifestation de Rennes

L’exécutif français a interdit aujourd’hui la manifestation contre la loi Travail que voulaient organiser jeudi à Paris des syndicats opposés à ce projet, par crainte de violences. Cette décision a été prise après le refus des syndicats d’organiser un rassemblement statique jugé plus facile à contrôler par les autorités. C’est la première fois depuis 1958 qu’un gouvernement, un Premier ministre, interdit une manifestation organisée par les grandes organisations syndicales.

EDIT
Les syndicats ont finalement obtenu le droit de manifester jeudi à Paris, mais sur un parcours proposé par le ministre de l’Intérieur (depuis la place de la Bastille jusqu’au bassin de l’Arsenal), a annoncé cet après-midi le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, qui parlait au nom des sept syndicats opposés à la loi travail.

Philippe Martinez

Philippe Martinez

Deux jours après la manifestation nationale contre la loi Travail à Paris, un jeune docker du Havre (Seine-Maritime), âgé de 26 ans, était jugé en comparution immédiate, jeudi devant la 23e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Il lui est reproché d’avoir jeté des projectiles sur les forces de l’ordre, et d’avoir résisté lors de son interpellation. Son interpellation a eu lieu pendant que le groupe de manifestants, où il se trouvait, était chargé et gazé par les forces de l’ordre. Ces derniers rejoignaient alors les bus. Il a été malmené à son arrestation (T-shirt déchiré, éraflures, plaies, hématomes) et placé 48 heures de garde à vue. L’audience a finalement été reportée au mercredi 27 juillet 2016, le mis en cause a été placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction de se rendre à Paris et de quitter le territoire national. Le parquet avait demandé une détention provisoire dans l’attente de son procès !

Les dockers à Paris

Les dockers à Paris

Le président Hollande a annoncé, mercredi, que les manifestations pourraient être interdites dans les prochains jours en France si la préservation des «biens et des personnes» ne peut être «garantie». Cette mise en garde intervient au lendemain d’une nouvelle manifestation violente contre la loi travail, à Paris, dans laquelle 40 personnes, dont 28 policiers, ont été blessées et 44 placées en garde à vue. Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, maintient les prochaines mobilisations contre la loi travail qui sont prévues les jeudi 23 et mardi 28 juin.

Une offensive médiatique a été lancé contre la CGT, sur base de vidéo montrant des manifestants CGT, desceller des pavés ou jeter des projectiles. Selon le délégué général de l’observatoire du dialogue et de l’intelligence sociale (sic), «si la CGT ne sait pas contenir ses troupes, si elle génère en son sein des pratiques illégales, l’Etat doit être capable de la condamner voire de la dissoudre». «Je demande à la CGT de ne plus organiser ce type de manifestations sur Paris et au cas par cas, car vous savez qu’on ne peut pas prononcer une interdiction générale, nous prendrons, nous, nos responsabilités», a aussi prévenu le Premier ministre Valls. Même son de cloche à droite: Nicolas Sarkozy, président du parti Les Républicains, a réclamé le 15 juin, que la «responsabilité civile et financière de la CGT soit engagée» pour les dégâts, et Alain Juppé, candidat à la primaire de la droite, a préconisé l’interdiction des «manifestations qui constituent une menace évidente à l’ordre public».

Manfiestants contre la loi Travail à Paris

Manfiestants contre la loi Travail à Paris