Deux arrêts de la Cour de cassation du 20 octobre font de la France l’un des rares pays du monde où l’appel au boycott par un mouvement associatif ou citoyen pour critiquer la politique d’un Etat tiers est interdit. La Cour de cassation a confirmé la condamnation par la cour d’appel de Colmar de 14 militants du mouvement Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS) à 28.000 euros de dommages et intérêts aux parties civiles et chacun à une amende de 1.000 euros avec sursis. Il leur est reproché d’avoir, le 26 septembre 2009 pour les uns et le 22 mai 2010 pour les autres, participé à une manifestation dans un magasin Carrefour près de Mulhouse: Ils portaient des tee-shirts avec le slogan « Palestine vivra, boycott Israël » et distribuaient des tracts aux clients sur lesquels était écrit : « Acheter les produits importés d’Israël, c’est légitimer les crimes à Gaza, c’est approuver la politique menée par le gouvernement israélien. »
Il n’a été relevé aucune dégradation, aucune entrave au fonctionnement du magasin (qui n’a pas porté plainte) ni aucun propos antisémite. Le mouvement BDS déploie sa stratégie dans de nombreux pays (Grande-Bretagne, Etats-Unis, Belgique, Allemagne, etc.) au moyen d’appels aux boycotts commerciaux, universitaires ou culturels pour faire pression sur Israël. Pour la haute juridiction française, cela est néanmoins constitutif du délit de « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race, ou une religion déterminée » (article 24 alinéa 8 de la loi sur la presse).
La campagne BDS lancée en 2005 à travers le monde fait l’objet depuis 2010 de poursuites systématiques dans l’Hexagone. Une circulaire aux procureurs datant de février 2010 – Michèle Alliot-Marie était alors ministre de la justice – visait spécifiquement les « appels au boycott de produits israéliens » et recommandait aux parquets d’apporter « une réponse ferme ». Mais les tribunaux et cours d’appel ont hésité et divergé, entre annulations de poursuites, relaxes au nom de la « liberté d’expression » et condamnations au titre de la « provocation à la discrimination ». Désormais, l’interprétation de la Cour de cassation s’impose à tous: seuls les boycotts décidés par l’Etat, à savoir les embargos, sont légaux.
Mobilisation de BDS à Lyon