Des dizaines de milliers de « gilets jaunes » ont manifesté samedi en France pour le 13e weekend consécutif. Dans la capitale, des incidents ont éclaté à l’arrivée du cortège devant l’Assemblée nationale. Un manifestant a eu quatre doigts arrachés par l’explosion d’une grenade de désencerclement, lancée par les forces de l’ordre, alors que des manifestants tentaient d’enfoncer les palissades protégeant l’Assemblée. Des incidents ont eu lieu sur le parcours de la manifestation, qui est arrivée vers 16H30 près de la Tour Eiffel, dans une ambiance très tendue. Du mobilier urbain et des distributeurs de banques ont été cassés, une dizaine de véhicules a été incendiée, principalement des voitures de luxe, mais aussi une voiture de la mission antiterroriste militaire Sentinelle. À 18H45, la préfecture de police comptait 36 interpellations à Paris. Il y avait 16 personnes en garde à vue à 17H00, selon le parquet de Paris.

À Toulouse, où la préfecture a annoncé 11 interpellations, des heurts avec les forces de l’ordre ont éclaté vers 17 h, notamment place du Capitole. À Bordeaux, la manifestation s’est achevée avec des heurts près de la mairie, le recours par les forces de l’ordre aux gaz lacrymogènes et aux canons à eau, et deux voitures incendiées. Huit policiers ont été légèrement blessés par des jets de projectiles à Saint-Etienne. Le défilé à Lyon a été marqué par une bataille rangée violente entre fascistes et antifas, l’affrontement s’achevant par la débacle des fascistes.

Le fourgon militaire incendié à Paris

Le fourgon militaire incendié à Paris

La journée de grève nationale d’hier était une journée de convergence du mouvement des gilets jaunes et du mouvement syndical. Militant pour la hausse des salaires, les 300.000 manifestants présents dans 200 villes de France à l’appel de la CGT réclament la justice fiscale, le droit de manifester et la défense du service public. Ils disent également non à la réforme du lycée et à l’augmentation des frais d’inscription des étudiants étrangers. Elle a été marquée à Paris par des affrontements et de violents matraquage de manifestants désarmés aux alentours du Jardin des Plantes.

La manifestation de Paris

La manifestation de Paris

Dans la nuit du vendredi 23 au samedi 24 novembre, alors que le mouvement des « gilets jaunes » bat son plein, un salarié depuis deux ans chez Amazon participe avec ses collègues à un mouvement de grève pour obtenir de meilleures conditions de travail dans son entrepôt de Lauwin-Planque (Nord). « Il faut du renfort sur Amazon et des palettes, les amis », écrit le jeune homme de 29 ans sur son compte Facebook. « Demain blocage d’Amazon à Lauwin-Planque, besoin de soutien des gilets jaunes et des camions, partagez un max ! », avait-il déjà posté la veille. Des publications qui lui vaudront d’être mis à pied dès le lundi suivant. Une semaine après, il est licencié pour faute grave: avoir tenu des propos « en opposition totale aux valeurs de l’entreprise » et avoir manqué à son « obligation de loyauté ».

Amazon a envoyé au moins une dizaine de notifications a des salariés en France qui avaient publiquement affiché leur soutien au mouvement des « gilets jaunes ». L’un de ces ex-salariés aurait l’intention de faire au tribunal des prud’hommes pour contester ce licenciement. Deux débrayages ont été organisés en soutien à l’un des salariés licenciés la semaine dernière sur le site de Montélimar (Drôme) et un appel à la grève a été lancé pour mardi 5 février par les syndicats Sud-Solidaires, CGT et les « gilets jaunes » Hauts-de-France et Drôme.

Un dépôt d'Amazon

Un dépôt d’Amazon

Les postiers des Hauts-de-Seine sont en grève depuis dix mois pour la réintégration de Gaël Quirante, leader syndical Sud licencié sous l’accusation d’avoir participé à la séquestration de dirigeants de La Poste lors d’un précédent mouvement de grève, puis parce qu’ils contestent les suppressions de postes et fermetures de bureaux.

Une centaine de postiers grévistes se sont rendu au siège national de La Poste, à Issy-Les-Moulineaux, et ont occupé le bâtiment pour interpeller la direction et exiger des réponses à leurs revendications. À coups de béliers, marteaux, machettes, et armés au LBD multicoups, les CRS ont délogé mardi soir les postiers. Les postiers ont réoccupés les locaux de la direction mais ont été une nouvelle fois délogés par la police.

Occupation du siège national de La Poste, à Issy-Les-Moulineaux

Occupation du siège national de La Poste, à Issy-Les-Moulineaux

L’Assemblée nationale française a voté dans la nuit de mercredi à jeudi la création d’un délit de dissimulation du visage dans les manifestations, dans le cadre de la proposition de loi LR « anticasseurs » dont les députés n’ont pas achevé l’examen. Ce nouveau délit de dissimulation volontaire (totalement ou partiellement) sera assorti d’une peine d’un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende.

Les députés ont modifié la définition qu’ils avaient trouvée en commission et que plusieurs y compris à droite trouvaient « inapplicable ». Le juge devait en effet prouver l’intention de la personne portant un casque ou une cagoule de participer à des troubles. Dans la nouvelle rédaction, la charge de la preuve est renversée et ce sera à la personne d’apporter un « motif légitime » à la dissimulation de son visage. En 2009 un « décret anti-cagoule » adopté sous Nicolas Sarkozy prévoyait que le fait de dissimuler son visage au sein ou aux abords d’une manifestation n’était passible que d’une amende de 1.500 euros maximum.

Manifestation anti-Macron (archive)

Manifestation anti-Macron (archive)

Des incidents ont émaillé les manifestations des « gilets jaunes » samedi en France, qui se sont encore mobilisés pour le onzième samedi de suite à Paris et surtout en province. Au centre de la capitale française, des incidents ont éclaté place de la Bastille, lieu symbolique ou avaient convergé plusieurs cortèges de « gilets jaunes ». Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogène et d’un canon à eau pour repousser des manifestants qui leur jetaient des projectiles et s’emparaient de matériel de chantier dans une rue adjacente. 22 personnes ont été interpellées à Paris.

Des heurts ont également eu lieu à Amiens, Angers, Avignon, Besançon, Bordeaux, Evreux, Le Mans, Montpellier, Nice, Paris, Passy, Quimper, Rennes, Rouen, Saint-Etienne, Strasbourg, Toulon, et Toulouse. Une des figures médiatiques des « gilets jaunes », Jérôme Rodrigues, a été grièvement blessé à un oeil. Le rassemblement nocturne prévu à Paris – baptisé « Nuit jaune » en référence aux rassemblements citoyens de « Nuit debout » de 2016 – a été rapidement écourté à la suite de l’intervention des forces de l’ordre.

Vendredi 25 janvier dans la soirée, près de 200 personnes ont manifesté devant la Maison d’Arrêt de Seysses (à 25km de Toulouse) pour exiger la libération des prisonniers de la mobilisation des Gilets Jaunes. Malgré la pluie, familles de détenus et soutiens se sont fait entendre et voir. Plusieurs prisonniers ont répondu à la mobilisation en brandissant des draps à la fenêtre et en scandant « Macron démission ».
Une initiative similaire a également eu lieu à Perpignan où les Gilets Jaunes ont organisé une chaîne humaine autour de la prison le dimanche 27 janvier.

Gilets Jaunes devant la Maison d'Arrêt de Seysses (archive)

Gilets Jaunes devant la Maison d’Arrêt de Seysses (archive)

La chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris a repoussé mercredi la demande d’extradition de l’ex-guerillero chilien Ricardo Palma Salamanca, 49 ans, formulée par le Chili. Cet ancien membre du Frente Patriótico Manuel Rodríguez avait été condamné en 1994 à la prison à vie par la justice chilienne pour sa participation présumée à l’exécution d’un haut-responsable de la dictature d’Augusto Pinochet.

Le 30 décembre 1996, Palma Salamanca et trois autres détenus s’étaient évadés de la prison de haute sécurité de Santiago dans laquelle ils sont incarcérés, grâce à l’intervention spectaculaire d’un hélicoptère. Il devint l’un des hommes les plus recherchés du Chili. Après plus de 21 ans de clandestinité, il a été arrêté le 16 février 2018 à Paris mais remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire par la justice française (voir notre article). Malgré une demande d’extradition formulée par le Chili, il a obtenue l’asile politique en France. L’Etat chilien n’a pas de recours contre l’avis de la Cour d’appel et l’extradition ne peut donc être accordée.

Ricardo Palma Salamanca

Ricardo Palma Salamanca

Samedi 19 janvier à Toulouse un hélicoptère de la gendarmerie a été ciblé par un pointeur laser alors qu’il participait à une mission de surveillance dans le cadre du mouvement des gilets jaunes. L’auteur a été interpellé et présenté au tribunal qui l’a condamné à deux ans et demi de prison dont un ferme.

A l’audience, le pilote a expliqué avoir évité de crash. Le faisceau laser ne fait pas qu’illuminer le casque du pilote il l’aveugle littéralement pendant quelques secondes et risque de brûler ses rétines malgré le verre teinté. Le pointeur laser est dans ce sens légalement considéré une arme par destination. Il avait été massivement utilisé par les manifestants égyptiens en 2003 pour empêcher les hélicoptères de l’armée de contribuer au contrôle des foules.

Lasers convergeant vers un hélicoptère de l'armée égyptienne

Lasers convergeant vers un hélicoptère de l’armée égyptienne

Alexandre Chantry, 27 ans, proche de la France Insoumise, organise pratiquement toutes les manifestations, chaque samedi, depuis le début du mouvement. Il participait ce mardi matin à un rassemblement à côté du Grand Palais, où se déroule le Forum international de la cybersécurité. Il voulait protester contre la venue de Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. Il a été interpellé et placé en garde à vue pour organisation d’une manifestation non déclarée. Les soutiens et Gilets jaunes sont actuellement devant l’hôtel de police de Lille-Sud pour réclamer sa libération. Ils se sont rassemblés vers 11 heures devant le commissariat de Lille pour exiger sa libération.

Alexandre Chantry

Alexandre Chantry