Depuis mercredi, les manifestations se sont multipliées à travers la Tunisie pour dénoncer l’assassinat de Chokri Bel Aid, et plus largement pour s’opposer au gouvernement au pouvoir depuis le renversement de Ben Ali. Tard hier soir, le ministère de l’Intérieur a publié un bilan humain partiel de ces trois jours, partiel car il ne dresse pas l’état des lieux des victimes civiles. Par contre, il mentionne le décès d’un policier, tandis que 39 autres ont été blessés. 375 personnes ont été arrêtées par les forces anti-émeutes. Enfin, il signale qu’une dizaine de postes de forces de l’ordre ont été attaqué entre mercredi et vendredi.

C’est cet après-midi que se sont déroulées les funérailles de Chokri Bel Aid, membre du Front Populaire assassiné mercredi à Tunis. En marge de celles-ci, le General Union of Tunisian Workers (UGTT) avait lancé un appel à la grève générale. Celle-ci s’est révélée être la grève la plus importante en Tunisie depuis celle du 14 janvier 2011, jour de la fuite de Ben Ali vers l’Arabie Saoudite. Les autorités avaient fait déployer les forces de sécurité en masse à travers la ville et celles-ci ont à nouveau fait preuve d’une extrême violence. De nombreux rassemblements se sont formés durant la journée dans divers quartiers de la ville et ont tous invariablement été réprimés. Des dizaines de milliers de personnes s’étaient jointes au cortège funèbre au cours duquel se sont élevés de nombreux slogans tels que ‘Avec notre sang, nous nous sacrifierons pour le martyr’ et ‘Le peuple veut une nouvelle révolution’. La police a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants qui tentaient d’incendier ses véhicules devant le cimetière. Dans le centre-ville, les policiers usant de bâtons et de gaz sont intervenus face à des dizaines de personnes qui scandaient des slogans anti-gouvernement. A Gafsa, qui avait déjà été le théâtre de manifestations hier, les forces anti-émeutes ont à nouveau fait usage de la force aujourd’hui pour disperser un rassemblement, notamment grâce à des tirs de gaz lacrymogènes. Le commissariat de la ville minière à été incendié au cours de la manifestation.

Policiers à Tunis
Policiers à Tunis

Chokri Bel Aid, militant communiste et membre de l’opposition tunisienne a été assassiné mercredi à Tunis. Hier, le Front Populaire (coalition de divers partis de gauche et d’extrême gauche) auquel il appartenait a organisé des ‘funérailles symboliques’ pour rendre hommage à Bel Aid. Des centaines de personnes s’étaient rassemblées devant le siège du gouverneur de Gafsa. Les forces de l’ordre étaient présentes en nombre et ont été la cible de cocktails Molotov après avoir tiré des gaz lacrymogène pour disperser la foule. De semblables affrontements s’étaient déjà déroulés la veille à Tunis, faisant un mort dans les rangs policiers.

Chokri Bel Aid
Chokri Bel Aid

Mohamed al-Guindi avait disparu le 25 janvier dernier lors d’une manifestation sur la place Tahrir au Caire. Selon ses avocats, l’homme de 28 ans a été torturé dans un camp de la police avant d’être emmené à l’hôpital dans un état critique. Il y est décédé quelques jours plus tard. Ses funérailles se sont déroulées hier soir et de violents affrontements ont opposé la foule présente à la police. Les forces anti-émeutes ont fait usage de gaz lacrymogène et ont tiré à la chevrotine contre les personnes présentes qui ont répliqué par des jets de pierres. Un véhicule blindé a également été incendié et des cocktails Molotovs ont été lancé vers la préfecture et le commissariat de police. Au moins 18 personnes ont été blessées par les policiers qui ont en outre procédé à huit ou neuf arrestations.

A Agadir, Rabat et Hoceima, des milliers de personnes ont manifesté dimanche pour revendiquer une reconnaissance du Tamazight (berbère) et non de l’islam comme identité du peuple marocain, mais également pour réclamer la libération sans condition des détenus emprisonnés. Les forces de l’ordre ont violemment dispersé les manifestants à Agadir, arrêtant de nombreux participants, battants certains, les insultant et leur crachant dessus alors que plus de 200 personnes étaient trainées au commissariat. A Hoceima et à Rabat, la police a entouré les manifestants et les a bloqués.

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La vidéo du matraquage d’un ouvrier égyptien de 50 ans, un manifestant parmi tant d’autres du vendredi 1er février, et passée à la télévision égyptienne, a fait scandale. En quelques minutes l’homme est molesté par les forces anti-émeute au Caire, traîné au sol et dévêtu de force avant de disparaître dans un fourgon blindé. La répression en Egypte a fait près de soixante morts en huit jours, d’innombrables blessés et d’arrestations abusives.

En 2010, des milliers de Saharaouis avaient installé un camp à proximité de El Aaiun pour exiger une amélioration de leurs conditions de vie ainsi que le référendum promis depuis 1991 sur l’indépendance. Le 8 novembre 2010, les autorités ont violemment démantelé le campement, entraînant des affrontements qui se sont propagés jusqu’à Laayoune. Suite à cette intervention policière, 24 Saharouis ont été arrêtés et sont accusés ‘d’atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat, formation d’une bande criminelle et atteinte aux fonctionnaires publics dans le cadre de l’exercice de leur fonction’. Leur procès à commencé ce vendredi alors que les 24 sont en détention préventive depuis plus de deux ans. Plus de cent personnes, parmi lesquelles des membres de leurs familles et des militants saharaouis, s’étaient rassemblés devant le tribunal de Rabat. Les manifestants ont dénoncé les tortures subies par les 23 durant leur détention ainsi que le fait qu’ils soient jugés par un tribunal militaire pouvant les condamner à la peine de mort alors que ce sont des civils.

Les forces anti-émeutes bahreïnies ont fait usage la semaine passée de gaz lacrymogène pour disperser des centaines de protestataires participant à une manifestation non autorisée dans la capitale Manama. Les manifestants, qui ont afflué dans l’après-midi dans le centre de la capitale et scandé des slogans hostiles au pouvoir. Plusieurs personnes ont été arrêtées

85 morts ont été recensés de février 2011 à novembre 2012 (on en compte d’autres, depuis). 17 auraient été tués à coups de chevrotines (photo), 43 seraient morts des suites de leur exposition aux gaz lacrymogènes -une majorité de personnes âgées de plus de 60 ans, mais également des bébés, enfants et adolescents-, 3 personnes au moins seraient mortes après avoir reçu une grenade lacrymogène dans la tête, et 5 sous la torture.

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Lundi, l’opposition avait rejeté l’appel au dialogue lancé par le président et des foules nombreuses de manifestants ont défilé au Caire, à Alexandrie et à Port-Saïd, Ismaïlia et Suez. “À bas Mohamed Morsi ! À bas l’état d’urgence !”, ont scandé les manifestants à Ismaïlia.

À Port-Saïd, des hommes ont attaqué plusieurs postes de police après la tombée de la nuit. Des policiers et des soldats auraient été blessés. De source médicale, on parle de deux morts et douze blessés lors des affrontements, dont dix par balle. Au Caire, les flammes s’élevant de véhicules incendiés par des manifestants (y compris un fourgon blindé de la police) ont éclairé le ciel lundi soir. Au total, quarante-neuf personnes ont été tuées depuis jeudi.

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EDIT: Les affrontement ont repris en Egypte. Ce mercredi, deux personnes sont mortes au Caire dans des heurts entre manifestants et policiers.

Samedi, 22 personnes, dont deux policiers, ont été tuées et 200 blessées à Port-Saïd dans des violences qui se sont produites après que des proches des « hooligans » condamnée à la peine capitale eurent tenté d’envahir la prison dans laquelle se trouvaient ces dernier. Deux postes de police ont également été pris d’assaut et des tirs nourris se faisaient entendre dans la ville. Ces heurts interviennent au lendemain du deuxième anniversaire de la « révolution », lui-même marqué par des violences entre manifestants et policiers qui ont fait neuf morts et plus de 530 blessés.

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