Dans la nuit de dimanche à lundi, des centaines de membres des services de sécurité et des milliers de membres des troupes syriennes ont été dépêchés à Deraa, à 100 kilomètres au sud de Damas. Avant l’aube, ces hommes appuyés par des blindés et des chars sont entrés dans la ville, la soumettant à un pillonage intensif à l’artillerie lourde et aux mitrailleuse. Des snipers se sont également postés sur les toits et des chars bloquaient l’entrée dans la ville. Au moins 25 personnes seraient décédées suite à cette démonstration de force des autorités durant la seule journée d’hier. Depuis le 15 mars et le début du mouvement de protestation en Syrie, 390 personnes sont mortes selon un bilan dressé par des militants locaux.

Char des autorités à Deraa

Char des autorités à Deraa

Après la sanglante journée d’hier qui aurait fait au total plus de cent morts, des dizaines de milliers de Syriens ont participé ce samedi aux funérailles des victimes des manifestations de la veille. Malgré le caractère de recueillement des rassemblements d’aujourd’hui, les forces de sécurité ont une nouvelle fois tiré à balles réelles sur la foule. A Douma, cinq personnes ont été tuées par des tireurs embusqués postés dans les immeubles au passage du cortège funèbre. Dans la région de Deraa, cinq autres personnes ont été tuées par des policiers qui ont tiré sur les habitants qui se rendaient à Ezreh pour assister aux funérailles. Une dernière personne a été tuée à Damas. A noter également que plusieurs dizaines de personnes blessées hier et aujourd’hui par les tirs des forces de sécurité se trouvent toujours dans un état critique.

Ce vendredi est l’une des journées les plus sanglantes en Syrie depuis le début du mouvement de contestation contre le régime, il y a un peu plus d’un mois. La levée jeudi de l’état d’urgence qui était en vigueur depuis 48 ans n’a pas comblé les attentes des manifestants. Outre la libération des prisonniers politiques, ils réclament aussi des réformes démocratiques De très importantes mobilisations ont eu lieu dans tout le pays ce vendredi. Elles ont été durement réprimées. Dans certaines villes, la police n’a pas hésité à tirer sur les manifestants. Il est question de 70 manifestants tués.

Hier, le gouvernement syrien a officiellement levé l’état d’urgence en vigueur depuis cinquante ans, répondant ainsi à l’une des principales exigences des milliers de manifestants. La Cour de sûreté de l’Etat, chargé de juger les prisonniers politiques, a également été abolie, et le gouvernement a approuvé une loi autorisant les manifestations pacifiques.

A Homs, au nord de Damas, les jeunes de la ville avaient décidé de tenir un sit-in sur une place rebaptisée, place Tahrir (de la libération). Mais en pleine nuit de lundi à mardi, ils ont été délogés par les forces de sécurité qui ont tiré à balles réelles. Au moins quatre personnes ont été tuées.

Trois Yéménites manifestant contre le régime du président Ali Abdallah Saleh ont été tués mardi avant une rencontre de représentants du pouvoir avec des médiateurs du Golfe et une réunion du Conseil de sécurité sur la crise politique dans ce pays. La police est intervenue en début de soirée pour empêcher par la force une marche dans l’ouest de la capitale mais a été obligée de battre en retraite.

Dans la matinée, une personne a été tuée et plusieurs blessées par les forces de sécurité qui ont tiré sur des milliers de manifestants hostiles au régime à Taëz (sud-ouest). Des hommes armés en civils ont été vus en train de tirer en l’air ou en direction des manifestants qui les accusent d’être des hommes de main du régime du président Saleh. Des milliers de manifestants ont assiégé en soirée les bureaux de la Brigade criminelle à Taëz pour protester contre la mort du manifestant tué dans la matinée, et exiger la libération de personnes arrêtées dans la foulée de cet incident meurtrier. D’autres manifestations ont eu lieu à Ibb, Aden, Chabwa, dans le sud et le sud-est ainsi qu’à Hodeïda (ouest), Damar (centre) et Saada, dans le nord.

Ali Salem Tamek, Brahim Dahane, Ahmed Nasiri, trois prisonniers politiques sahraouis, ont entamés le 13 avril une nouvelle grève de la faim à la prison locale de Salé (Maroc) pour exiger soit procès équitable, soit une libération immédiate et inconditionnelle. C’est la 9e grève de la faim de ces prisonniers, la plus longue ayant duré 41 jours. Ils sont emprisonnés illégalement depuis plus d’un an et demi et sans procès.

Le régime marocain a procédé à quelques libération de prisonniers politiques. il s’agit d’islamistes, de trois militants sahraouis (Ali Salem Tamek lui-même, Brahim Dahane et Ahmed Naciri), qui étaient détenus depuis le mois de septembre 2009 pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » et dont le jugement était en attente, d’un Le militant rifain des droits de l’homme, Chakib El Khyari, condamné à trois ans et détenu depuis 2009 pour « son implication présumée dans la perception d’une contrepartie pécuniaire en vue de concentrer sa campagne médiatique contre les trafiquants de drogue de Nador » et pour ne pas avoir déclaré à la douane 200 euros (sic), fruit de son travail comme fixer (accompagnateur de journalistes). Les prisons marocaines comptent encore des centaines de prisonniers politiques.

Sous prétexte de rechercher le meurtrier de la famille de colons d’Itamar, l’armée israélienne s’est livrée la semaine passée à des rafles massives de femmes dans le village d’Awarta, près de Naplouse, et à des raids sur plusieurs villages, détruisant des maisons palestiniennes, alors qu’aucun Palestinien n’a été mis en cause dans ce meurtre.

Des centaines de soldats israéliens ont investi le village d’Awarta dans la nuit de jeudi dernier, imposant un couvre-feu, perquisitionnant brutalement les maisons, et enlevant une centaine de femmes, dont de nombreuses personnes âgées. Sans aucune accusation, ces femmes ont été emmenées dans un camp militaire où les milices d’occupation ont pris leurs empreintes digitales et des échantillons d’ADN. Vingt femmes sont restées en garde à vue, soit un total de 75 à Awarta depuis l’attaque d’Itamar, sans que la moindre information disponible.

Le maire d’Awarta avait indiqué la semaine dernière que 80% des maisons dans le village ont été pillées par l’armée la plus morale du monde, et que 300 hommes et garçons avaient été enlevés, dont une quarantaine étaient encore en prison, alors qu’aucun d’entre eux n’a été inculpé d’un quelconque crime.

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Hier, des milliers de manifestants s’étaient rassemblés sur la place devant le palais de justice de Deraa, à cent kilomètres au sud de Damas. Les forces de sécurité en civil ont tenté de disperser la foule en tirant des grenades lacrymogènes, et ont immédiatement été la cible de jets de pierres. Elles ont répliqué par des tir des balles en caoutchouc et réelles. Trois manifestants ont été tués au cours de ces affrontements.

De tels rassemblements se sont déroulés dans plusieurs villes syriennes toute la journée d’hier. Partout, des tensions ont éclaté entre la population et les forces de l’ordre, mais personne n’a encore été en mesure de dénombrer le nombre de victimes.

Hier, les forces de l’ordre ont tiré sur des participants à une marche de contestation à Taëz, faisant des dizaines de blessés et au moins quinze morts. Les membres des forces de sécurité et de l’armée ont fait feu dès le départ du cortège, qui a malgré tout atteint sa destination finale, le bâtiment du siège du gouverneur de province. Les manifestants sont parvenus à entrer dans la cour, où ils ont été accueillis par de nouvelles salves de tirs d’hommes armés, dont certains étaient postés sur les toits. Selon le médecin qui dirige l’hôpital de campagne qui soigne les manifestants, le bilan de ce lundi devrait s’alourdir, vu le nombre de blessés graves.

A Sanaa, le sit-in en cours depuis le 21 février est encerclé depuis quelques jours par des militaires ralliés à l’opposition qui protègent le millier de manifestants qui campent sur la place. Hier, les soldats ont empêché l’assaut du camp par plus de 200 policiers qui tentaient encore une fois de disperser les protestataires.