Suite au référendum pour l’indépendance du Kurdistan Sud (irakien), l’escalade des tensions mène à ce que le pouvoir irakien tente de s’emparer des « zones disputées ». C’est à dire les zones kurdes qui ne font pas officiellement partie de la région autonome du Kurdistan, donc principalement la ville de Kirkouk. L’escalade a basculé ces dernières heures dans les premiers affrontements entre Kurdes et Irakiens. L’objectif de l’armée irakienne est de prendre le contrôle de trois puits de pétrole et de deux bases militaires, et à l’heure de publier cet article, plusieurs cibles ont effectivement été prises. Le jeu des alliances est profondément bouleversé : on retrouve d’un côté les HPG (guérillas du PKK) et les Peshmerguas qui n’ont pour l’heure pas formé d’alliance militaire malgré les demandes des premiers. De l’autre côté : l’armée irakienne et les Unités de Mobilisation Populaires (plus connues comme « milices chiites ») et leurs alliés iranien, turc et syrien.

Les informations sont floues pour l’instant et les différents médias kurdes distribuent des informations très différentes selon leurs couleurs politiques. Il semblerait dans tous les cas que certains peshmerguas (du PUK, Union Patriotique du Kurdistan) aient fuit la ville (des milliers d’habitants ont déjà pris la route vers l’intérieur du Kurdistan). Les HPG ont clairement pris les armes et appelé à former une force « entre les guérillas, les peshmerguas et la population ». Des manifestations ont défilé avec des drapeaux du PKK dans la ville. Des villageois furieux (ce n’est pas la première fois dans cette guerre que les peshmerguas fuient sans combattre) ont tiré sur des convois qui quittaient la ville en pensant qu’il s’agissait de déserteurs. La situation est donc pour l’heure très confuse.

La tension est palpable à Kirkouk. Crédit @jenanmoussa

La tension est palpable à Kirkouk. Crédit @jenanmoussa

Quatre militaires turcs ont été tués et quatre autres ont été blessés suite à l’attaque des guérilleros du PKK dans le district de Yuksekova, sous-préfecture de Hakkari. Les combattants kurdes ont faut sauter un IED installé en bord de route, lors du passage du véhicule militaire. Les blessés ont été transférés à l’hôpital de la ville de Yuksekova. Une vaste opération a été lancée par les forces de sécurité pour accrocher le commando du PKK.

Le transfert des blessés à l'hôpital de Yuksekova

Le transfert des blessés à l’hôpital de Yuksekova

Deux sous-officiers turcs (un sergent et un sergent-chef) et un fonctionnaire ont disparus au Kurdistan dans la nuit de samedi à dimanche. Ils auraient été capturé par la guérilla du PKK qui avait bloqué une route peu avant 22h près du village de Ziyaret (région de Lice et Diyarbakir). Leurs voitures ont été retrouvées vides sur cette route. Les forces de sécurité ont lancé une grande opération pour les retrouver.

Quatre soldats turcs ont été blessés et un autre tué dans des échanges de coups de feu qui se sont produits dans la zone de Kanimasi, dans la région irakienne frontalière de Dohuk. Les forces de sécurité affirment avoir tué trois guérilleros du PKK dans cet affrontement. D’autres combats ont eu lieu près du village de Güngören, dans le district de Doğubayazıt. Deux militaires turcs et deux miliciens anti-guérilla (« gardes de village ») ont été tués. Enfin, la TV de la guérilla kurde a produit une vidéo de l’attaque au mortier d’une base des forces de sécurité turques dans la province d’Hakkari (voir la video). On y voit de nombreux obus frapper la base et mettre le feu à un entrepôt contenant des véhicules.

Combattant·e·s du PKK (archives)

Combattant·e·s du PKK (archives)

Suite à la tenue d’un référendum pour l’indépendance du Kurdistan, une guerre froide a commencé entre la région autonome du Kurdistan Sud (dans le nord de l’Irak) et ses quatre voisins, Syrie, Turquie, Iran et Irak. La Turquie continue à augmenter le nombre de ses opérations militaires dans plusieurs zones du nord de l’Irak, des zones tenues par le PKK. Après plusieurs tentatives d’incursions terrestres, plus ou moins repoussées par la guérilla du PKK, des drones et des avions de chasse ont bombardé les montagnes du PKK.

Un petit résumé de la situation dans cette zone complexe (voyez notre page spéciale pour une explication plus profonde): le KRG (aussi dénommé Bashur ou Kurdistan Sud) est la région kurde quasi-autonome du nord de l’Irak. Il est largement administré par deux partis, le PDK (Clan Barzani, droite) et le PUK (Clan Talabani, gauche) au travers de ses forces armées, les Peshmergas. Plusieurs zones kurdes irakiennes sont toutefois sous le contrôle du PKK ou de guérillas qui lui sont affiliées, notamment la zone de Qandil frontalière de la Turquie (la « Zone de Défense Mède » où sont installés les QG du PKK depuis des décennies) et le Mont Shengal qui avait été abandonné à Daesh par les peshmergas et les forces irakiennes avant d’être secouru par le PKK qui a développé une force de guérilla indépendante, les YBS (Unités de Protection du Shengal). Le Mont Shengal est habité par les Yézidis, un peuple kurdophone que les islamistes ont régulièrement tenté de génocider à travers l’histoire. La ville de Kirkouk est à la frontière entre le KRG et l’Irak et ethniquement plus mixte (avec de fortes communautés turkmènes, arabes, chrétiennes). Le PKK a également une présence relative dans cette ville qu’il n’a pas dans les grandes villes du KRG.

Suite à des attaques de la part des « milices chiites » (Hachd al-Chaabi, Unités de Mobilisation Populaire, milices qui combattent au côté de l’armée irakienne) contre le Mont Shengal, le PKK a réaffirmé qu’il continuerait à protéger la zone et qu’il soutiendrait son autonomie.

Pour ce qui est de l’actualité des réactions frontalières au référendum pour l’indépendance du Kurdistan Sud: une interdiction de vols internationaux vient d’entrer en vigueur ce soir aux deux aéroports kurdes (Erbil et Soulemanyé). Ce qui veut dire qu’un étranger qui voudrait se rendre au Kurdistan en avion devrait faire escale à Baghdad et reprendre un avion de là. L’Irak serait également en train de planifier une prise de contrôle militaire des frontières du Kurdistan avec l’Iran, la Turquie et la Syrie. Côté iranien, des dizaines d’arrestations ont été rapportées, 27 selon Komala, contre des manifestants qui fêtaient la victoire du « Oui » au référendum.

Manifestation au Kurdistan Oriental (Iran)

Manifestation au Kurdistan Oriental (Iran)

Le mardi 26 septembre dernier, deux combattants du MKP/HKO (Parti Communiste Maoïste/Armée Populaire de Libération) ont été tués dans des affrontements avec l’armée turque près de la ville d’Ovacik dans le Dersim. Les deux guérilleros sont Özcan Öner et Cem Gürgül.

Les deux guérilleros tués, Özcan Öner et Cem Gürgül.

Les deux guérilleros tués, Özcan Öner et Cem Gürgül.

Dans quelques heures, le KRG (Gouvernement Régional Kurde, administration du Bashur, Kurdistan-Sud) annoncera officiellement les résultats du référendum qui a eu lieu ce lundi et qui a recueilli plus de 72% de participations. Comme annoncé précédemment, le référendum ne déclenche pas une déclaration unilatérale d’indépendance mais le KRG compte bien se servir des écrasants résultats pour peser dans les négociations avec Baghdad. Barzani, le président du KRG (membre du PDK, droite) a fait savoir aujourd’hui qu’il souhaitait ouvrir les négociations, suite à quoi Baghdad a voté le déploiement de forces armées irakiennes à Kirkouk pour « garantir l’unité constitutionnelle de l’Irak » ainsi que dans les 14 autres régions ethniquement mixtes (Kurdes, Arabes, Turkmènes, Chrétiens,…) dans lesquelles le référendum a eu lieu mais qui sont disputées par l’Irak. Baghdad donne au KRG jusqu’à vendredi 18h (heure locale) pour céder le contrôle de ses aéroports à Baghdad, « dans le but d’éviter un embargo aérien international ». Baghdad a officiellement demandé aux compagnies aériennes de cesser de desservir les aéroports kurdes (à Erbil et à Soulémanyé), et aux Peshmerguas (l’armée kurde irakienne) de se retirer de Kirkouk.

La Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie sont tous opposés à l’indépendance du Kurdistan Sud. Les trois premiers pourraient prendre des mesures d’embargo assez rapidement (c’est déjà le cas pour l’Iran). La question du référendum n’a pas manqué de provoqué des réactions nuancées au sein de la gauche kurde: le PKK et le PYD sont pour le référendum en tant que processus démocratique mais voient la volonté du Clan Barzani de se saisir du pouvoir. Salih Muslim, président du PYD (Parti de l’Union Démocratique, la branche politique des YPG, proche du PKK) a fait savoir aujourd’hui que les « YPG sont les unités de protection de tous les Kurdes » et qu’ils étaient prêts à venir en aide au peuple du Kurdistan Sud en cas d’agression étrangère. Il a également fait savoir que les postes frontière (principalement Semalka) entre le Rojava et le Bashur seraient ouverts pour permettre à la population du Kurdistan-Sud de s’abriter en cas d’attaque.

Le parlement irakien autorise le président Abadi à déployer des troupes à Kirkouk.

Le parlement irakien autorise le président Abadi à déployer des troupes à Kirkouk.

Près de 5 millions de Kurdes et d’habitants du Bashur étaient appelés ce 25 septembre à se prononcer pour ou contre l’indépendance du Kurdistan-Sud du reste de l’Irak. Les résultats sont connus d’avance, un référendum informel avait déjà donné près de 99% de voix au « Oui » il y a quelques années et les premiers résultats vont également dans le sens d’une victoire massive du « Oui ». Les bureaux de vote ont fermés aux alentours de 18h (heure belge). Au Kurdistan irakien même des célébrations ont lieu dans les deux grandes villes: Hewler (Erbil) et Soulemanyé, respectivement fiefs du Parti Démocrate du Kurdistan (droite, clan Barzani) et de l’Union Patriotique du Kurdistan (gauche, clan Talabani). Dans la ville plus au sud de Kirkouk, beaucoup plus ethniquement mixte que Hewler et Soulemanyé, les célébrations ont d’avance été interdites par les autorités kurdes les « convois » de voiture ornées de drapeaux kurdes qui défilent habituellement lors des célébrations et les tirs d’armes à feu en l’air sont « déconseillés ». Le pouvoir kurde irakien prévoyant d’avance des affrontements avec les factions turkmènes et arabes. Au front de Tuz Khurmatu (au sud de Kirkouk), un membre des Hashid al-Shaabi (Forces de Mobilisation Populaires, habituellement appelées dans les médias « Milices chiites ») a ouvert le feu sur un groupe de peshmergas (armée kurde irakienne) qui venaient d’aller voter à Kirkouk, tuant l’un d’entre eux. La chaîne de télévision NRT (proche du PUK, à gauche du PDK donc) a reçu une interdiction d’émettre pour la journée: même si le PUK a appelé à voter « Oui » au référendum, les positions sont plus nuancées sur l’avenir du Kurdistan.

Les trois voisins du Kurdistan irakien: l’Irak, l’Iran et la Turquie sont tous trois très opposés à la tenue du référendum et ont tenté jusqu’à la dernière minute de le faire annuler. Des avions de guerre iraniens ont d’ailleurs survolé la région kurde ces derniers jours, allant jusqu’à ouvrir le feu aux alentours d’Hewler. Côté turc, Erdogan a fait des déclarations très menaçantes vis à vis du Kurdistan irakien, habituellement allié diplomatique. Des chars d’assaut turcs ont été postés à la frontière et la chaîne de télévision Rudaw (la télé du PDK cette fois) a été retirée de l’offre de télévision satellite turque. Les opérations militaires turques avaient déjà été multipliées ces derniers jours en démonstration de force. Côté irakien, on craint des affrontements sporadiques avec des forces de guerre irakiennes ou alliées de l’Irak (comme Hashid al-Shaabi).

Dans les quatre parties du Kurdistan, des milliers de Kurdes sont descendus dans la rue pour célébrer d’avance les résultats de ce référendum au risque d’être lourdement réprimées dans le cas du Rojhilat (Kurdistan oriental, Iran) et du Bakûr (Kurdistan nord, Turquie). Comme cela a déjà été annoncé: les résultats du référendum ne déclencheront pas systématiquement une déclaration d’indépendance de la part du Kurdistan-Sud mais ils doivent servir de poids pour peser dans la balance de futures négociations avec l’Irak de Baghdad. Le Kurdistan-Sud était d’ailleurs totalement isolé diplomatiquement puisqu’aucun pays ne veut à priori reconnaître le nouvel état kurde, à l’exception notable d’Israel.

Un bulletin de vote

Un bulletin de vote

Alors que la ville de Raqqa n’est pas encore entièrement libérée (80% de la ville contrôlée par les Forces Démocratiques Syriennes), tous les enjeux de la Guerre de Syrie se sont désormais déplacés vers le l’est du pays, à Deir-Ezzor. Depuis le début de la guerre, cette ville a su résister à l’invasion de l’Etat Islamique au beau milieu de la zone d’influence du ‘Califat’. C’est l’Armée Syrienne Arabe (celle du régime donc) qui a mené cette résistance depuis le début de la guerre. La bataille de Raqqa avait déjà été l’enjeu d’une course entre les forces du régime et les Forces Démocratiques Syriennes (QSD), les premières ont ainsi libéré de Daesh le sud et une partie de l’est de la zone environnant la ville alors que les secondes ont pris la ville en elle-même. Le gros des troupes de Daesh avait déjà pris la fuite vers la région de Deir-Ezzor. Ainsi les enjeux autour de Deir-Ezzor sont multiples: le désenclavement de la ville pour le régime syrien, l’extension de la Fédération du Nord de la Syrie (nom administratif des zones libérées par les QSD) à toute la zone à l’est de l’Euphrate et jusqu’à la frontière irakienne (ce qui offrirait aux QSD une frontière avec l’Irak de Baghdad) et pour les deux forces: l’affaiblissement de Daesh en Syrie. La situation est tendue entre les forces du régime et les QSD, un bombardement russe (allié du régime) a touché le 16 septembre une position des QSD faisant plusieurs blessés.

De l’autre côté de la frontière, le référendum pour l’indépendance du Kurdistan irakien qui aura lieu le 25 septembre va également influencer le nouveau jeu d’alliance qui se dessine dans la région: Daesh est virtuellement battu en Syrie et à présent plus faible qu’Al Qaeda, les relations diplomatiques du Kurdistan Irakien de Barzani avec la Turquie sont amochées par le référendum et la multiplication des opérations militaires turques dans la région kurde irakienne, les USA pourraient également lever le pied après la reprise totale de Raqqa, la relation entre l’Irak de Baghdad et le Kurdistan irakien va probablement s’envenimer alors qu’une frontière entre le Rojava et l’Irak de Baghdad pourrait exister dans un avenir proche.

Cliquer sur la carte pour aller sur la carte interactive.

Situation en Syrie au 17 septembre 2017

Situation en Syrie au 17 septembre 2017

Après 52 jours de détention, Loup Bureau vient d’être libéré. Ce journaliste français, étudiant à l’IHECS (haute école belge) avait été arrêté car la police turque avait trouvé sur lui des photos où on le voyait en compagnie de combattants YPG (les Unités de Protection du Peuple qui combattent Daesh au Rojava). Il sera expulsé demain vers Paris.

solidarité avec Loup Bureau

solidarité avec Loup Bureau

Une manifestation a réclamé à Paris, hier samedi 9 septembre, la libération du dirigeant kurde Abdullah Öcalan, ainsi que celle de tous les prisonniers politiques en Turquie. Arrêté en 1999 par la Turquie et emprisonné sur l’île-prison d’Imrali, Abdullah Öcalan est détenu en isolement total depuis le 5 avril 2015, plus de deux ans. Depuis plus de deux ans, hormis son frère qui a été autorisé à lui rendre visite une fois, personne n’a pu le rencontrer ou lui parler. les manifestants demandaient aussi la libération de tous les prisonniers politiques, notamment les députés du HDP, et les maires kurdes arrêtés au cours des derniers mois en Turquie.

La tête du cortège hier à Paris

La tête du cortège hier à Paris