Le 7 novembre, l’armée turque a une nouvelle fois bombardé deux régions sous contrôle du PKK. Selon les villageois, ainsi que la HPG (Forces de Défense du Peuple), branche armée du PKK, l’artillerie turque a cette fois utilisé des bombes à sous-munitions. Alors qu’il semble de plus en plus évident que les forces turques aient fait usage d’armes chimiques lors de la dernière offensive aérienne dans la région, l’utilisation de ces armes démontré à nouveau la volonté des autorités turques d’intensifier la contre-guérilla. 5 à 45% des sous-munitions n’explosent pas à l’impact et se transforment de ce fait en mines anti-personnelles.

Bombe à sous-munitions

Bombe à sous-munitions

Durant cinq jours à la fin du mois d’octobre, la Turquie a mené une vaste offensive militaire contre les bases du PKK à la frontière turco-irakienne. Celle-ci s’est déroulée grâce au concours de milliers de soldats et de forces spéciales. Les combattants qui ont pu s’en sortir et rejoindre leurs bases affirment que l’armée a utilisé des armes chimiques durant son intervention. Une délégation, composée notamment de membres du parti pro-kurde BDP a visité la morgue de Malatya où se trouvent les corps, et a déclaré que ceux-ci étaient mutilés et entièrement brûlés. Suite aux témoignages requis, le HPG, la branche armée du PKK, a affirmé: ‘Nous avons constaté que des bombes au napalm ont été intensivement utilisées dans les bombardements effectués par des avions, des hélicoptères de type Cobra, des tanks et des artilleries. Nous avons également constaté des traces d’armes chimiques’. Ce n’est pas la première fois que les autorités turques font usage de ce type d’armes. D’après certaines sources, 437 guérilleros auraient été tués par des armes chimiques de l’armée turque depuis 1994.

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Note 8 mai 2016: La page des Amitiés Kurdes de Bretagne est très complète.
Note 15 décembre 2016: Ajout du dossier « Que sont « l’Armée Syrienne Libre » et la rébellion syrienne ? »

L’actualité de la répression et de la contre-répression étant particulièrement riche au Kurdistan ces derniers mois, il peut-être utile de situer quelques détails pour les personnes qui arrivent en cour de route ou pour ne pas se perdre dans le déluge d’abréviations qu’apporte une scène politique aussi active que celle-là.

Nous avons l’habitude d’utiliser sur notre site un ‘glossaire’ qui permet de passer sa souris au-dessus d’un terme pour obtenir plus d’informations. En plus de celui-ci, cette page rassemblera la plupart des expressions courantes et permettra de les situer entre-elles. Voici donc quelques notes pour mieux comprendre la situation au Kurdistan.

I. Géographie: Rojava, Rojhilat, Bakuré, Basuré
Le Kurdistan est actuellement séparé sur les quatre pays qu’il recouvre. Sur environ 40-45 millions de Kurdes dans le monde, 25-30 millions sont répartis dans ces quatre pays: la Turquie (12-15 millions), l’Iran (6-9 millions), l’Irak (5-7 millions) et la Syrie (2-3 millions).

Carte du Kurdistan.

1. Le Bakuré: La partie turque du Kurdistan (en kurde Bakûrê Kurdistan pour ‘Kurdistan du Nord’) reprend la majeure partie de la population kurde (15 millions, soit 18% de la population turque). Elle abrite également la principale organisation kurde, le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan) qui contrôle via sa guérilla une partie du Nord-Kurdistan. La Turquie est très farouchement opposée au projet kurde, ou même à concéder certains droits élémentaires (l’enseignement en langue kurde par exemple), il n’y a donc pas un début de reconnaissance comme on peut le voir à divers niveaux dans les trois autres régions.

Votes pour le principal parti kurde légal en 2011.

On parle souvent indistinctement du PKK pour désigner d’autres organisations qui en sont proches ou qui n’en sont que des parties.

HPG : Force de Défense du Peuple. Branche armée.
YJA-Star : Unités des Femmes Libres. Branche armée des femmes.
PAJK : Parti des Femmes Libres du Kurdistan. Organisation politique des femmes.
YPS : Unités de Protection Civile.
YDG-H: Mouvement de la Jeunesse Révolutionnaire Patriotique. C’est une organisation de jeunesse armée proche de l’idéologie apoïste. De fait, il s’est produit que les HPG étaient une « guérilla de campagne » et la YDG-H une guérilla de ville.

HDP : Parti Démocratique des Peuples. C’est un parti légal qui se présente aux élections. Le HDP est un front regroupant de nombreuses organisations révolutionnaires en Turquie, dont certaines ont des structures clandestines. Le HDP n’est pas un parti kurde mais il prend régulièrement la défense du PKK ou de son pendant syrien.
DBP : Parti Démocratique des Régions. Le DBP succède au BDP qui succède lui-même au DTP. Le DBP est au Nord-Kurdistan ce que le HDP est à la Turquie. HDP et BDP agissent comme des organisations soeurs. A l’occasion des élections de 2015, le HDP et le BDP fusionnent dans les urnes et présentent une seule liste ‘HDP’ pour toute la Turquie (mêmes si elles existent encore distinctement).
HDK: Congrès Démocratique des Peuples. Mouvement plus large que le HDP. Le HDP est la branche politique du HDK.

Notons également les noms d’autres organisations révolutionnaires turques:
MLKP: Parti Communiste Marxiste-Léniniste.
DHKP-C: Parti-Front Révolutionnaire pour la Libération du Peuple.
TKP-ML: Parti Communiste Turc – Marxiste-Léniniste. Sa branche armée est le Tikko.
MKP : Parti Communiste Maoïste.
MLSPB : Union Marxiste-Léniniste pour la Propagande Armée.
DAF: Action Révolutionnaire Anarchiste.

Drapeau du PKK.

2. Le Rojava : Le Kurdistan Occidental
Le Rojava (‘ouest’ en kurde) est une région de facto autonome depuis novembre 2013. Il abrite 2,2 millions de Kurdes, représentant 10% de la population syrienne. Le Rojava reprend tout le nord de la Syrie et est composé de trois cantons : Afrin (à l’ouest), Kobané (au centre) et Ciziré (dit aussi Jazira, à l’est). Le mouvement qui contrôle le Rojava est le PYD (Parti de l’Union Démocratique), une organisation soeur du PKK.

La situation en janvier 2016

A l’heure actuelle, il ne reste qu’une bande de territoire de 100km le long de la frontière turque, entre les villes de Jarabulus (sur la rive de l’Euphrate opposée à celle de Kobané) et de Mare, qui sont toujours sous occupation islamiste et qui sépare le canton d’Afrin du reste du Rojava.

Cette bande est à l’heure actuelle sous le contrôle partagé de l’Etat Islamique, du Front al-Nusra et du Front Islamique. La Turquie protège les islamistes depuis l’autre coté de la frontière en mitraillant toute tentative de traverser l’Euphrate de la part des forces kurdes. La Turquie a d’ailleurs mis en garde le PYD que la traversée de l’Euphrate constituerait une “ligne rouge” qui entraînerait une riposte. Cette ligne rouge a été franchie par les YPG le 26 décembre 2015 lorsqu’ils ont pris le Barrage de Tichrin à l’Etat Islamique.

La prise du Barrage de Tichrin (qui suivait celle de Howl à la frontière irako-syrienne, à l’ouest de Shengal) constituait un tournant dans la stratégie des YPG. Ils inauguraient la coalition récemment formée des “Forces Démocratiques Syriennes” (QSD), une alliance multi-ethnique (kurde, arabe, turkmène, assyrienne,…) démocrate et anti-islamiste. Les YPG refusant de se comporter comme une “armée d’occupation kurde“, cette alliance leur permet de libérer les villes “non-kurdes”. La prise du Barrage est également l’entrée des forces kurdes dans la province d’Alep.

L’objectif affiché des forces kurdes est donc la prise de Jarabulus par le sud, évitant les tirs de l’armée turque, permettant l’unification du Rojava et coupant la voie à l’aide que la Turquie apporte à l’Etat Islamique.

Voire la carte en haute-définition.

Situation au Rojava au 6 janvier 2016

Organisations liées au PYD:
YPG: Unités de Protection du Peuple. Branche armée.
YPJ: Unités de Protection des Femmes. Branche armée des femmes.
Asayîş : C’est le mot kurde pour ‘sécurité’ c’est la ‘police’ du Rojava.
Brigades Burkan el Firat : (ou Burkan al Furat) “Volcans de l’Euphrate”, brigade unifiée de combattants FSA et YPG. Remplacée par les QSD.
IFB : Brigade Internationale de Libération (ou Bataillion International de la Liberté). Ce sont les Brigades Internationales, créées à l’initiative du MLKP dans un esprit similaires aux brigades éponymes de la guerre d’Espagne. L’IFB regroupe de nombreuses organisations marxistes-léninistes, maoïstes, hoxhaïstes et anarchistes de nombreux pays (Turquie, Europe, Etats-Unis,…). Le Secours Rouge fait campagne pour envoyer des équipements médicaux à ce Bataillon, voyez la page dédiée.
BOG : Forces Unies pour la Liberté (UFF, United Freedom Forces). C’est l’une des forces intégrée dans l’IFB. Ces forces regroupent les combattants des organisations qui n’ont pas de branche armée propre, notamment les anarchistes turcs, les européens et plusieurs groupes communistes turcs.
MFS : Conseil Militaire Syriaque. Groupe Syriaque/Assyrien/Chrétien, pro-YPG.
QSD : Fondée au milieu du mois d’octobre 2015, les Forces Démocratiques Syriennes (désignées comme SDF ou QSD) sont une alliance regroupant une quarantaine de groupes armés actifs dans le Rojava et dans le nord de la Syrie. L’alliance est multi-ethnique (Kurdes, Arabes, Turkmènes, Circassiens,…) et anti-islamiste. Les plus gros groupes composants l’alliance sont les YPG/YPJ (revendiquant 50.000 combattants) et le Jaysh al-Thuwar (Armée des Révolutionnaires, revendiquant 5.000 combattants).
TEV-DEM: « Mouvement pour une société démocratique », le gouvernement du Rojava.

Forces Démocratiques Syriennes

Groupes armés défendant le Rojava.

Organisations majeures de la guerre civile en Syrie:

ASL: Voir notre dossier « Que sont « l’Armée Syrienne Libre » et la rébellion syrienne ? »
ASA : Armée Syrienne Arabe. Ce sont les forces loyales au régime de Bashar al-Assad, l’armée officielle. Le PYD et le régime s’affrontent rarement, et lorsque cela se produit, c’est souvent “par accident”.
EI : Etat Islamique (également désigné par EIIL, ISIS, IS, DAESH). Malheureusement, il n’y a plus besoin de les présenter.
Front al-Nosra : Aussi connu comme al-Nusra ou Jabhat al-Nosra. Salafistes brièvement affilié à l’EI, ils sont à présent la succursale d’al-Qaïda en Syrie. Leur territoire (morcelé) se limite au nord-ouest du pays.

Ce diagramme -qui n’a pas été créé par le SR et ne reflète pas ses positions- peut donner une idée de la composition de l’Armée Syrienne Libre. Comme on peut le voir, la FSA est plus un nom générique donné à de nombreuses factions qui combattent le régime et ne reflète aucune forme d’unité.

Armée Syrienne Libre

Drapeau du PYD.

3. Le Kurdistan du Sud
C’est la partie irakienne du Kurdistan, elle est politiquement singulière à plusieurs niveaux. Le Kurdistan Sud est la seule des 4 parties qui dispose d’une quasi-autonomie. Il est gouverné par le KRG (Gouvernement Régional Kurde) et pourrait probablement devenir un état indépendant dans les prochaines années selon la tournure que prendra la guerre en Irak.

Le Kurdistan du Sud a un parlement, un président, une armée officielle… Son président est Massoud Barzani, du PDK (aussi appelé KDP), le Parti Démocrate du Kurdistan. Le PDK est un parti libéral et bourgeois.
Malgré qu’il règne sur un territoire pratiquement indépendant, le PDK n’a pas l’hégémonie sur le territoire. De nombreuses troupes du PKK sont stationnées en Irak, troupes qui sont naturellement présentes près de la frontière turque, mais également dans la chaîne montagneuse du Sinjar (aussi appelé Shengal) et dans l’est (près de la frontière iranienne, dans les montagnes de Qandil). Les zones contrôlées sont souvent désignées comme “Medya Defense Zones”.

A l’heure actuelle, il n’y a pas encore eu de conflit ouvert (armé) entre le PKK et le PDK, mais le PDK voit d’un mauvais oeil la présence de la guérilla sur ‘son’ sol. Le PDK est également en très bon termes avec les gouvernements états-unien et turc, ce qui n’arrange rien à l’affaire.

Notons également que le PDK contrôle la frontière à Sêmalka, un checkpoint important par lequel les combattants des YPG/YPJ qui sont morts au combat sont exfiltrés vers le Nord-Kurdistan pour y être enterrés. Le PDK empêche à présent ces cortèges funéraires de passer, sur demande de la Turquie.

Camps du PKK en Irak bombardés par la Turquie, juillet 2015.

Les organisations politiques du Kurdistan irakien.
PUK : Parti de l’Union Patriotique. C’est un parti de droite. Le parti Change (Gorran) en est une scission.
PÇDK : Parti pour une Solution Démocratique du Kurdistan (aussi connu domme KDSP). C’est l’organisation soeur du PKK en Irak.
Peshmerga : Les Peshmergas sont souvent confondus dans la presse bourgeoise avec les YPG. En kurde, ‘peshmerga’ veut dire ‘celui qui affronte la mort’. C’est à la base une formule pour désigner les combattants kurdes, mais à présent c’est le nom de l’armée officielle du Kurdistan Sud, et donc le bras armé du PDK.
YPS : Unités de Protection du Sinjar. C’est une organisation armée commandée par le PKK. Elle a été créée suite à l’opération de sauvetage de 200.000 Yézidis (abandonnés par les Peshmergas) par le PKK-PYD. Les Yézidis étaient pourchassés par les troupes de l’EI et ont été massacrés et kidnappés par milliers. Le Yézidisme est une religion kurde très ancienne, régulièrement persécutée à travers l’histoire.

Drapeau du PÇDK.

4. Le Rojhilat, le Kurdistan de l’Est : C’est la partie iranienne du Kurdistan (rojhilat veut dire ‘Est’ en kurde). Elle abrite 10% de la population kurde (13% de la population iranienne). Il faut noter qu’il existe une région iranienne qui s’appelle officiellement ‘Kurdistan’ qui est l’une des 4 régions iraniennes constituant le Rojhilat (la seconde en partant du haut sur la carte suivante).

Le Kurdistan iranien en vert.

PJAK : Parti pour une Vie Libre au Kurdistan. Organisation soeur du PKK en Iran.
KJAR : Société des Femmes Libres du Kurdistan Oriental. Mouvement des Femmes.
YRK : Unités de Défense du Rojhilat. La branche armée.
HPJ : Force de Protection des Femmes. La branche armée des femmes.
KODAR: Société Libre et Démocratique du Kurdistan de l’Est. Organisation politique faisant la promotion de l’idéologie d’Apo, le confédéralisme démocratique.
Komala: Comité des Révolutionnaires du Kurdistan Iranien. Organisation marxiste-léniniste créée en 1969 et ayant lutté contre le Shas et contre la république islamique avec une grande guérilla.
PDKI: Parti Démocratique du Kurdistan Iranien (également appelé KDPI). Parti social-démocrate. N’est pas lié au PJAK.

Drapeau du PJAK.

II. Organisations transrégionales kurdes

KCK: Groupe des Communautés du Kurdistan (anciennement KKK). Souvent défini comme le ‘parapluie’ qui regroupe les 4 partis (PKK, PYD, PÇDK, PJAK), le HPG et d’autres organisations.
KONGRA GEL: Congrès des Peuples du Kurdistan (anciennement KADEK). Organe éxécutif du KCK. Parlement exilé.
KNK: Congrès National du Kurdistan. Organisation qui regroupe à peu près tous les partis kurdes existants.

Cet organigramme reprend la plupart des organisations kurdes. Voir en grand.

Organisations kurdes

Camps du PKK en Irak bombardés par la Turquie, juillet 2015.
Carte du Kurdistan.
Votes pour le principal parti kurde légal en 2011.
Drapeau du PKK.
Situation au Rojava au 6 janvier 2016
Forces Démocratiques Syriennes
Groupes armés défendant le Rojava.
Armée Syrienne Libre
Drapeau du PYD.
Drapeau du PÇDK.
Le Kurdistan iranien en vert.
Drapeau du PJAK.