La tension augmente en Inde dans la perspective des élections. Lors de chaque période électorale, les forces policières et paramilitaires sont déployées et encasernées dans un dispositif pris à partie par la guérilla maoïste. Les bâtiments servant de casernement font l’objet ces dernières semaines d’attaques à l’explosif ou à l’engin incendiaire. C’est ainsi qu’une soixantaine de guérilleros maoïstes ont détruit un siège gouvernemental à Kharakpur, dans le Bihar, dans la nuit de mardi à mercredi. Mardi, d’autres guérillero ont fait sauter un établissement scolaire à Manjiladih, dans le Jharkhand. Les maoïstes ont aussi collé des affiches dans la zone appelant à un boycott du processus électoral qui commence ce mercredi dans la région.

Le gouvernement du district du Bengale a annoncé aujourd’hui qu’il allait offrir des primes importantes au personnel de la police qui oeuvre dans les zones occupées par les maoïstes. Ce nouvel attrait pour la fonction devrait permettre aux autorités de continuer à renforcer les forces de sécurité, sans quoi la situation deviendra difficile à gérer, selon un ministre du gouvernement.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, les maoïstes ont fait explosé les rails de la ligne ferroviaire reliant deux villes de l’est du Jharkhand, entraînant le déraillement du train de passagers de la soirée. Cet incident s’est déroulé au même moment que l’appel des maoïstes à une nouvelle grève de 24 heures dans le district. Ces derniers jours, les actions et manifestations se multiplient pour protester contre la répression policière ainsi que pour réclamer la libération d’un leader révolutionnaire, arrêté cette semaine par les forces de sécurité.

Les forces de police indiennes ont annoncé qu’elles allaient bientôt utiliser des drônes afin de débusquer les guérilleros maoïstes. Ces drônes ont pour objectif de suivre de près leurs mouvements et d’aider les troupes à terre afin que leurs attaques soient plus précises. Ces drônes disposent de caméras embarquées et sont équipés de dispositifs de collectes de données et de vidéos.

Les forces de contre-guérilla ont mené une opération de trois jours dans quatre districts du Karnataka dans le but de ‘comprendre le terrain d’action des maoïstes’, et ‘d’établir des contacts forts entre le peuple et la police’, ce qui risque d’être ardu, au vu des événements récents. 36 groupes de 25 policiers se sont déployés dans les forêts de la région. Ils disposaient de tout le ravitaillement nécessaire pour y rester durant ces trois jours. Ils ont fouillé chaque maison et contrôlé tous les véhicules aux check-points. Des opérations similaires seront mises en place des manière régulière afin d’assurer l’élément de surprise.

Le bandh (grève générale) de 72 heures appelé par le Comité Populaire contre les atrocités de la police (PCPA) a conduit à la cessation de toute activité dans Jhargram (Bengale occidental, district Midnapore), où les magasins, les écoles et les transports ont cessé leurs activités pour protester contre la répression policière.

Au moins trois paramilitaires, dont un officier, ont été tué dans la destruction de leur véhicule par une charge explosive placée sur le côté de la route et déclenchée par les guerilleros maoïstes dans le Malkangiri, dans le sud d’Orissa. Cette attaque est la troisième de la guérilla dans le Malkangiri en quelques jours. Ils ont aussi détruit une maison réservée aux invités d’une entreprise sidérurgique et un pont.

Hier lundi, des fusillades ont eu lieu entre maoïstes et forces de sécurité à trois endroits du district de Midnapore. Elles auraient duré entre trois et quatre heures, mais les lieux exacts de leur déroulement ainsi que leurs conséquences ne sont pour l’instant pas connus. Le gouvernement s’est empressé d’annoncer que 3.500 nouveaux agents de police ont été nommés à travers le pays. Ces forces seront déployées dans la zone de Jangalmahah, mais également à nouveau dans des zones civiles.

Ce mardi, sept guérilleros maoïstes ont été tués lors d’une fusillade avec les forces de sécurité dans le district de Dantewada. Selon la police, une des victimes aurait été identifiée comme étant Nandu, commandant d’une section militaire des maoïstes. Sur le lieux du combat, les forces de sécurité auraient récupéré deux fusils .303, un revolver, une arme automatique ainsi que des explosifs.

Quatre paramilitaires ‘jawans‘ de l’Eastern Frontier Rifle (EFR)ont été tué dans un assaut surprise tandis qu’ils patrouillaient près du bazar Gidhni dans la subdivision Jhargram du Midnapore occidental, tard dans la nuit de dimanche à lundi. L’attaque est survenue quelques heures après que le Premier ministre du Bengale, Buddhadeb Bhattacharjee, ait juré de combattre l’insurrection maoïste dans l’Etat. Bhattacharjee a exclu tout pourparler avec les maoïstes dans la région, et a affirmé qu’une opération serait bientôt lancée. Le dirigeant maoïste Koteshar Rao Kishanji a revendiqué l’exécution des quatre paramilitaires. ‘Nous avons abattus quatre jawans parce qu’ils avaient torturé d’innocents écoliers qui avaient manifesté dans le secteur samedi, en exigeant que les forces répressives quittent les institutions éducatives‘.

La vaste opération contre les bases de la guérilla maoïste a repris la semaine dernière dans le district de Gadchiroli, largement occupé par les naxalites. 18 compagnies des forces paramilitaires centrales (CPMF – Companies of Central Paramilitary Forces) ont été déployées dans les zones identifiées pour l’offensive à la jonction triangulaire des districts Maharashtra-Andhra Pradesh-Chhattisgarh. Les commandos CPMF ont commencé leurs recherches en coopération avec les forces de sécurité des zones concernées. Les 1.800 hommes sont arrivés sur place mercredi dernier et se sont positionnés pour leur déploiement.

L’Opération Green Hunt est définie par les autorités comme étant à l’opposé total de l’Opération Lalgargh (photo), qui s’était soldée il y a peu par un cinglant échec des forces de sécurité. L’objectif officiel est de pénétrer les zones occupées afin de les ‘nettoyer’ et de les maintenir pour que d’autres agences gouvernementales puissent commencer un travail de ré-implantation des instances de l’Etat. Les autorités prévoient une opération de deux ans, laps de temps nécessaire afin de convaincre ‘le coeur et l’esprit du peuple’. Chaque commando CPMF a d’ores et déjà entamé les recherches visant les maoïstes en collaboration avec les SAG (Special Action Group) et des équipes d’action spéciales anti-naxalites de l’agence de sécurité de l’Etat. Les compagnies CoBRA (Commando Battalion for Resolute Action) pourraient être appelées en renfort. La perspective d’un déploiement d’hélicoptères pour les opérations de secours des troupes est également évoquée.

Opération Lalgargh

Opération Lalgargh

Le premier volet de l’opération Green Hunt annoncée par le gouvernement indien et présentée comme une gigantesque action contre la guérilla s’est déroulée, comme prévu, à la fin de du mois de septembre. Une équipe d’enquête s’est rendue dans les villages où sont passées les forces de sécurité afin de se rendre compte de ce qui s’est réellement passé sur place, notamment le 17 septembre et le 1 octobre.

Le fait que durant ces deux jours, les forces de l’ordre ont effectué des saccages impressionnants, ont tué, pillé et brûlé des maisons est l’autre face de cette opération ‘Green Hunt’, face cachée à l’opinion publique par le gouvernement. L’équipe, à qui les camps de police situés sur la route menant à ces villages a longtemps refusé la permission de passage a finalement pu se rendre à Nendra (un village réhabilité). Elle a pu y rencontrer des témoins et des victimes de plusieurs villages pris d’assaut. Son rapport constitue un recueil de faits:

Le 17 septembre, six villageois ont été assassinés par les forces de sécurité à Gachanpalli, après avoir été torturés, parfois devant témoins. Toutes les maisons ont été pillées, détruites puis brûlées. Les familles se sont réfugiées dans la forêt ou se sont abritées chez des parents. Un jeune homme de Singanpalli, parti travailler le matin du 17 a disparu. Deux jours plus tard, un habitant d’un village voisin informait la famille que le garçon avait été tué par balle par les forces de sécurité et que son corps avait été brûlé. Un vieillard faisait paître son bétail le même jour. Il a été capturé, battu et traîné dans le village. Les forces de sécurité l’ont pendu à un arbre, au-dessus d’une bassine d’huile bouillante dans laquelle elles l’ont lâché la tête la première. Après l’en avoir sorti, elles l’ont aspergé d’eau, entraînant de graves brûlures. Six villageois, dont trois femmes, ont été attachés et exhibés dans les villages traversés par les forces de sécurité. Toutes les familles touchées par les massacres, les tortures et dont les maisons ont été brûlées ont fui leur village et se sont réfugiées dans la forêt. Les conditions de ceux qui sont restés ne sont pas meilleures, les villages entiers ayant été terrorisés par les forces de l’ordre.

L’opération du 1er octobre s’est soldée par le meurtre par les force de sécurité de neuf villageois à Gompad. Leurs corps ont été abandonnés sur place. Lorsque les membres des familles ont souhaité récupérer les corps, on leur a signifié que les ‘naxalites’ les avaient emportés. L’équipe d’enquête a recensé pas moins de dix meurtres pour la date du 1er octobre, mais craint qu’il n’y en ai eu beaucoup d’autres, car de nombreux villages n’ont pu être contactés. Dix jeunes hommes ont également été enlevés ce jour-là et se trouvent actuellement en prison. Le 1er octobre a également été le théâtre de nombreux pillages, destructions d’habitations, essentiellement incendiées. Des témoins rapportent de nombreux cas de harcèlement de la part des forces de sécurité.

L’équipe d’enquête n’a pu rencontrer que quelques villageois et témoins, ce qui laisse supposer que l’ampleur des faits perpétrés par les forces de sécurité est beaucoup plus grande, que ce soit pour le nombre d’assassinats que pour les cas de tortures et de détentions. Ce qui est clair, c’est que les opérations conduites par les forces de sécurité ont forcé les villageois à la fuite. Le gouvernement, sous le couvert du combat contre les maoïstes, laisse libre court aux forces paramilitaires meurtrières.

Un nouveau volet de l’opération Green Hunt devrait débuter en novembre, il sera coordonné depuis New Delhi et impliquera des dizaines de milliers de paramilitaires. Ce seront les forces de sécurité régionales qui constitueront les premières lignes de l’opération. Le déploiement de gardes frontières d’élite ainsi que l’apport d’un appui logistique et d’importante ressources ont été promis par le gouvernement central. Cette action permettrait de redonner confiance aux États engagés depuis des années dans une lutte anti-insurrectionnelle qui s’avère impuissante.

Villageois victime de la contre-guérilla

Villageois victime de la contre-guérilla