Alors que plus de 2 600 policiers et gendarmes continuent à quadriller la Kanaky (voir notre article), un premier bilan de la répression peut être dressé un an après le soulèvement. Selon les chiffres officiels, plus 3 700 interpellations ont été recensées entre mai 2024 et décembre 2024. L’Observatoire international des prisons, OIP, a dressé le bilan judiciaire fin avril 2025 : 502 défèrements, 650 convocations différées devant la justice, 243 incarcérations, 520 mesures alternatives et 600 classes sans suite. Plusieurs figures du mouvement indépendantiste sont arrêtées, dont Christian Tein, porte-parole de la CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain). Il est incarcéré sur l’Hexagone, au centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach (Haut-Rhin) depuis juin 2024, tout comme plusieurs de ses proches, accusés d’avoir organisé ou soutenu les émeutes.  Le mardi 8 avril 2025, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de Christian Tein qui contestait son placement en détention provisoire en métropole (voir notre article). Enfin, depuis mai 2024, dix-sept arrêtés successifs ont été pris pour interdire les rassemblements.

C’est un dispositif sécuritaire exceptionnel qui a été mis en place ce 13 mai en Kanaky pour l’anniversaire du début du soulèvement de mai 2024. Un arrêté a été publié pour interdire les manifestations sur Nouméa à compter du jeudi 8 mai et jusqu’au 15 mai. Au total, 2 094 gendarmes sont engagés dans la sécurité du territoire jour et nuit. 10 escadrons de gendarmerie mobile travaillent donc en complémentarité avec 500 policiers, ainsi que 60 renforts dont 10 policiers du RAID venus appuyer les équipes locales. La ville de Nouméa a été divisée en zones, les horaires des patrouilles ont été adaptés.  Les 16 blindés Centaure de la gendarmerie sont tous engagés sur le Grand Nouméa depuis le 8 mai, à proximité des logements sociaux et des squats, mais aussi sur l’axe stratégique entre Nouméa et l’hôpital et jusqu’à Tontouta. Deux drones équipés de caméra thermique sont également inclus dans le dispositif de sécurité.

Après la vague de manifestations de mai 2024 en kanaky contre le projet gouvernemental de réforme du corps électoral, l’état d’urgence était déclaré sur l’archipel le 15 mai, avant d’être levé le 28 mai. Certaines mesures ont toutefois continué de s’appliquer, dont un couvre-feu nocturne ainsi que des interdictions de rassemblement, de transport et de vente d’armes et d’alcool. Ce jeudi, le tribunal administratif, saisi en référé, a ordonné la suspension des interdictions de manifester dans l’archipel. La Ligue des droits de l’homme avait saisi la justice pour demander la suspension de l’arrêté du 20 mars du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie qui interdisait tout rassemblement, manifestation et cortège dans les communes de Nouméa, de Dumbéa, de Païta et du Mont-Dore, et ce jusqu’au 30 avril inclus. Le juge des référés a demandé que l’exécution de cet arrêté « soit suspendue jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la demande tendant à son annulation ».

Ce mardi 8 avril, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de Christian Tein, qui contestait sa détention provisoire en métropole. Il a été arrêté et incarcéré au centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach (Haut-Rhin) depuis juin 2024 (voir article ici). Christian Tein est mis en examen pour sept chefs d’accusation : complicité de tentative de meurtre, vol en bande organisée avec arme et participation à une association de malfaiteurs lors du soulèvement en Kanaky en 2024 (article ici). En octobre, la Cour de cassation avait annulé une première décision de placement en détention dans l’hexagone, suite au recours à sa comparution par visioconférence et la tenue des débats à huis clos (notre article ici). Lors de sa parution devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, mardi 8 avril, l’avocat général a demandé le rejet du pourvoi, il estime que le recours à la visioconférence était justifié par un « risque grave de troubles à l’ordre public », et que la procédure n’avait pas porté atteinte aux droits de la défense. Christian Tein a toujours nié avoir appelé à commettre des violences et se présente comme un « prisonnier politique ».

La plus haute juridiction administrative de France a jugé « illégal » le blocage de l’application TikTok en Kanaky en 2024. L’archipel connaissait une vague d’affrontements meurtriers faisant 14 morts (voir notre article ici). La cour fait état de sa décision : « c’est une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression, à la liberté de communication des idées et opinions et à la liberté d’accès à l’information ». Le Conseil d’État rappelle que le blocage d’un réseau social est légal à trois conditions : l’interruption doit être d’une durée limitée, nécessaire à la mise en place de mesures alternatives, c’est cette règle que le gouvernement n’a pas respectée. Les associations qui ont saisi le Conseil d’état dénoncent une victoire en trompe-l’œil. Désormais, il n’est plus besoin de voter une loi, ni de déclencher l’état d’urgence pour couper un réseau social, invoquer « des circonstances exceptionnelles », suffit.

Le matin du dimanche 9 mars, de violents affrontements sont survenus entre les forces de l’ordre et une trentaine de personnes à Païta. La situation était très tendue au col de la Pirogue. Des habitants provenant de la tribu de Saint-Laurent avaient pris possession de la RT1, route qui relie Nouméa à l’aéroport de Tontouta, empêchant toutes circulations. Un véhicule de la gendarmerie a voulu forcer le passage et a été la cible de jets de pierres. Ils ont appelés des renforts sur la zone mais la situation a mené à de violents face-à-faces entre les militaires et les manifestants. Les forces de l’ordre ont fait usage de LBD (lanceurs de balles de défense) et de grenades lacrymogènes pour repousser les habitants vers la tribu et réouvrir la route, qui a été fermée à la circulation pendant une demi-heure. Quatre gendarmes ont été légèrement blessés par les jets de pierres.

Samedi 15 février au Hangar de la Cépière à Toulouse, plus de 150 personnes ont participé à la soirée en soutien à la lutte du peuple Kanak et pour la libération de ses prisonniers politiques organisée par le Secours Rouge Toulouse, Solidarité Kanaky, Survie et Révolution Permanente. Celle-ci a débuté par la lecture de plusieurs lettres de militants Kanak emprisonnés puis les interventions des organisateurs. La soirée s’est prolongée avec plusieurs concerts et un repas solidaire. Durant tout l’événement, un atelier d’écriture de lettres aux prisonniers était disponible ainsi que plusieurs tables de presse.

Samedi 15 février à 18H30 au Hangar de la Cépière (8 rue de Bagnolet, 31100 Toulouse), le Secours Rouge Toulouse, Survie Midi-Pyrénées, Révolution Permanente et Solidarité Kanaky co-organisent une soirée de soutien aux prisonnier·es politiques de Kanaky. Au programme : discussion sur la répression coloniale en Kanaky, exposition, atelier d’écriture aux prisonnier•es politiques. Tous les bénéfices de la soirée seront reversés aux familles de prisonnier·es et nous récolterons aussi des enveloppes et timbres à transmettre aux prisonnier•es.

Le 19 mai, l’Armée de l’Air et de l’Espace française (AAE) avait entamé un pont aérien pour amener des gendarmes, des policiers et des militaires en Kanaky pour y réprimer l’insurrection (photo: embarquement d’un hélicoptère de gendarmerie dans un A400M à destination de Noumea). Le chef d’état-major de l’Armée de l’Air et de l’Espace française, dernièrement entendu au Sénat , a expliqué que les « récents événements en Nouvelle-Calédonie ont conduit à une réflexion sur les moyens permanents dont nous aurions besoin pour répondre à ce type de situations » car « nous ne sommes pas passés loin de la catastrophe ».

Le transport militaire français ayant approché son point de rupture, l’AAE propose de renforcer les « forces de souveraineté » sur place. En outre, l’AAE en demande deux ou trois A400M de plus que les 35 commandés.