Une foule monstre de 300 000 personnes a déferlé vendredi soir vers l’hôtel de ville d’Istanbul pour dénoncer l’arrestation du maire, Ekrem Imamoglu, candidat d’opposition au président Recep Tayyip Erdogan aux présidentielles de 2028. Il a été auditionné plusieurs heures vendredi et devrait être présenté samedi soir à un juge. Plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont pressées aux abords immédiats de la municipalité. La fermeture pour 24 heures de ponts et de plusieurs voies d’accès décidée par les autorités ont empêché nombre de manifestants de rejoindre le site pour la troisième nuit consécutive. “Ne te tais pas sinon ce sera bientôt ton tour!”, ont chanté les manifestants, brandissant des pancartes “N’ayez pas peur, le peuple est là”. Des appels à manifester avaient été lancés dans plus de 45 villes, des heurts ont éclaté à Istanbul, Ankara et Izmir où la police a fait usage de canons à eau, à Istanbul, les policiers ont fait usage de balles en caoutchouc, usé de gaz lacrymogènes. Au total, des manifestations se sont tenues 40 des 81 provinces du pays. 97 personnes ont été interpellées, plusieurs journalistes qui couvraient les rassemblements ont été blessés à Istanbul par les forces de l’ordre, 16 policiers ont été blessés. Les autorités ont interdit tout rassemblement jusqu’à mardi soir à Ankara et Izmir.

Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues d’Istanbul, Ankara, Izmir, Trabzon et de nombreuses autres villes, ce mercredi et jeudi, pour exprimer leur colère face à l’interpellation à son domicile par une centaine de policiers ce mercredi 19 mars, d’Ekrem Imamoglu, maire d’Istanbul et principal rival du président Erdogan aux élections présidentielles de 2028, au motif de ses «liens présumés avec le PKK» (Parti des Travailleurs du Kurdistan).

Sur ordre du ministre de l’Intérieur, les rassemblements, les manifestations ont été interdits jusqu’au 23 mars, malgré cela, ils se sont multipliés. L’accès à plusieurs réseaux sociaux et messageries était toujours restreint ce jeudi à Istanbul. 37 internautes ont été arrêtés pour des «messages provocateurs». Tentant de bloquer un groupe de jeunes manifestants qui se dirigeaient vers la place Taksim, lieu emblématique de contestation, barricadé depuis deux jours, la police a fait usage de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes. Aucun blessé n’était immédiatement rapporté. Lors de la manifestation à Izmir Bornova, des manifestants ont poursuivi les forces de police, forçant les agents à quitter les lieux, quelques policiers ont été blessés lors de ces affrontements.

À de nombreuses reprises, la prison de Silivri n° 5 d’Istanbul a fait l’objet de révélations de violations des droits des prisonniers kurdes. Ces dernières sont à nouveau mises en avant, les détenus kurdes ont transmis leurs témoignages à l’Agence de Mésopotamie (MA) par l’intermédiaire de leurs avocats. Depuis l’appel d’Abdullah Öcalan à la « paix et à la société démocratique » ( voir notre article ), ils déclarent être victimes d’attaques directes, d’insultes, d’intimidations, de manquements et de pressions de la part des agents pénitentiaires. De multiples comptages sont effectués sous la présences de 30 à 40 agents, de nombreuses confiscations allant de leurs oreillers aux articles achetés à la cantine ont lieu lors des fouilles de cellules sous le motif « d’usage non prévu ». Des procès-verbaux ont été conservés en raison des objections lors de demandes, les prisonniers déclarent des falsifications de ceux-ci et font état d’enquêtes disciplinaires ouvertes pour les empêcher de bénéficier de leur droit à la probation. Actuellement, 12 prisonniers sur 30 n’ont pas été libérés. Certains prisonniers, résistants aux pressions ont été physiquement attaqués par les gardes de la « Team Ready Force » ( Force d’intervention rapide).

Les attaques turques contre les zones tenues par le PKK dans les régions montagneuses du Nord du Kurdisan irakiens se sont intensifiées depuis l’annonce du cessez-le-feu unilatéral par le PKK. Ce cessez-le-feu faisait suite à l’appel d’Abdullah Öcalan (voir notre article) et ne concernait pas les actions d’auto-défenses, et se voulait une ouverture vers une solution négociée. Mais depuis le début de ce cessez-le-feu, l’armée d’occupation turque a intensifié son action et bombardé les zones de guérilla 14 fois avec des avions de combat, 9 fois avec des hélicoptères d’attaque et 692 fois avec de l’artillerie. L’armée turque pilonne ainsi tout périmètre où elle croit déceler la présence d’une unité de guérilla, en fonction des informations recueillies par les drones, par des postes militaires, et par des caméras camouflées dans les montagnes et opérées à disstance.

Samedi 8 mars, en soirée, malgré les interdictions de manifester ordonnées par les autorités, une marée féministe d’environ 200 000 personnes a déferlé sur Istanbul. La police avait monté des barrages pour empêcher la marche nocturne qui a lieu depuis 23 ans. Les participant.e.s se sont rassemblé.e.s derrière une banderole mentionnant : «Notre lutte féministe change nos vies et le monde». Tout au long du parcours, des slogans tels que « Jin, jiyan, azadî (slogan féministe kurde) », « Nous ne nous tairons pas, nous n’avons pas peur, nous n’obéirons pas » et « Vive notre lutte féministe » ont résonné dans les rues. Durant la marche, les participantes ont déployé un drapeau « Rébellion féministe » devant le Feminist Mekan, un lieu de rassemblement féministe bien connu des militantes. Après la marche, plus de 200 personnes ont été arrêtées par les forces de l’ordre.

Lundi 17 février, la députée du Parti DEM, Newroz Uysal, a été victime de violences policières lors d’une manifestation contre la confiscation de la municipalité kurde de Van. Les forces de l’ordre l’ont roué de coups devant les caméras. L’Assemblée des femmes du DEM Parti a publié un communiqué qui déclare que des dizaines de personnes ont été violemment arrêtées par la police lors de manifestations et dénonce les attaques contre les citoyens et les élus qui exercent leur droit démocratique de manifester.

Ces 5 derniers jours, près de 300 personnes ont été arrêtées. Les autorités d’Ankara livrent ce bilan ce mardi 18 février. Parmi ces personnes, des « membres présumés d’organisations terroristes », en particulier du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Ces arrestations ont eu lieu au moment où la Turquie  négocie avec Abdullah Öcalan, leader du PKK emprisonné depuis 26 ans pour qu’il appelle ses combattants à renoncer aux armes. Aux yeux du parti pro-kurde DEM (Parti de l’égalité des peuples et de la démocratie) ces arrestations, tout comme la destitution récente de plusieurs de ses maires, sont le signe d’un manque de sincérité du pouvoir dans ces efforts de paix.

Depuis 2015, les citoyens turcs peuvent contacter la présidence de la République via la plateforme CIMER ( Cumhurbaskanligi lletisim Merkezi / Centre de communication de la présidence ). En 2024, écrivains, journalistes, militants, opposants, majoritairement kurdes, se sont retrouvés face à la justice sous le chef d’accusations de « propagande terroriste » à la suite d’un signalement sur la plateforme officielle. Il permet aux citoyens turcs de donner leurs opinions, faire des suggestions ou écrire des plaintes à la présidence de la République turque via une plateforme en ligne ou par téléphone. Toutes les demandes doivent être adressées et certaines peuvent mener à l’ouverture d’enquêtes. En 2024, plus de 4,5 millions de demandes ont été déposées. Présenté comme un exemple de démocratie participative, le CIMER permet de relever les problèmes mais le CIMER est aussi devenu un outil au service de la répression orchestrée par les autorités turques. Écrivains, journalistes, médecins, ou encore professeurs d’université, y sont souvent signalés pour des motifs politiques. 

Depuis un mois des civils sont venus et mènent une résistance historique sur le corps du barrage de Tishreen font face aux attaques continues de l’État turc contre le nord et de l’est de la Syrie, ils protègent le barrage vital pour la vie. Les manifestations autour du barrage de Tishreen ont commencé le 8 janvier, un convoi de civils était alors parti de la province de l’Euphrate, trois des provinces de Tabqa, Raqqa et Deir ez-Zor, et six convois de la province de Jazira. À ce jour, La Turquie n’a cessé de lancer des attaques agressives contre le barrage ( voir nos articles ici, ici et ici ), ciblant les manifestants, entraînant la mort de 24 civils, hommes et femmes, et faisant plus de 200 blessés.

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Le lundi 3 février, l’actrice Melisa Sözen, qui incarnait une combattante kurde dans la série française « Le bureau des légendes » a été entendue plus de sept ans après les faits, par la police turque pour « propagande terroriste et soutien au PKK » à la demande du procureur général d’Istanbul qui a ouvert une enquête. Dans la série, elle portait l’uniforme d’une combattante kurde des Unités de défense de la femme (YPJ). L’interpellation de l’actrice s’inscrit dans la vague d’arrestation et de procès menée depuis des années par le pouvoir en place contre des journalistes, des avocats, des personnalités politiques ou des personnalités du monde culturel.