Depuis début novembre, un nouveau pas vient d’être franchi – un de plus – dans le traitement arbitraire infligé aux prisonniers(ères) politiques basques et à leurs familles. Ces familles voient maintenant les conditions de leur droit élémentaire de visite remises en question, en péril, alors qu’elles étaient déjà difficiles et, parfois même, dangereuses. Chaque semaine, plusieurs familles partent de Bayonne, d’Anglet ou d’autres villes et villages du Labourd et de Basse-Navarre, en Pyrénées-Atlantiques, pour effectuer un voyage souvent très long, pour réaliser des aller-retour de 2400 km en deux jours, afin de rendre une courte visite à leurs proches incarcérés dans de lointaines prisons espagnoles ou françaises, des prisons aussi éloignées que possible – déjà – pour réduire au minimum ces possibilités de visites.

Depuis plus d’un mois, une nouvelle menace, qui se concrétise et s’amplifie chaque week-end, est venue s’ajouter à tout l’arsenal répressif touchant les prisonniers(ères) politiques basques et leurs familles. Suivant cette nouvelle directive – non spécifiée par une loi – les familles peuvent subir une fouille à corps exhaustive, en étant palpées manuellement sur tout le corps et/ou totalement dénudées, de force si les fonctionnaires le veulent, avant de pouvoir réaliser une visite. Exemple: Un visiteur qui souhaitait voir sa compagne, Agurtzane Izarza, incarcérée à Alicante, et qui avait refusé d’être dénudé par les fonctionnaires s’est vu déshabiller de force par quatre gardes civils appelés par ceux-ci et sans aucun résultat. Il ne cachait rien de répréhensible comme l’avaient déjà détecté portique de sécurité et raquette manuelle électroniques, procédés autorisés par la loi, eux. Autre cas: le samedi 5 décembre à la prison de Soria, les fonctionnaires ont refusé les béquilles en bois de la prison à un handicapé physique qui venait visiter Gaizka Gañan et, sans même essayer d’utiliser la raquette, l’ont obligé à enlever son pantalon alors qu’il ne pouvait le faire lui-même.

Depuis l’application de cette nouvelle mesure, à ce jour environ 200 prisonniers(ères) politiques basques n’ont pu recevoir de visite. Des avocats ont mis en route les recours nécessaires mais les procédures sont toujours très longues et peuvent durer plusieurs années en Espagne. Les autorités espagnoles ont très largement le temps de sévir.

La semaine dernière, les forces de sécurité espagnoles ont arrêté lors d’une macro-opération policière une trentaine de jeunes indépendantistes (cf. vidéo). Cette opération dirigée par le juge Fernando Grande Marlaska visait 40 personnes, 34 d’entre elles ont été arrêtées et mises au secret et un autre jeune a été arrêté, sur les marches du tribunal (Audiencia Nacional) alors qu’il allait voir le juge pour s’expliquer.

La totalité des jeunes ont dénoncé des mauvais traitements de la part de la garde civile et de la police nationale espagnole. Si les premiers à être passé devant le juge ont dénoncé des pressions psychologiques, les suivants ont aussi dénoncé des tortures. Ainsi les jeunes ont parlé ‘d’attouchements, de simulacre de viol, coups violents sur la tête et dans les parties génitales, obligation de rester des heures dans des positions inconfortables, menaces de piqûres de drogue‘ selon leurs proches.

L’intégralité des personnes interpellées a été mise au secret avant de comparaître devant le juge et n’a donc pu avoir la visite d’un avocat. Sur les 35 jeunes concernés, certaines personnes sont restées quatre jours au secret puisque les arrestations ont eu lieu dans la nuit de lundi à mardi dernier et que les auditions devant le juge ont eu lieu entre jeudi et samedi.

Le juge de l’Audience nationale espagnole a envoyé en prison 11 jeunes supplémentaires, soit l’ensemble des personnes qu’il a entendu toute au long de la journée de vendredi. Les jeunes interpellés mardi et dont le juge Fernando Grande-Marlaska a demandé l’incarcération jeudi soir, dénoncent également avoir été victimes de mauvais traitements tels que pressions, menaces, coups et insultes. Ils révèlent avoir été obligés de rester dans des positions douloureuses. 21 personnes étaient hier soir encore dans l’attente d’être auditionnées et restaient sous le coup de la mise au secret, sans pouvoir bénéficier de l’assistance de leur avocat. Jeudi, le juge de l’Audiencia Nacional à Madrid avait exigé l’incarcération de onze jeunes et demandé la libération de deux personnes, sur les 34 personnes interpellées.

Arrestation des militants de SEGI

Arrestation des militants de SEGI

Le 24 novembre, 35 jeunes militants de la gauche indépendantiste basque membres présumés de l’organisation Segi, étaient interpelés. Segi est considérée comme terroriste par la Cour suprême espagnole depuis 2007, suspectée d’être un des viviers de l’ETA. Sur les 35 personnes interpellées, 31 ont été placée en détention par la juge de la plus haute instance pénale espagnole et accusées d’appartenir et de collaborer avec une organisation terroriste. Les quatre autres ont été remises en liberté.

Ce samedi soir, plus de 20.000 personnes ont manifesté dans les rues de Bilbao afin de réclamer la remise en liberté des jeunes militants (photo). De nombreux cris pour l’indépendance et en faveur des organisations interdites par la justice espagnole ont été entendus. A Bayonne, vendredi soir, une soixantaine de personnes s’étaient réunies à l’appel de Segi et de Batasuna devant le consulat général d’Espagne pour dénoncer les arrestations et la répression des états français et espagnol.

Manifestation pour Segi

Manifestation pour Segi

Plusieurs actes de violence urbaine ont été enregistrés dans la nuit de jeudi à vendredi à Getxo et à Markina, en Pays-Basque sud, où un autobus a été brûlé et de nombreux dégâts ont été causés dans une station de métro. Le ministre basque de l’Intérieur, Adolfo Ares, a condamné ces actes de violence, en soulignant que ‘ces apprentis de terroristes termineront par être incarcérés.’ À Markina, trois personnes encagoulées ont obligé le conducteur d’un autobus urbain à descendre du véhicule auquel ils ont mis le feu, a indiqué le ministère basque de l’Intérieur. À Getxo, des personnes encagoulées ont incendié et causé de nombreux dégâts dans une station de métro. Ces incidents se sont produits quelques jours après l’arrestation de 34 personnes membres de l’organisation de jeunes Segi.

Voir la vidéo de l’incendie de Markina

Le verdict a été rendu un peu après 20h dans le procès qui a commencé à la Cour d’Assises Spéciale (c’est-à-dire anti-terroriste et formée par des magistrats professionnels) de Paris le 16 novembre dernier. Les réquisitions étaient très lourdes, certaines des peines distribuées le sont encore plus. Les militants basques ont été déclarés coupables ‘d’association de malfaiteurs avec des fins terroristes, de détention d’armes et explosifs, de porter des documents falsifiés, de posséder des véhicules volés, dans une bande organisée‘.

Juan Ibon Fernandez Iradi (‘Susper’), âgé de 37 ans, a déjà été condamné à deux reprises en 2008 et a écopé de peines de 30 et 15 ans de détention. A l’occasion de ce nouveau procès, il a dû répondre en tant que ‘responsable de l’appareil militaire‘ depuis son évasion du commissariat de Bayonne, le 21 décembre 2002 (deux jours après sa première arrestation) et sa dernière arrestation, quasiment un an plus tard.

Les magistrats avaient dicté une peine de 18 ans de prison pour Gorka Palacios Alday, présenté comme ‘chef des commandos de l’ETA‘ lorsqu’en décembre 2003 avaient eu lieu les deux opérations policières, à Mont de Marsan et aux alentours de Pau. Ces opérations avaient permis l’interpellation des sept membres présumés d’ETA qui ont été jugés cette semaine. La cour a dicté une peine de prison de 15 ans pour Juan Luis Rubenach Roiz, âgé de 46 ans, présenté par le Parquet comme le responsable de la logistique de l’appareil militaire de la bande armée.

José Miguel Almandoz Erviti (37ans) et Iñigo Vallejo Franco (33), présentés comme ‘responsables de la formation des activistes‘, ont été condamné à une peine de 12 ans de prison chacun. Les magistrats ont dicté une peine de 10 ans de prison pour Patxi Abad Urkixo, qui occupait le même appartement à Mont de Marsan avec ‘Susper’. Par ailleurs, la situation de Garazi Aldana, âgée de 27 ans, est un peu différente. Il s’agit de la seule accusée qui a comparu librement, sous contrôle judiciaire et qui a été condamnée à cinq de prison. De ses cinq ans, elle est dispensée de purger trois ans mais sera sous des conditions spéciales. Elle sera sous contrôle judiciaire.

Ces sept militants viennent s’ajouter au 742 prisonniers politiques basques actuellement détenu en France et en Espagne. Le nombre de détenus n’a jamais été aussi élevé, et les conditions qui leur sont imposées au niveau judiciaire et pénitentiaire n’ont jamais été aussi dures.

Iñigo Vallejo

Iñigo Vallejo

Gorka Palacios

Gorka Palacios

Ibon Fernandez Iradi

Ibon Fernandez Iradi

Plus d’un millier de gardes civiles et de policiers ont participé ce mardi à une grande opération visant le mouvement Segi. Cette organisation de la jeunesse basque est interdite en Espagne en raison de ses liens présumés avec l’ETA. Ce sont 34 militants qui ont été interpellés hier au Pays-Basque et en Navarre. Selon le ministère de l’Intérieur espagnol, cette rafle aurait permis de ‘décapiter’ le mouvement.

Voir le JT (en espagnol) sur cette opération policière

Ce mercredi 11 novembre, deux jeunes militants basques ont été surpris en train de voler un drapeau à Ustaritz, dans le sud-ouest de la France. Ils ont été pris en flagrant délit grâce au dispositif de surveillance mis en place par la gendarmerie. Les deux hommes de 19 et 21 ans sont membres du mouvement SEGI, interdit en Espagne en raison des ses liens présumés avec l’ETA mais autorisé en France. Après plus de 24 heures de garde à vue, ils ont été interrogés à la gendarmerie de Bayonne et relâchés. Ils feront néanmoins l’objet d’une convocation judiciaire pour ‘vol de drapeau en réunion’.

Suite à ces arrestations, plusieurs rassemblements de protestation ont été organisés, le plus important d’entre eux à Bayonne. Des manifestants y ont bloqué une route avant l’intervention manu militari des forces de l’ordre pour leur faire dégager la chaussée. Ils se sont repliés, tout en continuant à brandir des calicots affichant ‘La répression n’est pas la solution‘ et ‘Laissez tranquille les jeunes Basques‘. Dans un communiqué, le mouvement Askatasuna dénonce quant à lui le harcèlement dont les militants de la gauche basque font l’objet en France.

Logo de SEGI

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Les prisonniers politiques basques étaient en 1999 au nombre de 463, dont 76 en France, alors qu’aujourd’hui, dix ans plus tard, ils sont 742, dont 167 détenus dans les prisons françaises. Ce ‘record’ historique n’empêche pas la France et l’Espagne de continuer à nier l’existence même du conflit. Plus de 150 de ces détenus basques sont maintenus en prison alors qu’ils ont fini leur peine au regard des lois françaises et espagnoles. La politique carcérale est de plus en plus cruelle, faite de mauvais traitements, isolement sous ses diverses formes, éloignement et dispersion, absence d’assistance médicale digne de ce nom, entraves incessantes au courrier et aux visites, durées de détention préventive interminables, alourdissement spectaculaire des condamnations, suppression des remises de peine, etc…

Prisonniers basques

Prisonniers basques

L’avocat Joseba Agudo, originaire d’Orereta (Gipuzkoa), qui défend des prisonniers d’ETA, a été arrêté en fin d’après-midi par la police française à Hendaia où il vit. Son cabinet d’Oiartzun (Gipuzkoa) était perquisitionné par la Guardia Civil depuis le matin sur ordre du juge Fernando Grande Marlaska. Des médias espagnols (RTVE en l’occurrence) annonçaient déjà la perquisition et l’arrestation de Joseba bien avant l’arrivée de la Guardia Civil à Oiartzun. Joseba Agudo est incarcéré à Muret-Seysses. Le mandat d’arrêt européen émis contre lui sera examiné mardi prochain au Tribunal de Pau.