Depuis le mois d’octobre, 151 personnes accusées d’entretenir des relations avec le PKK sont jugées à Diyarbakir, parmi lesquelles douze maires élus, membres du BDP (Peace and Democracy Party). Les accusations retenues sont l’adhésion à un groupe armé illégal, la diffusion de sa propagande, la perturbation de l’intégrité territoriale de la Turquie et la tenue de meetings publics illégaux. Ce jeudi, le procès a repris, les vacances judiciaires étant terminées.

A l’appel du BDP et du DKT (Democratic Society Congress – organisation qui chapeaute plusieurs groupes pro-kurdes), des centaines de personnes s’étaient rassemblées sur une place publique proche du tribunal pour dénoncer, entre autre, l’interdiction faite aux accusés de se défendre dans leur propre langue. La foule pacifique a dansé, scandé des slogans et écouté des discours avant de se mettre en marche vers le tribunal, encadrée comme il se doit par un cordon policier. Petit à petit, la tension est montée entre de petits groupes de manifestants et les forces de l’ordre, et à l’arrivée devant le tribunal, ces dernières ont commencé à lancer des gaz lacrymogènes. Ceux-ci ont entrainé la fuite d’une grande partie des manifestants. D’autres y ont répondu par des jets de pierres, de pétards et de cocktails Molotovs. Les affrontements ne se sont calmés qu’en fin d’après-midi. Malgré que la police ait été toujours présente en force, les manifestants sont restés sur place et ont chanté en attendant la fin de l’audience.

Manifestation en marge du procès à Diyarbakir

Manifestation en marge du procès à Diyarbakir

En 2008, les autorités pénitentiaires de deux villes du nord du pays (Bolu et Tekirdag) avaient refusé de distribuer leur courrier à plusieurs prisonniers kurdes sous prétexte que celui-ci ne pouvait pas être contrôlé. En effet, les détenus correspondaient avec leurs familles et leurs proches dans leur langue maternelle et non en turc. Dix d’entre eux avaient intenté une action devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Aujourd’hui, sa décision condamne la Turquie. La Cour affirme q’elle n’a aucune base légale pour refuser de distribuer du courrier écrit dans une autre langue que le turc, et qu’elle a violé le droit du respect à la vie privée et familiale des prisonniers.

Quelques cinq cent étudiants s’étaient rassemblés ce matin devant la Middle East Technical University à Ankara dans l’intention de défiler en direction du quartier général du Parti de la Justice et du Développement (AKP). Le objectif était de dénoncer les récentes mesures de répressions policières contre les manifestations estudiantines de ces dernières semaines et d’exiger une réforme du système universitaire. Mais la police avait barricadé le trajet du groupe et a annoncé aux étudiants qu’ils étaient uniquement autorisés à faire une déclaration de presse. Un large contingent de policiers anti-émeutes bloquait les portes de l’université afin d’empêcher tout mouvement des étudiants, provoquant des jets de pierres et de bouteilles à leur encontre. Les étudiants brandissaient un calicot affirmant: ‘Nous nous rebellons’. Erdogan, le premier ministre turc, a défendu la police, accusant les étudiants d’entretenir des relations avec des groupes clandestins.

Manifestation estudiantine à Ankara

Manifestation estudiantine à Ankara

Il y a deux jours, les milices armées du MLKP ont occupé pendant un quart d’heure le quartier du premier mai à Istanbul, en Turquie. Il s’agissait de saluer la mémoire de la lutte du 19 décembre 2000, où la police a attaqué les dortoirs où les prisonniers révolutionnaires en grève de la faim s’étaient barricadés, tuant 32 d’entre eux. Les slogans ont salué leur résistance: « Vive la résistance du 19 décembre! », « Le MLKP frappera les meurtriers », « Nous les milices liées au MLKP affirmons qu’il y aura vengeance pour les massacres du 19 décembre. Nous promettons à nos martyrs que leur sang n’a pas été versé en vain! »

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Emine Demir a été rédactrice en chef du quotidien de langue kurde Azadiya Welat (Indépendance de la Patrie). Créé en 1994, le journal a régulièrement été la cible d’actions judiciaires, les autorités le considérant comme le porte-parole du PKK. Emine Demir a été condamnée aujourd’hui par un tribunal de Diyarbakir pour avoir fait la propagande d’une organisation terroriste. Accusée d’avoir « diffusé et commis des crimes au nom du PKK » dans 84 articles distincts du quotidien entre 2008 et 2009, le tribunal l’a condamnée à un an et six mois de prison par article, ce qui équivaut à 138 années au total. Un mandat d’arrêt a été prononcé à son encontre, alors qu’elle n’était pas présente à l’audience (elle comparaissait libre). En mai déjà, un autre ancien rédacteur du journal avait écopé de 166,5 années de prison. Selon les juges, il aurait « diffusé la propagande d’une organisation terroriste » à 103 occasions. Trois mois plus tôt, le rédacteur en chef de l’époque a été condamné à 21 ans d’emprisonnement pour les mêmes raisons.

Deux militants du PKK ont été tués lundi soir au cours d’une fusillade avec les forces de police dans la province de Mardin. Un troisième homme a également été blessé et immédiatement placé en détention. Il n’y a eu aucune victime dans le camp de la police, qui a lancé dès hier soir une vaste opération militaire dans la région afin de capturer les autres guérilleros impliqués dans le combat.

Le 23 décembre, la presse annonce que deux militants armés revêtus d’uniformes appartenant à une entreprise postale livrant des colis ont été arrêtés à Ankara. Ils seraient liés au DHKP-C. La police aurait saisis 3 pistolets munis de silencieux ainsi qu’une liste de 17 personnes dont Hikmet Sami Türk, l’ex-ministre de la justice responsable de l’assaut sanglant de décembre 2000, Ali Suat Ertosun le directeur des prisons de l’époque qui fut récompensé pour ses loyaux services, le général Osman Özbek et l’ex-chef de la police Hasan Özdemir, notamment responsable du massacre de 4 grévistes de la faim le 5 novembre 2001 dans le quartier de Küçük Armutlu sur les rives d’Istanbul et actuellement député du parti fasciste MHP.

200 membres des escadrons spéciaux d’intervention turcs ont mené une descente à Istanbul dans les locaux de « Yürüyüs » (La Marche), un hebdo révolutionnaire tiré à près de 30.000 exemplaires. L’opération policière était appuyée par un hélicoptère. Tout le quartier de Sisli a été quadrillé (photo). Sept rédacteurs du journal ont été arrêtés par des policiers masqués. La presse évoque une opération contre le DHKP-C qui se prépare à des attentats contre les auteurs de l’opération du 19 décembre 2000 (28 morts parmi les détenus révolutionnaires). Au même moment, un militant de gauche dénommé Mehmet Ali Ugurlu a été arrêté à son domicile, à Antalya, au Sud du pays, lors d’une rafle policière. On apprend que l’opération se poursuit notamment dans le quartier de Gülsuyu à Istanbul.

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Les actions de protestation du massacre des prisonniers du 19-22 décembre 2000 se poursuivent. Le 21 décembre dernier, des militants masqués ont sillonné les rues du quartier de Maltepe à Istanbul pendant 45 minutes pour rappeler le massacre des prisonniers résistants et rappeler que les assassins seront punis par les unités de propagande armée du DHKP-C. Ils ont été pourchassés par la police qui a tiré les militants à balles réelles. Des actions similaires ont eu lieu à Izmir, Ankara, Sivas, Malatya, Antakya et Mersin.

Les initiatives commémorant l’assaut meurtiers des dortoirs des prisonniers politiques en grève de la faim, le 19 décembre 2000, se sont multipliées en Turquie. Le 16 décembre 2010, des membres du Front populaire ont occupé un local du Parti républicain du peuple (opposition kémaliste) à Istanbul et suspendu un calicot des 6 militantes brûlées vives dans l’assaut de la police (voir ici la video). Le 19 décembre 2010, plusieurs centaines de membres du Front populaire se sont rassemblés devant la prison de Bayrampasa, puis se sont rendu en cortège au cimetière de Cebeci pour fleurir les tombes des résistants. Le soir, des militants ont bloqué les routes dans le quartier d’Okmeydani aux cris « Les UPA (Unités de propagande armée) du DHKC sont aux trousses des assassins », « Tremble oligarchie, le Parti-Front avance », « L’État fasciste rendra des comptes », « L’espoir porte un nom, le DHKP-C » Les militants ont d’abord dressé des barricades auxquelles ils ont bouté le feu pour attirer l’attention de la population et bloquer une éventuelle incursion de la police. Ils ont ensuite fait le tour du quartier en appelant la population à soutenir le mouvement révolutionnaire.

Le 20 décembre, la police d’Istanbul et la section de Marmara des services d’intelligence nationale (MIT) a annoncé avoir capturé 13 militants du DHKP-C soupçonnés d’avoir constitué une milice anti-mafia et anti-drogue dans le quartier de Nurtepe et de planifier des actions armées en marge des commémorations du 19 décembre. Le quartier de Nurtepe est massivement descendu dans la rue pour protester contre ces arrestations. Par ailleurs, on dénombre à travers tout le pays, des dizaines d’autres rassemblements, conférences, visites de cimetières, actions de distribution de tracts, campagnes de chaulages et d’affichage en hommage aux prisonniers assassinés.

Alors que se déroule le procès des militaires accusés d’avoir massacré les prisonniers révolutionnaires lors de l’assaut des prison le 19 décembre 2000, quelques militants ont accroché une banderole à la célèbre tour Galata à Istanbul pour commémorer le massacre. ils ont été arrêtés.

Banderolle la tour de Galata

Banderolle la tour de Galata

Arrestations en Turquie

Arrestations en Turquie