Affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, barrages routiers, barricades enflammées, pillages, attaques contres les bâtiments de l’état, tirs à balles réelles par et sur les forces de l’ordre, voici huit jours et nuits que les principales villes de Guadeloupe s’insurgent dans un mouvement dont l’étincelle fut l’opposition au pass sanitaire, mais dont les revendications se sont élargies. L’Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG), en tête de la contestation qui secoue l’île, a appelé à poursuivre la mobilisation. L’UGTG et les organisations qui ont lancé le mouvement « soutiennent avec fierté que la mobilisation populaire […] constitue une franche réponse à tous les mépris, toutes les violences qui nous sont opposés depuis des années, à nous peuple de Guadeloupe », écrit la secrétaire générale du syndicat.

Le gouvernement a envoyé 200 policiers et gendarmes supplémentaires en Guadeloupe et une cinquantaine d’agents du GIGN et du Raid. La répression judiciaire a commencé: Des audiences de comparution immédiate se sont tenues dès lundi 22 novembre. Cinq personnes étaient à ce momemt placées en détention, une a été déférée pour « violence volontaire avec arme sur une personne dépositaire de l’ordre publique » et les autres pour « vols aggravés ». Dix autres personnes sont en garde à vue ce dimanche matin. Les forces de l’ordre les ont interpellé la nuit de samedi à dimanche.

Les salariés des hypermarchés Carrefour –Milénis et Promocash, situé dans la commune des Abymes, sont en grève depuis le 22 novembre pour le maintien de leurs acquis, la direction ayant décidé unilatéralement de réduire primes et avantages acquis représentant jusqu’à 2000 € de diminution de revenu par an. Ne voyant aucune avancée dans les négociations, les grévistes (CGTG et UGTG) ont décidé détendre le mouvement aux autres entreprises du Groupe Despointes (SAFO) en bloquant les accès du site de Jarry (Baie-Mahault) où sont situées cinq autres entreprises du groupe.

Jean-Marie Nomertin, Secrétaire Général du syndicat CGTG a été interpellé le vendredi 18 janvier devant un des magasin du groupe et libéré dans la soirée, après quatre heures de garde à vue à la gendarmerie de Baie-Mahault. Selon le parquet, le secrétaire général de la Confédération Générale des Travailleurs Guadeloupéens, aurait frappé un militaire. Les forces de l’ordre sont intervenues pour libérer les accès bloqués depuis jeudi par des grévistes. Aucune charge n’a été retenue contre Jean-Marie Nomertin.

Arrestation de Jean-Marie Nomertin, Secrétaire Général du syndicat CGTG

Arrestation de Jean-Marie Nomertin, Secrétaire Général du syndicat CGTG

Trois personnes ont été interpellées dans la nuit de jeudi à vendredi après qu’une manifestation de riverains en colère a tourné à l’affrontement au Gosier (commune de la Grande Terre) entre manifestants et forces de l’ordre. Les affrontements ont duré environ deux heures, jusqu’à 22 h 30 jeudi soir heure locale. La manifestation des riverains, issus du quartier Grand-Baie, au Gosier, visait à dénoncer un plan de résorption de l’habitat insalubre qui impliquerait l’expulsion de résidents du quartier. Les habitants ont d’abord occupé la route nationale, puis y ont dressé une barricade enflammée. Trois pelotons de gendarmerie mobile et des équipes de la direction départementale de la sécurité publique sont intervenus, essuyant des jets de pierres, de bouteilles et de cocktails Molotov.

Barricade sur la route nationale

Barricade sur la route nationale

Tandis que les conflits sociaux se durcissent, deux escadrons de gendarmes mobiles vont être envoyés en renfort en Martinique où la grève générale est aujourd’hui à son huitième jour, tandis que la Guadeloupe, paralysée depuis vingt-trois jours, a à nouveau accueilli le ministre Yves Jégo. Les deux escadrons feront une escale technique à la Guadeloupe avant Fort-de-France où ils rejoindront deux escadrons déjà sur place.

En Martinique, les négociations ont repris en préfecture sur le prix des services, les syndicats réclamant leur baisse après avoir obtenu la veille moins 20 % sur 100 produits de première nécessité. Environ 1.500 personnes selon la police, ont manifesté le matin dans les rues de Fort-de-France. Mais ‘beaucoup de personnes’ n’ont pu se joindre aux manifestations, qui ont rassemblé jusqu’à 20.000 personnes, faute de carburant, indiquait-on à la préfecture. Les stations-service, y compris celles réquisitionnées par les autorités, n’ont pas été approvisionnées hier après un conflit entre leur représentant et les grévistes. L’immense majorité des services publics était toujours à l’arrêt, tout comme les commerces.

Renforts policiers en Martinique

Renforts policiers en Martinique

Un collectif de 52 organisations comprenant tous les syndicats, des groupements de mutuelle, des fédérations d’associations, les plus grosses associations de la Guadeloupe, le syndicat des transporteurs, les syndicats des stations de service, syndicat de pêcheurs, etc ont lancé un mouvement de grève depuis le 20 janvier. Le 30 janvier, près de 60.000 personnes ont défilé dans les rues de Pointe à Pitre, afin de démontrer leur soutien au ‘kolectif’.

Dix-sept Airbus ont débarqué depuis début janvier, avec près de 4.000 militaires/gendarmes/CRS, armés jusqu’aux dents. Des blindés, des munitions, des cercueils en plastique, des vivres ont également été acheminés en même temps que ces forces de répression. Ce tel dispositif de guerre coûte 3 millions d’euros par jour.

L’Etat français a tiré sur la foule à plusieurs reprises en Guadeloupe: en 1910, en 1925, en 1952 et en 1967. En 1967, suite à un fort mouvement de grève, la police a tiré dans la foule et tué plus de 170 personnes (l’Etat en a reconnu officiellement 31).