La résistance des forces du régime au nord d’Hama s’est effondrée hier et par la suite, la ville elle-même est tombée sans combat. Al-Nosra et ses alliés visent maintenant Homs (flèche vert du bas). Cela semble sentir le sapin pour le régime, impression confirmée par le retrait vers Damas de forces déployées dans l’est syrien. Pour le Rojava, il subsiste la menace de la Turquie et de l’ANS, particulièrement sur Manbij (flèche verte du haut). Erdogan a déclaré qu’il ne laisserait pas « le PKK » profiter de la crise, tandis que des dizaines de milliers de réfugiés affluent au Rojava, fuyant les zones occupées par l’ANS.

Les Forces Démocratiques Syriennes ont agrandi la zone qu’elles contrôlent au sud de Tabka et de Raqqa (double flèche ocre). C’est une zone désertique sillonnée par des groupes mobiles du Daech, qui a significativement augmenté son activité dans ce désert (zones grises). Le régime a évacué l’aéroport situé au sud de Deir-ez-Zor: les SDF ont traversé l’Euphrate et s’en sont emparé (troisième flèche ocre).

Mise à jour (21H): Les SDF continuent leur progression dans le Sud-Est. Elles sont dans tout Deir ez-Zor et contrôlent un point de passage avec l’Irak à  al-Qaim – ce qui pourrait être important. Le Sud-ouest de la Syrie entre en insurrection et des combats ont lieu à l’intérieur des zones militaires de Damas, laissant penser à des crises entre forces du régime.

Tandis qu’al-Nosra et ses alliés accentue au Sud la pression sur le régime en avançant (avec difficultés) sur le front de Hama, l’ANS amène de nombreux renforts, y compris des tanks, vers l’Est, vers les fronts de Manbij et de Maskanah tenus par les FDS. La ville de Manbij (100.000 habitants) et sa région constituent la plus importante partie du Rojava démocratique à l’Ouest de l’Euphrate. La zone de Maskanah, plus au sud, a été conquise par les FDS aux dépens du régime il y a trois jours (flèche beige sur la carte). Hier et avant-hier, plusieurs attaques de l’ANS ont été repoussées par les FDS sur ces deux fronts.

On redoute une grande offensive de l’ANS sur Manbij, tandis que des dizaines de milliers de réfugiés emprutent les corridors humanitaires pour rejoindre le Rojava démocratique. Et comme à chaque fois que la Turquie orchestre une attaque, tous ses moyens, ses alliés et ses proxys sont mis à contribution. Un commando du Daech a ainsi assassiné un responsable du Parti du Futur à Deir ez-Zor (le Parti du futur est un parti démocratique syrien, bien antérieur à la guerre civile, persécuté par le régime, et qui, au Rojava, a des élus à l’Assemblée populaire et participe à l’Administration autonome). Un drone turc a tué deux personnes à Derik et l’artillerie turque a bombardé les régions de Manbij et de Till Tamir.

Le bloc emmené par al-Nosra (coalition islamiste hétérogènes composée surtout de jihadistes et de Frères musulmans, mais aussi d’autres organisations) continue son offensive contre le régime en direction d’Hama. Il organise les zones conquises. Le bloc de l’ANS, pur proxy de la Turquie, continue de cibler les Kurdes. Des tensions existent entre les deux blocs. Ainsi, al-Nosra voulait remettre en service la centrale électrique d’Alep, mais les mercennaires de l’ANS, comme ils le font toujours, avaient pillé tout ce qui pouvait être emporté et saccagé le reste.

Les forces de l’ANS appuyée par l’artillerie turque se concentrent autour de la région de Manbij – des escarmouches ont déjà eu lieu avec les FDS, faisant plusieurs tués. L’ANS harcèle aussi les quartiers kurdes encerclés à Alep. Des milliers de réfugiés fuyant les forces islamistes ont quitté la zone de Sheba/Tall Rifaat pour se diriger par un froid polaire vers les régions du Rojava démocratique par un corridor humanitaire (photo).

Plus au Sud-Est, les FDS ont pris la dernière tête de pont tenue par le régime à l’Est de l’Euphrate, une large poche de sept localités à la hauteur de la ville de Deir ez-Zor. Cette zone étaient occupées par des milices iraniennes. L’aviation américaine bombarde ces milices, l’aviation russe bombarde al-Nosra, l’aviation israélienne bombarde le Hezbollah, et l’aviation turque bombarde les SDF…

Istanboul, les forces de l’ordre ont réprimé une manifestation contre les attaques djihadistes ciblant les Kurdes du Rojava ( nous lire ici et ici ). Des membres des Forces du Travail, de la Paix et de la Démocratie d’Istanbul se sont rassemblés à Şişhane pour protester contre les attaques des HTC/HTS ( Al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaïda devenue Tahrir al Cham ) et  l’ASL/SFA ( Armée Syrienne Libre ) soutenues par la Turquie. Les manifestants, parmi lesquels des députés du parti DEM, ont été bloqués par la police et soumis à une répression brutale après avoir protesté contre cette intervention arbitraire en scandant « Bijî berxwedana Rojava » ( Vive la résistance du Rojava ). 50 personnes ont été interpelées et placées en garde à vue.

L’offensive des deux grands blocs islamistes, celui rassemblé autour du Hayat Tahrir al-Sham (anciennement al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda), et celui des supplétifs de la Turquie rassemblés sous l’étiquette « Armée Nationale Syrienne », se prolonge. Le premier bloc priorise son offensive contre le régime, nettoie les territoires conquis et continue sa progression vers le sud. La vitesse de cette progression s’est ralentie, sans que l’on sache où le régime a pu établir de nouvelles lignes de défense où si l’offensive touche à ses limites pour des problèmes d’effectif ou de logistique.

Le deuxième bloc, en bon supplétif de la Turquie, a concentré ses efforts à combattre les Kurdes. La région de Shebah/Tall Rifaat a été attaquée par l’ANS qui s’est emparée des campagnes et des villages environnants la ville de Tall Rifat et les grands camps de réfugiés (des dizaines de milliers de Kurdes ayant fuit l’invasion turque du canton voisin d’Afrin en 2018). La carte ci-dessous ne l’indique pas, mais il reste des unités kurdes dans cette zone. Les islamistes ont aussi réussi à couper les corridors que les Kurdes avait pu établir hier entre leurs différentes zones à l’ouest de l’Euphrate. Des négociations sont en cours pour l’évacuation des civils des camps de réfugiés et de Tall Rifaat.

Ayant perdu du terrain à Sheba/Tall Rifaat, les Forces Démocratiques Syriennes en ont gagné sur la rive ouest de l’Euphrate, par une attaque venant de Tabka. La partie de la banlieue Nord-Est d’Alep qui a été occupée hier, par une progression à partir des quartiers kurdes de la ville dans la tentative d’établir un corridor vers l’Est, a également été conservée. Toute cette zone kurde d’Alep est néanmoins totalement isolée du reste du Rojava.

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Après la victoire écrasante du parti DEM aux élections locales du 31 mars au Kurdistan turc, l’État cherche des raisons pour destituer les maires élus et les remplacer par des administrateurs désignés. Pour ce faire, des dossiers longtemps en souffrance sont ressortis des sous-sols du système judiciaire. Un nouveau cas de ce type semble se produire à Bahçesaray (Miks), dans la province de Van. Après neuf ans de procédures interminables, le co-maire de la ville, Ayvaz Hazır (parti DEM), a été condamné à trois ans et onze mois de prison pour « appartenance à une organisation terroriste » et « commission de crimes au nom d’une organisation terroriste » pour avoir participé à une manifestation en 2015.

La nomination d’un administrateur désigné par le pouvoir s’annonce donc à Bahçesaray, comme cela a déjà été le cas à Colemêrg, Êlih, Mêrdin/Mardin, Xelfetî/Halfeti, Dersim/Tunceli, Pulur/Ovacık et Esenyurt.

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Les forces islamistes en Syrie se divisent en trois forces : primo le Daech (État islamique) qui n’a plus de territoire mais une solide organisation clandestine, secundo les supplétifs de l’armée turque baptisés Armée nationale syrienne (ANS) qui occupent depuis 2018-19 deux territoires conquis aux kurdes (Afrin et Serekanie), et un territoire conquis au Daech (al-Bab); tertio les forces rassemblées par Hayat Tahrir al-Sham (anciennement al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda) et qui tiennent la région d’Idlib, adossée à la Turquie, dans le nord ouest syrien. Ce sont ces forces qui viennent de passer à l’offensive.

L’offensive n’est sans doute pas commanditée par la Turquie, mais elle ne pourrait se faire sans qu’elle la tolère : la région d’Idlib est entièrement dépendante des approvisionnements venant de Turquie. L’offensive est un succès : ont été pris une grande partie de la ville d’Alep, la seconde ville du pays, qui avait été reprise en 2016 par le régime après des années de combats acharnés, 50 villages et plusieurs bases militaires. L’offensive se prolonge vers le sud, vers la ville d’Hama. Les combats sont limités : les troupes du régime se débandent.

Les forces du Rojava démocratique, à l’ouest de l’Euphrate, sont divisées en trois territoires : primo la région de Manbij, à l’est d’Alep, qui est adossée au reste du Rojava, secundo les quartiers kurdes d’Alep (qui jusqu’à présent ne sont pas touchés par les combats) et tertio le territoire de Sheba/Tell Rifaat, au nord d’Alep, – ces deux territoires n’étaient reliés à Manbij, et donc au reste du Rojava, que par des routes contrôlées (et parfois fermées) par le régime.

La volatilisation des forces du régime ont permis aux YPG et YPJ d’Alep et de Sheba/Tall Rifaat d’occuper plusieurs positions pour établir des corridors unissant toutes les zones kurdes non-occupées. Les YPG-YPJ ont reçu pour cela d’importants renforts des Forces Démocratiques Syriennes. Ces forces n’ont pas eu à livrer combat jusqu’à présent, mais les Turcs effectuent des bombardements et l’ANS a effectué une progression à partir d’al-Bab qui pourrait menacer le corridor. Les questions qui se posent sont : jusqu’à quel point le régime est en crise? Et quelle sera l’attitude de la Turquie ? (une offensive contre les territoires kurdes non-occupés à l’ouest de l’Euphrate est-elle envisagée?).

Edit 16H30: Les combats entre les SDF et les islamistes ont commencé. Le corridor entre les quartiers kurdes d’Alep et Sheba/Tall Rifaat est établi, le corridor en direction de Manbij est coupé par l’offensive de l’ANS qui a progressé vers le sud. L’ANS a lancée une attaque en direction de la ville de Tall Rifaat avec des blindés fournis par la Turquie.
Edit 21H30: La situation se dégrade, le deuxième corridor est à son tour coupé: les quartiers kurdes d’Alep sont à nouveau isolés.

Ce 25 novembre, la place Taksim d’Istanbul a été placée sous un important dispositif policier suite à l’interdiction de manifester et de scander le slogan « Jin, jiyan, azadî » (Femmes, vie, liberté) à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Malgré l’interdiction, les organisations féministes se sont rassemblées à 19 heures. Les forces de l’ordre avaient bloqué toutes les rues adjacentes, plusieurs femmes ont tenté de marcher vers la place Tünel, elles ont été dispersées et repoussées, plusieurs d’entre elles ont été appréhendées. Des groupes de manifestantes se sont alors dirigés vers le littoral pour se rassembler sur les quais en scandant des slogans en kurde, environ 200 femmes ont été arrêtées par les forces de sécurité.

Mercredi, dans la ville de Dersi, un tribunal a condamné deux maires pro-kurdes à 6 ans et 3 mois de prison pour « appartenance à une organisation terroriste ». Suite à cette condamnation, les maires peuvent être suspendus de leurs fonctions et remplacés par des administrateurs désignés par le gouvernement turc. Le ministère de l’Intérieur a le pouvoir de suspendre Cevdet Konak, co-maire de Dersim et membre du Parti de l’égalité des peuples et de la démocratie ( parti DEM ) et Mustafa Sarıgül, membre du Parti républicain du peuple (CHP). Il est nouveau que des maires du CHP soient démis de leurs fonctions pour des accusations de « terrorisme ». Récemment, quatre maires du CHP et du DEM ont été démis de leurs fonctions entrainant plusieurs manifestations de protestation sérieusement réprimées par la police turque ( voir article ici ).

Istamboul, ce lundi matin, le bureau du Parti de l’égalité des peuples et de la démocratie (Parti DEM) a été perquisitionné par la police. Les forces de l’ordre sont entrées dans le bâtiment, ils ont fait sauter la serrure de la porte, au préalable, sans en informer les membres du parti. Les policiers ont jeté au sol des photos, des drapeaux du parti et des livres, ils ont aussi  emmené certains livres et quelques photographies. Rojda Yılmaz et Abdullah Arınan, les coprésidents du parti DEM du district d’Esenyurt ont été convoqués au département de la police d’Istanbul.