Le prisonnier politique kurde Abdülmelik Okyay, qui était détenu à la prison de type H d’Erzurum, a soudainement eu une crise cardiaque en prison quelques heures avant sa libération. Transporté à l’hôpital d’Erzurum, il y est décédé peu après. Abdulmelik Okyay s’est familiarisé avec les mouvements politiques kurdes au cours de sa vie étudiante dans les années 1980 et a consacré sa vie à la lutte du peuple kurde pour ses droits. Il a poursuivi sa lutte politique, commencée avec le Parti du travail (HEP), l’un des partis politiques du Mouvement pour la liberté du peuple kurde qui s’est développé dans les années 1990, à différents niveaux de la politique kurde. Okyay qui était membre de l’assemblée du Parti démocratique des peuples (HDP),  a dû faire face à de nombreuses arrestations et détentions en raison de son engagement pour la cause kurde.

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Ce 6 septembre, à la demande du parquet général, le tribunal pénal d’Izmir a décidé d’interdire et de confisquer tous les livres «Les filles de Kobani: L’histoire de la rébellion – Courage et justice» écrit par la journaliste-auteure américaine Gayle Tzemach Lemmon en 2016. Le livre contient des souvenirs, des récits des femmes qui luttent contre l’Etat islamique (DAECH / ISIS) à Kobané et «La couleur pourpre de la politique kurde» compilé par Gültan Kisanak (voir article ici) en 2018, recueil d’écrits de vingt-deux femmes politiques kurdes emprisonnées en Turquie. Il explore les défis personnels et collectifs auxquels sont confrontées les femmes kurdes dans un système patriarcal et anti-kurde ainsi que leurs convictions politiques inspirées des mouvements anticapitalistes et socialistes en Turquie. Les 2 livres ont été saisis le 6 octobre 2023 lors de l’arrestation et de la perquisition au domicile Berna Çelik ancienne coprésidente provinciale d’Izmir du Parti démocratique des peuples (HDP). Selon le bureau du procureur «Il est entendu que les livres contiennent de la propagande terroriste de l’organisation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK)».

Le tribunal a ordonné le rappel de tous les livres vendus jusqu’à présent. La culture Kurde est plus que jamais dans le collimateur du gouvernement turc.

La dernière audience de l’activiste kurde Kenan Ayaz a eu lieu le 2 septembre au tribunal d’État de Hambourg. Ayaz a été condamné à 4 ans et 3 mois de prison. Ayaz a été arrêté à l’aéroport de Larnaca à Chypre en mars 2023 sur la base d’un mandat d’arrêt européen demandé par la Cour fédérale de justice et extradé vers l’Allemagne au début du mois de juin. Depuis lors, il est détenu à la maison d’arrêt de Holstenglacis à Hambourg dans des conditions de détention plus strictes. Avant l’audience, un rassemblement de solidarité a été organisé devant le bâtiment du tribunal. Lors de l’audience finale, le tribunal a déclaré que Kenan Ayaz était condamné à 4 ans et 3 mois de prison pour avoir prétendument assumé des responsabilités de haut niveau au sein du PKK entre 2018-2019. L’avocat de Kenan Ayaz a déclaré qu’il ferait appel dans la semaine.

Vendredi 23 aout au matin, un véhicule de presse a été pris pour cible par un drone turc dans la province kurde de Sulaymaniyah (Irak). L’attaque a tué deux journalistes, Hêro Bahadîn et Gulistan Tara, elle a aussi blessé six autres travailleurs des médias. Le véhicule appartenait à Chatr Production, une société de médias opérant dans le sud du Kurdistan. Les journalistes travaillaient pour une émission de télévision.

La Turquie utilise des drones pour tuer des « ennemis » dans le sud du Kurdistan et dans la région du Kurdistan irakien (KRI). Les cibles des attaques sont des personnes que l’État turc associe au PKK. Plus de 110 attaques de drones ont déjà été enregistrées cette année, beaucoup ont eu des conséquences mortelles. Ces dernières semaines, il ne s’est pas passé un jour dans la région du KRI sans qu’une attaque ou un survol de drones turcs ne se produise.

Ces dernières semaines, la police turque a arrêté des dizaines de Kurdes accusés d’avoir scandé des slogans ou chanté des chansons favorables au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Après avoir partagé sur les réseaux sociaux une chanson favorable au parti kurde, dix-huit personnes ont été arrêtées lors d’opérations de police menées samedi 27 juillet dans plusieurs quartiers d’Istanbul. Onze d’entre elles ont été placées en détention et sept ont été relâchées sous contrôle judiciaire.

La semaine dernière, des descentes de police ont eu lieu en marge de mariages traditionnels kurdes. Douze personnes ont été interpellées pour avoir entonné des chants pro PKK, ce qui équivaut en droit turc à « soutenir une organisation terroriste ». Neuf autres  jeunes Kurdes qui dansaient le halay (danse en groupe) en chantant « Longue vie au chef Apo ! » sur une plage de Mersin, au sud du pays, ont été arrêtés. Dans le minibus qui les emmenait au commissariat, ils ont été contraints par les policiers  d’écouter très fort une chanson nationaliste « Je mourrai pour toi ma Turquie ».

Depuis le 15 juin, l’armée turque a étendu ses opérations d’occupation dans les régions de guérilla du nord de l’Irak dans la province de Duhok. Depuis, des centaines de véhicules militaires, troupes et autres équipements lourds ont franchi la frontière avec le nord de l’Irak et ont été stationnés dans les zones de guérilla. Plus récemment, l’armée turque a aussi mis en place des points de contrôle et a procédé à des vérifications de passeports illégalement dans plusieurs villages de la région. En plus de cela le 25 juillet, “Parastin”, l’agence de renseignement du PDK et le service national de renseignement turc (MIT) ont établi un nouveau point de contrôle entre le centre de Duhok et la vallée de Qentara.

Face à cette intensification de l’offensive, le YJA Star (unités de femmes dans la guérilla) et le HPG (la guérilla du PKK) ont mené plusieurs attaques contre des soldats de l’armée turque au Kurdistan du Sud et bloqué l’avancée des forces d’occupation dans les zones stratégiques de la guérilla. L’installation d’un système de surveillance par caméra dans la zone de résistance de Girê Cûdî a été empêchée et le HPG a également rapporté deux actions de guérilla dans la région de Metîna. En parallèle de la résistance continue de la guerilla, les protestations de la population locale contre l’occupation par les forces turques se sont multipliées. À Behdinan, par exemple, les habitants ont bloqué une route pour protester contre l’offensive turque en cours et la collaboration du PDK. Certaines de ces manifestations ont été violemment dispersées par les forces peshmerga du PDK.

Depuis le 15 juin, l'armée turque a étendu ses opérations d’occupation dans les régions de guérilla du nord de l'Irak

Pakhshan Azizi, une militante kurde connue pour son travail pour les droits des femmes avait été arrêtée le 6 juillet 2023 avec des membres de sa famille. Emprisonnée depuis, elle a été condamnée à mort ce mardi 23 juillet par le tribunal révolutionnaire islamique de Téhéran pour appartenance au Parti de la vie libre du Kurdistan (PJAK). Pendant son année d’emprisonnement à la prison d’Evin, Pakhshan Azizi a subi de la torture physique et psychologique dont 5 mois d’isolement.

Le 14 juillet, Sharifeh Mohammadi, une militante syndicaliste avait été, elle aussi, condamnée à mort par le tribunal révolutionnaire islamique de Rasht (voir notre article ici).

Actuellement, une autre militante kurde, Warisheh Moradi attend sa condamnation. Arrêtée à Sine (Sananda) il y a près d’un an, elle est poursuivi pour appartenance à la Société des femmes libres du Kurdistan oriental (KJAR).

Libéré de la prison de type L de Patnos, le militant kurde Nurettin Çelik a été accueilli en héros à Hakkari (Colemêrg) par les membres de sa famille et des représentants de divers partis politiques, notamment le Parti de l’Égalité et de la Démocratie du Peuple (DEM Parti), le Parti des Régions Démocratiques (DBP) et des sympathisants. La cérémonie de bienvenue, qui s’est tenue sur la place de la Liberté, le long de l’autoroute Hakkari-Van. Les participants ont accueilli Çelik avec enthousiasme, en lui offrant des fleurs et en allumant des feux d’artifice et des torches. Les applaudissements et les chants ont résonné en signe de soutien et de célébration.

La vie publique dans la province de Van est paralysée par d’importantes forces de police depuis les élections locales du 31 mars. Le parti DEM a remporté les 14 circonscriptions de la province et le parti au pouvoir, l’AKP, a été battu. Immédiatement après les élections, la victoire du co-maire nouvellement élu, Abdullah Zeydan du parti DEM, a été annulée (voir notre article). Le comité électoral a déclaré que le candidat de l’AKP arrivé en deuxième position, Abdulahat Arvas, devait prendre ses fonctions après qu’un tribunal eut déclaré la candidature de Zeydan invalide. La population s’est opposée à cette décision et est descendue dans la rue. Après plusieurs jours de manifestations, la décision a été annulée et Abdullah Zeydan a pu s’installer à la mairie en tant que co-maire avec Neslihan Şedal.

Un mois et demi s’est écoulé depuis le soulèvement populaire, mais la police et l’armée sont toujours présentes en grand nombre. Les « forces de sécurité » bloquent la circulation, entravent le commerce et paralysent la vie publique. Des forces d’urgence équipées de canons à eau sont positionnées sur tous les axes routiers. Des hélicoptères de la police tournent au-dessus de la ville jour et nuit. Le gouverneur a annoncé la poursuite des contrôles d’identité sur les voies d’accès et la prolongation de l’interdiction générale des rassemblements.

De plus, toujours dans la province de Van, l’armée turque a lancé une opération anti-guérilla à grande échelle dans la région de Hamoiler, dans le district d’Erciş (photo). Cette opération intervient après que l’armée turque a lancé une opération militaire dans la région de Şehîd Remzî dans le district de Lice, dans la province d’Amed (Diyarbakır). En cette période, l’armée turque mène ses traditionnelles « opérations de printemps », le passage de l’hiver au printemps était plutôt désavantageux pour la guérilla du PKK.

La guérilla kurde des HPG (Forces de défense du peuple) affirme avoir infligé à l’armée turque les pertes suivantes : 861 militaires tués et 128 blessés en 2021; 2 942 militaires tués (dont 26 officiers supérieur) et 408 blessés en 2022 ; 919 militaires tués (dont sept hauts gradés) et 128 blessés en 2023, et plus d’une centaine de militaire tués  au cours du premier trimestre 2024. La dissimulation de ses propres pertes est devenue une méthode de guerre pour l’État turc qui publie des rapports révélant un nombre élevé de soldats « tués pendant l’entraînement », « frappés par la foudre », « perdus sur le chemin de la mosquée », « tombés dans un abîme » et, surtout, « suicidés ». Ces déclarations sont démenties par la guérilla qui rend public les documents d’identité des militaires turcs tués au combat.

Le nombre des suicides avoués reflète cependant, en partie, une réalité. Les militaires turcs sont brimés, mal nourris, méprisés, contraint à des travaux extrêmes ou à servir de domestique pour leurs commandants. En opération, ils sont poussés à se lancer à l’assaut des zones de guérilla où ils peuvent être à chaque instant la victime d’une embuscade. Cela brise non seulement la volonté des soldats de se battre sur le terrain, mais les survivants qui reviennent du front communiquent à l’arrière leur démoralisation.