À l’issue d’un procès fleuve de neuf mois, la chambre criminelle de la cour d’appel de Casablanca a condamné mardi soir la figure de proue du mouvement de protestation qui a agité le Maroc en 2016-2017, Nasser Zefzafi et trois de ses compagnons à 20 ans de prison pour « complot visant à porter atteinte à la sécurité de l’Etat ». Les 49 autres militants qui comparaissaient ont écopé de peines comprises entre un an et 15 ans de prison.

Les avocats de la défense ont refusé de plaider par solidarité avec les prévenus, qui ont boycotté les dernières audiences pour dénoncer la partialité de la justice. Après le verdict, les proches des accusés ont quitté le tribunal en criant leur colère contre « l’Etat défaillant » et en scandant « vive le Rif ». Dans la nuit de mardi à mercredi, des rassemblements ont eu lieu à Al-Hoceïma (nord), épicentre du « Hirak » (« la mouvance »), et dans la ville voisine d’Imzouren. Des appels à la grève générale circulent sur les réseaux sociaux. Le hashtag #hirak arrive en tête des tweets au Maroc sur le réseau social twitter. Sur Facebook, des milliers de personnes ont remplacé leur photo de profil par un fond noir en signe de protestation. Des appels à manifester ont été lancés sur les réseaux sociaux, à Casablanca, Rabat, mais aussi à Bruxelles, Paris et Madrid, qui accueillent une importante diaspora marocaine.

Manifestant du Rif

Abderrahim Badri, 24 ans, étudiant en droit, militant actif à l’Université d’Agadir dans la défense de la cause et des étudiants sahraouis, a été assassiné samedi à l’université d’Agadir par un groupe d’étudiants cagoulés. L’assassinat, soigneusement organisé, a eu lieu samedi dans le site de l’université ‘Ibn Zahr’ dans la ville marocaine d’Agadir. L’Union générale des étudiants sahraouis dénonce la main des forces de sécurité marocaines derrière ce meurtre, ces services instrumentalisant régulièrement colons et étudiants marocains pour agresser les défenseurs de la cause sahraouie.

Abderrahim Badri

Claude Mangin-Asfari entame sa quatrième semaine de grève de la faim. Interdite d’entrée sur le territoire marocain depuis 2016, elle réclame le droit de visiter son conjoint emprisonné à Kenitra. Claude Mangin et Naâma Asfari se sont rencontrés au début des années 2000 en France alors que Naâma Asfari, militant pour l’autodétermination du Sahara occidental, préparait un DEA de droit international. Claude Mangin-Asfari a entamé depuis le 18 avril dernier une grève de la faim pour protester contre son empêchement de rendre visite à son mari. Le cas de Claude Mangin n’est pas exceptionnel, en fait, les représentants des organisations humanitaires et les avocats sont aussi interdits de visite aux détenus politiques sahraouis.

Claude Mangin-Asfari

Cinq prisonniers sahraouis entament aujourd’hui leur 27e jour de leur grève de la faim illimitée dans les prisons marocaines (voir notre article). Ils revendiquent leur transfert à proximité de leur famille, résidant dans le territoire occupé du Sahara occidental, la fin du régime d’isolement, des privations, des mauvais traitements et de l’absence de suivi médical. Quatre autres prisonniers, épuisés par les conditions de détentions et la grève, ont dû abandonner le mouvement à la prison d’Aït Melloul. Tous demandent le respect des règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus, ces règles dites Nelson Mandela, adoptées en 2015, affirment la dignité des détenus en tant qu’être humains.

Les prisonniers politiques sahraouis au tribunal

Plusieurs prisonniers politiques sahraouis mènent une grève de la faim dans les prisons marocaines pour dénoncer leurs conditions d’incarcération et revendiquer le droit à l’autodétermination. Naâma Asfari a entamé une grève de la faim illimitée le 27 février dernier. Il a été rejoint, le 9 mars, par huit autres prisonniers du groupe de Gdeim Izik, malgré leur dispersion par les autorités marocaines dans plusieurs prisons et leur mise à l’isolement. Les proches des grévistes ont déclaré ce jeudi que les grévistes sont tous à l’isolement, sont l’objet de menaces, sont privés des visites de leurs proches. Leurs deux avocates françaises viennent d’être elles aussi interdites d’entrée au Maroc pour les rencontrer et les assister.

Les prisonniers politiques sahraouis

La ville de Jerada est agitée par une contestation populaire depuis la mort accidentelle de deux frères dans une mine clandestine de charbon, fin décembre 2017. Le ville, située aux confins du Maroc et de l’Algérie, sinistrée depuis la fermeture de ses mines à la fin des années 1990. De grandes manifestations pacifiques s’y sont succédé pour demander des alternatives économiques à la seule activité de cette localité : l’extraction clandestine de charbon dans les « mines de la mort », où depuis 1998, 44 personnes sont décédées.

Jerada a vu la tension remonter ces derniers jours après l’arrestation de quatre jeunes militants, samedi 10 et dimanche 11 février. Ils auraient été arrêtés alors qu’ils participaient à un débat sur l’avenir du Hirak (mouvement de protestation) et les propositions faites par le chef du gouvernement. Ils ont été auditionnés discrètement au tribunal de première instance d’Oujda et seront jugés le 19 mars. Depuis samedi, les meneurs du mouvement de contestation ont lancé une grève générale, une marche et de grands rassemblements pour la libération des militants emprisonnés. Mercredi, les forces anti-émeutes sont intervenues contre un de ces rassemblements et de violents affrontements s’en sont suivis. Il y a eu plusieurs blessés, dont quelques policiers, neuf manifestants arrêtés et cinq voitures de police incendiées.

Manifestation à Jerada (archive)

Le prisonnier politique sahraoui du groupe Gdeim Izik, Mohamed El Ayoubi, est décédé mercredi soir à El Aaiun en raison des dures conditions et des mauvais traitements dans les prisons marocaines. El Ayoubi qui purgeait une peine de 20 ans de prison, avait été arrêté par les autorités d’occupation marocaines lors du démantèlement du campement de Gdeim Izik, le 8 novembre 2010 (voir notre article). Les populations sahraouies étaient sorties des villes occupées en « exode massif » pour protester contre la répression et la marginalisation exercée par le Maroc à leur encontre,et s’étaient installées à Gdeim Izik, près de la ville d`El Ayoun.

Mohamed El Ayoubi a subi toutes les formes de torture physique et morale durant son arrestation au siège de la gendarmerie et au poste de police d’El Aayoune, avant d’être transféré avec ses collègues le 11 novembre à Salé Rabat. En raison de la torture, il a été contraint à rester sur un fauteuil roulant pendant sa détention à Salé 2 jusqu’au 12 janvier 2011, date à laquelle il a été transféré à l’hôpital de « Souissi » Rabat où il a été admis jusqu’au 28 février 2011. Depuis son retour en prison, son état de santé s’est détérioré en l’absence d’une assistance médicale nécessaire. En janvier 2018, Mohamed Alayoubi a été amputé de deux doigts, en raison du diabète dont il souffre en plus d’autres maladies, en raison des séquelles de la torture et des mauvais traitements. Il a été libéré in extremis pour éviter l’annonce d’un mort en prison.

Mohamed El Ayoubi

Il y a un an débutait à Al-Hoceima, ville côtière du nord du Maroc, une vague de répression contre un mouvement de contestation sociale surnommé le Hirak (« la mouvance »), déclenchés en octobre 2016 par le décès d’un jeune vendeur de poissons d’Al-Hoceima. Mouhcine Fikri, 31 ans, broyé dans une benne à ordures alors qu’il tentait d’empêcher la destruction de sa cargaison saisie par la police. Des centaines de personnes, principalement des jeunes, ont été arrêtées. Plusieurs ont été condamnés par les tribunaux d’Al-Hoceima. 54 ont été emmenés à Casablanca, à 550 km de distance, où ils sont détenus dans la prison d’Oukacha.

Leur procès, amorcé en octobre, vient seulement de réellement commencer. Dans le box des accusés figure Nasser Zefzafi, 39 ans, devenu au fil des mois le visage du Hirak. Les mis en cause sont poursuivis notamment pour, « atteinte à la sécurité intérieure de l’État », « tentatives de sabotage, de meurtre et de pillage », « réception de fonds, de donations et d’autres moyens matériels destinés à mener et à financer une activité de propagande à même d’attenter à l’unité et la souveraineté du Royaume », « ébranler la loyauté des citoyens envers l’État marocain et les institutions nationales », « participation à l’organisation d’une manifestation non autorisée » et « tenue de rassemblements publics sans autorisation ».

Manifestation de soutien à Nasser Zafzafi lors de l'ouverture du procès

Le tribunal de Marrakech a décidé, mardi, de reporter au 13 février prochain le procès des étudiants sahraouis détenus, justifiant sa décision par l’absence de 4 détenus. Par ailleurs, les forces d’occupation marocaine sont intervenue brutalement le 12 janvier contre un groupe de personnes qui s’étaient rassemblées pour accueillir le prisonnier politique sahraoui libéré, Belaid Babeit, dans la ville occupée de Boujdour.

Les étudiants sahraouis emprisonnés

Située aux portes du désert, Zagora, localité de plus de 30.000 habitants, se trouve à près de 700 km de Rabat, par-delà les massifs de l’Atlas. Dès le début de l’été, des familles restent plusieurs jours sans eau du robinet, d’autres n’y ont droit que quelques heures par jour. Cette eau est en plus imbuvable, alors les gens achètent de l’eau potable vendue dans des bidons. Les habitants de Zagora ont organisé ces derniers mois plusieurs manifestations pacifiques, d’abord tolérées par les autorités. Mais, le 24 septembre, les forces de l’ordre sont intervenues pour disperser une marche et ont interpellé sept personnes, poursuivies pour « participation à une manifestation non autorisée ». Le 8 octobre, lors d’une nouvelle marche, la police a quadrillé la ville et utilisé la force, interpellant 21 personnes, poursuivies pour les mêmes chefs d’accusation, alors que des heurts ont opposé des jeunes manifestants aux policiers.

Le verdict est tombé cette semaine à propos des poursuites lancées à l’encontre de 7 manifestants du ‘Hirak de la soif’ à Zagora. La Chambre criminelle de la Cour d’appel de Ouarzazate a condamné à un an de prison, dont 3 mois sans sursis, un manifestant pour participation à une manifestation non autorisée et jets de pierre sur les forces de l’ordre. Le juge de la Cour d’appel a également condamné quatre autres manifestants à deux mois de prison fermes chacun, et une amende de 500 dirhams. Le tribunal a par ailleurs innocenté deux mineurs des accusations formulées auparavant par le parquet général.

Manifestation pour l'eau à Zagora