Les combats entre les forces de l’Armée de libération populaire sahraouie (ALPS) et les forces d’occupation marocaines au Sahara occidental se sont intensifiés ces derniers jours. Les attaques des combattants sahraouis contre les forces d’occupation marocaines se sont succédées le long du mur de sable, depuis la reprise de la guerre pour la libération du Sahara occidental, le 13 novembre 2020. Le mur de sable érigé par l’armée marocaine s’étend sur 2700 kilomètres. Il sépare les territoires occupés par le Maroc des territoires libérés par le Front Polisario. Sept millions de mines sont enfouies le long de ce mur de sable. Le 8 janvier, les forces de l’ALPS ont mené des attaques contre des positions de l’armée marocaine dans les régions de El Aaria, à Laâgued, dans les régions de Aagued Argane et Sebkhat Tnouched (Mahbès), mais aussi dans le secteur de Haouza, notamment dans les régions de Akajkal et le nord de Glib Diret.

Combattants saharaouis

Les manifestations contre les arrestations politiques, la violation des droits de l’Homme, la corruption et la normalisation avec Israël se poursuivent au Maroc. Dimanche soir à Meknès, des manifestants ont tenu un sit-in dénonçant les arrestations politiques dans le royaume et le maintien en détention de blogueurs, journalistes et prisonniers d’opinion, sur la base d »accusations sans fondement. Ils ont, en outre, appelé à « la libération de tous les prisonniers politiques, en particulier les prisonniers d’opinion, les détenus du Rif et les journalistes ». Par ailleurs, dimanche toujours, un membre de l’Association marocaine des droits de l’Homme – section d’Imintanoute dans la province de Chichaoua -, Abdelbasset Sbaa, a été arrêté.

Policiers marocains avec les nouveaux TAVOR israéliens

 

Dess milliers de Marocains ont manifesté dimanche à Rabat contre la vie chère et la répression politique,  sur fond d’accélération de l’inflation et de montée de la grogne sociale. Cette marche nationale, l’une des plus importantes des derniers mois, était organisée par le Front social marocain (FSM), qui fédère des partis politiques et des organisations syndicales de gauche. “Le peuple veut la baisse des prix… Le peuple veut faire tomber le despotisme et la corruption”, scandaient les manifestants. La flambée des prix (+7,1% en octobre sur un an), les hausses du coût des carburants, des denrées alimentaires et des services, se combinent au Maroc à une sécheresse exceptionnelle.

Venus de tout le royaume, les manifestants ont également dénoncé “toutes les formes de répression” politique, anti-syndicale et contre la liberté d’expression tandis que plusieurs blogueurs et journalistes, critiques du pouvoir, sont emprisonnés. Pour leur part, des militants pro-palestiniens ont fustigé la normalisation avec Israël depuis décembre 2020. De nombreux drapeaux palestiniens étaient visibles dans le défilé.

Les appels se multiplient pour la libération des dix-neuf prisonniers politiques sahraouis du groupe dit « de Gdeim Izik », emprisonnés depuis maintenant 12 ans. Ils ont condamnés pour leur participation présumée aux violences meurtrières qui ont éclaté le 8 novembre 2010, quand la police marocaine a démantelé un campement de manifestants au Sahara occidental. Les procès ont été entachés par le fait qu’ils se sont appuyés sur des « aveux »  extorqués sous la torture et que les accusés avaient réfutés. Le Comité contre la torture des Nations Unies a d’ailleur condamné, l’an passé, des violations de la Convention contre la torture dans trois affaires concernant des accusés de Gdeim Izik.

En 2013 un tribunal militaire a condamnés 23 accusés à des peines d’au moins 20 ans d’emprisonnement, et deux à des peines déjà purgées. En 2016, la Cour de cassation a annulé cette décision au motif qu’elle était fondée sur des preuves peu concluantes. En 2017, la Cour d’appel de Rabat a confirmé toutes les déclarations de culpabilité, mais elle a allégé les peines prononcées contre deux accusés qui ont été remis en liberté. Un des 25 accusés qui était en liberté conditionnelle depuis 2011 pour raisons de santé est décédé en 2018. À la suite du procès de 2017, les autorités ont dispersé les 19 prisonniers de Gdeim Izik dans six prisons situées à un millier de kilomètres au moins d’El Ayoun, où vivaient la majeure partie d’entre eux. Ils ont mené plusieurs grèves de la faim contre la privation de soins et de visites.

 

Avec 120 000 emplois, le secteur des centres d’appel est un employeur important dans le pays, surtout pour les jeunes diplômés. De nombreuses entreprises francophones choisissent le Maroc comme destination « offshore »: elles y trouvent des avantages fiscaux, une main-d’œuvre bon marché et des syndicats faibles. Le travail dans ces centres est épuisant. Semaine de 44 heures, pas de salaire en cas de maladie. La pression pour atteindre certains objectifs, comme passer un certain nombre d’appels en un temps donné, est élevée : les salaires sont constitués jusqu’à 40 % de primes. Si celles-ci disparaissent, les fins de mois sont difficiles.

Ayoub Saoud, secrétaire général de la Fédération nationale des centres d’appels et des métiers de l’offshoring (FNCAMO), membre de l’Union marocaine du travail (UMT) avait présenté en décembre 2021 un cahier de revendications à son employeur, Comdata, pour entamer des négociations collectives. Le point principal était l’alignement des salaires sur l’inflation galopante. La direction française de l’entreprise a refusé de négocier et a proposé de l’argent aux syndicalistes s’ils présentaient leur démission. Ces derniers ont refusé et ont fait appel à l’Inspection du travail. Même après trois convocations des autorités, la société n’a pas réagi. Finalement 400 des 1 400 employés ont entamé une grève d’une demi-journée le 21 avril. Saoud et six autres syndicalistes ont été licenciés et sont poursuivis en fonction de l’article 288 du Code pénal marocain, un article anti-grève introduit à l’époque de la colonisation française. Si la syndicalisation dans les centres d’appels marocains avance, cela ne se fait qu’au prix de plusieurs générations d’employés licenciés. Ainsi, l’année dernière, Sitel et Webhelp à Rabat ont licencié plusieurs employés qui voulaient s’affilier au syndicat. Lorsque la FNCAMO a protesté contre le licenciement devant le site de Webhelp, la police est arrivée avec casques et boucliers et a dispersé le rassemblement.

Abdellatif Hamamouchi, 28 ans, journaliste et militant de l’Association marocaine des droits humains aurait été victime d’une violente agression par des hommes qui appartenaient, selon lui, aux services secrets marocain en juillet 2018. Ils l’auraient battu et jeté par terre avant de lui prendre son téléphone portable. Ils seraient environ une dizaine de journalistes militants, comme Abdellatif Hamamouchi, à avoir témoigné sur la confiscation de leurs téléphones portables suite à leur arrestation arbitraire. Cette pratique est liée au fait que l’UE a livré au Maroc, de la cadre de la coopération relative a la politique migratoire, des logiciels espions conçus par MSAB et Oxygen forensics, deux sociétés spécialisées dans le piratage des téléphones et l’aspiration de données. Des logiciels auraient aussi été livrés aux autorités marocaines par la société franco-libanaise Intertech Lebanon, sous la supervision du Centre international pour le développement des politiques migratoires (ICMPD).

La société suédoise MSAB aurait fourni à la police marocaine un logiciel espion nommé XRY apte à déverrouiller tous types de smartphones pour en extraire les données d’appels, de contacts, de localisation, mais aussi les messages envoyés et reçus par SMS, WhatsApp et Signal. Le logiciel américain Oxygen forensics, quant à lui, a livré un système d’extraction et d’analyse de données baptisé «Detective» conçu pour contourner les verrouillages d’écran des appareils mobiles afin d’aspirer les informations stockées dans le cloud (Google, Microsoft ou Apple) ou les applications sécurisées de n’importe quel téléphone ou ordinateur. Ils différent du logiciel israélien Pegasus parce qu’ils nécessitent un accès physique au mobile à pirater, et ne permet pas de surveillance à distance. Aucun contrôle n’aurait été effectué sur ces logiciels, ni de la part des fabricants, ni des fonctionnaires européens. Le Maroc peut utiliser ses nouvelles acquisitions à des fins de répression interne sans que l’Union européenne n’en sache rien.

 

Le Comité contre la torture de l’ONU (CAT) a condamné le Maroc pour des faits de torture et de mauvais traitements sur Mohamed Bourial, un prisonnier politique sahraoui du groupe de Gdeim Izik. Mohamed Bourial avait été arrêté le 8 novembre 2010, le jour du démantèlement du campement pacifique de protestation de Gdeim Izik dans la banlieue de Laâyoune au Sahara occidental (voir notre article). Il a été condamné par une Cour militaire en 2013 et confirmé en appel en 2017, à 30 ans de prison. C’est la troisième fois que cette instance de l’ONU condamne le Maroc, la première décision concernait Naâma Asfari, lui aussi prisonnier du groupe de Gdeim Izik, (décision prise le 16 novembre 2016) et la deuxième Omar N’dour (décision prise le 19 novembre 2021).

Détenus depuis 12 ans sur base de procès fondés sur la torture, la situation des prisonniers politiques sahraouis du groupe de Gdeim Izik est encore plus difficile depuis le dernier procès en appel de juillet 2017. Au nombre de 19, ils sont dispersés dans 6 prisons, loin de leurs familles. Ils ont été privés de toute visite familiale pendant les deux ans du Covid, mesure toujours en vigueur à ce jour. Deux prisonniers, Hassan Dah et Zaoui Elhoussine, ont entamé une nouvelle grève le 1er avril pour réclamer leur droit au transfert auprès de leurs familles, ce que les prisonniers demandent depuis 2017, date de la fin du procès en appel.

La Cour d’appel de Casablanca a confirmé le 3 mars la peine retenue en première instance contre les journalistes Omar Radi et Imad Stitou. Les poursuites à l’égard d’Omar Radi ont débuté assez vite après les révélations indiquant que le journaliste avait fait l’objet d’espionnage par les autorités marocaines à I’aide du logiciel Pegasus (voir notre article). Ces journalistes, font les frais de la nouvelle technique de répression des autorités marocaines qui, plutôt que de leur reprocher leurs écrits ou leurs déclarations, montent de toute pièce de fausses accusations infâmantes (vols, viols, etc.). Ce procédé, qui aivait déjà permis l’emprisonnement d’un autre journaliste, Soulaimane Raissouni,  permet d’étouffer les mouvements de solidarité. Omar Radi, journaliste et militant des droits de l’homme, en détention préventive depuis 19 mois, a été condamné à six ans de prison dans un procès entaché de nombreuses irrégularités (le tribunal a rejeté les demandes de la défense d’entendre les témoins à décharge, aucune preuve tangible n’a été avérée), consacrant l’arbitraire des autorités marocaines.

Omar Radi

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Les forces marocaines ont réprimé lundi soir dans la ville de Dakhla, dans les sahraouis occupés occupée, des manifestants qui réclamaient que justice soit rendue dans l’affaire de l’assassinat de Lahbib Aghrichi. Les Sahraouis manifestaient dans le cadre d’un mouvement lancé depuis quelques jours pour exiger des autorités de l’occupation de dévoiler les circonstances de ce crime et punir ses auteurs. Les forces marocaines, appuyées par des policiers en civil ou portant des uniformes officiels et des forces auxiliaires, ont réprimé la manifestation, procédé à de nombreuses arrestations, et vandalisé des maisons et des voitures des habitants. Parmi les Sahraouis enlevés par les forces marocaines, l’ancien prisonnier politique Rachid Asseghir.

Ces manifestations ont été déclenchées après la disparition depuis quelques semaines, de Lahbib Aghrichi. Après avoir refusé d’ouvrir une enquête sérieuse sur cette disparition, les autorités marocaine ont annoncé, il y a deux jours, dans un communiqué, l’assassinat de ce citoyen sahraoui sans en clarifier les circonstances. La famille de la victime dénonce le fait que les autorités marocaines rechignent à élucider cette affaire, notamment après que des détails ont émergé sur l’implication de parties influentes proches des autorités marocaines. Cette implication se confirme par l’assassinat du seul témoin qui a été vu en compagnie de Lahbib Aghrichi avant sa disparition.

Les forces de sécurité se sont massivement déployées mercredi aux abords du Parlement marocain, suite à l’appel du « Front marocain de soutien à la Palestine et contre la normalisation » à un rassemblement contre la normalisation des relations avec Israël], coïncidant avec l’arrivée du ministre israélien Benny Gantz. Le régime et Israël ont conclu, lors de cette visite, un accord-cadre visant à « renforcer la coopération sécuritaire entre les services de renseignement marocains et israéliens ». Ce document fait du Maroc le premier pays arabe à signer des accords militaires avec Israël. Les manifestants, qui ont été brutalement dégagés par les forces de sécurité, dénoncent la normalisation comme une honte pour le Maroc et une trahison de la cause palestinienne. Des manifestations dans d’autres villes du Royaume contre la normalisation ont également été interdites et empêchées..