La région d’Al Hoceima est de nouveau entrée en ébullition dans le sillage des manifestations répétitives qu’ont connues plusieurs localités du Rif depuis le déclenchement d’un mouvement de protestation après la mort de Mohcine Fikri en octobre dernier. Dans la journée d’hier lundi, un grand rassemblement devait avoir lieu sur la place principale d’Al Hoceima, mais comme le 4 janvier (voir notre article), les autorités locales l’ont empêché, déclenchant les affrontements. Ceux-ci ont duré près de 7 heures d’affilée. Des jeunes ont afflué de localités et villages avoisinants, notamment d’Imzouren, pour prêter main forte aux manifestants. Des coupures d’électricité ont été constatées et plusieurs routes de la région ont été bloquées.

Les affrontements de Boukidan

Les affrontements de Boukidan

Le procès en appel des 25 prisonniers politiques sahraouis condamnés à de lourdes peines par une juridiction militaire marocaine et détenus depuis 6 ans (voir notre article), a été reporté au 13 mars prochain. Ces prisonniers sont accusés pour les manifestations qui ont suivi la répression sanglante, par les forces de sécurité marocaines, d’un grand campement de protestation à Gdim Izik, au Sahara occidental occupé.

Le palais de justice de Salé, où doit se dérouler le procès

Le palais de justice de Salé, où doit se dérouler le procès

L’affaire remonte au mois de mars 2015 lorsque l’entreprise avait licencié la totalité de la section syndicale, affiliée à la Confédération démocratique du travail, suite aux débrayages des 540 salariés, en majorité des femmes, revendiquant la régularisation de leur situation sociale. L’entreprise avait saisi la justice, accusant Abdellah Rahmoune, membre du Bureau exécutif de la Confédération démocratique du travail (CDT) et son secrétaire régional au niveau de la région d’Agadir d’avoir incité les salariés à paralyser les activités de la société.

En première instance, le syndicaliste mis en cause avait été condamné à verser pas moins de trois millions de dirhams à l’entreprise en guise de dommages. Cette lourde sentence a été confirmée, plus tard, en appel. L’entreprise a fait une saisie conservatoire sur le loyer du syndicaliste.

Abdellah Rahmoune

Abdellah Rahmoune

Les forces de répression marocaines sont violemment intervenues samedi pour disperser une manifestation pacifique organisée à El Aaiun, la capitale du Sahara occidental occupé, par la coordination des diplômes chômeurs sahraouis pour dénoncer le pillage illégal du Sahara occidental. Les manifestants ont scandé des slogans et levé de banderoles contre les politiques de paupérisation et de marginalisation menée par l’occupant marocain contre les Sahraouis et son pillages des richesses de leur pays. Les forces militaires marocaines a assiégé le lieu de la manifestation avant d’intervenir contre les manifestants, faisant plusieurs blessés parmi eux.

La répression de la manifestation d’El Aaiun

La répression de la manifestation d'El Aaiun

Les forces de l’ordre marocaines sont intervenues dans la nuit de mercredi à jeudi pour disperser un sit-in d’activistes à al-Hoceima trois mois après l’émotion provoquée par la mort le 28 octobre d’un vendeur de poisson, Mouhcine Fikri, happé par une benne à ordures alors qu’il tentait apparemment de s’opposer à la destruction de sa marchandise par des agents de la ville. Cette mort avaient suscité une vague de colère et de manifestations populaires à al-Hoceima. Ces manifestations ont cessé depuis lors mais des activistes locaux poursuivent leur mobilisation. Ils réclament de faire toute la lumière sur les circonstances du décès et les éventuels responsables, posant également des revendications comme la lutte contre le chômage ou la corruption, la défense de l’identité berbère et de la région du Rif.

Après avoir demandé par mégaphone l’évacuation de la place centrale de la ville, où les autorités préparaient un salon commercial, des policiers ont chassé des dizaines de personnes réunies sur les lieux. Des images diffusées sur les réseaux sociaux montrent des manifestants à terre, apparemment contusionnés, et d’autres arrêtés par les forces de l’ordre, qui ont été relâchés peu après. C’est la première fois que la police utilise la force dans cette ville pour disperser un rassemblement en mémoire à Mouhcine Fikri

Manifestation d’hommage à Mouhcine Fikri (archive)

Manifestation d'hommage à Mouhcine Fikri (archive)

Le 8 novembre 2010, à une douzaine kilomètres de Laâyoune, la plus grande ville du Sahara occidental, dans une localité nommée Gdim Izik, les Sahraouis ont installé un camp de plusieurs dizaines de milliers de personnes pour protester contre leurs conditions de vie déplorables sous l’occupation marocaine. Le camp est démantelé par la force, ce qui provoque des émeutes à Laâyoune, où de nombreux commerces et bâtiments administratifs sont alors incendiés. Onze membres des forces de l’ordre et deux civils sont tués, selon les autorités marocaines. De son côté le Front Polisario parle de dix civils tués et 169 disparus.

Une vingtaine d’accusés sahraouis dans les événements de 2010 à Laâyoune seront présentés ce dimanche au tribunal de Salé. Ils avaient été condamnés à des peines allant de deux ans à la perpétuité en 2013 par un tribunal militaire. Mais l’été dernier la Cour de cassation a annulé ce jugement. Ils comparaissent aujourd’hui devant un tribunal civil car entretemps, la loi marocaine a évolué et leur cas ne relève plus de la justice militaire.

Le démantèlement du camp de Gdeim Izik

Le démantèlement du camp de Gdeim Izik

Les prisonniers politiques sahraouis du groupe de Gdeim Izik ont été attaqué par les agents de l’administration pénitentiaires de la prison marocaine d’El Aarjat pour avoir protesté contre les dures conditions dans cette prison et la confiscation de tous leurs biens. Plusieurs prisonniers ont été blessés à cette occasion. Les autorités marocaines avaient procédé en août dernier au transfert de 21 prisonniers politiques sahraouis de groupe de Gdeim Izik depuis la prison de Salé vers celle d’El Aarjat, après l’annonce de la Cour de Cassation marocaine le 27 juillet 2016 du renvoi de l’affaire des 23 prisonniers politiques sahraouis condamnés par une cour martiale marocaine à de lourdes peines allant de 20 ans à la perpétuité, devant une juridiction pénale de droit commun.

En novembre 2010, des affrontements ont éclaté au Sahara occidental, lorsque les forces de sécurité marocaines ont démantelé un camp sahraoui à Gdeim Izik où des milliers de Sahraouis manifestaient pour des revendications sociales et économiques. Des centaines de sahraouis ont été arrêtés et 25 d’entre eux ont été condamnés par un tribunal militaire à des lourdes peines d’emprisonnement allant de 20 ans à la perpétuité.

Les prisonniers du groupe de Gdeim Izik

Les prisonniers du groupe de Gdeim Izik

Le 2 octobre, à Rabat, au moins 40 personnes ont été blessées lors d’affrontements avec les forces de l’ordre, alors que celles-ci tentaient de disperser plusieurs centaines de fonctionnaires et de syndicalistes manifestant contre la réforme du régime civil des retraites votée par le Parlement il y a quelque semaines. A peine commencée, la marche a dû s’arrêter car la police bloquait la route aux manifestants sous prétexte qu’ils n’avaient pas reçu d’autorisation. La manifestation a été dispersée par la police à coups de matraque. Le réforme du système de retraite, adoptée récemment par la Chambre des représentants et contre laquelle les Marocains manifestent, prévoit l’augmentation du départ de l’âge à la retraite à 63 ans.

Arrestation de manifestant à Rabat

Arrestation de manifestant à Rabat

La lutte des prisonniers politiques marocains pour des droits aussi élémentaires que le droit aux soins, aux visites, à une nourriture de base saine, à l’hygiène, à la poursuite des études se poursuit malgré le black out médiatique. Ces prisonniers subissent quotidiennement des humiliations et des mauvais traitements, plusieurs d’entre eux sont détenus sans procès, d’autres ont été condamnés dans des caricatures de procès à des peines extrêmement lourdes (jusqu’à 40 ans de prison!).
Le nombre de ces prisonniers ne cesse de grandir puisque les arrestations dans les milieux militants se poursuivent et que se multiplient aussi les situations d’enlèvement (comme cela a été le cas par exemple pour Zouhir Alaichi, enlevé le 20 août 2016, en plein jour, dans une rue de la ville de Larache).

A la mi-août 2016, parmi les initiatives de luttes des prisonniers, ont été recensés les mouvements de grève de la faim suivants, dans l’ensemble du pays :
A la prison de Toulal 2 de Meknès, Rédouan Almali, Hamza Al Hamadi, Yassin Rahal, Ibrahim Kassimi, Ibrahim Attahiri en étaient à leur 80e jours de grève de la faim ; leur état de santé a été reconnu critique, particulièrement celui d’Ibrahim Attahiri.
A la prison de Toulal 3 de Meknès, Ikram Bourhim, Zakia Biya, Fatima Ezzahra Sahik étaient en grève de la faim depuis plus de 24 jours (voir notre article).
A la prison de Marrakech, les manifestants estudiantins arrêtés le 19 mai (voir notre article) ont mené à leur tour une grève de la faim de 48 heures comme premier avertissement avant d’aller plus loin si leurs revendications n’étaient pas prises en compte. Ce sont Myriam Aamani, Lahcen Elamrani, Nabil Elkafifi, M’Barek Talibi, Mounaatif Chadi, Mohamed Boukhliki, Mohamed Elharaoui, Fouad Atouni, Badr Azahraoui, Abdelmounin Elismaili, Abdelmounin Maji, Hassan Raji et Hamid Hamza.
A la prison Aïn Kadouss, de Fès, Mounir Al Ghazoui, Zakaria Al Azouzi, Zouhair Saber, Jaber Rouijel, Ahmed Fahmi sont en grève de la faim ouverte depuis le 18 août.
A la prison de Touchka et d’Errachidia, Hassan Koukou, Mounir Aitkhafou, Soufian Esserhir, Hassan Onmouch – tous condamnés à 5 ans de prison – ont mené une grève de la faim de 48 heures.
A la prison Raas Almaa, de Fès, Bouchta Aljanati, Noaman Munbaddine étaient en grève de la faim depuis le 18 juillet.

Prisonniers politiques détenus à Meknès

EDIT: Maryam Ammani, détenue à Marrakech, est en grève de la faim ouverte depuis 10 jours.

Prisonniers politiques détenus à Meknès

Présenté et défendu par le ministre de l’emploi et des affaires sociales, le projet de loi organique relatif au droit de grève est en examen depuis le 28 juillet au Conseil de gouvernement. En cas très probable d’approbation, ce texte sera ensuite soumis aux parlementaires. Le projet de loi énumère les parties autorisées à appeler à la grève. Il s’agit d’abord du syndicat le plus représentatif au niveau de l’entreprise ou l’institution. Si cette condition n’est pas satisfaite, c’est le syndicat qui a le plus grand nombre de délégués. En dernier recours, en cas d’absence de toute représentation syndicale au sein de l’établissement en question, ce serait à la simple majorité des salariés d’appeler à cette grève.

Le texte interdit en principe aux employeurs de recourir à la sous-traitance pour pallier le manque d’effectif durant cette grève, mais si les salariés refusent d’assurer un « service minimum », les employeurs peuvent, sur ordre de justice, de recourir à d’autres salariés pour garantir la continuité des activités. Par ailleurs, en cas d’arrêt de cette grève d’un commun accord, la loi 23 interdit aux employés de mener une grève pour les mêmes motifs et ce, dans un délai d’une année suivant l’arrêt ou l’annulation de la grève. La loi interdit de grève: les magistrats, les militaires, les fonctionnaires (douaniers, policiers etc.) porteurs d’armes.

Manifestation gréviste au Maroc (archive)

Manifestation gréviste au Maroc (archive)