Depuis mardi, des milliers de soldats et de policiers participent à une vaste opération contre les guérilleros du PKK aux abords du Mont Cudi, dans la province de Sirnak, dans le sud-est du pays. Nous vous annoncions hier la mort de quatre d’entre eux, mais les autorités ont communiqué ce jeudi le décès de six membres des forces de sécurité, ainsi qu’une dizaine de blessés. Elles ont également annoncé la mort d’au moins six guérilleros. Plusieurs hauts responsables militaires se sont rendus dans la région ce jeudi, alors que l’opération devrait se poursuivre au moins jusque ce soir. Celle-ci fait suite à un regain d’activité des guérilleros suite à l’arrivée d’un climat plus clément dans la région montagneuse proche de la frontière avec la Syrie.

Véhicules des forces de sécurité turques

Véhicules des forces de sécurité turques

Le peuple kurde continuer depuis dimanche à célébrer la fête du Newroz, jour de la renaissance et de la résistance, à travers le pays en dépit de l’interdiction des autorités de tout rassemblement kurde pour le célébrer en dehors du 21 mars. Dimanche, de violentes affrontements ont opposé les manifestants et les forces de sécurité à Istanbul et à Diyarbakir lorsque celles-ci ont tenté d’interdire aux centaines de milliers de personnes de se rassembler. Hier, de nouveaux heurts ont éclaté dans les provinces de Mersin, de Batman, de Sirnak, de Van et de Hakkari. A Batman, un député indépendant a été hospitalisé après que le bus dans lequel il se trouvait ait été touché par une grenade lacrymogène lancée par un policier. Dans la province de Mersin, les manifestants ont fait face, avec des grenades artisanales, aux forces de l’ordre qui voulaient les empêcher de se réunir. Les autorités y ont envoyé des renforts ainsi qu’un hélicoptère pour soutenir les forces de sécurité. Dans le district de Yüksekova (Hakkari), les autorités ont accusé les manifestants d’utiliser des armes à longue portée et d’avoir blessé deux policiers au cours des affrontements qui les opposaient. Elles ont d’ailleurs déclenché une vaste opération pour retrouver les manifestants.

Affrontements pour le Newroz

Par ailleurs, quatre membres des forces spéciales de la police turque ont été tués au cours d’un affrontement avec les guérilleros du PKK dans une zone montagneuse du sud-est du pays. Des hélicoptères ont largué des soldats après avoir repéré un groupe de militants, et ces derniers ont lancé l’assaut. Les guérilleros ont immédiatement répliqué, tuant quatre soldats. D’après certaines sources, trois autres soldats auraient également été blessés. Des renforts militaires ont été envoyés dans la région.

Affrontements pour le Newroz

Depuis avril 2009 et le début des opérations gouvernementales dans l’affaire KCK (Kurdistan Communities Union), accusée d’être une branche du PKK, plus de 10.000 personnes ont été arrêtées. Dans quinze jours, le procès de 193 d’entre elles, parmi lesquelles 147 sont actuellement toujours incarcérées, doit commencer. Le procureur d’Istanbul aux pouvoirs spéciaux Adnan Cimen a déposé son acte d’accusation. Celui-ci, épais de 2500 pages, doit être validé d’ici quinze jours par la cour d’assise avant le début du procès. Cimen a notamment requis 7,5 à 15 ans de prison à l’encontre d’un éditeur défenseur des droits de l’homme et d’origine arménienne pour ‘soutien à une organisation terroriste’. La constitutionnaliste Büsra Ersanli, accusée d’être ‘la responsable d’une organisation terroriste’ encourt de 15 à 22,5 ans de prison. En moyenne, chaque accusé dans ce procès risque 22 ans et cinq mois de prison.

Les forces de sécurité turques ont capturé, le 11 mars dernier, cinq spécialistes en cryptage informatique du PKK au cours d’une opération à une dizaine de kilomètre de la frontière turco-irakienne. C’est la première fois que des unités spéciales de la police traversent la frontière pour y procéder à des actions dans le nord de l’Irak. Celles-ci ont pisté les cinq hommes durant plus de six mois avant de les arrêter dans une cave dimanche dernier, au cours d’une opération où elles étaient assistées par des UAV (Unmanned Aerial Vehicule). D’après leurs premiers rapports, les hommes ont riposté à l’attaque avant de se rendre. Ils sont accusés par les autorités d’avoir, en tant qu’experts en cryptage informatique, relayé des messages codés du PKK entre les monts Kandil dans le nord de l’Irak et les militants des cellules urbaines de l’organisation en Turquie. Les autorités les accusent également d’être impliqués dans deux incidents distincts dans lesquels ils auraient transmis des ordres cryptés depuis les monts Kandil pour organiser des raids de guérilleros dans le sud-est de la Turquie.

Cinq des sept personnes arrêtées dans la région de Reims, dans le cadre d’une enquête pour « association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste, financement du terrorisme et tentative d’extorsion » au bénéfice du PKK ont été mises en examen. Un mandat de dépôt a été décidé pour l’une d’elles, tandis que les quatre autres ont été placées sous contrôle judiciaire. Deux ont été libérées à la fin de leur garde à vue. Dans un dossier similaire de financement du PKK, quatre personnes avaient été mises en examen et trois d’entre elles placées en détention provisoire en février.

Le régime turc a arrêté 963 personnes au cours du mois de février, a déclaré la Fondation des Droits de l’Homme en Turquie (TIHV). 168 d’entre elles ont été écrouées. La plupart de ces arrestations ont été effectuées dans le cadre de l’affaire KCK et la totalité est liée à la cause kurde. Plus de 6.500 membres actifs du parti kurde BDP dont 31 maires sur 98 et six députés sur 36 sont actuellement en prison dans le cadre de l’affaire KCK, une campagne de répression sans précédente lancée en avril 2009, quelques semaines après le succès historique du parti kurde aux élections municipales.

La Fondation a notamment attiré l’attention sur l’isolement du chef du PKK, Abdullah Öcalan, qui n’est pas autorisé à rencontrer ses avocats depuis 27 juillet 2011 et les abus sexuels sur les enfants kurdes dans la prison de Pozanti à Adana. Il s’agit des enfants arrêtés pour avoir jeté des pierres sur les policiers ou avoir crié des slogans « illégaux ». Ozlem Agus, la journaliste de l’agence de presse kurde DIHA qui a révélé le scandale d’abus sexuels et de la torture dont les enfants ont été victimes, a été emprisonnée le 9 mars par un tribunal d’Adana avec 20 responsables du parti kurde.

Au moins 887 personnes ont été placées en garde à vue en janvier, soit 1.850 arrestations au cours des deux premiers mois de l’année 2012. Plus de 29.360 cas de violation des droits de l’homme ont été recensés en 2011 dans la seule région kurde, contre 23.573 en 2010 et 20.720 en 2009. 6.306 personnes ont été arrêtées et 1.917 d’entre elles ont été emprisonnées pour des raisons politiques au cours de l’année 2011, constate le rapport qui parle de 1.555 cas de torture et de mauvais traitement, contre 2 788 arrestations, 747 emprisonnements et 747 cas de torture et de mauvais traitement en 2010.

Vendredi 9 mars 20 autres responsables du principal parti kurde BDP et une journaliste ont été emprisonnés sous l’accusation d’être membres d’une organisation «terroriste», à savoir le PKK. Le nombre de journalistes emprisonnés monte à 106, ce qui fait la Turquie la plus grande prison du monde pour journalistes. 19 responsables locaux, un membre du conseil exécutif du BDP et un correspondant de l’agence kurde DIHA ont été placés en détention après avoir comparu devant un tribunal d’Adana.

La police avait déjà interpellé le 6 mars 61 personnes dont trois journalistes de l’agence DIHA, au cours des opérations simultanées visant le BDP dans quatre villes, notamment à Adana. Déjà plus de 6 500 membres actifs de ce parti dont 31 maires sur 98 et six députés sur 36 sont actuellement en prison dans le cadre d’une campagne de répression sans précédente lancée en avril 2009, quelques semaines après le succès historique du parti kurde aux élections municipales.

Le Ministère de l’Intérieur turc est en train de mettre en place les dispositions légales qui instaureront un système de récompenses pécuniaires pour toute aide fournie aux ‘efforts anti-terroristes’ du pays. L’état turc offrira 4 millions de nouvelles livres turques (1,7 million d’euros) à toute personne fournissant des renseignements conduisant à la capture de Murat Karayilan, ou d’une des 49 personnes désignées par les autorités comme étant les ‘têtes pensantes’ du PKK. Par ailleurs, une récompense de 2 millions de nouvelles livres turques (850.000 euros) sera offerte pour la capture de n’importe quel dirigeant inférieur de l’organisation. Ceux qui aideront à la capture ‘de l’auteur ou du conspirateur d’une attaque terroriste’ recevront 100.000 nouvelles livres turques (40.000 euros) tandis que la récompense pour la capture d’un ‘membre ordinaire’ du PKK sera moindre. La Ministère de l’Intérieur a transmis ces dispositions au cabinet du Premier Ministre, qui doit encore les approuver.

Sept Kurdes ont été interpellées par la sous-direction antiterroriste (SDAT) et la PJ de Reims dans le cadre d’une information judiciaire conduite par le juge Thierry Fragnoli portant en particulier sur une tentative d’extorsion de fonds pour le financement du PKK. L’ouverture de cette enquête remonte à septembre 2011. Dans un dossier similaire de financement du PKK, quatre personnes avaient été mises en examen et trois d’entre elles placées en détention provisoire en début février.

Depuis le 15 février, plus de 400 prisonniers politiques kurdes mènent une grève de la faim illimitée. Celle-ci fait suite à celle suivie entre le 1er décembre et le 15 février, qui elle avait été limitée dans le temps. Mais la mobilisation prenant de plus en plus d’ampleur, notamment en raison de la politique de répression menée par le gouvernement turc dans le cadre de l’affaire KCK, celle-ci a été prolongée en une grève illimitée. Depuis quelques mois, les autorités procèdent à des dizaines d’arrestations toutes les semaines, portant à plus de 130.000 le nombre de détenus actuels contre 60.000 en 2002. Outre l’arrêt des arrestations massives, les prisonniers demandent la libération d’Ocalan (leader du PKK emprisonné sur l’île d’Imrali depuis 1999 en isolement total), la reconnaissance officiel des droits collectifs du peuple kurde dans la constitution, notamment la reconnaissance de l’identité kurde et le droit à l’enseignement kurde.