Suivant un récent changement de la constitution pour lever l’immunité parlementaire par l’AKP (le parti Islamiste d’Erdogan) et par le CHP (le parti kémaliste social-démocrate) de nombreuses arrestations ont eu lieu cette nuit contre les élus du HDP, le grand parti d’union de la gauche turque et kurde. Au moins 14 députés nationaux ont été arrêtés, dont les deux co-présidents Demirtas et Yüksekdag, le parti compte 59 députés (représentant 6 millions d’électeurs). D’autres arrestations ont eu lieu récemment, parmi les nombreux maires HDP élus au Bakuré. La quasi-totalité des réseaux sociaux ont été fermés pour l’occasion. Notamment Facebook, Twitter, WhatsApp, YouTube,… Pour se connecter, les internautes peuvent utiliser TOR et Tails en les téléchargeant depuis un miroir (ici).

À Amed/Diyarbakir (plus grande ville kurde au Kurdistan turc), les maires ont été arrêtés il y a quelques jours. Un attentat a visé la police hier soir, tuant 8 personnes (edit: l’attentat à en fait été revendiqué par Daesh), des manifestations ont immédiatement suivies, aussitôt attaquées par la police. Dans le même temps, l’armée turque intensifie ses frappes contre le canton d’Afrin au Rojava.

De nombreux rassemblements ont lieu aujourd’hui: à Bruxelles il a lieu depuis 11h, Place du Luxembourg.

Les 11 premiers députés HDP arrêtés

Les 11 premiers députés HDP arrêtés

Depuis plusieurs semaines, la guerre s’est cristallisée dans le nord de la province d’Alep. Trois belligérants s’y opposent: les Forces Démocratiques Syriennes (QSD), Fateh Halab (Conquête d’Alep, des groupes islamistes de l’Armée Syrienne Libre soutenus par la Turquie sous l’appellation « Bouclier de l’Euphrate ») et Daesh. L’armée du régime n’est pour l’instant pas impliquée là puisqu’elle est déjà empêtrée dans la ville même d’Alep. L’enjeu de la bataille est très fort: pour les QSD il s’agit d’unifier le Rojava (le petit canton d’Afrin à l’ouest est séparé du reste du Rojava (les cantons de Kobané et de Ciziré), et de fermer la route du djihad que la Turquie maintient à cet endroit de la frontière. Pour Fateh Halab et son sponsor turc, l’enjeu est d’empêcher la création d’un état kurde progressiste à la frontière entre la Turquie et la Syrie et de maintenir un corridor islamiste pour servir les intérêts turcs en Syrie. La perte d’Al-Bab sera un nouveau coup dur pour Daesh qui serait ainsi pratiquement évincé de la province syrienne d’Alep et dont la prise de la capitale syrienne, Raqqah, deviendrait le premier objectif. Pour ajouter à la complexité de la situation: Al Bab est à portée des couvertures aériennes russes et américaines et l’armée du régime est située a quelques kilomètres à peine.

Fateh Halab et les QSD progressent vers Al-Bab à l’ouest, ils sont tous deux à 15km. Le front QSD situé à l’est est pour l’instant en attente. Un affrontement entre Fateh Halab (et entre les troupes turques) et les QSD semble inévitable à court terme. Hier, le Conseil Militaire d’Al-Bab (affilié aux QSD) a créé une brigade non-mixte de femmes prête à combattre.

Fateh Halab en bleu, QSD en jaune, Daesh en noir, le régime en rouge

Fateh Halab en bleu, QSD en jaune, Daesh en noir, le régime en rouge

Au moins trois soldats ont été tués et cinq autres blessés samedi dans une attaque au mortier des combattants du PKK contre une base de l’armée dans le district de Cukurca de la province de Hakkari. Un des soldats blessé est toujours dans un état critique. Dimanche soir, un commando a grenadé et mitraillé les policiers qui étaient de garde devant le siège de l’AKP de la localité de Kiziltepe (province de Mardin). Trois policiers ont été blessés.

L’attaque du siège de l’AKP à Kiziltepe

L'attaque du siège de l'AKP à Kiziltepe

Le président turc Erdogan a déclaré aujourd’hui samedi que le rétablissement de la peine de mort serait soumis au Parlement, sans toutefois donner de calendrier, ajoutant que les critiques formulées à ce sujet par l’Occident « ne comptent pas ». Lors d’un discours à Ankara, en réponse à la foule qui scandait « nous voulons la peine de mort » pour les auteurs du coup d’État manqué de juillet, Erdogan a déclaré: « Notre gouvernement soumettra cela au Parlement. Et je suis convaincu que le Parlement l’approuvera et, quand cela arrivera devant moi, je le ratifierai ».

La peine de mort en temps de paix a été abolie en 2001 (alors que la pendaison d’Abdullah Öcalan qui venait d’être ramené en Turquie, était discutée) et la peine de mort en temps de guerre a été supprimée en 2004 dans un relatif consensus. Plus de 35.000 personnes ont été arrêtées en Turquie, et un total de 82.000 ont fait l’objet d’une enquête, depuis la tentative de coup d’Etat le 15 juillet. Parmi les personnes qui ont fait l’objet d’enquête, 26.000 ont été libérées sous contrôle judiciaire.

Erdogan

De violents affrontements ont éclaté entre policiers et manifestants à Diyarbakir hier mercredi, au lendemain du placement en garde à vue des deux maires de cette grande ville du Kurdistan. Des policiers déployés autour de la mairie de la ville ont repoussé à coups de matraques, de grenades lacrymogènes et en faisant usage de canons à eau des centaines de manifestants, dont certains jetaient des pierres. La connexion Internet a été coupée mercredi matin à Diyarbakir et n’avait toujours pas été rétablie en début de soirée.

Gültan Kisanak, première femme élue à la tête de Diyarbakir, et son collègue Firat Anli ont été interpellés mardi soir dans le cadre d’une enquête sur de présumées « activités terroristes ». Ils sont accusés d’avoir permis l’utilisation de véhicules municipaux pour les funérailles de membres du PKK tués par les forces de sécurité, d’avoir « incité à la violence » ou encore d’avoir soutenu des appels en faveur d’une plus grande « autonomie ». D’autres rassemblements de protestation contre ces gardes à vue étaient prévus ailleurs en Turquie, notamment à Istanbul, mais également en Europe. Le mois dernier, 24 maires du sud-est du pays soupçonnés d’être liés au PKK ont été suspendus et remplacés par des administrateurs nommés par le gouvernement, une mesure qui a déclenché des manifestations dans plusieurs villes de la région.

Gültan Kisanak et Firat Anli (archive)

La guerre s’est cristallisée dans le nord de la province d’Alep. En cause, l’avancée d’un troisième belligérant à cet endroit (en plus des QSD et de Daesh), la « Chambre d’Opération Fateh Alep » composée de groupes islamistes soutenus par la Turquie et issus de l’Armée Syrienne Libre. L’enjeu est à présent la prise de la ville d’Al Bab, occupée actuellement par Daesh. Cette ville est essentielle à l’unification du Rojava, c’est donc à présent l’objectif principal tant des QSD que de Fateh Alep, qui relaient la crainte turque de voir émerger un état kurde en Syrie. Al Bab est également au cœur des contradictions impérialistes, située à portée de frappes aériennes tant américaine que russe (mais hors de portée des frappes aériennes turques).

Depuis quelques heures, c’est de l’ouest d’Al-Bab que les lignes de front se sont remises à bouger, les Forces Démocratiques Syriennes ont libéré plusieurs villages et ne sont plus qu’à 18km à l’ouest et à 20 à l’ouest. Les QSD ont été visés plusieurs fois par des tirs d’artillerie de la part de l’Armée Syrienne Libre tout en combattant Daesh, village après village. La perspective de véritables affrontements directs entre les QSD et les islamistes soutenus par la Turquie est de plus en plus plausible.

En noir Daesh, en rouge le régime (qui n’est pas dans la course à Al Bab), en jaune les QSD et en bleu l’Armée Syrienne Libre.

Les QSD repartent vers Al-Bab depuis le front d’Afrin

Mise à jour:
Il y a quelques heures, des blindés turcs ont fait une nouvelle incursion en Syrie, au sud d’Afrin cette fois, via la frontière entre la Turquie et l’ouest de la Syrie, pour tenter d’ouvrir un nouveau front contre les QSD.

Nouvelle incursion turque par l’ouest de la Syrie, au sud d’Afrin. Le point rouge marque l’incursion.

Les QSD repartent vers Al-Bab depuis le front d'Afrin
Nouvelle incursion turque par l'ouest de la Syrie, au sud d'Afrin. Le point rouge marque l'incursion.

Les forces armées du Gouvernement Régional du Kurdistan (les Peshmerguas irakiens donc) et celles de l’état irakien ont fraichement annoncé que les préparatifs visant à la libération de Mossoul, la place forte de Daesh en Irak, étaient terminés. Le PKK (dont la guérilla tient plusieurs endroits en Irak, notamment l’ouest du Mont Shengal, Qandil et Camp Makhmour) a plusieurs fois réitéré sa volonté de participer à la libération de cette ville, en envoyant un nombre important de combattants (par le passé, ce nombre avait tourné autour de 1,000 à 1,500 combattants). Vu l’apparente imminence de la libération de Mossoul, un journaliste a demandé à un porte-parole du pentagone qu’elle serait l’attitude américaine face à la participation du PKK: le porte-parole est resté vague en annonçant que les USA « s’opposeraient bien sûr » sans préciser le genre d’opposition qui serait manifestée, mais en précisant que les USA faisaient une distinction claire entre le PKK et son homologue syrien le PYD. Un porte-parole des HPG (guérillas du PKK) dans le district de Shengal a annoncé que le PKK participerait à la libération de Mossoul malgré l’opposition de la Turquie et du Gouvernement Régional Kurde. Mossoul est occupée depuis juin 2014 par Daesh à la suite d’une campagne éclair d’une semaine, c’était avant la guerre une ville de plus de 2 millions d’habitants.

Les YBS, milices affiliées au PKK dans le Mont Shengal

Les YBS, milices affiliées au PKK dans le Mont Shengal

Les soldats de l’armée turque ont investi les villages environnants l’avant-poste de Durak, dans le district de Şemdinli (province de Hakkari) suite à l’attaque qui, la semaine passée, a dévasté ce poste (voir notre article). Les unités des forces spéciales de la gendarmerie ont raflé 30 personnes des villages de Tise, Melaya, Helank et Deman. Les villageois ont été détenus, interrogés et torturés pendant trois ou quatre jours. A leurs libération, tous portaient des traces de coups et plusieurs avaient des os fracturés. Le siège sur les villages se poursuit, la route menant aux quatre villages ont été fermés à la circulation avec des tranchées.

Un des villageois interrogé par les gendarmes turcs

Un des villageois interrogé par les gendarmes turcs

Une vidéo réalisée par Submedia.Tv et sous-titrée par la Campagne de Soutien au Bataillon International de Libération. Plus d’info sur rojava.xyz (et sur Facebook ici)

Militariser la Solidarité, Entretien avec le Bataillon International de Libération

Militariser la Solidarité, Entretien avec le Bataillon International de Libération

Suite au piratage de 58.000 e-mails par RedHack (11Go), la Turquie a fait fermer plusieurs sites de partages de fichiers très largement utilisés. A savoir, Google Drive, Microsoft OneDrive, DropBox et GitHub. Les 58.000 e-mails datent d’une période allant d’avril 2000 jusqu’à septembre 2016. De ce qui a déjà été analysé, ils démontrent au moins les relations très amicales qu’entretient Erdogan avec les médias turcs à travers un choix très précis de l’information qui est publiée ou censurée dans la presse. D’autres e-mails dépeignent le trafic de pétrole que la Turquie entretient avec Daesh.

RedHack est un groupe de hackers communistes créé en 1997 et célèbre pour avoir été le premier groupe de pirates informatiques à avoir été considéré comme une organisation terroriste. Il s’attaque très régulièrement à l’état turc. L’authenticité de la fuite a été démontrée par l’ouverture d’une enquête contre RedHack. Ce lundi soir, l’accès aux services est rétabli ou en passe de l’être.

Le leaks est accessible sur le deep web, sur l’onion suivant: wikiturkcivwst4u.onion accessible en clair ici, via le protocole torrent via ce lien, ou sur GitHub à cette adresse..

RedHack

RedHack