En Turquie, les célébrations du 1er-Mai se tenaient cette année dans un contexte de crise politique à laquelle s’ajoute une crise économique marquée par l’inflation et la chute du pouvoir d’achat des salariés. À Istanbul, la plupart des syndicats et des partis politiques s’étaient donné rendez-vous sur la rive asiatique, mais d’autres manifestants ont tenté de marcher vers la célèbre place Taksim interdite. Près de 400 manifestants ont été arrêtés. Un total de 52.656 policiers étaient déployés et avaient paralysé une partie de la ville depuis la veille pour empêcher tout rassemblement sur l’emblématique place et les quartiers avoisinants. Les forces de l’ordre avaient procédé à une centaine d’arrestations préventives parmi les personnes ayant appelé à manifester sur la place ( notre article ici ).

Un tribunal d’Ankara a condamné, ce mercredi, Joakim Medin arrêté fin mars à l’aéroport d’Istanbul dès son arrivée en Turquie pour couvrir les manifestations antigouvernementales ( notre article ici ) , à onze mois de prison avec sursis pour «insulte au président ». Présent pour un reportage sur les lieux d’une manifestation où l’effigie d’Erdogan pendu par les pieds avait été exhibée, le journaliste a bien signé des articles sur l’événement mais, le choix des photos pour les illustrer ne lui incombe pas. Le reporter restera en détention provisoire jusqu’à son procès pour «appartenance à une organisation terroriste», dont la date n’a pas encore été fixée. La justice turque l’accuse d’avoir participé en janvier 2023 à une manifestation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) à Stockholm, ce que dément Joakim Medin, affirmant «n’avoir jamais participé à cet événement» étant en Allemagne ce jour-là. Il risque jusqu’à 9 ans de prison.

La place Taksim, dans le quartier central de Beyoğlu à Istanbul, a été bouclée par la police à l’approche de la Fête des Travailleurs, le 1er mai. Tous les accès ont été fermés par des barrières métalliques. Comme chaque année, toute manifestation est interdite sur la place où un massacre a eu lieu le 1er mai 1977. Les grandes organisations syndicales (dont la Confédération des syndicats révolutionnaires, la DISK) ont annoncé un rassemblement à Kadıköy cette année. Mais de nombreux appels ont lieu pour une marche sur Taksim. De nombreuses personnes ayant appelé à des rassemblements sur Taksim ont d’ailleurs été arrêtées. La police a commencé ce mercredi à ériger des barrières autour de la place Taksim, du parc Gezi et du Monument de la République. De plus, les routes menant à Taksim seront fermées à la circulation automobile et piétonne à partir de demain matin.

La police criminelle de l’état de Basse-Saxe a effectué samedi un raid contre le Centre Culturel Comunautaire Démocratique Kurde de Brême. Les policiers opéraient dans le cadre d’une enquête sur le financement du PKK. Un total de 6000 euros a été saisi auprès de huit personnes, une voiture a également été connfisquée. Un rassemblement spontané de près de 200 personnes eu lieu devant le centre pendant l’opération.

 

Déjà quatre fois jugée pour « terrorisme », et quatre fois acquittée, Pinar Selek a une nouvelle fois été jugée, ce vendredi 25 avril à Istanbul. Visée par un mandat d’arrêt international, la chercheuse vit en France, où elle enseigne la sociologie et les sciences politiques à l’université Côte d’Azur, à Nice. Pinar Selek et ses nombreux soutiens dénoncent un « acharnement judiciaire » qui dure depuis plus d’un quart de siècle. Il s’agit toujours de la même affaire, en juillet 1998, elle a été arrêtée par la police d’Istanbul, interrogée sur ses recherches sur la question kurde. La Turquie exige les noms des personnes qu’elle a rencontrées. Pinar Selek refuse de parler. Elle apprend qu’on l’implique dans une explosion meurtrière au marché aux épices. Entre 2006 et 2014, Pinar Selek sera acquittée faute de preuves ( nos articles ici et ici ) Le procureur avait fait appel et la Cour de cassation avait annulé l’acquittement, relançant sans cesse la machine judiciaire. Pinar Selek, qui risque la prison à vie, n’est plus allée en Turquie depuis 2009 et ne sera donc pas à l’audience.

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Après une période de plusieurs semaines sans bombardement, période concomitante avec la trève et les négociations entre le Rojava démocratique et le nouveau pouvoir islamiste de Damas, les frappes aériennes turques ont repris sur le Rojava. Le 17 avril, une frappe de drone a eu lieu près de Suluk, à quelques kilomètres de Girê Spî (Tal Abyad), une ville occupée par les Turcs et leur proxys. Il n’est pas clair si il s’agit d’une frappe des Turcs ou de leurs supplétifs de l’ANS. Il est par contre certain que la frappe qui a tué un responsable de la milice popuplaire d’autodéfense du Rojava le 19 avril, à Al-Tarwazia, dans la région de Raqqa (photo), était le fait de l’aviation turque.

Par ailleur, les forces de sécurité du Rojava ont fait l’objet le 22 avril de six attaques de harcèlement à l’arme automatique et au RPG dans la région de Deir ez-Zor faisant un total de trois blessés. Ces attaques n’ont pas été revendiquées. Le 14 avril, trois attaques dans la même région ont fait deux morts et trois blessés parmis les SDF. Ces attaques là avaient été revendiquées par le Daesh.

Esila Ayik, étudiante en photographie à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Gand (KASK), avait décidé de se rendre en Turquie pour 3 semaines afin d’y voir sa famille et participer aux manifestations contre le régime du président Recep Tayyip Erdogan. Des milliers d’étudiants et citoyens turcs sont descendus dans les rues d’Istanbul et d’autres villes, la répression ne s’est pas fait attendre et des centaines d’étudiants ont été arrêtés dans la foulée, dont Esila Ayik ( voir article ici ). Lors de la manifestation anti-gouvernementale à Istanbul, elle avait brandi une pancarte où il était mentionné « Dictateur Erdogan ». Elle est détenue sans perspectives de procès à ce stade et pour l’unique accusation « d’offense au chef de l’État ». Incarcérée dans des conditions difficiles, elle ne bénéficie d’aucun soin alors qu’elle souffre d’une affection cardiaque et de problèmes rénaux. Esila Ayik est citoyenne turque et ne possède pas la nationalité belge. Le corps professoral de la KASK appelle néanmoins l’ambassade belge au dialogue avec les autorités turques en vue d’obtenir sa libération.

 

Une décision du ministère de l’Éducation a muter de force plusieurs milliers de professeurs de certains lycées du pays. Souvent des enseignants critiques, syndiqués ou ne suivant pas la ligne du régime et ayant pris part aux manifestations antigouvernementales ( notre article ici ). Un plan aux allures de purge politique. Sit-in, grèves, boycott des cours, les lycéens sont descendus dans la rue à Istanbul, Ankara, Izmir, Antalya, mais aussi dans de plus petites villes. Les élèves se sont rassemblés pour défendre leurs enseignants. Dans certains établissements, des banderoles ont été déployées, des cortèges improvisés, et des slogans lancés contre l’AKP, le parti d’Erdogan. Cette mobilisation lycéenne vient s’ajouter aux actions de boycott toujours en cours dans le pays. La répression ne s’est pas fait attendre, des policiers en arme sont aux abords des lycées. À plusieurs reprises, ils ont fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser les lycéens.

Les premiers procès de manifestants se sont ouverts ce vendredi 18 avril. 8 journalistes sont accusés de participation à des rassemblements illégaux. 189 personnes ont comparu à Istanbul lors de deux audiences distinctes. La première a duré moins d’une heure, la salle était trop petite pour accueillir les 90 étudiants qui devaient comparaître. Le procès de 45 d’entre eux a été reporté au 4 juillet. Les autres seront jugés plus tard. Dans une autre salle, 99 personnes parmi eux, les 8 journalistes et 4 avocats. La cour a décidé de renvoyer leur procès à une date ultérieure, pas encore définie. L’audience s’est poursuivie toute la journée pour les 87 autres accusés, tous des étudiants qui ont participé aux manifestations. Ces jeunes se sont succédé à la barre pour réclamer un acquittement général immédiat et rappeler que la liberté de manifester était garantie par la Constitution turque. La date de la prochaine audience est fixée au 3 octobre.


Sit-in organisé devant le tribunal d’Istanbul à l’ouverture des premiers procès

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Les Forces Démocratiques Syriennes ont remporté sur le front de l’Euphrate une grande victoire contre les mercenaires de l’Armée « Nationale » Syrienne, – un ramassis de milices islamistes, et parfois même jihadistes, armés, payés et commandés par la Turquie. Malgré un appui aérien intensif turc, les SDF, exploitant un réseau de tunnels, a infligé de lourdes pertes à l’ANS et préservé des têtes de pont à l’ouest du fleuve (voir un article). Les pertes ont induit une démoralisation et un début de désagrégation de l’ANS.

Des négociations ont alors eu lieu avec le régime de Damas (qui a des relations étroites avec la Turquie mais qui a son propre agenda). Un cessez-le-feu a été établi (qui concerne aussi la Turquie qui a suspendu ses bombardements sur le Rojava), Le barrage de Tishreen sera démilitarisé et la ligne de fleuve devrait séparer les forces de Damas (qui prendraient la place de l’ANS devant d’évacuer la zone) des SDF (qui évacueraient la petite tête de pont à l’ouest de Tishreen). Des techniciens ont pu se mettre à l’oeuvre sur le barrage dont dépend la production d’électricité et l’alimentation de l’irrigation de la région de Deir ez-Zor. C’est le deuxième accord concret passé entre le Rojava et le nouveau pouvoir islamiste de Damas après celui concernant Alep (voir notre article).