Manal al-Gafiri, une lycéenne vivant en Arabie saoudite, a été condamnée, en août, à dix-huit ans de prison pouvoir avoir tweeté son soutien à des prisonniers politiques. Cette peine est un nouvel exemple de la sévérité de la justice saoudienne envers les critiques publiques émises contre le pouvoir en place. Elle fait écho à la peine de mort prononcée en août contre Mohammed al-Ghamdi (photo), professeur à la retraite, qui avait dénoncé la corruption et des violations de droits de l’Homme sur les réseaux sociaux. Mohammed al-Ghamdi a été jugé en juillet par la Cour pénale spécialisée, une juridiction établie en 2008 pour traiter les affaires liées au terrorisme, mais aussi largement utilisée pour juger des dissidents politiques.

Depuis un an, les autorités saoudiennes intensifient leur répression ciblant les personnes qui se servent des espaces en ligne pour critiquer le régime. 15 personnes ont été condamnées en 2022 à des peines d’emprisonnement comprises entre 10 et 45 ans, uniquement pour des activités pacifiques en ligne. L’augmentation spectaculaire de la durée des peines de prison prononcées par le Tribunal pénal spécial fait suite à la nomination d’un nouveau juge à la présidence du tribunal en juin 2022. Cet homme faisait partie de la délégation envoyée par les autorités saoudiennes à Istanbul en octobre 2018 pour « nettoyer » les preuves de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, démembré au consulat saoudien…

Ces poursuites récentes coïncident avec des révélations selon lesquelles il a infiltré Twitter afin de recueillir des informations sur les dissident·e·s. En décembre 2022, un tribunal américain a déclaré l’ancien manager de Twitter Ahmad Abouammo coupable d’espionnage au profit de l’Arabie saoudite, l’accusant d’avoir accédé à, surveillé et transmis des informations confidentielles et sensibles susceptibles de permettre d’identifier et de localiser les utilisateurs de Twitter présentant un intérêt pour la famille royale saoudienne. D’après l’acte d’inculpation, Ahmad Abouammo a fourni les noms et les informations de comptes Twitter « publiant des informations critiques ou embarrassantes pour la famille royale saoudienne et le gouvernement de l’Arabie saoudite ». En outre, cet acte indique qu’un responsable saoudien a communiqué avec Ahmad Abouammo pour lui demander de supprimer le compte Twitter d’un utilisateur qui avait « publié des informations critiques sur la famille royale saoudienne et un membre de cette famille » et de lui transmettre des informations personnelles sur ce compte.

 

 

Neom est un projet de construction démesuré en plein désert saoudien, dans le nord-ouest de l’Arabie saoudite, lancé en grande pompe en octobre 2017 par le prince héritier Mohammed ben Salmane. Le projet Neom brille par sa démesure : la ville pourrait inclure une énorme lune artificielle, des plages phosphorescentes, des taxis volants propulsés par des drones ou encore une attraction de type Jurassic Park avec des lézards animés. Cette ville, déjà choisie pour accueillir les Jeux d’hiver asiatiques 2029, est au coeur d’une gigantesque zone de développement économique, avec des investissements projetés à plus de 500 milliards de dollars, sur une surface grande comme la Belgique. Mais il ne fait pas bon de s’opposer aux projet du prince. Trois membres de la tribu Howeitat ont été condamnés à mort, début octobre, par des tribunaux d’exception saoudiens, pour avoir protesté contre l’expulsion de leur groupe de la province de Tabuk, là où doit être construite la future Neom. Les Howeitat sont présents depuis plusieurs siècles en Arabie saoudite, en Jordanie et dans la péninsule du Sinaï

Les trois condamnés à mort sont Ibrahim al-Howeiti a fait partie d’une délégation de résidents locaux qui a rencontré, en 2020, la commission officielle chargée d’obtenir du gouvernement les titres de propriété des terres nécessaires au projet Neom. Ataullah al-Howeiti avait, quant à lui, été vu dans plusieurs vidéos où il parle de la misère à laquelle sa famille et tous les autres résidents déplacés étaient confrontés après la décision des autorités de les expulser. Shadli al-Howeiti a lui aussi contesté l’expulsion de sa tribu. Il est par ailleurs le frère d’Abdou Rahim al-Howeiti, figure martyre des opposants à l’expulsion de leur territoire ancestral. Abdou Rahim al-Howeiti a été abattu par les forces de l’ordre le 13 avril 2020 pour avoir critiqué l’expulsion forcée de sa tribu et avoir refusé de quitter sa maison. Par ailleurs, deux Howeitat ont aussi été arrêtés et condamnés chacun à 50 ans de prison en août dernier pour s’être opposés, là encore, à une expulsion dans le cadre du projet Neom. Et les persécutions de la tribu semblent s’accentuer depuis des mois, : depuis décembre (2021), les membres de la tribu des Howeitat signalent l’escalade de la campagne des autorités saoudiennes pour les chasser de leurs terres. Parmi les nouvelles mesures figurent les coupures d’eau et d’électricité et le survol par des drones de surveillance.

Les autorités saoudiennes ont au cours des six derniers mois intensifié la persécution des opposants, après une accalmie observée pendant la période de présidence par l’Arabie saoudite du G20 l’an dernier. Abdulrahman al Sadhan, un travailleur humanitaire a été condamné par le Tribunal pénal spécial, la juridiction antiterroriste saoudienne, à une peine de 20 ans d’emprisonnement à cause d’un simple tweet dans lequel il avait critiqué la politique économique du pays. Dans trois cas au moins, des personnes qui avaient déjà purgé de longues peines d’emprisonnement infligées à cause d’activités militantes pacifiques ont été de nouveau arrêtées et de nouveau condamnées dans le cadre de nouvelles affaires, ou ont vu leur peine alourdie. Dans de nombreux cas, les personnes accusées sont détenues au secret et à l’isolement pendant plusieurs mois d’affilée et privées d’accès à des avocats. Le tribunal condamne régulièrement des personnes à de lourdes peines d’emprisonnement, voire à la peine de mort, à la suite de condamnations basées sur d’aveux arrachés au moyen de la torture.

Policiers en Arabie saoudite

Les forces de sécurité saoudiennes ont réprimé des manifestants qui étaient descendus dans les rues de la ville de Buraidah, dans la région de Qassim, pour dénoncer la politique économique du régime. Ces affrontements ont éclaté lundi soir alors que les troupes saoudiennes tentaient de disperser les manifestants qui dénonçaient les politiques économiques du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane qui, selon eux, ont aggravé le chômage et la pauvreté dans tout le royaume. Des images des manifestations ont circulé en ligne, montrant des centaines de jeunes en colère contre les hausses d’impôts, les quarantaines liées au coronavirus, la pauvreté croissante et le chômage. Un certain nombre de manifestants ont été arrêtés et leur dossier a été remis au procureur général de la région. La Garde nationale aurait été mise en alerte.

Loujain Al-Hathloul a été condamnée, lundi 28 décembre, à cinq ans et huit mois de prison par un tribunal antiterroriste saoudien. La militante féministe a été reconnue coupable « d’intelligence avec des parties étrangères » et de « diverses activités prohibées par la loi antiterroriste ». La peine étant assortie d’un sursis de deux ans et dix mois, la jeune femme pourrait toutefois être libérée en mars. L’activiste saoudienne, qui avait revendiqué le droit des femmes à conduire elle avait été arrêtée en mai 2018, en même temps que d’autres activistes, soit un mois avant la levée de l’interdiction faite aux Saoudiennes de conduire. Pendant sa détention, la militante féministe a été victime de torture, dont des chocs électriques, et de harcèlement sexuel. « L’un de ses tortionnaires n’était autre que Saoud Al-Qahtani, le conseil du prince héritier, qui a menacé plusieurs fois de la violer, de la découper en morceaux et de jeter son corps dans les égouts », accuse sa sœur Lina.

Privée de contacts avec sa famille et de la possibilité de consulter un avocat, Loujain Al-Hathloul a entamé deux grèves de la faim pour dénoncer ses conditions de détention. Le verdict de lundi, en apparence clément alors que le procureur avait requis la peine maximale de vingt ans de prison, est considéré comme une stratégie de sortie tout en gardant la face devant les fortes pressions internationales pour la libération de la militante. Loujain Al-Hathloul n’est toutefois pas sortie d’affaire. Elle est interdite de voyager à l’étranger pendant cinq ans, et la suspension d’une partie de sa peine d’emprisonnement est conditionnée à son silence pendant les trois années à venir.

Loujain Al-Hathloul

Le gouvernement israélien aurait approuvé l’achat par l’Arabie saoudite d’une cyber-technologie d’esionnage, laquelle aurait été utilisée lors de la planification de l’assassinat de Khashoggi. Selon le Washington Post, les représentants du groupe NSO technologies – une entreprise connue pour son logiciel espion Pegasus – avait tenu une série de réunions en 2017 à Vienne et au moins dans un pays du Golfe au cours de laquelle un contrat de 55 millions de dollars a été négocié pour fournir à l’Arabie le logiciel Pegasus 3. Un dissident saoudien proche du journaliste Jamal Khashoggi assassiné en octobre dernier a par ailleurs poursuivi en justice NSO, l’accusant d’avoir aidé Riyad à surveiller ses communications avec Khashoggi.

NSO Group avait connu une première fois la célébrité lorsqu’une tentative d’espionnage d’un dissident émirati avait permis de découvrir le logiciel espion sur iPhone le plus sophistiqué jamais détecté, et développé par NSO Group. Cette découverte avait contraint Apple à déployer un correctif en urgence (voir notre article).

Le siège de NSO Group

Le siège de NSO Group

Des affrontements ont éclaté entre forces de police et travailleurs dans une zone franche industrielle de la province orientale, lors d’émeutes liées à des salaires impayés. La confrontation avait éclaté hier mercredi en matinée après que la police eut tenté de dégager un rassemblement formé par des travailleurs de la société AZMEEL Contracting & Construction Corporation pour protester contre leurs salaires impayés. Les travailleurs de la société ont déclaré que des dizaines de travailleurs saoudiens et étrangers n’avaient pas été payés depuis six mois consécutifs et que les négociations avec la direction n’avaient abouti à rien.

Plusieurs personnes ont été blessées et tuées lorsque les forces du régime saoudien ont tiré des coups de feu pour disperser les émeutes qui ont eu lieu dans le district de Dhahran. Les travailleurs ont à leur tour bombardé la police et les responsables d’AZMEEL de pierres. Un nombre non spécifié de véhicules, y compris un véhicule utilitaire sport, ont également été endommagés.

Un travailleurs d’AZMEEL Contracting & Construction Corporation tué avant-hier suite à la répression policière

Un travailleurs d'AZMEEL Contracting & Construction Corporation tué avant-hier suite à la répression policière

La peine de mort a été requise à l’encontre de cinq militants des droits de l’homme en Arabie saoudite. Parmi ces personnes figure Israa Al-Ghomgham, qui avait rassemblé des informations sur les manifestations de masse de la province orientale de Qatif qui, à partir de 2011, dans la foulée du printemps arabe, dénonçaient la discrimination antichiite de la monarchie absolue sunnite. Elle avait été arrêtée chez elle en décembre 2015 avec son mari. Elle pourrait être la première femme à être condamnée à la peine capitale pour son activité relative aux droits de l’homme. Elle est notamment accusée d’incitation à la contestation et d’avoir apporté un soutien moral à des émeutiers.

Une exécution en Arabie saoudite (archive)

Une exécution en Arabie saoudite (archive)

Au cours d’un déplacement en Arabie Saoudite, la ministre française des armées a rencontré le prince héritier Mohammed ben Salmane, qui dirige également la politique de défense du royaume. À cette occasion, un nouvel accord bilatéral a été signé par la France et l’Arabie Saoudite, le 8 juillet. L’agence saoudienne officielle a évoqué de manière floue un texte portant sur la protection des données classées. Selon le ministère français des Armées, guère plus précis, cet accord concernerait « le statut juridique d’échanges d’informations, dans le domaine du renseignement notamment. »

La ministre française et le prince héritier

La ministre française et le prince héritier